Intervention de Jean-Yves Leconte

Réunion du 23 avril 2013 à 22h00
Débat sur l'efficacité des conventions fiscales internationales

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

À en lire le contenu, on comprend bien pourquoi certains représentants de fonds souverains de cet État étaient prêts à recruter un ancien Président de la République pour défendre leurs intérêts.

Que dit cette convention, et plus précisément l’avenant signé en janvier 2008 ? Contrairement aux conventions classiques, il n’est prévu aucune retenue à la source sur les dividendes – article 8 – et pas davantage d’imposition en France sur les redevances – article 10 – ou sur les revenus de créances – article 9 – alors que l’imposition au Qatar de ces différents revenus est faible, voire nulle. Une clause sur la navigation aérienne, même sous couvert d’une apparente réciprocité, favorise le développement en Europe de Gulf Air ou d’autres entreprises de transport aérien à capitaux qataris en Europe.

Mais il y a encore plus fort dans cette convention ! Le paragraphe 5 de l’article 17 dispose que l’imposition au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune d’une personne résidente en France et citoyenne du Qatar ne porte que sur les biens situés en France, pendant cinq ans.

De la sorte, on substitue au profit du Qatari installé en France un principe unique d’exemption du paiement de l’impôt, et cela du seul fait de sa nationalité.

Bref, cette convention fiscale, si elle accompagne des investissements qataris en France, permet surtout de rapatrier au Qatar toute la valeur ajoutée tirée de ces investissements ! Elle assure aux entreprises à capitaux qataris un avantage concurrentiel important. La France se voit royalement accorder l’avantage de l’emploi de salariés et du versement de cotisations sociales... Un peu comme si nous étions un atelier de l’Extrême-Orient !

Monsieur le ministre, avec cette convention fiscale, nous atteignons le sommet de l’hypocrisie en matière de moralisation et de transparence. Par le biais de cette convention, l’optimisation fiscale au Qatar d’investissements réalisés en France est rendue légale, sans prise en compte de l’intérêt fiscal de notre pays !

Avec cet exemple, comment ne pas comprendre le soudain empressement des États qui étaient inscrits sur la liste noire du Groupe d'action financière pour signer entre eux les conventions internationales nécessaires pour les faire passer sur la liste grise ou sur la liste blanche, ce qui légalise de facto une situation de paradis fiscal ou bancaire sans que rien n’ait vraiment changé ?

C’est dans cet état d’esprit que les travaux en cours, tant au niveau de l’Union européenne qu’au sein du G20, prennent toute leur importance. Plusieurs mesures sont nécessaires.

D’abord, il faut abolir le secret bancaire et obliger à un échange automatique d’informations.

S’impose ensuite une harmonisation des législations pénales de telle sorte que ce qui est considéré comme un délit en France – la fraude fiscale – le soit aussi dans le pays où sont dissimulés les fonds – ce qui, par exemple, n’est pas le cas pour la Suisse ou le Luxembourg.

Il faut encore réviser les critères qui établissent les listes noires des paradis bancaires et fiscaux.

Enfin, s’impose un FATCA européen, ainsi que cela a déjà été dit.

Nous devons aussi balayer devant notre porte. Avons-nous une application informatique digne de ce nom, qui soit capable d’exploiter les informations reçues des pays étrangers dans le cadre de la directive Épargne ainsi que les autres informations reçues dans le cadre de l’échange automatique ?

La liste française des paradis fiscaux ne pourrait-elle pas être actualisée et comporter des explications de texte sur les raisons de la présence des pays et faire en sorte que le critère de l’échange effectif d’informations valables soit retenu comme l’un des critères majeurs de non-classement sur cette liste ?

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