Intervention de Alain Rousset

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 24 avril 2013 : 3ème réunion
Modernisation de l'action publique territoriale — Audition de l'association des régions de france

Alain Rousset, président de l'Association des régions de France (ARF) :

Le Sénat a conforté le rôle des régions dans la BPI, espérons qu'il en sera de même sur ce texte qui appelle de la part des présidents de région d'immenses réserves.

Nous sommes loin de l'acte fort de décentralisation qui s'impose. Les économistes, dont le professeur Nicolas Bouzou de l'université Panthéon-Assas, estiment qu'un système décentralisé favorise l'innovation dans les entreprises. En l'état, ce texte crée des doublons, ce qui alourdit le coût et rallonge le temps de l'action publique. L'emploi, le développement économique sont pourtant de la compétence des régions !

Le rétablissement de la clause de compétence générale ne fait pas l'unanimité chez les présidents de région : une majorité était plutôt pour une clarification précise des compétences. Une répartition claire des compétences serait un acte de responsabilité. A chaque fois que des compétences ont été transférées aux régions, elles ont été parfaitement assumées.

Il est inacceptable que la région n'ait plus de compétence en matière d'aménagement du territoire. La déposséder de l'aménagement du territoire est absurde, surréaliste, impensable. Idem pour le tourisme, où la répartition est claire : la région modernise les équipements touristiques, elle fait la promotion de la destination régionale. Imagine-t-on la Bretagne ne plus faire sa promotion comme destination de vacances ?

Autre exemple, le numérique qu'on donne aux départements au prétexte que ces derniers investissent davantage sur ce chapitre. Mais sans l'apport financier des régions, que se passera-t-il ? On ne pourra plus négocier avec les opérateurs au niveau régional. Ce texte, qui n'est pas de décentralisation, compliquera et renchérira l'action publique. C'est insensé ! Au reste, les départements investissent dans le réseau et pas dans les outils comme le fait la région.

Pourquoi revenir sur les expériences réussies, en Bretagne ou en Auvergne ? Non, décidément, cela n'a pas de sens.

La mobilité durable revient au bloc communal. Faut-il que les régions arrêtent de faire rouler les trains ?

Bref, de quelque bout qu'on le prenne, ce texte produit de l'insensé. Le summum est atteint avec la création des CTAP, sorte de troisième assemblée régionale, qui serait d'une lourdeur effarante. Il faudra bien voter les schémas. Ce sera un Sénat régional. On recrée les établissements publics d'avant 1985 où les élus venaient faire leur marché sur le budget régional. Le conseil des exécutifs est le lieu où nous pouvons réfléchir sur l'eau, l'irrigation agricole, les fonds européens, le foncier, et cela ne coûte rien ! On crée les CTAP car on ne veut pas trancher la question des compétences : c'est Ponce Pilate ! L'alourdissement des schémas et l'empilement des instances coûteront une fortune. Tout cela pour éviter de dire clairement qui fait quoi. Seul point positif, les dispositions concernant les financements croisés.

A propos des métropoles, je suis surpris, pour en avoir présidé une durant trois ans, de voir des transferts de compétences automatiques à une instance qui n'est pas élue au suffrage universel. Est-ce bien constitutionnel ?

On ajoute l'émiettement des compétences à l'émiettement des territoires. Nous sommes totalement hostiles au transfert automatique de la compétence économique à la métropole. Les politiques de filière et de cluster ne s'arrêtent pas aux frontières des agglomérations. Que je sache, nous ne voulons pas de villes-Länder ! Ce texte est l'antithèse de ce que le législateur a voulu en 1982 et qui a bien fonctionné. L'amélioration des trains et du réseau ferré s'est vérifiée aussi bien en Aquitaine qu'en Alsace.

Les 60 % du tissu industriel situés en milieu rural, les 2 millions d'euros d'investissement par an de la région dans le développement économique plaident pour le maintien de la compétence économique à la région. Sans compter que les métropoles devront s'équiper de services et de personnel : le texte accélérera la dépense publique dans des proportions explosives, au moment où l'on veut précisément la réduire.

Si nous ne sommes pas contre le fait urbain -ce serait absurde, d'ailleurs- nous ne voulons pas d'étalement des compétences. Je note que les deux principales préoccupations des Français, l'emploi et le logement, n'ont pas de responsable clair ! Etat, départements, régions, métropoles se partagent les questions de logement, et sur l'emploi les intervenants sont innombrables : 173 établissements publics en Aquitaine. Il faut un chef de file.

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