Intervention de Gilbert Barbier

Réunion du 23 avril 2013 à 14h30
Débat sur la politique vaccinale de la france

Photo de Gilbert BarbierGilbert Barbier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre débat intervient en pleine semaine européenne de la vaccination à l’occasion de laquelle l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, a lancé une campagne de sensibilisation à destination des Français. Cette campagne est bienvenue au regard du bilan de la politique vaccinale récemment dressé par la Cour des comptes, qui révèle des résultats plutôt contrastés en matière de couverture vaccinale, comme cela a été évoqué par notre rapporteur.

S’ils sont satisfaisants pour les maladies traditionnelles à vaccination obligatoire, ces résultats sont en revanche alarmants pour la rougeole, comme en témoigne la résurgence de cette maladie entre 2008 et 2011, et très insuffisants en ce qui concerne l’hépatite B et le cancer du col de l’utérus, pour lesquels les objectifs fixés ne sont pas atteints. À cet égard, la comparaison avec les autres pays d’Europe reste peu flatteuse, notamment pour trois groupes dont les taux de couverture n’atteignent pas les minima requis : les catégories défavorisées, les adolescents et les jeunes adultes.

Certaines régions, Mme la ministre l’a évoqué, disposent d’une couverture vaccinale plus faible que d’autres. Cette situation doit d’autant plus nous interpeller que le regard porté par l’opinion publique sur le vaccin a évolué en Europe et en France.

Des réticences idéologiques à la vaccination se sont toujours exprimées, qu’il s’agisse de doctrines naturalistes, hygiénistes ou libertaires, mais il s’agit aujourd’hui d’un mouvement plus large. Au temps des ravages de la tuberculose, on parlait de « défense sanitaire ». Aujourd’hui, le souvenir de ces grandes épidémies s’efface et l’intérêt de la vaccination est moins perceptible. La balance bénéfice-risque est souvent remise en cause, entraînant un manque de confiance croissant.

Les atermoiements lors de la pandémie de grippe A H1NI de 2009 y ont été sans doute pour quelque chose, il faut le reconnaître. Qu’en est-il aujourd’hui de l’arrêt de la vaccination contre l’hépatite B dans les écoles, décision qui jeta la suspicion sur le vaccin ? Que dire enfin du recul insuffisant pris lors du lancement du vaccin contre les papillomavirus, qui ne couvre que quatre génotypes alors qu’il en existe plus d’une centaine ? Voilà qui est propre à nourrir tous les scepticismes, d’autant que le vaccin est recommandé aux très jeunes filles pour prévenir le cancer du col de l’utérus, lequel ne se révélera généralement que vers l’âge de quarante ans. Les niveaux de couverture vaccinale sont beaucoup plus élevés dans les pays qui vaccinent à l’école.

Internet n’est pas non plus étranger à ce phénomène de désaffection, car de nombreuses contrevérités y circulent sans contrôle. La commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé, créée sur l’initiative du groupe du RDSE, a révélé que les sites les mieux référencés en matière de vaccination sont ceux de groupes anti-vaccinaux.

Jacques Mézard, le rapporteur de cette commission, s’est étonné à juste titre de l’impunité dont bénéficient ceux qui appellent publiquement à contourner les règles et donnent des adresses de médecins délivrant des certificats de complaisance. Il a surtout regretté l’insuffisante accessibilité de l’information officielle, susceptible d’éclairer les citoyens avec des données objectives. Manifestement, les sectes et les charlatans ont compris, mieux que les pouvoirs publics, tous les enjeux d’un bon référencement sur la toile.

Il faut un discours politique de conviction, des messages d’alerte sur les dérives thérapeutiques et un meilleur contrôle des informations sur les sites certifiés HONcode. Aujourd’hui, la communication publique reste trop intermittente ; l’INPES, a très peu de moyens et laisse, du coup, le champ libre aux campagnes publicitaires privées qui jouissent d’une moindre crédibilité et ne reflètent pas toujours, loin s’en faut, les impératifs de santé publique.

La loi de 2011 encadre et limite la publicité non institutionnelle, mais le Haut Conseil de la santé publique s’y oppose fermement. Quelle est votre position sur ce point, madame la ministre ? Dans le rapport du HCSP sur les maladies émergentes, des anthropologues analysent les résistances des populations à la prévention vaccinale et le chemin qu’elles parcourent jusqu’à l’acceptabilité sociale.

On ne saurait se contenter d’asséner des affirmations sur la nécessité de se faire vacciner. Il faut comprendre les mécanismes du refus, grâce à des recherches menées notamment dans le champ de la sociologie. La France, il faut le reconnaître, est très en retard dans ce domaine.

Notre collègue Georges Labazée a fait un très bon rapport sur la politique vaccinale, dont je partage tout à fait les conclusions. Je l’en félicite !

Il propose, d’abord, de simplifier le paysage institutionnel. La dispersion des acteurs et le manque de coordination sont les principaux défauts de la politique de prévention, comme d’ailleurs, plus généralement, de la politique de santé. Je l’ai souvent dénoncé dans cet hémicycle.

Il propose, ensuite, de renforcer la recherche publique sur les vaccins. L’élu du pays de Pasteur que je suis ne peut oublier l’immense pas en avant que ce personnage à fait faire à la médecine. Aujourd’hui, rien qu’en ce qui concerne les trois principaux fléaux infectieux mondiaux – le paludisme, le sida et la tuberculose –, nous sommes toujours en situation d’échec pour les deux premiers. Pour le dernier, l’efficacité du BCG a été atténuée par la mutation du bacille.

C’est dire le défi qui nous attend, surtout à l’heure des maladies infectieuses émergentes et réémergentes, des cancers et des maladies qui ne sont ni infectieuses ni tumorales, comme la maladie d’Alzheimer.

La France a des atouts. Elle dispose de centres de recherche importants, cela a été souligné par M. le rapporteur, tels l’Institut Pasteur, le biopôle de Lyon et plusieurs universités cotées. Mais, de l’aveu même de ces acteurs, cette recherche souffre d’une trop grande fragmentation, d’un manque de visibilité, d’un financement peu satisfaisant. Il faut sans doute commencer par améliorer les vaccins existants pour les rendre plus efficaces et sûrs, et travailler, je l’ai déjà dit, sur leur acceptabilité.

S’agissant de la sécurité, une meilleure évaluation des risques sanitaires liés à l’utilisation d’adjuvants aluminiques dans les vaccins, ce sujet vient d’être évoqué, mérite d’être mise en place. Existe-t-il des preuves d’une possibilité de toxicité neurologique de l’aluminium vaccinal ? Les nouveaux adjuvants réclament aussi quelques éclaircissements.

Enfin, un programme national d’amélioration de la politique vaccinale a été défini pour la période 2012-2017. Les orientations générales retenues dans le cadre de ce programme consistent le plus souvent en la formulation de vœux, certes louables, en l’énumération de problématiques, du reste très pertinentes, plutôt qu’elles ne forment un véritable programme opérationnel.

Vous avez présenté une réforme du calendrier de vaccination ; elle est une première réponse à la nécessité de sensibiliser aux enjeux, mais elle ne saurait suffire. La Cour des comptes a fait des recommandations, notamment pour rendre plus efficace la communication sur la vaccination et en améliorer la prise en charge. Quelles suites comptez-vous y donner ?

Nous attendons une action vigoureuse témoignant de l’engagement sans faille des pouvoirs publics et des autorités scientifiques en faveur de la vaccination, qui a fait ses preuves pour certaines maladies et qui doit permettre, par l’innovation, de protéger les populations de celles à venir.

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