A la demande du Gouvernement, la mission qui nous a été confiée a consisté à dresser d'abord un panorama d'un régime qui a fait l'objet de critiques multiples, ceci dès son origine, mais de manière plus exacerbée au fil des développements de la crise économique. Ensuite, tout l'enjeu de cette mission était de réunir des informations et des éléments d'objectivité sur la perception de ce dispositif avant de formuler des propositions.
Sur la base des données communiquées par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), nous avons identifié quatre grands profils d'auto-entrepreneurs :
- ceux qui créent leur entreprise avec une réelle démarche entrepreneuriale et qui exercent rapidement à titre principal, considérant le régime de l'auto-entreprenariat comme un « sas » vers le droit commun de l'entreprise ;
- les chômeurs ou les travailleurs précaires qui se lancent dans l'auto-entreprenariat dans le but, au moins au départ, de créer leur propre emploi et de tester leur projet ;
- ceux qui volontairement exercent leur activité à titre accessoire pour en tirer un revenu complémentaire soit d'une activité salariée, soit d'une pension de retraite ;
- enfin, ceux qui créent leur entreprise et exercent à titre principal mais sans volonté de rentrer à terme dans le droit commun, les revenus qu'ils tirent de leur entreprise, même inférieurs aux plafonds d'éligibilité du régime, semblent suffire à leur projet professionnel et à leurs besoins.
Quatre types de critiques sont soulevés à l'encontre du régime de l'auto-entrepreneur :
- sur la contributivité sociale du système qui ouvrirait des droits aux bénéficiaires du statut de façon trop généreuse ; les réformes successives ont permis de limiter ce grief en instaurant des seuils planchers à l'ouverture de droits, mais il reste encore des ajustements à opérer, de manière à mieux encadrer le bénéfice des indemnités journalières d'arrêt maladie ou maternité ;
- s'agissant de la question de la concurrence déloyale, qui est une notion juridique, nous avons préféré travailler sur le problème de la distorsion de concurrence, qui est une notion économique. Nous en avons collecté de nombreux exemples mais il est difficile de les quantifier sur la base de données objectives. La part de marché du secteur du bâtiment concerné par cette concurrence demeure marginale, entre 0,7 et 1,1 % du chiffre d'affaires global, mais en période de crise toute diminution d'activité est durement ressentie par les artisans et entrepreneurs opérant déjà dans le domaine. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a relevé le niveau de prélèvement des cotisations sociales, mais il reste une distorsion en matière fiscale du fait de l'exonération de contribution foncière des entreprises pendant trois ans. Ensuite il est difficile de comparer le régime de l'auto-entrepreneur avec celui des travailleurs indépendants car la conversion d'un chiffre d'affaires en revenu dépend de nombreux facteurs liés à l'activité exercée. Ainsi, on a pu considérer que plus les charges augmentent, moins le régime de l'auto-entrepreneur est favorable car celui-ci doit supporter des frais de matériels ou d'équipement qui ne sont pas déductibles du chiffre d'affaires imposable.
- quant au risque de fraude, il faut admettre que la simplicité du dispositif et l'allègement des formalités et déclarations engendrent de fait une possibilité accrue de fraude, alors même qu'il est par définition très compliqué, pour les Urssaf, de contrôler des chiffres d'affaires. L'Acoss a constaté une fréquence importante des fraudes dans les contrôles diligentés sur des auto-entrepreneurs mais pour des volumes de redressement extrêmement limités.
- enfin, un des angles morts du rapport concerne le risque de salariat déguisé qui est une pratique sanctionnée par le code du travail. C'est un détournement du contrat de travail, certains salariés usant du régime de l'auto-entreprise comme substitut aux heures supplémentaires, etc... Il s'agit d'un phénomène connu, notamment dans le conseil, les médias et l'informatique, mais l'activité répressive de la direction générale du travail et des Urssaf n'en livre pas de statistiques permettant d'en analyser l'ampleur. Normalement il convient de requalifier ces emplois en contrat de travail, mais nous n'avons pas d'éléments objectifs pour les quantifier.
Pour en venir aux propositions, la mission a considéré que l'auto-entreprise est un régime encore récent, et que l'impératif de sécurité juridique nécessitait de la visibilité et de la stabilité pour les bénéficiaires du régime. Beaucoup d'auto-entrepreneurs sortent de la précarité, il ne faut pas les y replonger. C'est pourquoi il n'est pas proposé de modifications importantes. Les deux axes d'amélioration retenus concernent l'accompagnement et la visibilité du dispositif.
En effet, le terme d'auto-entrepreneur ne constitue pas un statut en tant que tel. Il s'agit d'un travailleur indépendant, comme les autres, mais qui bénéficie de régimes fiscaux et sociaux particuliers à raison du niveau de son chiffre d'affaires.
Ainsi, les obligations de qualification et d'assurance sont en principe les mêmes que pour tout artisan ou entrepreneur. Mais comme celles-ci ne sont pas exigées au moment de l'inscription de l'auto-entrepreneur, de mauvaises pratiques ont pu se développer. C'est pourquoi la mission propose que ces deux obligations soient contrôlées au moment de l'inscription.
Par ailleurs, il est souhaitable de donner plus de publicité à l'entrée dans le régime de l'auto-entrepreneur par une déclaration à l'employeur en cas d'activité accessoire, comme cela est déjà à l'oeuvre dans la fonction publique.