Intervention de Annie David

Commission des affaires sociales — Réunion du 24 avril 2013 : 1ère réunion
Contrôle de la mise en application des lois — Communication

Photo de Annie DavidAnnie David, présidente :

Comme chaque année, je dois vous rendre compte du suivi de l'application des lois relevant de la compétence de la commission des affaires sociales.

De longue date, le Sénat a confié cette mission aux commissions permanentes qui, pour chaque disposition législative votée par le Parlement, identifient les mesures réglementaires d'application nécessaires, retracent leur publication et signalent, le cas échéant, les retards ou l'absence de mise en oeuvre.

La création, fin 2011, de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, a quelque peu modifié la donne. Celle-ci centralise désormais les informations collectées par les commissions permanentes et en dresse la synthèse dans un rapport annuel, tout en menant des travaux de contrôle ciblés et approfondis sur des textes ou des problématiques spécifiques. Nous en avons eu l'illustration avec le rapport d'évaluation présenté l'an dernier par Claire-Lise Campion et Isabelle Debré sur l'application de la loi « handicap » de 2005.

Je vais vous présenter aujourd'hui un bilan des lois promulguées entre le 14 juillet 2011 et le 30 septembre 2012 dans le champ de compétence de notre commission. Ce bilan s'appuie sur les textes d'application promulgués jusqu'au 31 mars dernier, c'est-à-dire six mois au-delà des dernières lois prises en compte. Il faut en effet rappeler que dans une circulaire du 29 février 2008, le Gouvernement de l'époque avait fixé un objectif d'édiction des « mesures réglementaires nécessaires dans un délai de six mois suivant la publication de la loi ».

Sur la base de ce bilan, réalisé par chaque commission permanente, la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois élaborera son rapport annuel qui devrait donner lieu à un débat en séance publique, en principe lors de la deuxième semaine de juin, consacrée à nos travaux de contrôle.

Au cours de la période de référence, le Parlement a adopté douze lois examinées au fond par la commission des affaires sociales.

Cinq l'ont été durant la session extraordinaire de l'été 2011 :

- la loi relative à l'organisation de la médecine du travail ;

- la loi pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels ;

- la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 ;

- la loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap ;

- et la loi dite « Fourcade », modifiant certaines dispositions de la loi HPST.

Sept lois ont été adoptées lors la session ordinaire 2011-2012 :

- la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 ;

- la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé ;

- la loi relative à l'exercice des professions médicales par les professionnels titulaires d'un diplôme obtenu dans un État non membre de l'Union européenne ;

- la loi relative aux recherches impliquant la personne humaine ;

- la loi relative au suivi des enfants en danger par la transmission des informations ;

- la loi relative à la gouvernance de la sécurité sociale et à la mutualité ;

- la loi relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien.

N'entrent pas dans notre bilan quatre autres lois dont nous étions simplement saisis pour avis.

Premier constat : les efforts réalisés par le pouvoir exécutif ces dernières années pour assurer la mise en oeuvre effective des dispositions législatives se sont poursuivis, ce qui se traduit par des niveaux d'application plus élevés qu'il y a sept ou huit ans.

Sur les douze lois mentionnées, cinq sont applicables en totalité, soit parce qu'elles ne nécessitaient aucune mesure d'application, soit parce que toutes les mesures d'application ont été prises. Cette proportion de textes applicables dans l'année qui suit leur adoption est parmi les plus élevées enregistrées ces dernières années.

Six lois ne sont que partiellement applicables, à hauteur de 59 % en moyenne.

Enfin, une seule loi, celle relative au suivi des enfants en danger par la transmission des informations, n'est pas applicable.

Au total, sur les 152 mesures d'application prévues par ces textes législatifs, près d'une centaine sont intervenus entre le 1er janvier 2012 et le 31 mars 2013, soit un taux de 64 % qui s'inscrit lui aussi dans la fourchette haute des résultats constatés lors des dernières sessions.

Autre motif de satisfaction, alors que neuf des douze lois étudiées étaient d'origine parlementaire, elles sont sensiblement appliquées au même niveau que les projets de loi : 60 % pour les propositions de loi et 66 % pour les projets de loi.

En revanche, moins de la moitié des mesures d'application - 46 % précisément - sont intervenues dans le délai de six mois suivant la promulgation de la loi qui avait été fixé par le précédent gouvernement. Cet objectif paraît donc toujours assez ambitieux au regard des pratiques constatées.

Pour être complet, il faut ajouter que durant la période de référence sont également intervenues 54 mesures réglementaires se rapportant à des lois promulguées avant le 14 juillet 2011. Les lois de financement de la sécurité sociale figurent ainsi parmi les textes bénéficiant des meilleurs taux d'application. C'est le cas également de deux textes majeurs initiés par le précédent Gouvernement : la loi sur les retraites et la loi HPST, dont les taux d'application se situent autour de 90 %.

Vous aurez observé que l'ensemble des lois dont nous parlons ont été adoptées sous la précédente législature, alors que l'étude des textes d'application est à cheval sur les deux législatures. Cela conduit naturellement à s'interroger sur l'incidence de l'alternance politique en matière de parution des textes d'application.

On constate en premier lieu que le Gouvernement précédent s'est logiquement attaché à édicter de nombreux textes d'application avant l'échéance du mois de mai 2012, ce qui a joué positivement sur les statistiques que je viens d'évoquer.

