Intervention de Pierre Boissier

Commission des affaires sociales — Réunion du 24 avril 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Pierre Boissier chef de l'inspection générale des affaires sociales Mme Claire Scotton inspectrice des affaires sociales M. Hubert Garrigue-guyonnaud conseiller général des établissements de santé sur le rapport de l'inspection générale des affaires sociales consacré à l'hôpital et de M. Edouard Couty président du comité de pilotage du « pacte de confiance pour l'hôpital »

Pierre Boissier, chef de l'Inspection générale des affaires sociales :

Le rapport de l'Igas sur l'hôpital est une synthèse de vingt-cinq missions réalisées au cours des quatre dernières années. Ces rapports croisent les regards de médecins, de directeurs d'hôpitaux et de personnes aux profils plus classiques pour les corps d'inspection.

Quatre sujets principaux ont été abordés. Tout d'abord, le tissu hospitalier offre une très bonne couverture du territoire dans un contexte de baisse des besoins d'hébergement. La tendance à l'hospitalocentrisme reste néanmoins marquée et il existe une contradiction entre accès et proximité, la qualité étant un vrai problème dans certains petits établissements ruraux. Il y a donc un enjeu de pondération des objectifs car il serait déraisonnable de fermer certains hôpitaux ruraux de haute montagne, qui sont pourtant en deçà des seuils en matière de nombre d'actes.

Il nous apparaît nécessaire de poursuivre la restructuration de l'offre hospitalière même si beaucoup a déjà été fait dans le domaine de la chirurgie et de l'obstétrique. C'est donc dans le domaine de la médecine qu'il reste des progrès à réaliser en développant les alternatives à l'hospitalisation, notamment pour les maladies chroniques.

Il est essentiel que la tarification ne soit pas l'outil de la restructuration de l'offre hospitalière.

Les ARS doivent concevoir un projet médical de territoire dans lequel le projet médical des établissements est pris en compte. Trop souvent encore, on renvoie sur l'hôpital, notamment en matière d'investissements, et les schémas régionaux d'organisation des soins restent à un niveau trop macroéconomique. Les investissements sont appréhendés à l'échelle de l'hôpital, sans analyser leur incidence sur les autres établissements du même territoire. Un comité de performance et de modernisation (Copermo) a été mis en place pour remédier à ces difficultés.

Il importe également de rappeler que l'hôpital est dépendant du choix d'installation des médecins, non seulement de la répartition des postes d'internes et de chefs de cliniques mais aussi des départs en retraite. On relève également un manque important de coordination entre le ministère de la santé et l'université s'agissant des postes de PUPH. Cette réalité constitue une limite aux effets que l'on peut attendre d'un pilotage volontariste de la carte hospitalière. Il faut prendre en compte les déterminants de l'installation des médecins.

Les projets médicaux des établissements sont fragilisés par le fait que les médecins n'ont pas suffisamment de données économiques sur leur activité propre qui leur permettrait d'avoir une approche médico-économique nécessaire à l'hôpital.

Les ressources ne sont pas fixées à partir des coûts supportés par les hôpitaux mais de la situation des finances publiques avec le vote de l'Ondam. Il n'y donc pas de raison a priori que les deux coïncident. On note néanmoins, au cours des cinq dernières années, une forte augmentation de la productivité des hôpitaux qui a permis à la plupart d'entre eux de revenir à l'équilibre financier. On peut cependant penser que la partie la plus facile du chemin a été faite et l'équilibre présent pourrait être mis à mal par de nouvelles baisse de l'Ondam. La rentabilité des hôpitaux privés baisse mais reste à un niveau correct de rémunération du capital. En l'état actuel, la pression financière globale n'est donc pas excessive. Quand des problèmes existent, ils sont généralement liés à des questions spécifiques, singulièrement à des investissements excessifs et parfois à des déficits managériaux. Ces cas ne sont pas généralisables.

La T2A paraît être un bon outil si elle est utilisée seulement comme indicateurs de la répartition des ressources. C'est un indicateur analytique, ce qui devrait amener à privilégier la neutralité tarifaire. Ceci suppose de trouver un autre instrument d'incitation au changement. Il faut aussi noter que la convergence interne au secteur public n'est pas encore pleinement achevée. Il existe des fragilités liées à la définition des groupes homogènes et à l'imputation des charges fixes qui dépendent de choix locaux. Le double inconvénient de vouloir avantager les évolutions par la T2A est qu'à enveloppe budgétaire constante, cela se fait au détriment d'autres activités et que les chances que le « signal prix » soit perçu par les médecins sont faibles.

Il ne nous semble pas que la T2A engendre une inflation des actes par un effet d'induction. Les médecins n'y ont pas un intérêt direct sauf, il est vrai, quand la pérennité du service est menacée. Il n'y a donc pas d'effet inflation en volume discernable mais peut-être une augmentation de la cotation qui a un effet valeur. Le contrôle du volume des actes est un indicateur très imprécis pour la régulation car ce volume est principalement lié au recrutement et à l'équipe médicale qui « attire » les patients. Il peut néanmoins servir d'indicateur de pertinence des actes.

Il est important de mettre en place des mesures d'aide à la contractualisation. Les pouvoirs publics ne prennent pas suffisamment en compte le fait que les restructurations entrainent des coûts avant de dégager des économies.

Sur la qualité des soins, il est important de disposer d'une meilleure connaissance. Les informations données par la Haute Autorité de santé restent d'un usage limité ; or le classement des hôpitaux ne peut être laissé à la presse en raison de la difficulté à interpréter les données brutes comme, par exemple, la mortalité, qui ne signifie pas nécessairement que les soins sont de moins bonne qualité. La réputation des établissements est très importante, spécialement auprès des médecins de ville qui sont ceux qui adressent les patients.

S'agissant du potentiel de ressources humaines, le climat social à l'hôpital est dégradé et source de risques psychosociaux. Le cumul d'activité fait partie des problèmes. En dehors des médecins qui le pratiquent, 20 % des infirmiers anesthésistes cumulent leur activité à l'hôpital avec une activité extérieure. Ceci ne signifie pas qu'ils ne remplissent pas leurs missions mais qu'ils sont épuisés. Cette situation est à mettre en relation avec le problème des rémunérations et des carrières.

La carrière des directeurs d'hôpitaux doit également être envisagée, ainsi que la dissymétrie où ils se trouvent par rapport aux présidents de CME. Les directeurs d'hôpitaux qui ont pris des postes difficiles ne peuvent être récompensés ou reclassés de manière adéquate, ce qui me paraît scandaleux. D'autres directeurs restent trop longtemps au sein d'un même établissement, ce qui nous amène à proposer une durée maximale de six ans dans un même poste de direction. Enfin les problèmes managériaux viennent parfois non pas des directeurs mais des présidents de CME et, dans ce cas, il est impossible de faire quoi que ce soit.

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