Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 23 avril 2013 à 14h30
Lutte contre l'obsolescence programmée des produits — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne :

Le candidat Hollande précisait l’an dernier à l’association AMORCE ses préconisations en la matière : « l’instauration progressive d’une garantie longue de cinq ans, puis de dix ans pour les biens de consommation durables et la modulation de l’écotaxe selon la durée de vie garantie du produit ».

Beaucoup de biens ont été techniquement dégradés – je pense, par exemple, à la forte baisse de la durée de vie des ampoules électriques – pour permettre une rotation accélérée de leur vente. Nous qui sommes souvent, par ailleurs, des gestionnaires d’installations de traitement de déchets, nous savons que leur conception et leur construction, outre qu’elles doivent respecter des normes parfaitement justifiées, doivent faire appel aux « meilleures techniques disponibles ». Pourquoi ne pas appliquer cette exigence aux biens de consommation courante et imposer, lors de leur conception, l’utilisation des « meilleures techniques disponibles » pour garantir leur fiabilité dans le temps ?

Nous devons également assurer une concordance de garanties entre produits jumelés. Qui d’entre vous n’a pas été contraint de changer son téléphone dit « intelligent » – intelligent à court terme, peut-être ! –, parce que sa batterie n’était plus fonctionnelle et que les deux étaient indissociables ? Nous faudra-t-il, demain, changer de voiture à la première crevaison d’un pneu ?

Il convient de rendre les produits non seulement durables, mais aussi réparables par des tiers non impliqués dans la vente initiale ni intéressés par une deuxième vente du même produit. Lorsque nous construisons des usines, nous exigeons systématiquement ce que l’on appelle un « dossier d’intervention ultérieure sur l’ouvrage ». Pourquoi ne pas exiger son équivalent pour les biens de consommation courante, sous forme d’un document qui serait lisible et exploitable par tous ? L’essor des sites de vente de produits d’occasion n’est pas un hasard.

Nous devons aussi développer l’outil financier, en travaillant sur l’éco-contribution.

La responsabilité élargie du producteur est depuis peu modulée, pour les emballages, par leur caractère recyclable. Ce qui vaut pour des produits destinés par nature à un usage unique ne peut se transposer à des objets dont la vocation – en tout cas, dans l’esprit de ceux qui les achètent – est de durer. Pourquoi ne pas assurer une modularité en fonction de ce que nous attendons de ces produits ? S’ils sont singuliers et si leurs qualités, leur fonctionnalité, leur design ont justifié que nous les achetions, alors qu’ils soient « normaux » à l’intérieur, durables, réparables et, au final – parce que tout a une deuxième vie –, recyclables.

Une éco-contribution suffisamment élevée pour couvrir les coûts liés à la fin de vie du produit, avec une dégressivité reposant sur l’atteinte de performances techniques garanties, pourrait motiver les industriels à revoir leur modèle de production.

À ceux qui pensent que nous prendrions alors le risque de fragiliser encore plus la croissance, je réponds qu’à l’économie du jetable il faut substituer l’économie du durable, au sens premier du terme. À l’économie linéaire fondée sur le cycle extraction-utilisation-destruction, nous devons préférer l’économie circulaire, comme le promeut l’institut du même nom, lancé en février dernier avec la contribution de notre collègue Chantal Jouanno. Quel industriel, ingénieur ou entrepreneur préférerait être un fabricant de déchets plutôt qu’un fournisseur de nouveaux services ?

Que ceux qui nous expliquent que nous devons nous résigner à sauver nos emplois en gaspillant les ressources des autres entendent que nous souhaitons miser sur l’innovation et créer des emplois nouveaux en valorisant toutes nos ressources, y compris humaines.

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