Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’entamer mon propos, je voudrais tout d’abord remercier le groupe CRC, en particulier M. Bocquet, d’avoir demandé l’inscription à l’ordre du jour de notre assemblée de ce débat sur l’efficacité des conventions fiscales internationales.
Il s’agit là d’un sujet qui prend un relief tout particulier au regard de l’actualité, et il est plus que temps pour les pouvoirs publics et la représentation nationale de s’en préoccuper sérieusement.
Les notions que ce débat mobilise sont en effet structurantes dans notre vision du monde et le fonctionnement de nos États. Les enjeux de fond qui s’y rattachent concernent la solidarité au niveau des nations et entre les nations elles-mêmes, la bonne gouvernance, l’équité internationale et la juste imposition. Pas moins ! Or leur méconnaissance a malheureusement occupé, dans un passé récent, une place prépondérante dans la marche du monde ou plutôt, devrais-je dire, dans ses titubations.
Nous devons donc nous en emparer sans tarder, comme, d’ailleurs, le Président de la République et le Gouvernement semblent aujourd’hui déterminés à le faire.
Je ne reviendrai pas sur la définition de ces conventions fiscales ou sur les politiques qui ont été mises en place jusqu’à aujourd’hui à leur égard. Les orateurs précédents s’y sont déjà brillamment attachés. Mon propos visera simplement à replacer cette question dans un cadre un peu plus large.
Il est communément admis aujourd’hui que le système de conventions fiscales que nous connaissons a quelque chose de singulièrement absurde lorsqu’il s’agit de lutter contre la fraude fiscale et d’assurer un fonctionnement harmonieux et équilibré de l’économie et de la société. Les grandes entreprises et les particuliers les plus aisés profitent à merveille de la division des tâches opérée par les places financières pour répartir au mieux leurs actifs, leurs passifs, leurs activités réelles et leurs implantations fictives. Mieux, ils le font le plus souvent en respectant la légalité !
Tant que nous réfléchirons comme nous l’avons fait jusqu’à présent, cela ne changera pas.
Dans cette affaire, l’Union européenne s’est trop souvent montrée passive et s’est trop longtemps soustraite au rôle qui devrait être le sien. Quelques-uns de ses États membres pratiquent en effet un dumping fiscal acharné ; certains de ses territoires sont des paradis fiscaux à part entière, de même que plusieurs de ses partenaires commerciaux. L’île de Jersey, la Suisse, l’Autriche, la City de Londres, le Luxembourg ou Chypre : nombreuses sont les places financières qui entretiennent ou entretenaient encore récemment, pour les unes, l’opacité, pour les autres, la dérégulation du secteur financier.
Du fait de la règle de l’unanimité qui prévaut en matière fiscale, l’Union européenne n’a toujours pas su se doter de règles harmonisées en la matière.
Quand elle avance, comme pour le texte sur l’assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés, ou encore sur la TVA appliquée aux produits vendus sur internet, elle le fait à pas extrêmement ralentis et parfois de manière anachronique.
Faut-il rappeler ici, en présence de M. Marini, les effets de ces disparités sur les librairies et autres disquaires, quand ils se trouvent concurrencés par des entreprises opérant via Internet et répartissant leurs filiales de manière à échapper, y compris légalement, à l’impôt ?