D’abord, comme vous avez pu le constater dans le cadre de l’opération de contrôle à laquelle vous avez procédé, ces conventions sont parfois très anciennes et ont fait l’objet de révisions : la convention franco-suisse de 1966 a ainsi fait l’objet d’une modification en 2009, puis d’un échange de lettres en 2010, dont l’interprétation est assez complexe. En effet, certains considèrent que la convention est désormais plus ouverte à l’échange d’informations, tandis que, pour d’autres, elle peut être, selon les cas, plus restrictive ou plus ouverte.
Quoi qu’il en soit, l’application de cette convention montre que, sur des informations pointues, elle ne nous permet pas nécessairement d’obtenir une automaticité des échanges dans des conditions optimales.
Nous souhaitons poursuivre les discussions avec la Suisse, comme avec un très grand nombre de pays de l’Union européenne, dans un cadre que je veux préciser, répondant ainsi aux questions posées par Mme André, MM. Chiron Leconte et Dominati sur notre action européenne.
La directive Épargne constitue une extraordinaire opportunité pour négocier la mise en place, au sein de l’Union, de nouveaux dispositifs qui nous permettront d’être beaucoup plus efficaces dans la lutte contre la fraude fiscale. Trois objectifs principaux ressortent du cadre de cette directive.
Le premier objectif concerne l’harmonisation fiscale. Il n’y aura pas de marché unique européen aussi longtemps que nous serons pusillanimes, hésitants, sélectifs en matière d’harmonisation fiscale et d’harmonisation sociale. Certes, des discussions ont été entamées sur la fiscalité de l’épargne, tout comme sur la fiscalité des entreprises, à travers le projet ACCIS d’harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Mais tout cela reste encore très timide et ne nous permet pas d’aller aussi loin que nous pourrions le souhaiter dans l’harmonisation fiscale. C’est un combat que nous devrons mener.
Le deuxième objectif a trait aux conventions automatiques d’échange d’informations. Il a été envisagé de mettre en place, dans le cadre de la directive Épargne, une convention type d’échange d’informations qui permettrait à tous les États de l’Union d’échanger des informations en permanence, dans des conditions semblables et identiques. Ce flux permanent tendrait à dissuader la dissimulation au sein de l’Union européenne et permettrait d’optimiser la lutte contre la fraude fiscale.
Comme vous avez pu le remarquer, beaucoup de pays sont allants pour que cela devienne effectif. Le ministre de l’économie et des finances, Pierre Moscovici, très à la pointe de ce combat, conformément à l’impulsion donnée par le Président de la République, a signé avec ses homologues allemand, italien, espagnol, un courrier dans lequel il exprime le souhait de voir ces conventions mises en œuvre.
Cependant, un certain nombre de pays… se font attendre. Je pense à l’Autriche et au Luxembourg.
Pourtant, l’Autriche – je ne sais pas ce qu’il en est exactement du Luxembourg – a accepté de signer avec des pays tiers de l’Union européenne, notamment les États-Unis, des conventions de type FATCA, qui garantissent entre les signataires un échange complet d’informations, cet échange que refuse l’Autriche à ses partenaires de l’Union européenne. Autrement dit, ce pays accorde à des pays tiers ce qu’elle refuse de consentir à des pays avec lesquels elle partage un espace économique commun…
C’est la raison pour laquelle le troisième objectif que nous devons atteindre dans le cadre de ces directives est celui d’un mandat donné à l’Union européenne, dès lors que l’échange d’informations par des conventions harmonisées aura été rendu possible en son sein, de passer des conventions FATCA – c’est ce que vous souhaitiez, monsieur Dominati – avec d’autres pays tiers, extérieurs à l’Union européenne.
Il s’agit là d’un combat que nous devons également mener si nous voulons atteindre une véritable efficacité dans la lutte commune contre les paradis fiscaux et la fraude fiscale à l’échelon international, donnant ainsi suite aux ambitions portées par l’OCDE et le G20.
J’ai bien conscience de ne pas avoir répondu de façon aussi exhaustive que vous l’auriez souhaité à toutes les questions que vous avez posées les uns et les autres, mais vous en avez posé beaucoup et il est fort tard.
En tout état de cause, j’aurai maintes occasions de revenir devant vous, d’autant qu’une nouvelle commission d’enquête est sur le métier et que cette question va beaucoup nous occuper dans les mois qui viennent.
Sachez que le Gouvernement n’aura pas de difficultés à préempter les réflexions que vous conduisez puisque vos préoccupations sont autant d’objectifs que le Gouvernement se fixe pour obtenir des résultats dans la lutte contre la fraude fiscale, qui est une manière de détournement de fonds dont la collectivité publique a besoin pour conduire son action de redressement.
Je vous signale au passage que, malgré toutes les imperfections du système, en 2012, nous avons enregistré plus de 2 milliards d’euros de recettes supplémentaires grâce à la lutte contre la fraude fiscale. Ainsi, sur les 6 milliards d’euros d’impôts que vous évoquiez tout à l'heure et qui vous faisaient si peur, monsieur Dominati, au moins 2, 5 milliards d’euros proviennent du produit de la lutte contre la fraude fiscale, 2 milliards d’euros de la lutte contre les niches fiscales et niches sociales incongrues et 1 milliard d’euros ont déjà été engrangés du fait de l’augmentation des cotisations sociales résultant de l’accord sur les retraites complémentaires AGIRC-ARRCO. Voilà qui devrait vous rassurer, monsieur Dominati, et vous permettre de passer une bonne nuit ! §