Le rythme de parution s'est ensuite ralenti, mais il a repris à partir de septembre 2012, permettant l'application de dispositions votées sous la précédente législature comme celles relatives au fonctionnement des MDPH ou à la sécurité sanitaire du médicament.

Quelques dispositions antérieures à mai 2012 qui étaient en attente d'application ont été abrogées ou modifiées depuis lors par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 ou d'autres textes. Leur nombre est toutefois assez limité.

Finalement, sur un plan strictement quantitatif, le changement de Gouvernement ne semble pas avoir eu d'impact majeur sur le niveau de publication des textes d'application.

Dans certains cas, les changements de priorité ou la préparation de futures réformes peuvent conduire à suspendre le processus de mise en oeuvre des mesures réglementaires. Je pense à des dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 qui concernaient l'aide à la complémentaire santé ou l'attribution par les ARS de « primes » aux établissements de santé ayant atteint leurs objectifs. Les réflexions lancées sur l'hôpital ou la couverture complémentaire santé pourraient justifier que la mise en oeuvre de ces dispositions soit mise en suspens.

Mais ces considérations politiques légitimes n'expliquent pas, loin s'en faut, l'essentiel des défauts de parution.

Comme les années précédentes, on peut constater une distorsion assez sensible, en matière d'application, entre les dispositions qui figuraient dans le texte d'origine et celles qui ont été introduites par amendement parlementaire.

Sur les 152 mesures d'application prévues par les douze lois examinées par notre commission, 47, soit près d'un tiers, se rapportaient à un amendement d'origine parlementaire. Leur taux d'application n'est que de 34 %, 41 % pour les amendements sénatoriaux et 29 % pour ceux des députés, alors qu'il est de 79 % pour les mesures se rapportant à une disposition du texte initial.

On peut donc relever une plus grande difficulté, ou un moindre empressement, à mettre en oeuvre les amendements introduits en cours de discussion par les parlementaires.

Les demandes de rapports inscrites dans nombre de nos textes législatifs ne sont pas prises en compte pour le contrôle de l'application des lois au sens strict. Il est toutefois intéressant de signaler qu'au total, 22 demandes de rapports figuraient dans les lois concernées, dont 5 émanant du Sénat et 13 de l'Assemblée nationale. Trois rapports seulement, c'est-à-dire moins de un sur sept, ont été remis au Parlement à la date du 31 mars 2013, ce qui illustre les limites de ce type de disposition.

Pour terminer, je voudrais mentionner quelques points particuliers.

S'agissant de la loi du 29 décembre 2011 sur la sécurité sanitaire du médicament, qui faisait suite à l'affaire du « Mediator », environ 70 % des mesures d'application attendues sont intervenues. Les plus importantes concernent la mise en place de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), qui a remplacé l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), la mise en oeuvre des dispositions instaurant les déclarations publiques d'intérêt, le régime juridique des recommandations temporaires d'utilisation (RTU) qui permettent les prescriptions pour des indications différentes de celles prévues par l'autorisation de mise sur le marché, la transposition de la directive sur la pharmacovigilance.

Néanmoins, sur cette même loi, une vingtaine de mesures réglementaires sont toujours en attente. C'est notamment le cas pour des dispositions inspirées de la législation américaine en matière de transparence.

La loi du 28 juillet 2011 sur les MDPH est quant à elle appliquée à 60 %, l'essentiel des mesures d'application étant cependant intervenues assez tardivement, avec un décret du 18 décembre 2012. Sont ainsi précisées les conditions de fonctionnement des commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) ou de réception, par les MDPH, des demandes de prestations de compensation du handicap. D'autres mesures réglementaires sont en attente, notamment l'arrêté ministériel qui doit définir le contenu des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (Cpom) entre les MDPH, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), le conseil général et l'Etat.

Un mot sur la loi « Fourcade » du 10 août 2011, modifiant certains aspects de la loi HPST. Trois mesures d'application seulement, sur onze prévues, sont intervenues. Pour l'essentiel, les dispositions non applicables avaient été introduites par amendement, à l'Assemblée nationale ou au Sénat.

Le taux d'application est moins satisfaisant encore pour la loi du 5 mars 2012 sur les recherches impliquant la personne humaine : deux mesures intervenues sur neuf prévues. Certes, les dispositions à édicter étaient relativement complexes et il fallait opérer en parallèle la transposition des nouvelles règles issues du droit européen. Il est toutefois regrettable que ce texte d'initiative parlementaire, adopté définitivement trois ans après sa première lecture à l'Assemblée nationale, soit en grande partie privé d'effet.

Enfin, j'ai mentionné au début de mon propos l'inapplicabilité de la loi du 5 mars 2012 sur le suivi des enfants en danger. Le ministère des affaires sociales nous a fait savoir que la parution du décret était en bonne voie, après un avis favorable rendu par la CNIL au mois de février. Les transmissions d'informations en possession des départements sur les déménagements des familles devraient ainsi être prochainement facilitées, ce qui devrait lever un obstacle à la protection de l'enfance en danger.

Telles sont, mes chers collègues, mes principales observations sur ce bilan de l'application des lois. Le document détaillé transmis à la commission sénatoriale de contrôle de l'application des lois sera mis en ligne et vous pourrez vous y référer pour des informations plus précises sur l'application des textes législatifs vous intéressant.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion