La réunion

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La commission entend tout d'abord une communication de M. Philippe Marini, président, relative au contrôle sur pièce et sur place effectué au ministère de l'économie et des finances le 11 avril 2013.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je souhaiterais revenir brièvement sur la séquence de la semaine dernière, en particulier sur les remarques qui ont été formulées, par rappel au règlement en séance publique par notre collègue Edmond Hervé, puis devant la commission, lors de l'audition du ministre du budget, par le rapporteur général François Marc.

Ces propos étaient relatifs au contrôle sur pièce et sur place que j'ai effectué jeudi 11 avril 2013, conjointement avec le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Gilles Carrez. Il me semble utile de lever quelques malentendus car j'ai trouvé, dans ces expressions, par ailleurs tout à fait légitimes, des éléments qui ne me semblent pas correspondre à la réalité.

Comme vous le savez, les présidents et les rapporteurs généraux des commissions des finances ont d'abord reçu, à propos de la situation de Jérôme Cahuzac, un courrier du ministre de l'économie et des finances. A la suite de ce courrier, sans nous concerter, le président Carrez et moi-même avons adressé des questions complémentaires au ministre par lettre. Nous avons reçu très rapidement une réponse.

Gilles Carrez et moi-même comptions nous contenter d'interroger le ministre par courrier, jusqu'à la parution de l'hebdomadaire « Valeurs actuelles » le jeudi 11 avril au matin. Celui-ci avançait qu'une mission d'investigation de quinze personnes aurait été envoyée en Suisse. Ces indications étant particulièrement graves, il n'était pas concevable de les laisser circuler sans y regarder de plus près. C'est bien, me semble-t-il, la fonction des contrôles sur pièce et sur place que peuvent exercer les présidents et les rapporteurs généraux des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat - puisque ces prérogatives sont attachées à chacune de nos quatre fonctions.

Je vous indique d'ailleurs que depuis le début de l'année 2013, je me suis déjà rendu deux fois à Bercy dans le cadre d'un contrôle sur pièce et sur place à la direction générale des finances publiques. Ceci a été fait sans publicité particulière, mais sans dissimulation non plus. Ces contrôles portaient d'une part sur les procédures de contrôle fiscal à l'encontre de certaines sociétés multinationales, notamment du domaine de l'internet, et d'autre part, sur la question des transferts de bénéfices imposables d'un pays à un autre et préjudiciables au rendement de l'impôt sur les sociétés. Dans le même cadre, j'ai également interrogé la direction générale des finances publiques sur la mesure des expatriations de capitaux, des exils fiscaux et des délocalisations de patrimoine. Tout ceci ne me semble pas avoir posé de problème particulier.

Nous en revenons au 11 avril : l'information du jour était la publication de l'article de « Valeurs actuelles » et les questions qu'il conduisait à se poser. Dès lors, le président Carrez et moi-même avons été soumis à une pression médiatique considérable. Tout à fait naturellement, nous avons répondu aux journalistes qui nous questionnaient que nous ne pouvions rien dire avant d'avoir interrogé les responsables du ministère de l'économie et des finances. Le président Carrez a fait savoir par communiqué, en fin de matinée, que nous allions nous rendre à la direction générale des finances publiques. Nous n'avons organisé, ni l'un, ni l'autre, aucune mise en scène médiatique. Nous n'avons convoqué aucun journaliste, mais il se trouve qu'ils étaient tous concentrés sur ce sujet. Ayant connaissance de l'heure à laquelle nous devions nous rendre à Bercy, ils ont fait circuler ce message et nous ont attendus dehors un certain temps - puisque nous sommes restés en réunion pendant une heure et quarante-cinq minutes avec le directeur général et ses deux adjoints.

A titre de conclusion, je voudrais souligner plusieurs points. Tout d'abord, je n'ai pas mis en cause l'administration. Il me semble qu'il est de son devoir de concourir aux objectifs définis par le pouvoir exécutif. J'ai indiqué - je crois que François Marc a relevé ce terme - que l'administration était en quelque sorte le « bouclier du ministre » ; ce n'est pas du tout pour moi une expression péjorative. C'est ce que l'on doit souhaiter, me semble-t-il, de toute administration au service d'un pouvoir élu démocratiquement.

Il est vrai - et François Marc a relevé mon propos - qu'en réponse à une question d'un journaliste, j'ai indiqué que je souhaitais la démission du ministre de l'économie et des finances, en disant dans la même phrase, que ce n'était pas en rapport avec l'affaire Cahuzac.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Bien entendu, en tant que membre de l'opposition, je serais prêt, si le Sénat en avait le pouvoir, à voter la censure tous les jours, et donc à souhaiter le départ de l'ensemble du Gouvernement, et notamment du ministre de l'économie et des finances. Ce dernier accepte de se faire contredire par certains de ses collègues du Gouvernement, ce qui me semble poser de réels problèmes d'autorité. Ce n'est ni plus, ni moins. S'agissant de l'affaire Cahuzac, je n'ai aucun élément pour enjoindre quoi que ce soit à Pierre Moscovici.

En troisième lieu, je précise que Gilles Carrez et moi-même avons sollicité des documents au cours de cette rencontre. Lorsque nous avons demandé s'il y avait des notes émanant de l'administration et adressées au ministre ou à son cabinet sur les procédures relatives à Jérôme Cahuzac, la réponse a été assez floue. Connaissant un peu le fonctionnement de l'administration, il m'est apparu assez improbable qu'il n'y ait pas de trace écrite de l'analyse de cette situation. Au demeurant, je ne pense pas que l'administration prenne le risque de dissimuler des éléments puisque les technologies actuelles permettent de retrouver les pièces. Certes, ce n'est plus, comme je l'ai fait autrefois, en compulsant des peluriers. Mais, lorsque l'on dit « faire parler la mémoire des ordinateurs », c'est comme chercher dans les pelures, c'est-à-dire la production d'un secrétariat à un endroit et un moment donnés.

Enfin, je précise que les éléments recueillis pourront, si vous le souhaitez - je m'en suis entretenu ce matin avec le rapporteur général - faire l'objet d'une communication à la commission. Ceci suppose que j'aie bien reçu les informations demandées, listées au cours de la réunion, et qu'elles aient pu être exploitées. Je joindrai à cette communication un compte-rendu de la séance de travail à Bercy. Je joindrai également, si le ministre m'y autorise, les deux réponses qu'il a faites à mes courriers successifs. J'observe d'ailleurs que tout cela a été largement traité lors de l'audition de Pierre Moscovici à l'Assemblée nationale, le 17 avril 2013.

Voilà ce que je peux dire à propos de cette séquence, en souhaitant que les esprits ne s'enflamment pas trop. Gilles Carrez et moi-même avons eu le sentiment d'être les célébrités du jour, mais nous ne l'avons pas recherché du tout ! Au demeurant, chacun ici est bien placé pour savoir que lorsque l'on souhaite organiser une conférence de presse, en général, il y a peu de participation. Et au contraire, c'est lorsque c'est spontané et que l'information se répand comme une traînée de poudre que tous les journalistes sont présents, alors que l'on ne s'y attendait pas forcément. Voilà, mes chers collègues, les quelques éléments de fait que je souhaitais vous indiquer, en vous priant de bien vouloir excuser mon absence de la semaine dernière.

Debut de section - PermalienPhoto de Edmond Hervé

Monsieur le président, je vous remercie pour cette communication. Mon rappel au règlement était un hommage à la fonction de président de la commission des finances, puisque dans mon intervention, j'ai tenu à citer la fonction de contrôle qui est la vôtre, comme celle de tout membre de la commission. D'autre part, en vous écoutant, j'éprouve beaucoup de compassion pour toute personne qui subit une pression médiatique. Il est quelquefois difficile d'échapper à ce genre de pression.

Tout comme mes collègues, j'ai reçu votre lettre du 12 avril 2013 où il était indiqué à la fin : « je reste à votre disposition pour toute information complémentaire ». J'imagine les difficultés qui auraient été les vôtres s'il y avait eu à l'entrée de votre bureau une file de collègues se succédant pour demander des informations.

J'ai trouvé également, dans votre lettre du 5 avril 2013, un passage qui doit faire consensus entre nous. Dans le dernier alinéa de votre lettre, vous écrivez ceci : « les responsables politiques s'expriment avec mesure, sur la base d'éléments étayés ». J'ai cru bon de m'inspirer de ce passage pour faire ce modeste rappel au règlement en début de séance.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je souhaite vous donner acte, monsieur le président, des précisions que vous avez bien voulu nous apporter, de la démarche engagée auprès de Bercy et de la volonté qui est la vôtre de communiquer à l'ensemble de la commission les éléments qui ont été obtenus, ou qui vont l'être dans de très brefs délais. Ceci permettra à chacun de se faire une opinion très précise sur la nature de ces informations et sur les démarches engagées par Bercy lorsqu'il s'est agit de mettre au clair cette affaire impliquant Jérôme Cahuzac.

Pour le reste, la question qui s'est posée à nous, et sur laquelle j'ai réagi, est simplement une question de méthode, liée à l'autonomie du travail parlementaire. Chaque chambre a ses prérogatives. Le fait que les deux présidents des commissions des finances se concertent pour aller conjointement à Bercy - dans le « bruit médiatique » du moment - révèle une démarche qui dépasse peut-être le champ de la fonction de contrôle exercée par chacune des chambres. Le fait qu'il s'agisse d'une démarche conjointe et que les médias aient été prévenus le matin de cette visite ont sans doute contribué à la « sur-médiatiser ». Même si j'ai bien compris, monsieur le président, que cette information donnée à la presse ne venait pas de la commission des finances du Sénat, mais de l'Assemblée nationale, c'est certainement cela qui a entraîné l'écho considérable autour de cette visite. Un certain nombre de collègues s'en était ému auprès de moi.

