Il faut, tout d'abord, rappeler que nous avons un nouveau cadre européen pour la politique budgétaire. Ce cadre exige de naviguer entre plusieurs notions. Le solde public effectif est un concept que nous utilisons depuis longtemps déjà, dans le cadre de la règle de limitation des déficits publics à 3 % du produit intérieur brut (PIB). Le solde structurel est, quant à lui, le solde public effectif corrigé des effets de la conjoncture ; ainsi, actuellement, le solde structurel est moins dégradé que le solde effectif car notre PIB est sensiblement inférieur au PIB potentiel. Enfin, l'effort structurel correspond à l'évolution du solde structurel qui dépend de l'action des pouvoirs publics. Dans un instant, nous verrons les mesures mises en oeuvre pour que l'effort structurel soit suffisant au regard des objectifs arrêtés.
Le solde et l'effort structurels sont les deux notions qui sont privilégiées dans le cadre des nouvelles règles européennes, introduites notamment par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) et dont la mise en oeuvre, dans le droit national, est détaillée par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.
Je ne reviendrai pas, toutefois, sur les nouvelles règles de gouvernance budgétaire européennes, que nous avons pu aborder dans le détail lors de l'audition, le 10 avril dernier, de Ramon Fernandez, directeur général du Trésor, et Julien Dubertret, directeur du budget.
Le contexte du projet de programme de stabilité qui nous est soumis est particulier. En effet, la situation économique de la zone euro est dégradée - les années 2012 et 2013 ont constitué deux années de récession consécutives. Les politiques d'ajustement menées par les Etats ont permis de ramener le déficit de la zone euro à un peu moins de 3 % du PIB cette année, contre un peu plus du double en 2010.
La faiblesse de la croissance conduit de nombreux Etats à rater leur cible d'ajustement ; nous avons pu le constater s'agissant des pays les plus fragiles de la zone euro. Tout cela a conduit à mettre en débat le rythme des ajustements à mener. Les institutions internationales, au premier rang desquelles figure le Fonds monétaire international (FMI), défendent aujourd'hui l'idée d'un assouplissement des trajectoires de consolidation, après avoir souvent été les chantres de la rigueur au cours des dernières années.
Il faut noter que, la semaine dernière, le secrétaire du Trésor américain, Jack Lew, et la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, ont plaidé pour une modération des mesures d'austérité dans certains pays européens afin de ne pas aggraver la crise économique. En réponse, Olli Rehn, commissaire européen en charge des affaires économiques et monétaires, a indiqué que la zone euro allait étendre ses efforts de consolidation sur une période plus longue pour permettre une relance de la croissance.
Pourquoi privilégier le solde structurel ? Il faut avoir à l'esprit que la définition d'une politique budgétaire en fonction d'une trajectoire de solde effectif, focalisée notamment sur la « règle des 3 % », serait problématique et pourrait nous entraîner dans une spirale récessive.
A cet égard, le FMI a récemment reconnu que les gouvernements avaient largement sous-estimé les multiplicateurs budgétaires, c'est-à-dire l'impact sur la croissance des ajustements conduits. Ainsi, Olivier Blanchard, économiste en chef de cette institution, a indiqué qu'au lieu d'un multiplicateur de 0,5, de récentes recherches ont montré que les multiplicateurs étaient plus proches de 1, voire supérieurs à 1, ce qui signifie que lorsque l'on diminue les dépenses publiques de 1 %, la croissance est, elle-même, réduite d'1 point ou davantage. Ces analyses invitent à se montrer particulièrement vigilant quant aux mesures à prendre.
S'agissant du volet correctif du pacte de stabilité et de croissance (PSC), je souhaiterais rappeler que la « règle des 3 % » ne fixe pas une règle absolue. Concrètement, si un Etat présente un déficit effectif supérieur à 3 %, le Conseil lui fixe une trajectoire de retour vers ce seuil ; pour la France, le Conseil a arrêté une obligation de réduction du déficit structurel d'au moins 1 point par an en moyenne, de 2010 à 2013, et de revenir sous la barre des 3 % de PIB de déficit effectif en 2012. Toutefois, fin 2009, cette exigence a été repoussée à 2013.
