Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaiterais moi aussi remercier notre collègue Georges Labazée pour son intéressant rapport. Alors qu’avec Ronan Kerdraon, nous achevions celui sur la sécurité sociale et la santé des étudiants, il m’a permis de mieux faire le lien avec la problématique de la vaccination des étudiants. C’est d’ailleurs le premier point que je veux aborder.
Au cours des auditions que nous avons effectuées pour notre rapport, les services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé, les SUMPPS, ont appelé notre attention sur l’une de leurs activités essentielles, à savoir la vaccination.
Tant que le service militaire existait, la moitié de la population jeune était médicalement suivie. Ce n’est plus le cas. Selon le SUMPPS de Rouen, par exemple, 23 % des étudiants vus n’étaient pas à jour de leur vaccination ou étaient incapables de fournir leur carnet.
Si les étudiants français sont supposés avoir suivi le calendrier vaccinal, ce n’est pas le cas pour leurs camarades étrangers. En effet, il existe deux cas de figure.
Pour les Erasmus, les étudiants provenant de l’espace économique européen, qui n’ont pas besoin de visa, la vérification de leur statut vaccinal peut avoir lieu au cours de la visite médicale « classique », c’est-à-dire parfois après trois années d’études en licence ; pour ceux qui sont inscrits en master et en doctorat, aucune visite n’est obligatoire.
Cela signifie que l’état vaccinal des étudiants étrangers non soumis à une demande de visa n’est que rarement vérifié, alors que plusieurs cas de tuberculose multirésistante en provenance des pays de l’Est ont été signalés. De plus, l’obligation existe dans très peu de pays. Si l’Italie a un régime proche de celui de la France – nos trois vaccinations obligatoires, plus l’hépatite B –, au Portugal, il n’y a aucune obligation pour la poliomyélite, alors que, en Belgique, c’est la seule vaccination obligatoire.
Pour un étudiant soumis à visa, la visite médicale auprès de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, impose une vérification de son statut vaccinal afin que celui-ci soit conforme à la législation française. Cette vérification peut être faite par un SUMPPS conventionné avec l’OFII. Ces étudiants seraient donc mieux suivis, et ce dès leur arrivée, si j’ai bien compris le système qui me paraît très compliqué.
La France est désormais, avec 290 000 étudiants internationaux, le cinquième pays d’accueil dans le monde. La majorité, soit 27 %, est issue du Maghreb, 23 % viennent d’Europe, donc sans visa, 20 % d’Asie et 7 % d’Amérique. L’effectif des étudiants chinois a lui été multiplié par deux en dix ans. Il faut savoir que les ambitions récemment affichées par la ministre de l’enseignement supérieur sont d’accroître le nombre d’étudiants étrangers et de favoriser l’accueil de ceux qui viennent des pays émergents.
Vous avez annoncé, et je m’en réjouis, car cela fait partie des préconisations de notre rapport sénatorial sur la santé des étudiants, que davantage de SUMPPS deviendraient des centres de soins. Ne faut-il pas faire en sorte que le contrôle et la vaccination de tous les étudiants soient obligatoires dès la première année, et peut-être imposer des vaccinations, comme le BCG, pour les étudiants provenant de pays à risque qui peuvent contaminer leurs camarades ?
En 2009 et 2010, les SUMPPS ont vacciné 13 020 étudiants, soit 1 % seulement du nombre d’étudiants relevant des SUMPPS, qui gèrent les seules universités.
La vie étudiante constitue un moment de rupture dans le suivi médical du jeune, tant le Français, qui n’a souvent plus de médecin traitant, que l’étranger.
J’aimerais savoir, madame la ministre, si vous entendez mettre davantage l’accent sur cette population dont ce sera souvent le dernier contact pour assurer le suivi de vaccinations. Pourquoi aussi ne pas proposer, avec la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, lors de l’inscription en faculté, une vérification des vaccinations ? Même sans contrôle du carnet, cela pourrait conduire les étudiants et leurs familles à vérifier où ils en sont.
Cela me conduit à mon deuxième point, la tuberculose, que je croyais, pour ma part, quasiment éradiquée en France.
La tuberculose reste une pathologie infectieuse lourde, parfois mortelle. Sans évoquer les cas très graves d’étrangers atteints de forme de tuberculose multirésistante évoqués dans la presse, je citerai les cas diagnostiqués dans mon département : huit cas dans des lycées et un cas dans une école maternelle, à Choisy-le-Roi. En outre, des dépistages sont organisés régulièrement, comme cet hiver au lycée Maximilien-Perret d’Alfortville.