Je pense que les éléments apportés aujourd'hui clarifient la situation et je m'en tiens à cet engagement de communiquer à nos collègues les informations utiles dans les meilleurs délais.

La commission entend ensuite une communication de M. François Marc, rapporteur général, sur le projet de décret d'avance portant création du programme relatif au Haut Conseil des finances publiques et le dotant en crédits, transmis pour avis à la commission, en application de l'article 13 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je vous propose un avis favorable de notre commission des finances sur ce projet de décret d'avance, notifié le 18 avril 2013, qui porte ouverture et annulation de 782 396 euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Nous devons avoir à l'esprit que nous avons fortement contribué à ce que le Haut Conseil des finances publiques soit mis sur pied, puisque nous avons voté le projet de loi organique prévoyant sa création. Nous devons également noter que les ouvertures de crédits prévues par le présent projet sont gagées par des annulations de même montant sur le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » de la mission « Conseil et contrôle de l'Etat », d'où proviennent les moyens humains et matériels du Haut Conseil des finances publiques. Ces crédits n'excèdent pas le plafond de 1 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année et les annulations prévues n'excèdent pas le plafond de 1,5 % des crédits ouverts par la loi de finances pour 2013.

Nous pouvons considérer qu'il y a urgence à ouvrir ces autorisations d'engagement et ces crédits de paiement, dès lors que la création d'un programme dédié respecte la volonté du législateur organique d'inscrire les actions du Haut Conseil dans un cadre qui en garantisse la transparence et la lisibilité.

C'est une procédure inédite depuis l'entrée en vigueur de la loi organique du 1er août 2001. Mais aucune disposition juridique n'interdit la création d'un programme par décret d'avance, dès lors que les seuils mentionnés précédemment sont bien respectés. Cette procédure a toutefois vocation à demeurer exceptionnelle.

Je relève aussi que le Gouvernement a transmis au Parlement, conjointement au projet de décret d'avance, une présentation exhaustive et détaillée du nouveau programme, comportant la présentation stratégique du projet annuel de performance, la présentation des crédits et des dépenses fiscales, et la justification au premier euro, à l'exception toutefois des dispositions relatives aux objectifs et indicateurs de performance, qui devront figurer dans le projet de loi de finances pour 2014.

Sous le bénéfice de ces observations, notre commission pourrait émettre un avis favorable au présent projet de décret d'avance.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je vous remercie monsieur le rapporteur général. Je souligne que la création de ce programme dédié au Haut Conseil des finances publiques, résulte d'un amendement du Sénat, proposé à mon initiative.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Je suis d'accord avec les propos tenus par le rapporteur général. Au vu de ce projet de décret d'avance, j'espère toutefois que les contrôles des chambres régionales des comptes, pour nous autres misérables vermisseaux de province, seront plus compréhensifs. Je constate en effet que 450 000 euros de crédits sont prévus pour les travaux d'aménagement d'une salle de réunion dédiée, des marchés d'expertise - chose que l'on nous reproche souvent ! - et des frais de fonctionnement courant.

Je voterai de façon optimiste et enthousiaste ce projet de décret d'avance, en espérant que ce qui est fait pour le Haut Conseil des finances publiques permettra de mieux considérer ce qui est fait en province pour l'intérêt général.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Le courrier du ministre du budget du 16 avril 2013 m'interpelle. Il y est écrit : « la ratification de ce décret sera demandée au Parlement dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l'année 2013 ».

Ne serait-ce qu'en tenant compte du récent avis du Haut Conseil des finances publiques, il est bien évident que, pour l'année en cours, nous sommes plus proches de la récession que des 0,8 % de croissance initialement prévus par le Gouvernement. Normalement, nous devrions donc être saisis d'un projet de loi de finances rectificative, sous peine de ne pas prendre les mesures d'ajustement nécessaires.

Or tout ce débat a lieu en-dehors du Parlement : au Haut Conseil des finances publiques, au Fonds monétaire international, dans la presse ou dans les couloirs des grandes administrations... Nous devrions travailler sur ces nouvelles données, ou alors, cela signifie que le Gouvernement s'oriente, sans le dire, vers une autre politique, où la réduction des déficits n'est plus une priorité. Hormis la question de la croissance, il y a le problème du financement du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) et des économies à faire pour passer sous la barre des 3 % de déficit public.

Je souhaiterais donc, monsieur le rapporteur général, que vous nous disiez, au-delà de la formule alambiquée de ce courrier, comment nous allons travailler dans les prochaines semaines.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cher collègue, vous posez des questions de fond qui seront sûrement aussi traitées dans le cadre du débat suivant sur le programme de stabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Quelles sont les obligations morales du Gouvernement lorsqu'il y a une distorsion entre l'évaluation du Haut Conseil des finances publiques et ses propres prévisions de croissance ? S'il n'est tenu aucun compte de l'avis du Haut Conseil, alors il ne sert à rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

La loi organique du 17 décembre 2012 prévoit que les avis du Haut Conseil sont publics. Ils peuvent donc, en premier lieu, influencer les opinions que les différents acteurs de l'économie internationale ont de la France. En deuxième lieu, dans le cadre du semestre européen, l'avis du Haut Conseil doit être joint au programme de stabilité. Il appartiendra à la Commission européenne de questionner le Gouvernement français, et le cas échéant, de formuler des observations. En troisième lieu, le Conseil constitutionnel tiendra compte de l'avis du Haut Conseil pour apprécier la sincérité des lois de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je souhaite apporter quelques éléments de réponse à Jean Germain sur les moyens du Haut Conseil. L'enveloppe de 782 000 euros est répartie en deux composantes : la première pour permettre le démarrage des travaux, la seconde pour la rémunération du personnel et les autres dépenses de fonctionnement. S'agissant des aménagements de salle, il s'agit d'une dépense de 75 000 euros. Il y a aussi 25 000 de frais divers et enfin des frais d'expertise à hauteur de 350 000 euros. Nous avions en effet souhaité que le Haut Conseil puisse s'entourer des avis les plus autorisés.

S'agissant de l'interrogation de notre collègue Francis Delattre sur un éventuel projet de loi de finances rectificative, je peux vous indiquer qu'il y en aura certainement un d'ici la fin de l'année 2013 afin de garantir la bonne information du Parlement et de recueillir son consentement, conformément à la loi organique relative aux lois de finances. C'est ce qui est sous-entendu dans la formulation que vous évoquiez. Concernant le fond de votre question, je pourrai y répondre plus en détail après la présentation du rapport sur le programme de stabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

S'agissant du projet d'avis, y a-t-il des demandes de modification ? Je n'en vois pas. Y a-t-il des oppositions ? Je n'en vois pas non plus. Des abstentions ? Une abstention. Notre commission a donc rendu un avis favorable.

La commission donne acte de sa communication au rapporteur général et adopte l'avis sur le projet de décret d'avance.

L'avis est ainsi rédigé :

« La commission des finances,

« Vu les articles 13, 14 et 56 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;

« Vu la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ;

« Vu la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 ;

« Vu le projet de décret d'avance notifié le 18 avril 2013, portant ouverture et annulation de 782 396 euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, le rapport de motivation qui l'accompagne et les réponses du ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, au questionnaire du rapporteur général ;

« 1. Souligne que l'unique objet du projet de décret d'avance est de créer et de doter le programme « Haut Conseil des finances publiques » au sein de la mission « Conseil et contrôle de l'Etat », afin de respecter les dispositions de l'article 22 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, introduites pour garantir l'indépendance matérielle et fonctionnelle du Haut Conseil des finances publiques ;

« 2. Observe que les ouvertures de crédits prévues par le présent projet sont gagées par des annulations de même montant sur le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » de la mission « Conseil et contrôle de l'Etat », d'où proviennent les moyens humains et matériels du Haut Conseil des finances publiques ; que, par ailleurs, ces ouvertures n'excèdent pas le plafond de 1 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année et que les annulations prévues n'excèdent pas le plafond de 1,5 % des crédits ouverts par la loi de finances pour 2013 ;

« 3. Considère que l'urgence à ouvrir les autorisations d'engagement et les crédits de paiement prévus par le présent projet de décret est avérée ; en effet, si le Haut Conseil des finances publiques a d'ores et déjà engagé ses travaux, la création d'un programme dédié en cours d'exécution respecte la volonté du législateur organique d'inscrire ses actions dans un cadre qui en garantisse la transparence et la lisibilité ;

« 4. Observe qu'aucune disposition juridique n'interdit la création d'un programme par décret d'avance, mais que cette procédure, inédite depuis l'entrée en vigueur de la loi organique du 1er août 2001, a vocation à demeurer exceptionnelle ;

« 5. Relève que, pour la bonne information du Parlement, le Gouvernement a transmis, conjointement au projet de décret d'avance, une présentation exhaustive et détaillée du nouveau programme, comportant la présentation stratégique du projet annuel de performances, la présentation des crédits et des dépenses fiscales et la justification au premier euro, à l'exception toutefois des dispositions relatives aux objectifs et indicateurs de performance, qui devront figurer dans le projet de loi de finances pour 2014 ;

« 6. Emet en conséquence, et sous le bénéfice de ces observations, un avis favorable au présent projet de décret d'avance. »

Puis la commission entend une communication de M. François Marc, rapporteur général, sur le projet de programme de stabilité, avant sa transmission à la Commission européenne en application de l'article 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Il faut, tout d'abord, rappeler que nous avons un nouveau cadre européen pour la politique budgétaire. Ce cadre exige de naviguer entre plusieurs notions. Le solde public effectif est un concept que nous utilisons depuis longtemps déjà, dans le cadre de la règle de limitation des déficits publics à 3 % du produit intérieur brut (PIB). Le solde structurel est, quant à lui, le solde public effectif corrigé des effets de la conjoncture ; ainsi, actuellement, le solde structurel est moins dégradé que le solde effectif car notre PIB est sensiblement inférieur au PIB potentiel. Enfin, l'effort structurel correspond à l'évolution du solde structurel qui dépend de l'action des pouvoirs publics. Dans un instant, nous verrons les mesures mises en oeuvre pour que l'effort structurel soit suffisant au regard des objectifs arrêtés.

