Intervention de Jean-Jacques Filleul

Réunion du 23 avril 2013 à 14h30
Lutte contre l'obsolescence programmée des produits — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Jean-Jacques FilleulJean-Jacques Filleul :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, les systèmes de production sont amenés à évoluer en vue du développement d’un autre modèle économique. Beaucoup, comme Jeremy Rifkin, appellent de leurs vœux un tel changement, de manière à pouvoir concilier la préservation des ressources naturelles et le développement de l’activité économique.

La question orale sur la lutte contre l’obsolescence programmée déposée par notre collègue Jean-Vincent Placé s’adresse à notre société. Celle-ci doit apporter des réponses et, au-delà, prendre des mesures que l’on retrouvera, je l’espère, dans un prochain projet de loi.

Les différents aspects de ce débat soulèvent de vraies questions, « parce que l’économie circulaire répond mieux aux lois fondamentales de la productivité que les systèmes économiques actuels et qu’elle tient compte de la valeur temporaire », précise le même Jeremy Rifkin. Le fait que des produits deviennent obsolètes en raison de leur caractère non-réparable ou de leur incompatibilité avec d’autres conduit à l’augmentation de la quantité de déchets et à une surexploitation des ressources naturelles.

Chaque année, 62 milliards de tonnes de ressources – minéraux, bois, métaux, combustibles fossiles et biomasse, matériaux de construction – sont prélevées dans le monde. La hausse s’est élevée à 65 % en vingt-cinq ans, alerte l’OCDE dans son dernier rapport sur la gestion des matières premières, publié le 23 novembre dernier. Cela représente une augmentation de 2, 5 % par an en moyenne, directement liée à la hausse du produit intérieur brut mondial.

La situation décrite est forcément grave, d’autant que le recyclage ne suffira pas à résorber les tensions sur les matières premières. Un expert, cité dans l’édition du journal Le Monde du 11 décembre 2012, souligne que, « avec une croissance annuelle de la consommation mondiale de matières premières supérieure à 2 %, l’effet du recyclage est quasiment insignifiant sur le long terme ».

Au regard de la crise qui se développe, légiférer pour lutter contre la faible qualité des produits est devenu urgent. D’autres l’ont fait avant nous, comme l’Allemagne depuis 1994 et le Japon depuis 2000. Il semble qu’un nombre croissant de nos concitoyens, confrontés quotidiennement à des expériences malencontreuses, soient conscients de la nécessité de faire évoluer le modèle de production, de consommation, et donc de développement.

La surabondance des déchets est manifeste s’agissant des DEEE. Une filière de gestion des déchets d’équipements électriques et électroniques a été mise en place dans notre pays en 2006, l’objectif étant de responsabiliser les producteurs. Lors de notre séance publique du 12 février dernier, nous avons dû repousser à 2020 la fin du mécanisme d’éco-participation, en raison du stock très important de DEEE historiques.

Beaucoup d’articles de presse et de reportages dénoncent la conception actuelle des équipements électroménagers. Le modèle de production en grande quantité, souvent dans des pays émergents, a envahi le marché et impose un taux de remplacement plus élevé. Chacun comprend que ce modèle est contestable, puisqu’il pousse à une forme de surconsommation.

En effet, il est de moins en moins possible de remplacer les pièces défectueuses, qui ne sont pas accessibles en raison de la conception du produit ou sont trop coûteuses, ce qui impose un remplacement du matériel dans son ensemble. La durée de vie des équipements est aussi moins longue, ce qui amène à parler d’obsolescence programmée.

Les consommateurs sont doublement pénalisés : ils achètent des produits qui durent moins longtemps, tout en assumant financièrement une partie du coût de leur collecte et de leur recyclage, à travers le paiement d’une éco-participation.

La réparation, au-delà de la prolongation de la durée de vie des produits, permet de conserver des emplois locaux, en particulier dans le secteur de l’économie sociale et solidaire – à laquelle je vous sais très attentif, monsieur le ministre –, des savoir-faire et des compétences dans notre pays. Elle est peu délocalisable, c’est pourquoi il faut inverser le sens de l’évolution actuelle de la consommation.

Revenir à un nouveau modèle de production impose, je le crois, de penser l’éco-conception du produit, du matériel, de telle sorte qu’il puisse être réparé et réutilisé, éventuellement plusieurs fois. L’ambition est donc de passer du « tout jetable » au « tout utile » : c’est bien ce modèle industriel qui doit prévaloir.

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