Le Gouvernement demande aujourd'hui que cette date de retour sous le seuil des 3 % du PIB soit reportée à 2014. Le commissaire Olli Rehn a indiqué, en février dernier, que ce report pourrait être accepté si la France avait respecté les conditions que je viens de rappeler concernant l'ajustement de son déficit structurel. Néanmoins, si cette décision de report est probable, elle doit encore être confirmée.
J'en viens maintenant aux hypothèses de croissance. J'ai, pour ma part, le sentiment que les prévisions du Gouvernement reposent sur des hypothèses raisonnablement crédibles. Tout d'abord, la hausse de la demande mondiale adressée à la France serait permise par l'amélioration de l'environnement international. Ensuite, une croissance modérée de la demande intérieure pourrait découler de la diminution du taux d'épargne des ménages qui se situe, actuellement, à un niveau élevé.
Il faut également rappeler que ces prévisions de croissance sont en concordance avec celles de la Commission européenne, même si ces dernières ne tenaient pas compte de l'ajustement budgétaire supplémentaire auquel procède le Gouvernement entre 2013 et 2014. Certes, les prévisions retenues peuvent être jugées optimistes, mais elles ne sont pas irréalistes. Je note d'ailleurs que le Président du Haut Conseil des finances publiques, Didier Migaud, a estimé, lors de son audition du 16 avril dernier par la commission des finances de l'Assemblée nationale, que « les hypothèses gouvernementales n'étaient pas irréalistes ».
Depuis un certain nombre d'années, notre commission a développé ses propres outils d'analyse ; aussi apparaît-il que les hypothèses du Gouvernement sont assez proches du scénario « conventionnel » de la commission des finances. Si la démarche retenue par cette dernière ne constitue pas, en tant que telle, une contre-expertise, la « doctrine » qu'elle a définie depuis déjà quelques années plaide en faveur du caractère raisonnable des prévisions gouvernementales.
J'en arrive au point principal de cette intervention : la stratégie de consolidation des finances publiques arrêtée dans le cadre du projet de programme de stabilité ; celle-ci repose sur la notion de solde structurel. Si l'on compare la trajectoire du projet de programme de stabilité à celle définie par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, il apparaît que la reprise économique est décalée d'une année et, que la trajectoire de retour en-dessous du seuil de 3 % du PIB de déficit effectif est également repoussée d'un an. En outre, le début de l'inversion de l'évolution de la dette est retardé d'une année ; celle-ci part aussi, malheureusement, d'un niveau plus élevé. Enfin, la trajectoire de solde structurel est plus exigeante, et ce dès 2014.
La courbe retraçant le ratio de la dette sur le PIB montre une nette rupture, en 2015, dans la tendance à la hausse de long terme. En 2017, la dette publique serait réduite de 6 points de PIB et reviendrait à un niveau inférieur à celui constaté en 2012. Voici la trajectoire vertueuse arrêtée par le Gouvernement, telle qu'elle se dessine aujourd'hui.
Comme je l'ai indiqué, la trajectoire de solde effectif a, quant à elle, été assouplie ; centre de toutes les attentions, le retour du déficit effectif en-deçà de 3 % du PIB a été reporté de 2013 en 2014. L'objectif pour cette dernière année a été fixé à 2,9 % du PIB. Le décalage par rapport à la trajectoire retenue par la loi de programmation des finances publiques est lié, pour l'essentiel, à une croissance plus faible en début de période, s'agissant des années 2012 à 2014. L'écart de -0,7 point entre les prévisions de déficit effectif pour 2013 de la loi de programmation et celles du projet de programme de stabilité - soit 3,7 % du PIB contre les 3 % initialement prévus - ne sera que partiellement résorbé en 2017.
Les précédents programmes de stabilité avaient tous prévu un retour à l'équilibre qui n'a, finalement, jamais été atteint - cela s'explique pour ces dernières années, plongées au coeur de la crise, mais plus difficilement pour les périodes antérieures. Si, en des temps économiquement plus cléments, soit jusqu'à 2008, les trajectoires de retour à l'équilibre avaient été respectées, notre situation actuelle aurait été moins difficile. Ceci, me semble-t-il, paraît inviter à une certaine modestie dans les critiques formulées à l'égard de la stratégie retenue par le Gouvernement actuel.