Le solde et l'effort structurels sont les deux notions qui sont privilégiées dans le cadre des nouvelles règles européennes, introduites notamment par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) et dont la mise en oeuvre, dans le droit national, est détaillée par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

Je ne reviendrai pas, toutefois, sur les nouvelles règles de gouvernance budgétaire européennes, que nous avons pu aborder dans le détail lors de l'audition, le 10 avril dernier, de Ramon Fernandez, directeur général du Trésor, et Julien Dubertret, directeur du budget.

Le contexte du projet de programme de stabilité qui nous est soumis est particulier. En effet, la situation économique de la zone euro est dégradée - les années 2012 et 2013 ont constitué deux années de récession consécutives. Les politiques d'ajustement menées par les Etats ont permis de ramener le déficit de la zone euro à un peu moins de 3 % du PIB cette année, contre un peu plus du double en 2010.

La faiblesse de la croissance conduit de nombreux Etats à rater leur cible d'ajustement ; nous avons pu le constater s'agissant des pays les plus fragiles de la zone euro. Tout cela a conduit à mettre en débat le rythme des ajustements à mener. Les institutions internationales, au premier rang desquelles figure le Fonds monétaire international (FMI), défendent aujourd'hui l'idée d'un assouplissement des trajectoires de consolidation, après avoir souvent été les chantres de la rigueur au cours des dernières années.

Il faut noter que, la semaine dernière, le secrétaire du Trésor américain, Jack Lew, et la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, ont plaidé pour une modération des mesures d'austérité dans certains pays européens afin de ne pas aggraver la crise économique. En réponse, Olli Rehn, commissaire européen en charge des affaires économiques et monétaires, a indiqué que la zone euro allait étendre ses efforts de consolidation sur une période plus longue pour permettre une relance de la croissance.

Pourquoi privilégier le solde structurel ? Il faut avoir à l'esprit que la définition d'une politique budgétaire en fonction d'une trajectoire de solde effectif, focalisée notamment sur la « règle des 3 % », serait problématique et pourrait nous entraîner dans une spirale récessive.

A cet égard, le FMI a récemment reconnu que les gouvernements avaient largement sous-estimé les multiplicateurs budgétaires, c'est-à-dire l'impact sur la croissance des ajustements conduits. Ainsi, Olivier Blanchard, économiste en chef de cette institution, a indiqué qu'au lieu d'un multiplicateur de 0,5, de récentes recherches ont montré que les multiplicateurs étaient plus proches de 1, voire supérieurs à 1, ce qui signifie que lorsque l'on diminue les dépenses publiques de 1 %, la croissance est, elle-même, réduite d'1 point ou davantage. Ces analyses invitent à se montrer particulièrement vigilant quant aux mesures à prendre.

S'agissant du volet correctif du pacte de stabilité et de croissance (PSC), je souhaiterais rappeler que la « règle des 3 % » ne fixe pas une règle absolue. Concrètement, si un Etat présente un déficit effectif supérieur à 3 %, le Conseil lui fixe une trajectoire de retour vers ce seuil ; pour la France, le Conseil a arrêté une obligation de réduction du déficit structurel d'au moins 1 point par an en moyenne, de 2010 à 2013, et de revenir sous la barre des 3 % de PIB de déficit effectif en 2012. Toutefois, fin 2009, cette exigence a été repoussée à 2013.

Le Gouvernement demande aujourd'hui que cette date de retour sous le seuil des 3 % du PIB soit reportée à 2014. Le commissaire Olli Rehn a indiqué, en février dernier, que ce report pourrait être accepté si la France avait respecté les conditions que je viens de rappeler concernant l'ajustement de son déficit structurel. Néanmoins, si cette décision de report est probable, elle doit encore être confirmée.

J'en viens maintenant aux hypothèses de croissance. J'ai, pour ma part, le sentiment que les prévisions du Gouvernement reposent sur des hypothèses raisonnablement crédibles. Tout d'abord, la hausse de la demande mondiale adressée à la France serait permise par l'amélioration de l'environnement international. Ensuite, une croissance modérée de la demande intérieure pourrait découler de la diminution du taux d'épargne des ménages qui se situe, actuellement, à un niveau élevé.

Il faut également rappeler que ces prévisions de croissance sont en concordance avec celles de la Commission européenne, même si ces dernières ne tenaient pas compte de l'ajustement budgétaire supplémentaire auquel procède le Gouvernement entre 2013 et 2014. Certes, les prévisions retenues peuvent être jugées optimistes, mais elles ne sont pas irréalistes. Je note d'ailleurs que le Président du Haut Conseil des finances publiques, Didier Migaud, a estimé, lors de son audition du 16 avril dernier par la commission des finances de l'Assemblée nationale, que « les hypothèses gouvernementales n'étaient pas irréalistes ».

Depuis un certain nombre d'années, notre commission a développé ses propres outils d'analyse ; aussi apparaît-il que les hypothèses du Gouvernement sont assez proches du scénario « conventionnel » de la commission des finances. Si la démarche retenue par cette dernière ne constitue pas, en tant que telle, une contre-expertise, la « doctrine » qu'elle a définie depuis déjà quelques années plaide en faveur du caractère raisonnable des prévisions gouvernementales.

J'en arrive au point principal de cette intervention : la stratégie de consolidation des finances publiques arrêtée dans le cadre du projet de programme de stabilité ; celle-ci repose sur la notion de solde structurel. Si l'on compare la trajectoire du projet de programme de stabilité à celle définie par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, il apparaît que la reprise économique est décalée d'une année et, que la trajectoire de retour en-dessous du seuil de 3 % du PIB de déficit effectif est également repoussée d'un an. En outre, le début de l'inversion de l'évolution de la dette est retardé d'une année ; celle-ci part aussi, malheureusement, d'un niveau plus élevé. Enfin, la trajectoire de solde structurel est plus exigeante, et ce dès 2014.

La courbe retraçant le ratio de la dette sur le PIB montre une nette rupture, en 2015, dans la tendance à la hausse de long terme. En 2017, la dette publique serait réduite de 6 points de PIB et reviendrait à un niveau inférieur à celui constaté en 2012. Voici la trajectoire vertueuse arrêtée par le Gouvernement, telle qu'elle se dessine aujourd'hui.

Comme je l'ai indiqué, la trajectoire de solde effectif a, quant à elle, été assouplie ; centre de toutes les attentions, le retour du déficit effectif en-deçà de 3 % du PIB a été reporté de 2013 en 2014. L'objectif pour cette dernière année a été fixé à 2,9 % du PIB. Le décalage par rapport à la trajectoire retenue par la loi de programmation des finances publiques est lié, pour l'essentiel, à une croissance plus faible en début de période, s'agissant des années 2012 à 2014. L'écart de -0,7 point entre les prévisions de déficit effectif pour 2013 de la loi de programmation et celles du projet de programme de stabilité - soit 3,7 % du PIB contre les 3 % initialement prévus - ne sera que partiellement résorbé en 2017.

Les précédents programmes de stabilité avaient tous prévu un retour à l'équilibre qui n'a, finalement, jamais été atteint - cela s'explique pour ces dernières années, plongées au coeur de la crise, mais plus difficilement pour les périodes antérieures. Si, en des temps économiquement plus cléments, soit jusqu'à 2008, les trajectoires de retour à l'équilibre avaient été respectées, notre situation actuelle aurait été moins difficile. Ceci, me semble-t-il, paraît inviter à une certaine modestie dans les critiques formulées à l'égard de la stratégie retenue par le Gouvernement actuel.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Si la trajectoire de solde effectif du projet de programme de stabilité est légèrement décalée par rapport à celle de la loi de programmation des finances publiques, elle reste bien sur une tendance similaire. Ce décalage est principalement imputable à un déficit supérieur, en 2012, à ce qui était anticipé - celui-ci a atteint 4,8 % du PIB au lieu des 4,5 % initialement prévus. Je rappelle que ce « dérapage » de 0,3 point de PIB provient d'une situation héritée de la période passée ! Je pense à la recapitalisation de Dexia, mais également à un certain nombre d'autres dépassements...

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

La recapitalisation de Dexia n'était pas un problème de droite ou de gauche...

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

S'agissant de l'évolution du solde structurel, il faut rappeler que sa réduction constitue l'engagement de la France au regard du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). On constate qu'après un léger dérapage en 2012 et 2013 par rapport aux objectifs définis par la loi de programmation, la trajectoire est ensuite plus exigeante, et ce dès 2014. Les efforts seront donc plus importants. L'ajustement culmine en 2013 et décroît ensuite au cours de la période. Ainsi, la plus grande part des efforts à réaliser est concentrée au début de la législature.