N’étant pas spécialiste de ces questions, j’aimerais, madame la ministre, vous poser une question : peut-on lier la réapparition de cette maladie au fait que, depuis 2006, le vaccin BCG n’est plus obligatoire en France ? En effet, il fait désormais partie des vaccins « recommandés » uniquement pour les enfants « à risque ».
Si l’on regarde de plus près les chiffres de l’InVS, on constate que, si le nombre de cas augmente peu, la tuberculose ne recule pas. Le taux le plus élevé du pays se situerait en Île-de-France, avec 16, 3 cas pour 100 000 habitants. Cela semble logique, compte tenu de l’importance de la population vivant dans la région et des flux migratoires. Les malades étrangers qui s’ignorent porteurs du bacille sont susceptibles de contaminer de très nombreuses personnes, en particulier dans les transports en commun.
Madame la ministre, les services de santé ont-ils pu vérifier les conséquences de la fin de l’obligation de vaccination BCG sur le nombre de cas de tuberculose, notamment dans les établissements scolaires ?
Il me semble que classer l’Île-de-France en territoire « à risque » et en faire une région de vigilance accrue pour l’évolution de la tuberculose serait pertinent. Le département du Val-de-Marne, dont nous sommes élues avec Laurence Cohen, pourrait servir de département « test » dans lequel des campagnes de vaccinations BCG gratuites seraient menées dans les établissements scolaires, y compris dans les universités. On pourrait ainsi mieux en mesurer l’impact.
Pour que les Français se vaccinent, encore faudrait-il – vous l’avez dit, madame la ministre, ainsi que plusieurs orateurs – que les professionnels de santé consultés par les Franciliens soient vaccinés régulièrement.
Près d’un quart des Français éprouvent de la défiance à l’égard des vaccins. Il faudrait certainement rappeler que la vaccination n’est pas « à la carte », que les vaccins protègent et qu’ils seront aussi prochainement curatifs. Les professionnels de santé sont les plus à même de diffuser ce message ; encore faut-il les en convaincre !
Une étude britannique, publiée bien avant le rapport de Georges Labazée, et portant sur le lien entre les patients et leurs médecins, a ainsi démontré que la moitié des patients d’un médecin vacciné contre la grippe l’étaient eux-mêmes. Si, en France, 90 % des médecins sont bien à jour de leurs vaccins obligatoires, les taux sont nettement plus faibles pour les vaccins recommandés. Il conviendrait donc de rechercher les moyens d’inciter les médecins à montrer l’exemple.
La santé des médecins, notamment libéraux, est rarement ciblée dans les programmes de santé publique. Comptez-vous mener une action en ce sens ? Cela permettrait aussi une meilleure maîtrise des dépenses de santé. Rappelons qu’en 2013, en France, la grippe saisonnière coûtera 40 millions d’euros à l’assurance maladie, qu’elle a touché 3 millions de personnes et en a tué 6 000, plus que les accidents de la route.
La seule solution, nous en sommes convaincus, est la vaccination préventive. Or seulement 11 % des infirmières salariées et 3 % des libérales se sont fait vacciner cette année. Comment les professionnels de santé peuvent-ils alors convaincre les Français de le faire ?
À moyen terme, nous ne pourrons pas faire l’impasse d’un débat sur l’obligation de la vaccination pour les personnels de santé. Là encore, pourquoi ne pas évaluer à titre expérimental sur un département le rapport coût-bénéfice en proposant une vaccination grippale gratuite, quel que soit l’âge ? On pourrait ainsi comparer, l’année suivante, les coûts de prévention avec ceux engendrés par la grippe, comme le préconise la Cour des comptes.
Enfin, il y a de gros progrès à faire chez les futurs professionnels de santé, car ils sont aussi mal vaccinés que ceux qui exercent déjà. Je soutiens donc pleinement la proposition de Georges Labazée de susciter l’adhésion des étudiants et d’augmenter la part consacrée à la vaccination au cours des études.
En conclusion, je crois sincèrement à l’utilité des applications sur internet et smartphone, qui pourraient inciter chacun à mieux se prendre en charge. Ne pourriez-vous, madame la ministre, en attendant de faire des réformes plus importantes, lancer un concours de la meilleure application ? Il en existe déjà, mais l’une d’entre elles pourrait obtenir un label du ministère. Vous inciteriez ainsi les jeunes à suivre leur carnet de vaccination.