Intervention de Catherine Deroche

Réunion du 23 avril 2013 à 14h30
Débat sur la politique vaccinale de la france

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je joins également mes félicitations à celles déjà adressées à Georges Labazée pour la qualité de son rapport.

En France, l’arrêt de la transmission, voire l’élimination de certaines maladies ont été possibles grâce au recours à la vaccination, à la fois pour se protéger mais aussi pour protéger les plus fragiles, qui, du fait de leur âge ou de leur état de santé, ne peuvent être vaccinés.

Selon le rapport de la Cour des comptes, communiqué à notre commission en octobre dernier, la politique vaccinale enregistre des résultats contrastés : satisfaisants pour la couverture vaccinale des maladies traditionnelles à vaccination obligatoire, insuffisants pour la rougeole, comme en témoigne la résurgence de cette maladie entre 2008 et 2011, et très insuffisants en ce qui concerne l’hépatite B et le cancer du col de l’utérus, pour lesquels les objectifs fixés ne sont pas atteints.

Malgré un bilan contrasté, la vaccination reste l’un des grands succès des politiques de santé publique. Des millions de vies ont pu être sauvées grâce à un geste, celui de la prévention. C’est pourquoi il apparaît nécessaire d’engager des actions d’envergure à destination du grand public, afin de développer une culture de la prévention. En effet, la réussite des programmes de vaccination et l’amélioration de l’état de santé ne seront efficaces qu’à la condition de trouver une opinion publique réceptive.

Trop souvent, l’opinion publique doute de la sécurité des processus de production et en craint les effets secondaires. On a également vu apparaître, ces dernières années, un questionnement autour de la vaccination ; c’est le cas du rejet du vaccin contre l’hépatite B, propre à la France, en raison des soupçons de déclencheur de la sclérose en plaques qui ont pesé sur lui. Il faut donc combattre les préjugés et redonner confiance.

Par ailleurs, notons que la disparition progressive d’une maladie grâce à son vaccin tend à inverser le rapport bénéfice-risque de la vaccination, qui ne suscite plus alors le même intérêt. Ainsi, la vaccination peut être « victime » de son succès. Cette situation a été observée en Angleterre à la fin des années soixante-dix : la forte diminution de l’incidence de la coqueluche grâce à la mise en œuvre du programme de vaccination a conduit à une diminution progressive du nombre de personnes vaccinées et, de fait, à une recrudescence de la maladie.

Compte tenu de ces premiers éléments, il apparaît nécessaire, dans un objectif de santé publique et d’amélioration de la couverture vaccinale sur le territoire, de convaincre du bien-fondé de la vaccination, d’éduquer à la vaccination et de rassurer. Cela passe par l’amélioration du niveau d’information du grand public, par des actions de communication sur les vaccins, les bienfaits qui en sont attendus, les effets secondaires possibles et l’épidémiologie des maladies contre lesquelles ils protègent. Permettre aux Français de disposer de repères clairs sur les vaccins et ses caractéristiques par la mise en place d’actions d’information, d’éducation pédagogique et de sensibilisation me paraît important.

Comme l’ont souligné les chercheurs auditionnés par notre rapporteur Georges Labazée, il importe d’agir sur la formation des professionnels de santé, notamment les médecins et infirmières qui sont appelés à pratiquer la vaccination.

Il importe également d’agir sur la formation du public. Le rapport de notre collègue insiste également sur ce point.

Une formation à la santé dès l’école sous une forme participative et collective permettant aux enfants de mieux comprendre l’intérêt et l’importance de la vaccination me semble un moyen important de lutter contre la désinformation, notamment celle qui circule sur internet. La mise en place d’un tel enseignement implique aussi une formation des enseignants dédiée à l’éducation à la santé, à la prévention et au vaccin.

Si ces différentes actions de prévention nécessitent d’affecter des moyens supplémentaires, il faut noter qu’une meilleure prévention entraîne des économies. C’est le cas, par exemple, de la diminution du nombre d’arrêts maladie grâce à la vaccination contre la grippe.

La communication est un outil indispensable de la politique vaccinale.

Des campagnes de communication ciblées existent déjà ; je pense à la campagne sur la rougeole réalisée à l’automne 2011. Alors qu’on observait depuis 2009 un triplement annuel des cas de rougeole, une communication réalisée à l’aide de supports divers, tels que des brochures d’information, des annonces radio et diverses interviews, ont provoqué une augmentation significative des ventes de vaccins. Ainsi, 140 000 personnes supplémentaires ont été vaccinées, et un fort recul de la rougeole a pu être constaté en 2012.

Compte tenu des bénéfices observés, il me paraît nécessaire de lancer des actions de communication de manière plus régulière, afin d’informer sur l’intérêt et sur les bienfaits de la vaccination et, ainsi, de restaurer la confiance et les conditions d’un débat apaisé et rationnel.

L’information du public doit également être adaptée aux nouveaux modes de diffusion ; je pense à internet, mais cet outil doit offrir toutes les garanties.

La construction d’une présence pérenne sur internet serait de nature à améliorer la perception des vaccinations dans la population ; c’est d’ailleurs l’une des recommandations de la Cour des comptes, qui a pointé le développement constant d’un discours anti-vaccinal. À titre d’exemple, Doctissimo, le principal site de santé français – il enregistre près de 10 millions de visites par mois –, abrite des forums anti-vaccinaux très actifs.

De même, lorsque l’on tape « info vaccin » sur le moteur de recherche Google, les sites apparaissant les premiers sont ceux de ligues anti-vaccinales françaises, belges et suisses, qui se présentent comme informatives. Aucun site public ne figure en première page. C’est seulement si l’on tape « calendrier vaccinal » que les sites publics apparaissent, mais cette recherche est beaucoup moins intuitive. Les sites publics proposent des informations très institutionnelles, mais peu de réponses pratiques et aucun argumentaire pour contrecarrer la propagande anti-vaccinale n’est disponible. Cette absence de dispositif pérenne pour réagir au discours antivaccinal me paraît particulièrement dommageable.

Pour la Cour des comptes, la mise en œuvre d’une stratégie pluriannuelle de communication sur la vaccination sur Internet et les réseaux sociaux devrait revenir à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES. Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer les suites que vous comptez donner à ces préconisations ?

Par ailleurs, au lieu de créer des mini-sites spécifiques à l’occasion de chaque opération de communication, il serait préférable d’élaborer un site unique, qui permettrait de capitaliser l’audience. À cet égard, l’INPES a précisé à la Cour des comptes qu’elle envisageait la création d’un site grand public dédié à la vaccination. Madame la ministre, pouvez-vous nous faire part de vos intentions en la matière ?

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