Des efforts supplémentaires sont prévus par le présent programme de stabilité. Le Gouvernement fait reposer l'essentiel des efforts sur les recettes en début de période, puis sur les dépenses.

A cet égard, le bien fondé de cette stratégie est confirmé par les études du FMI qui ont souligné qu'à court terme, faire porter l'ajustement sur les recettes avait un impact récessif moins important. Par ailleurs, cela permet de préparer les réformes structurelles qui doivent permettre de reporter, par la suite, les efforts sur la dépense ; c'est le sens des actions engagées par le Gouvernement, précisées par Bernard Cazeneuve lors de son audition du 17 avril dernier, notamment dans le cadre de la Modernisation de l'action publique (MAP).

A l'attention de ceux qui ont jugé que les efforts du Gouvernement en matière de dépenses n'étaient pas suffisants, je souhaiterais souligner que, pour la période 2012-2017, les dépenses publiques ne croîtront que de 0,5 % par an, alors que ces dernières augmentent, de manière spontanée, de 1,5 % par an ; cette hausse annuelle a été de 2,3 % entre 2002 et 2006 et de 1,7 % entre 2007 et 2011. Ceci montre l'effort considérable réalisé par l'actuel Gouvernement sur les dépenses.

L'effort structurel de 1 point de PIB programmé pour 2014 portera sur les recettes à hauteur de 30 % et sur les dépenses pour 70 %. Concernant les mesures en recettes, elles intègrent la compensation des dispositifs qui, en 2014, ne permettaient pas de dégager les recettes attendues - qu'il s'agisse des mesures présentant un rendement moindre que prévu ou de celles censurées par le Conseil constitutionnel. Cet effort intègre également des mesures nouvelles, à hauteur de 6 milliards d'euros, correspondant notamment à la hausse des cotisations de retraite dans le cadre de l'accord sur les retraites complémentaires, la lutte contre la fraude fiscale - qui devrait procurer près de 2 milliards d'euros de recettes supplémentaires - et la réduction des niches fiscales et sociales - dont le rendement est également évalué à environ 2 milliards d'euros.

Les efforts en dépense devraient porter, en 2014, sur une révision à la baisse de 1,5 milliard d'euros des plafonds arbitrés dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, sur une baisse d'un même montant des dotations aux collectivités territoriales et un effort accru s'agissant de la sécurité sociale - soit la maîtrise de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), les effets de l'accord sur les retraites complémentaires et les mesures relatives à la branche « famille ». Cela montre bien qu'aujourd'hui l'essentiel des efforts porte sur les dépenses.

Les prochaines étapes sont importantes. Au-delà des prévisions macroéconomiques de la Commission européenne qui seront présentées dans quelques jours, et qui permettront de confronter ses hypothèses de croissance avec celles du programme de stabilité, le Conseil nous adressera, au début de l'été, ses recommandations.

Cette dernière étape est essentielle à deux titres. D'abord parce qu'elle permettra de mesurer la crédibilité de la politique engagée et de définir si des ajustements supplémentaires devraient être mis en oeuvre. La nécessité ou non de recourir à une loi de finances rectificative sera considérée à la lumière des analyses fournies par les institutions européennes. Ensuite, parce que c'est un rendez-vous important pour l'ensemble de la zone euro ; encore une fois, il faut rappeler que notre pays n'est pas dans une situation singulière et que la question du rythme des ajustements budgétaires est clairement posée. Les déclarations récentes du commissaire européen Olli Rehn laissent penser que la Commission a conscience de la crédibilité apportée par les ajustements engagés dans la zone euro, ce qui pourrait permettre un certain assouplissement des politiques budgétaires. Le Conseil statuera sur cette question en dernier ressort.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Le débat sur le niveau du taux de croissance est récurrent dans notre commission : il est traditionnel de constater un certain optimisme du côté des prévisions du Gouvernement alors que l'exécution se révèle toujours en deçà. J'observe que la création du Haut Conseil des finances publiques devait permettre, selon le Gouvernement, d'éviter définitivement ce type de débat, cette autorité indépendante devant permettre d'établir des prévisions incontestables. L'année dernière, lors de l'audition du ministre délégué en charge du budget, j'avais souhaité savoir si le Gouvernement s'estimerait lié par les avis du Haut Conseil ; il m'avait alors été répondu que ces avis ne seraient pas contraignants juridiquement mais qu'ils le seraient politiquement. Or, aujourd'hui, le Gouvernement ne tire pas les conséquences du premier avis rendu par cette autorité indépendante, dont les prévisions devaient être incontestables. Par ailleurs, je me demande jusqu'où l'on pourra aller sans adopter un collectif budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Ces prévisions s'apparentent à des boniments et n'ont rien de réaliste. Nous courrons à la catastrophe : non seulement, il n'y a pas de baisse des dépenses mais on assiste même à leur augmentation ; parallèlement on accroît la fiscalité : tout cela est grave. On nous explique que la règle des 3 % de déficit par rapport au PIB ne constitue pas une interdiction absolue, mais je souligne que notre déficit représente déjà plus de 60 milliards d'euros cette année et que cette somme s'ajoute à notre endettement. Nous n'avons pas d'argent mais nous continuons de faire comme si nous en avions. Ainsi, il nous est proposé de doter l'école de 60 000 fonctionnaires supplémentaires, de même on crée les emplois d'avenir, qui devraient coûter 5 à 10 milliards d'euros. Il semble impossible d'obtenir un point de croissance supplémentaire l'année prochaine - plus personne n'investit dans notre pays - et le Gouvernement ne fait donc que reporter d'année en année le respect de nos engagements européens. Ce programme de stabilité est donc irréaliste et le Gouvernement ne comprend pas les réalités économiques : avec les politiques conduites, la France sera en faillite. Il faudrait baisser les dépenses et les impôts, mais la majorité actuelle n'est pas une bonne gestionnaire, même si je reconnais que les problèmes sont antérieurs à 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Mes propos seront proches de ce que j'avais déclaré lors de l'audition de Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, et Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget, le 17 avril dernier, à savoir que la parole de la France doit être crédible, surtout vis-à-vis des institutions européennes et des autres Etats membres. Je ne comprends toujours pas pourquoi ce programme de stabilité indique que la conjoncture est en voie d'amélioration. Sur quels fondements cette affirmation repose-t-elle ? Cela me semble être une énormité. Je remarque que le Gouvernement n'est pas prudent dans ses hypothèses et qu'il choisit de ne pas suivre l'avis du Haut Conseil des finances publiques. Je note qu'allouer 782 000 euros de crédits à ce Haut Conseil paraît inutile si cet organe ne sert à rien. Peut-être que le Gouvernement est trop ambitieux dans sa trajectoire de réduction du déficit public et qu'il serait plus prudent de « se donner de la marge » en demandant des délais plus longs pour revenir à l'équilibre, et ce afin de renforcer notre crédibilité.

Je m'interroge, de plus, sur l'origine des efforts à fournir, issus à 70 % d'efforts en matière de dépenses, soit 14 milliards d'euros, les 30 % restants résultant d'une hausse des recettes. Cette proposition représente une escroquerie intellectuelle puisqu'il n'y a pas réellement de réduction de la dépense publique mais une simple stabilisation. Seules les collectivités territoriales vont devoir réellement réduire leurs dépenses, ce n'est pas le cas de l'Etat. Pour ma part, j'estime que l'impact sur le PIB est plus important lorsqu'on alourdit les prélèvements obligatoires que lorsqu'on réduit le niveau des dépenses publiques improductives.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Je pense qu'à travers ce programme de stabilité, vous cherchez à gagner du temps. Nous avions déjà dit à l'automne de l'année dernière, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2013, que les hypothèses du Gouvernement étaient irréalistes ; l'expérience nous donne raison et, pourtant, le programme que la France s'apprête à adresser à la Commission européenne relève de la même logique. Ce débat n'est pas sincère, comme en témoigne le choix d'ignorer le premier avis rendu par le Haut Conseil des finances publiques, ce qui augure mal de la suite. Par ailleurs, je regrette que cette communication au Parlement ne soit pas suivie d'un vote formel. Enfin, l'effort structurel nécessaire en 2014 n'est pas de l'ordre de 20 milliards d'euros mais devrait plutôt approcher 30 milliards d'euros. Pourtant, sur ces 20 milliards, 6 milliards d'euros devraient provenir de recettes fiscales et 14 milliards correspondre à des économies de dépenses, dont 7,5 milliards d'euros issus des dépenses de l'Etat : un tel chiffre n'est pas crédible, d'autant que les mesures permettant ces réductions de dépense ne sont pas précisées. Le respect de la norme « zéro volume » pour les dépenses de l'Etat n'est pas documentée ! Comment le Gouvernement va-t-il tenir jusqu'à la fin de l'année avec de telles positions ? L'enjeu n'est pas de jouer le bon élève au sein de l'Union européenne mais il est bien de revenir à l'équilibre budgétaire. Malheureusement nous n'en prenons pas le chemin. Je suis très déçue par la qualité du projet de programme de stabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Edmond Hervé

Nous devons nous mobiliser afin de retrouver un équilibre qui soit non seulement comptable mais aussi économique, social et territorial. C'est à la lumière de ces différents équilibres qu'il faut agir. Le rapporteur général nous a rappelé que les hypothèses des précédents programmes de stabilité ont toujours été démenties par l'expérience et n'ont pas permis le retour à l'équilibre : il s'agit d'une réalité incontestable. L'important est de faire aujourd'hui les bons choix en vue d'atteindre l'objectif d'équilibre et, à cet égard, je souhaite que le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) soit un succès, que les emplois d'avenir soient une réussite et que les collectivités territoriales continuent d'investir. Dans les relations entre l'Etat et les collectivités locales, je plaide pour un pacte républicain. Par ailleurs, l'impôt sur le revenu (IR) et la contribution sociale généralisée (CSG) doivent être fusionnés au nom de la justice et de l'efficacité.

