Parce que cette proposition de loi organique arrive à un mauvais moment, on peut lui prêter des intentions qu'elle n'avait pas quand elle a été rédigée - l'affaire Cahuzac n'avait pas éclaté. Puisque dans le débat sur le cumul des mandats, les citoyens étaient choqués par le cumul des indemnités, il s'agissait d'en extraire ce sujet pour avoir un débat apaisé. Sensible à cet argument, je suis enclin à trouver des vertus à ce texte, à condition d'en discuter dans le cadre d'une loi sur le cumul des mandats. Ce qui me choque, ce sont les angles morts du texte. Que fait-on en cas de cumul des mandats locaux, le plafond de l'indemnité parlementaire devient-il le nouveau plafond pour les élus locaux, ou sépare-t-on les choses, le montant maximal que pourraient percevoir les élus locaux étant alors plus élevé ?
Le contexte ensuite. Ce qui était un texte sur le cumul devient un texte sur le plafond de ressources, sur la lutte contre l'enrichissement. Dans le climat actuel, cela me met mal à l'aise. Si on parle de transparence, de plafond de ressources, il faut aller au bout de la logique : quand le Président du Sénat explique qu'on peut imaginer un cumul d'activité jusqu'à un certain niveau financier, est-ce à dire que des retraites ne peuvent être perçues pendant la durée du mandat parlementaire ? J'ai 38 ans, Mme Cukierman en a 36 : il va nous falloir attendre quelques années pour espérer toucher un jour une retraite. Si on veut lutter contre l'enrichissement personnel, que fait-on des retraites ? Va-t-on intégrer demain les pensions alimentaires pour créer une indemnité parlementaire différentielle ? Pour toutes ces raisons, je préfèrerais qu'on évoque ce sujet comme un amendement au texte sur le cumul des mandats plutôt qu'à travers une proposition distincte, qui nous entraînera là ou nous ne voulons pas aller. Sur le fond, je partage l'idée qu'il n'est jamais bon d'attendre un scandale ou un événement pour légiférer. Dans les excès de la fin de l'affaire Cahuzac, certains voudraient que nous fassions voeu de pauvreté ; du moins avons-nous échappé, après l'affaire Strauss-Kahn, au voeu de chasteté...