La présentation du rapporteur général montre que l'effort à fournir, réparti entre les recettes et les dépenses, à hauteur respectivement de 30 % et de 70 % en 2014, doit nous mobiliser. La rigueur intellectuelle nous invite à rappeler à chacun que la définition du déficit public par le traité de Maastricht exclut bon nombre de déficits rattachables au secteur public, sans doute pour quelques dizaines de milliards d'euros, issus de certaines de nos grandes entreprises publiques telles que, par exemple RFF ou la SNCF ; et, à l'inverse, je me demande pourquoi la contribution au budget de l'Union européenne, ainsi que nos dépenses de défense sont comptabilisées dans notre solde public. En outre, j'indique ne pas être un fanatique du Haut Conseil des finances publiques. En tant que parlementaire, je ne m'estime pas lié par ses avis. Je réitère donc ici ma demande d'un renforcement des moyens du Parlement en matière d'investigation et d'expertise.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La crédibilité du Gouvernement et du Parlement passe par des signaux forts, telle qu'une baisse réelle des dépenses publiques. Or je ne la vois pas se dessiner si je m'en tiens au présent programme de stabilité. Ainsi, la stabilisation de la dépense publique y est assimilée à tort à une réduction de cette dernière. La baisse des dépenses n'est donc pas réaliste, compte-tenu des options politiques retenues. Je demande au rapporteur général qu'il nous fournisse un document récapitulant l'ensemble des dépenses engagées depuis l'arrivée au pouvoir du Gouvernement de M. Jean-Marc Ayrault, qui dégradent le solde. Je relève par exemple que le jour de carence a été supprimé dans la fonction publique et, bien que le coût de cette mesure ne soit pas considérable, il s'agit d'un message délétère adressé à l'opinion publique. Il aurait mieux valu aligner le régime public sur celui de la sphère privée, à savoir trois jours de carence. Comme me l'a récemment indiqué un professeur de médecine se disant « de gauche », l'absentéisme revient chez les aides-soignants de son hôpital, ce qui alourdit la charge de travail des infirmières. Les signaux adressés vont dans le mauvais sens, il n'y a plus de confiance. Aussi des chefs d'entreprise m'informent-ils que leurs carnets de commandes se vident et qu'ils n'ont pas de visibilité au-delà de trois semaines. Notre discussion au sein de la commission aujourd'hui montre que le Haut Conseil des finances publiques coûte de l'argent, mais aussi qu'il ne sert pas à grand-chose. Les membres de la commission des finances devraient avoir le courage de demander la suppression de nombreuses structures du même type dont l'utilité n'est pas démontrée. Notre pays a besoin d'un homme à poigne et d'un Gouvernement restreint, avec par exemple quinze ministres au lieu de quarante. Ces signaux sont nécessaires, il en va de l'avenir de notre économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Le fait que les précédents programmes de stabilité n'aient jamais atteint le retour à l'équilibre qu'ils envisageaient nous invite à la modestie et peut faire craindre que le même manque de réalisme se révèle demain. Je souligne que le choix de parler d'« hypothèses de croissance raisonnablement crédibles » constitue un aveu sémantique : soit les hypothèses sont crédibles, soit elles sont raisonnables, mais l'expression retenue révèle un doute certain. Par ailleurs, comparer la croissance de la dépense publique entre les périodes 2007-2012 et 2012-2017, respectivement de 1,7 % et 0,5 %, n'a pas grand sens puisque cela revient à comparer l'exécution avec de simples prévisions. Il faut donc faire preuve de plus de prudence. En ce qui concerne l'effort de réduction des dépenses de l'Etat envisagé, soit 7,5 milliards d'euros, je souligne que la plus grande partie correspond à une simple stabilisation et non à une baisse réelle. Enfin, la conclusion du rapporteur général selon laquelle la balle est dans le camp des institutions européenne reflète un manque de volontarisme. La France semble dire « monsieur le bourreau, encore cinq minutes » !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Le programme de stabilité participe de la stratégie générale d'évitement de l'actuel Gouvernement s'agissant des choix que nous devrions faire. Personne ne croit qu'il y aura une augmentation d'un point du taux de croissance en 2014. La nécessité d'un dispositif en faveur de la compétitivité fait l'objet d'un consensus : la France est devenu un pays de consommateurs ; on ne produit presque plus, notre pays n'a plus d'usines, mais on y trouve en revanche beaucoup de centres commerciaux. Nos politiques doivent se tourner plus vers les producteurs et moins vers les consommateurs. Nous sommes dans l'urgence ! Certes, le CICE doit répondre en partie à cette exigence, mais son coût est sous-estimé. Le programme de stabilité anticipe une réduction des dépenses de l'Etat de 7,5 milliards d'euros ; cependant les besoins au titre du CICE devraient être bien plus importants dès 2014. Je remercie le rapporteur général de m'éclairer sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Devant tant d'expertise et de savoir de la part de certains de mes collègues, mon tempérament argileux me pousserait à m'incliner. Faisons preuve de sincérité et de rigueur, le Gouvernement est au pouvoir mais il n'est pas responsable de la situation : nous payons le prix de dix ans de laxisme budgétaire. Je rappelle que le précédent gouvernement a laissé déraper le déficit public à 7 % du PIB alors même que le taux de croissance était quatre fois supérieur ! Alors vos recettes imparables, vos leçons de morale...

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Dans un premier temps, le Gouvernement a fait porter l'effort de redressement sur les recettes et aujourd'hui, il propose de faire différemment, en réduisant les dépenses publiques. J'entends bien qu'il faut faire des économies. Mais dès que l'on touche au budget des collectivités territoriales, vous êtes les premiers à vous opposer. La question est de savoir où porter l'effort en matière de dépenses. Vous n'avez qu'à nous le dire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Je voudrais signaler un graphique publié dans « Le Figaro » de ce matin : il établit une corrélation entre, d'une part, la dépense publique et, d'autre part, la croissance et l'emploi. Il y a donc une utilité de la dépense publique. Pourtant, le Gouvernement fait des choix courageux et combat le laxisme qui était précédemment de mise. Il ne faut pas être manichéen.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Je ne serai pas manichéen dans mon propos, l'objectif partagé étant bien d'équilibrer le budget. A cet égard, j'observe que les analyses du Gouvernement reposent sur un axiome issu du Fonds monétaire international (FMI) : la réduction de la dépense publique serait plus récessive que l'augmentation des impôts. Mais je ne vois pas en quoi la première serait plus récessive que la seconde. Je me demande pourquoi le FMI affirme de telles contre-vérités alors que réduire les dépenses est un passage absolument obligé. J'en veux pour preuve que les pays ayant assuré un retour à l'équilibre ont réduit leurs dépenses sans accroître la pression fiscale, comme l'illustrent les expériences suédoise, belge ou encore canadienne. La France prend le chemin inverse. Par ailleurs, j'espère que le CICE fonctionnera mais, pour l'heure, le président de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de mon département m'a indiqué n'avoir connaissance d'aucun cas de recours à ce crédit d'impôt. J'ai appelé le préfet de la région Midi-Pyrénées pour avoir confirmation de ces données et, lui, m'a parlé d'une vingtaine de recours au CICE. Je crains qu'à ce rythme, la Commission européenne ne demande à nous mettre sous programme dans un an.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Si on constate une faible utilisation du CICE, ce dispositif ne coûtera pas aussi cher que prévu !

Je souhaiterais, pour finir, revenir sur la réponse apportée par le Gouvernement à une question d'Albéric de Montgolfier, lors de l'audition du 17 octobre 2012 du ministre délégué chargé du budget par la commission des finances, concernant les conséquences à tirer des avis du Haut Conseil des finances publiques. Notre collègue avait demandé : « Qu'entend faire l'exécutif de l'avis rendu ? Imaginons un budget fondé sur des prévisions de croissance de 0,8 %, quand la croissance réelle serait de 0,2 %. Si le Haut Conseil confirme la tendance, le Gouvernement révisera-t-il son projet de loi de finances, ou l'avis n'aura-t-il aucune conséquence ? » La réponse du ministre avait été la suivante : « L'avis du Haut Conseil ne s'imposera pas, M. de Montgolfier. Nous avons récusé toute injonction au Gouvernement et au Parlement. Mais il sera très délicat pour un gouvernement de s'affranchir de cet avis. Si la politique menée s'écartait de la trajectoire de retour à l'équilibre, la sanction des marchés serait immédiate, sans parler de la sanction politique, qui interviendrait plus tard. Un point de taux d'intérêt en plus équivaut à des milliards supplémentaires pour rembourser la dette ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Le taux d'intérêt à dix ans sur la dette publique est à 1,7 % !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C'est vrai ! Je tenais simplement à vous répéter in extenso les propos du Gouvernement quant aux conséquences attachées à l'avis du Haut Conseil.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je m'appliquerai à apporter des précisions en réponse aux questions qui ont été posées. S'agissant des appréciations qui ont été portées, par certains de nos collègues, sur le projet de programme de stabilité, je ne vois rien à ajouter : il est bien légitime que chacun ait son opinion et l'exprime.

Pour ce qui est du taux de croissance du PIB, j'ai retenu la remarque de Dominique de Legge sur le fait que j'avais qualifié les hypothèses du Gouvernement de « raisonnablement crédibles » ; je tiens à rappeler que des hypothèses constituent des constructions intellectuelles, nécessairement entourées d'incertitude. Je note, à cet égard, que lors de la campagne présidentielle, MM. François Hollande et Nicolas Sarkozy partageaient des hypothèses de croissance très proches et que tous deux se seraient trompés... En effet, la conjoncture a été très évolutive au cours des derniers mois.

En réponse à Albéric de Montgolfier, je souhaiterais m'interroger : est-ce le Haut Conseil qui dit la vérité ? Il ne faut pas négliger le fait que les analyses divergent en son sein ! Le Haut Conseil indique que les prévisions du Gouvernement ne sont pas déraisonnables. Dès lors, nous sommes fondés à retenir les hypothèses gouvernementales...

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Vous ne disiez pas cela l'année dernière ! Le Haut Conseil devait même constituer un substitut à la révision constitutionnelle instaurant une « règle d'or ».

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Certains ont affirmé que les économies prévues par le projet de programme de stabilité n'étaient pas documentées. Pourtant, elles le sont bien ! L'Etat réalisera 7,5 milliards d'euros d'économies, les dotations aux collectivités territoriales seront réduites de 1,5 milliard d'euros et les administrations de sécurité sociale s'attacheront à faire 5 milliards d'euros d'économies. L'on connaît également les secteurs préservés, comme l'éducation et la justice. S'agissant des recettes, il semble également que les informations figurant dans le projet de programme de stabilité sont suffisamment riches.

J'attire l'attention de Francis Delattre sur le fait que le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) montera progressivement en charge, coûtant 10 milliards d'euros en 2014 et 20 milliards d'euros en 2016...

Il a été affirmé que mon propos laissait entendre que les institutions européennes avaient désormais la main sur notre politique budgétaire. Je voulais simplement dire que la procédure actuellement en vigueur prévoit une « navette » entre les Etats et les institutions européennes : une fois le programme de stabilité transmis par la France, il revient à la Commission et au Conseil de livrer leurs appréciations sur ce dernier.

Il y a quelques années, d'aucuns affirmaient que le keynésianisme était mort...

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Il faudrait, en conséquence, s'en référer aux analyses dites « ricardiennes » privilégiant les efforts en dépense afin de stimuler la croissance à long terme, sans considérer les conséquences à court terme. Cette approche semble aujourd'hui dépassée. Les théories keynésiennes sont remises au goût du jour, à tel point que le FMI lui-même semble désormais s'y référer. Les efforts en dépense doivent être mesurés afin de limiter les effets sur la croissance ; tel est le sens de ce que propose le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Il me semble que l'ordre du jour de la commission aurait dû être inversé. Il aurait fallu procéder à l'examen du rapport sur le projet de programme de stabilité avant de se prononcer sur le projet de décret d'avance. En effet, notre vote aurait été plus éclairé, la communication du rapporteur général ayant montré que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) était inutile...

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Je souhaite donc rectifier mon vote et m'abstenir sur le projet de décret d'avance.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je vous propose de donner acte au rapporteur général de la communication qu'il vient de nous faire et d'en autoriser la publication sous la forme d'un rapport d'information. Personne n'y voit d'objections ? Il en est ainsi décidé.

J'ajoute que je regrette, avec une partie des membres de la commission, que le débat ne soit pas conclu par un vote, car ceci place le Sénat dans une position minorée par rapport à l'Assemblée nationale.

La commission donne acte à M. François Marc, rapporteur général, de la communication et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

La commission procède enfin à l'audition de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, sur la modernisation de l'action publique et la gestion de la fonction publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Pour faire la transition avec notre débat précédent, M. de Montesquiou s'interrogeait sur le calcul du multiplicateur...

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique

Il a raison !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

et sur le lien entre l'évolution des dépenses ou des recettes, et la croissance. C'est une question permanente. Notre voyage d'étude annuel nous mènera aux États-Unis, où nous étudierons ce sujet avec le FMI.

Madame la ministre, vous êtes très sollicitée par notre assemblée ces temps-ci, en particulier à propos du projet de loi sur l'affirmation des métropoles. Nous allons aborder ici d'autres questions. Je me souviens que c'est au Sénat, en séance publique - j'étais alors rapporteur général, et vous étiez chargée des petites et moyennes entreprises (PME) au Gouvernement - que vous aviez appris votre nomination au ministère de la justice : le Sénat vous porte chance.

Dans le cadre de la séquence européenne que nous vivons en ce moment, nous avons entendu à l'instant une communication de notre rapporteur général sur le programme de stabilité. Pour atteindre notre objectif d'équilibre structurel des finances publiques, il faudra réformer, et respecter l'objectif de progression des dépenses publiques en volume. Vous coordonnez la procédure dite de modernisation de l'action publique (MAP), dont on attend des économies, et dont on nous dit qu'elle est fondamentalement différente de la révision générale des politiques publiques (RGPP) - mais en quoi ? Vous êtes confrontée à la difficile stabilisation des effectifs et de la masse salariale, et à la nécessaire modernisation de la gestion des ressources humaines de l'État. Ce sont des responsabilités considérables.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique

C'est en effet au Sénat que j'avais appris ma nomination comme garde des Sceaux : vous avez bonne mémoire ! Nous traitions alors de la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE), pour la discussion de laquelle je suis revenue le lendemain soir au Sénat, dans mes nouvelles attributions.

Vous connaissez tous le contexte dans lequel s'inscrit mon action. La modernisation de l'action publique, des grandes politiques publiques et des actions de service est la priorité de mon ministère. Les efforts prévus par le programme de stabilité sont lourds : ils s'élèvent à 14 milliards d'euros pour 2014. Les agents, leurs organisations syndicales, sont inquiets : une baisse d'un milliard et demi d'euros pour les collectivités territoriales, de cinq milliards d'euros pour la sécurité sociale, une augmentation des dépenses limitée en volume à 0,5 %... Comment faire face ? La MAP est d'abord une réforme structurelle engageant tous les acteurs publics dans une approche globale nouvelle d'adaptation du service public aux enjeux de la société. La dépense publique est souvent critiquée, mais une forte demande d'action publique s'exprime.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique

Des chefs d'entreprise, par exemple, qui ont de vraies demandes auxquelles nous n'avons peut-être pas suffisamment répondu. Nous devons garantir l'efficience des politiques publiques. Relever ce challenge demandera du temps, mais la méthode est désormais éprouvée. Il faut d'abord partager le diagnostic avec les parties prenantes, afin de rendre les décisions acceptables pour les agents comme pour le grand public. Le pilotage doit être délibérément interministériel : c'est une des différences avec la RGPP, qui avait été confiée à la direction générale de la modernisation de l'État (DGME). Cette direction, dont le chef rencontrait chaque semaine le directeur du budget et le directeur général de la fonction publique, portait de manière trop uniforme auprès des ministères l'objectif de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux. Les difficultés qui en ont résulté ont occulté les réformes structurelles. Il y avait pourtant des projets de réforme dans les cartons : nous ne sommes pas partis de rien. Chaque ministère doit conduire le chantier qui le concerne, en association étroite avec le ministère du budget et le secrétariat général pour la modernisation de l'action publique, qui est placé sous l'autorité du Premier ministre et sous la mienne.

Nous avons appelé à de vraies évaluations des politiques publiques. On parle souvent d'en faire, mais peu avaient été conduites jusqu'au bout. Le premier cycle a porté sur les nombreuses aides aux entreprises, sur la politique familiale, dont nous voulons ramener les comptes à l'équilibre en 2016, sur la formation professionnelle, qui mobilise des sommes énormes dont le rendement laisse à désirer, et sur le zonage des aides au logement.

Le second cycle examine l'organisation et le pilotage des réseaux à l'étranger et la politique territoriale d'incendie et de secours - faut-il la centraliser, la confier aux unités urbaines ? Nous souhaitons réaliser des économies en garantissant la sincérité de la démarche : pas question de s'en tenir aux mesures les plus faciles. Nous avons obtenu du ministère du budget que des objectifs a priori d'économies ne soient pas affichés. Nous avons conduit parallèlement un programme ministériel de modernisation et de simplification - on y retrouve les éléments préparés par la DGME.

L'objectif énoncé dans la circulaire du Premier ministre du 7 janvier 2013 est d'améliorer le service public et l'organisation de l'administration. Chaque ministère doit nous remettre un programme, dans le cadre du budget triennal, en concertation avec les représentants du personnel. Les ministres en sont directement responsables avec leurs directeurs d'administration centrale. Le ministère du budget porte ses efforts sur les achats et les fonctions financières et immobilières de l'État : nous en attendons de substantielles économies.

En ce qui concerne les opérateurs, notre premier objectif est de limiter la création d'agences ; il est devenu trop systématique de confier les questions difficiles à des opérateurs. Une étude préalable sera obligatoire. Sans doute pourrons-nous fermer quelques agences, soit que leur travail puisse être effectué par d'autres services, soit qu'elles soient devenues sans objet. Les petits opérateurs, de moins de cinquante agents, seront aussi examinés de près. Il y en existe deux cents. Nous nous sommes aussi intéressés à la transcription des directives européennes. Dans tous les ministères les services concernés ont été renforcés : est-ce bien utile ?

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique

La France a une tendance à transposer avec trop de zèle. Alors, monsieur le Président, nous avons voulu éviter les défauts de la RGPP. Pour cela, nous avons diligenté une mission d'inspection ; nous nous sommes également beaucoup appuyés sur les rapports parlementaires, dont les évaluations sont extrêmement intéressantes - et le travail de la MAP sera mené avec les Assemblées.

Pour stabiliser en valeur les dépenses de l'État, comme le prévoit le budget triennal, nous disposons de deux leviers : stabiliser les emplois et ne pas prendre de mesures de revalorisation catégorielle. La création d'emplois pour les missions prioritaires - 9 300 postes dans l'enseignement s'ajoutant aux 16 789 emplois créés pour les rentrées 2012 et 2013, 1 000 postes supplémentaires pour la sécurité et la justice - est compensée par la diminution du nombre de postes ailleurs : 7 880 emplois supprimés au ministère de la défense en application de la loi de programmation militaire, 6 028 dans les autres ministères. C'est toute la difficulté de ma tâche, en particulier dans les territoires, comme vous le savez.

Depuis le 1er juillet 2010, aucune mesure générale de revalorisation des salaires de la fonction publique n'a été prise. Vous mesurez combien nous avons dû négocier avec les organisations syndicales pour que ces trois années consécutives de gel du point n'aboutissent pas à une paralysie des services. Elles savent que ce gel ne sera remis en cause que par une amélioration de la situation économique, sous réserve que notre trajectoire de redressement des finances publiques soit respectée : une hausse de 0,5 %, représente 890 millions d'euros de dépense publique supplémentaire, dont 390 millions d'euros pour la fonction publique d'État, 310 millions d'euros pour la fonction publique territoriale et 190 millions d'euros pour la fonction publique hospitalière.

Nous avons maintenu la diminution des enveloppes catégorielles attribuées aux ministères, qui représenteront 310 millions d'euros en 2013, 269 millions d'euros en 2014 et 228 millions d'euros en 2015 - alors le précédent gouvernement octroyait entre 500 et 550 millions d'euros par an. Les inégalités entre ministères sur les mesures catégorielles étaient patentes et la situation est tendue, et nous avons changé les modalités d'utilisation de ces enveloppes afin de les consacrer à des mesures collectives.

Nous sommes d'accord avec les organisations syndicales pour ouvrir des négociations sur les carrières et les rémunérations : remplacement de la prime de fonction et de résultat par des mesures plus justes, réforme de l'indemnité de résidence et du supplément familial de traitement... Les discussions seront difficiles, car les réformes se feront à coûts constants. Je souhaite que cela soit l'occasion d'une redistribution au profit des personnels les moins bien rémunérés : à deux reprises déjà en un an nous avons dû revaloriser par arrêté les rémunérations des fonctionnaires de catégorie C pour qu'elles ne se situent pas en deçà du SMIC. Mieux vaudrait donner, en amont, quelques point d'indices supplémentaires pour les plus bas salaires, qui correspondent souvent à des emplois très importants, comme par exemple l'accompagnement des personnes âgées.

Telle est la quadrature du cercle à laquelle je suis confrontée : maîtriser la masse salariale, repenser les trois catégories statutaires, remettre à plat les bases du système de rémunération de la fonction publique, fluidifier les carrières, simplifier la gestion des ressources humaines... Parce que ce chantier est délicat, et que nous avons réduit les moyens des cabinets, nous avons confié cette mission à une personnalité qui pourra y consacrer du temps.

Soyons prudents sur l'allongement des carrières, qui peut poser des problèmes de pénibilité et de retraite. Nous devrons aussi nous efforcer de mieux maîtriser le fameux glissement vieillesse technicité (GVT), comme nous le demandent les employeurs publics que sont les collectivités locales et les hôpitaux. Nous voulons simplifier et réduire les coûts de gestion des agents. Une évolution de l'Ecole nationale d'administration (ENA) et des Instituts régionaux d'administration (IRA) est en cours, afin de mieux adapter les formations dispensées aux enjeux de la fonction publique en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Sous la précédente législature, la réforme de l'ENA avait vu se former un axe improbable entre Jean-Pierre Sueur, Josselin de Rohan et moi-même pour défendre le classement républicain à la sortie de l'ENA.

Par ailleurs, la suppression du jour de carence dans la fonction publique supposant un vote en loi de finances, nous confirmez-vous que cette mesure ne pourra pas s'appliquer avant le 1er janvier 2014 ? D'où proviendront les 60 millions d'euros de crédits nécessaires au financement de la fin du jour de carence ? Y aura-t-il une affectation spécifique ? Enfin, un jour de carence uniforme pour tous les salariés, du public comme du privé, aurait pu constituer une solution d'équité.

Je vous ai écrit il y a deux mois à propos de la situation préoccupante des victimes de la gestion antérieure du Complément de retraite de la fonction publique (CREF). Le procès en appel des anciens dirigeants du CREF, condamnés en première instance, s'ouvrira prochainement devant la Cour d'appel de Paris. Des demandes d'indemnités vont être déposées par les affiliés à ce régime, qui sont souvent de condition modeste. Ils s'inquiètent de l'attitude fermée ou dilatoire de l'administration. Avez-vous des éléments d'information ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Après le programme de stabilité, qui nous engage dans un plan pluriannuel exigeant et portant sur la dimension et l'organisation de la fonction publique, des perspectives et des réalités chiffrées nous ont été présentées en un exposé très clair. La Cour des comptes avait observé qu'une stabilisation de la masse salariale sans baisse des effectifs impliquerait le gel de la plupart des éléments entrant dans le calcul de la masse salariale et la politique de déroulement de carrière. Pourrait-on mener ces deux chantiers de front ? Vous venez de répondre. Vous avez également évoqué le problème des bas salaires. Pouvez-vous apporter des précisions sur les mesures catégorielles spécifiques pour les agents publics dont les indices sont les plus bas ?

Les bilans de la RGPP ont montré une implication insuffisante des personnels concernés. Avez-vous des premiers éléments sur la manière dont les personnels s'approprient, ou non, la MAP ? Comment le Parlement y sera-t-il associé ?

Mis en place en 2002, le compte épargne-temps (CET) autorise l'accumulation de jours de congé non pris. Ce dispositif est régulièrement réajusté pour limiter son impact potentiel sur les finances publiques. Pouvez-vous nous présenter les effets des réformes réglementaires du CET intervenues fin 2012 et préciser quels sont les projets en cours ?

Enfin, où en sommes-nous de la fusion des corps ? Comment atteindre la diminution annoncée à 230 corps en 2018 pour la fonction publique d'État ? Par ailleurs, quelles sont les mesures envisagées pour favoriser les passerelles entre les trois fonctions publiques ?

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique

Revenir sur le jour de carence a été extrêmement difficile, car la communication du gouvernement précédent l'avait présenté à l'époque comme une mesure d'équité entre les secteurs public et privé. Or 77 % des salariés des grands groupes n'ont aucun jour de carence, grâce à une couverture par les systèmes de prévoyance, et 47 % de ceux des petites entreprises disposent aussi d'un régime de prévoyance. Cent millions d'euros d'économies étaient attendus : nous en avons obtenu soixante millions. Le taux d'absentéisme a été de 3,7 % dans le secteur privé et de 3,9 % dans le secteur public : la différence reste faible. Si le nombre global de journées d'arrêt n'a pas augmenté, on observe toutefois une hausse des arrêts de travail de longue durée. Le salarié va chercher plus tôt le certificat médical et se voit souvent prescrire quelques jours d'arrêt, pour prévenir une contagion par exemple. Le nombre d'accidents a substantiellement augmenté, sans qu'il soit possible d'établir un lien avec l'établissement des jours de carence. La négociation sociale, difficile, compte tenu du gel du point d'indice, aurait débouché sur la demande d'un régime de prévoyance et d'un retour à l'égalité entre secteur privé et secteur public. Des collectivités avaient pris en ce sens des contacts avec des assurances ou des mutuelles : une couverture aurait coûté douze euros par salarié et par mois. Mon objectif n'était donc pas un alignement sur le régime le moins favorable.

Nous avons supprimé le jour de carence, avec des contreparties qui feront l'objet d'une publicité accrue : notre système de vérification des arrêts de travail sera amélioré. Nous avions commis une erreur d'appréciation, en considérant que la stabilité de l'emploi protégeait les salariés, et nous n'avons pas suffisamment agi de manière préventive. Or de nombreux métiers sont difficiles et les charges de travail, importantes : les cadres du public ne travaillent pas 35 heures par semaine.

Les agents de la fonction publique avaient été mis hors jeu en raison du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, ce qui était une mesure de rabot. Or ils sont porteurs d'une demande forte de modernisation. Avec ISAP (innover et simplifier avec les agents publics), nous avons ouvert un site afin qu'ils puissent tout dire et nous nous engageons à prendre en compte leurs réponses. Il y a eu près de 2 500 connexions sur le site ISAP et plus de 1 400 propositions. Certains agents ont même amélioré la manière dont l'État paie les factures, ramenant le délai de paiement à 16 jours pour toutes les petites factures, ce qui est très important pour nos très petites entreprises (TPE). D'autres dénoncent des aberrations.

Les agents sont mobilisés, comme le sont les ministres et les directeurs d'administration centrale lors des réunions trimestrielles du comité interministériel de la MAP (CIMAP), qui donne lieu à un compte rendu.

L'article 92 de la loi de finances pour 2013 prévoit d'associer le Parlement à la MAP. L'ordre du jour du CIMAP est transmis aux commissions compétentes, ainsi que les résultats des évaluations réalisées, et les relevés de décision. Les pièces jointes aux comptes-rendus sont de bonne qualité, et mériteraient de faire l'objet de débats : je suis à votre disposition pour y participer. Pour la politique du logement, la politique de l'eau ou celle du développement agricole, les ministres ont demandé que des parlementaires soient directement associés à l'évaluation et aux propositions qui sont faites. N'hésitez pas à nous faire part de vos réflexions.

Le bilan du CET est complexe à établir. Le nouveau dispositif, qui date de 2009, limite à soixante jours l'accumulation des jours épargnés : ils peuvent être rachetés pour un montant forfaitaire (125 euros en catégorie A, 81 euros en catégorie B et 65 euros en catégorie C) qui n'a pas été revalorisé depuis 2009. Cette solution est bonne et elle a été étendue aux deux autres fonctions publiques. Les praticiens hospitaliers restent la seule exception : le plafond de jours cumulables passera, en 2016, de 300 jours à 208 jours ; néanmoins, beaucoup de médecins devront sans doute renoncer à des jours de RTT ou de congé en raison de la démographie de leur profession : le serment d'Hippocrate l'emportera sur le calcul du CET. Des praticiens hospitaliers auront intérêt à partir vers des postes en maison de santé, plus confortables que certains postes d'hôpital général : l'extension de ces dispositions à la fonction publique hospitalière pose donc un vrai problème.

La question des statuts et des corps est celle que je considère comme la plus difficile, en raison du poids de l'histoire. La politique de fusion des corps a été lancée en 2005. Sur 700 corps qui existaient alors, 519 ont été étudiés, et 358 ont été supprimés.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique

Oui. Il s'agit en majorité de corps de catégorie C. Il n'y a plus que 342 corps. Cela ne va pas sans difficultés : on retrouve des secrétaires administratifs et des vétérinaires dans les mêmes corps... Il faudra revoir précisément ce dossier, et voir sans temporiser comment progresser. Les organisations syndicales sont divisées entre une approche par métier et une approche par fonction. Les réunions avec elles sont très intéressantes, certains comptes rendus pourraient d'ailleurs vous être communiqués. Il y a une grande demande de reconnaissance de la fonction, avant même celle du métier, en particulier dans les corps de contrôle : le classement dans un corps de secrétaire administratif est considéré comme un manque de reconnaissance des fonctions exercées.

Les passerelles sont un sujet primordial de négociation avec les syndicats, qui estiment qu'elles sont plus nombreuses de la fonction publique d'État vers la fonction publique territoriale que dans l'autre sens. Nous devons régler cette question, comme celle de l'égalité professionnelle entre hommes et femmes et le sujet des seniors.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Dans votre exposé clair et structuré, vous n'avez pas mentionné l'objectif final. S'agit-il de ramener la dépense publique au niveau moyen de celle des autres pays de l'Union européenne et dans combien d'années ? La diminution des dépenses publiques est la pierre angulaire du retour à l'équilibre budgétaire. Vous avez réalisé une évaluation des politiques publiques : par bon sens, j'imaginais qu'elle existait auparavant. La formation et l'aide au logement peuvent certainement être améliorés. Les organismes utiles doivent être définis. Mon voisin s'interrogeait facétieusement sur l'utilité du Haut Conseil des finances publiques si on ne tient pas compte de ses avis...

Vous comptez augmenter les effectifs des forces de sécurité de 2 300 fonctionnaires. Pendant que j'étais rapporteur spécial du budget de la sécurité, l'audit que j'avais confié à Accenture concluait à la possibilité de baisser le nombre de fonctionnaires. Cela paraissait difficile dans un contexte marqué par nombre élevé de délits, mais le rapport préconisait une amélioration de l'organisation, et constatait que les fonctionnaires français ne travaillaient pas toujours 35 heures. Peut-on imaginer de procéder en France comme en Grèce, en Italie ou en Espagne, qui ont augmenté la durée de travail de leur fonction publique, ou bien les 35 heures constituent-elles une barrière infranchissable ?

Debut de section - PermalienPhoto de Edmond Hervé

J'apprécie votre implication. Je crois à l'application très pragmatique des grands principes. Dans le passé, des erreurs ont été commises, au premier rang desquelles l'opposition des différentes fonctions publiques : Etat, collectivités territoriales et sécurité sociale. Je le dis sans polémique : on a voulu alléger les services déconcentrés de l'Etat. Soit. Cependant, des fonctions doivent être remplies. Relèvent-elles du droit public ou du droit privé ? En termes de comptabilité, cela revient au même la plupart du temps. Quand vous supprimez un service d'instruction de permis de construire au niveau départemental, la mission doit demeurer assurée, par une collectivité publique locale ou par voie de délégation. Méfions-nous de l'arithmétique !

Je ne suis pas surpris d'entendre évoquer les 35 heures. Personnellement, je les ai mises en place en septembre 1983, au nom de la lutte contre le chômage. En outre, n'oublions pas les conditions de rémunération des agents de la fonction publique. Au regard du niveau de traitement d'un professeur des écoles, ce n'est pas dans ce secteur que vous réaliserez des économies.

Si je compare l'organisation actuelle avec celle des années quatre-vingts, un constat s'impose : la transversalité, c'est-à-dire les convergences et la lutte contre les redondances, ne fonctionne plus. Les préfets en ont la charge. Or, ce corps d'excellence n'a pas été le mieux protégé - et c'est un partisan de la décentralisation qui vous parle.

La transversalité concerne aussi les grands exécutifs de ville, de département, de région. J'évoquais la semaine dernière la formation professionnelle : il est vrai qu'elle est marquée par un certain désordre, que le ministre ne peut combattre à lui seul. La transversalité requiert une légitimité technique ou politique et une volonté qu'ont les préfets et exécutifs des plus grandes collectivités territoriales.

Des règles absurdes subsistent au sein de l'administration. Pour des raisons de comptabilité ou juridiques, on en vient à recruter des intérimaires, qui coûtent plus cher que des contractuels de la fonction publique. C'est tout de même ahurissant ! On voit bien l'intérêt qu'il peut y avoir à manier une comptabilité d'intérimaires : ces personnels n'occupent pas des emplois inscrits dans le tableau budgétaire. Cessons néanmoins ce genre de pratiques.

Est-il compréhensible que dans la fonction publique territoriale, lorsqu'on change de filière, on soit obligé d'entreprendre une nouvelle formation et de passer un concours ? J'ai connu un temps où les instituts de science politique organisaient eux-mêmes de façon individuelle leur propre concours : c'est la négation de l'égalité sociale ! Des rapprochements sont possibles : encourageons-les.

La transversalité n'a rien de neuf : dès 1956, Edgard Pisani, grand préfet, distinguait, dans la Revue française de science politique, les administrations de mission et les administrations de gestion. Ce qui devait arriver est arrivé : les administrations de mission sont devenues des administrations de gestion. La multiplication des agences est une absurdité qui démobilise une administration classique compétente et disponible. En termes de simplification, commençons par balayer devant notre porte. Pourquoi, dans tel ou tel département, est-il nécessaire de créer un syndicat particulier pour construire une caserne de pompiers alors que le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) est parfaitement compétent ?

Je n'ai jamais admis les fantastiques écarts de primes entre les ministères. Stabilisons les dans un premier temps. Vous n'aurez jamais d'inspecteurs des finances en nombre suffisant au ministère de la santé ou de la justice ! Ni les responsabilités exercées, ni les conditions de travail ne légitiment ces écarts.

Vous êtes en charge de la décentralisation. Il serait intéressant de comptabiliser le nombre d'heures passées en audition, devant les différentes commissions des assemblées parlementaires ou de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales. Apprenons à travailler en commun ! Une audition commune n'est pas une affaire de prééminence : les personnes auditionnées sont les mêmes et répètent la même chose depuis une dizaine d'années.

Je déplore également qu'on ne se préoccupe pas davantage de la gestion des temps dans la fonction publique. J'avais établi en 2000 un rapport pour le ministère de la ville. Le Sénat a été très hostile à la création de bureaux chargé des temps de travail dans les collectivités ou au sein de l'Etat. Or, est-il juste que des femmes de ménages, souvent étrangères et en situation précaire, commencent de travailler à 5 h 30 du matin ? Le ministre serait-il choqué qu'on vienne frapper à sa porte à 11 heures pour vider sa poubelle ? Nous devons être exemplaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Lorsqu'en 2012, nous avons débattu de la loi de programmation des finances publiques, on nous a expliqué que le projet de refondation et de modernisation de l'action publique reposait sur l'amélioration de la qualité du service et la diminution des coûts, l'exigence pesant sur les comptes publics rendant incontournable un passage en revue des missions de l'Etat. A la virgule près, il s'agissait des objectifs assigné à la RGPP, ce qui m'avait fait dire à l'époque que si nous étions dans le changement, on avait dû omettre de changer les disques durs des ordinateurs...

Ayant rendu un rapport sur la RGPP avec notre collègue François Patriat, j'estime que les différences ne portent pas sur les objectifs mais sur la méthode. C'est pourquoi je m'en tiendrai à trois questions concrètes : quels sont exactement les projets concernant les sous-préfectures dont on entend parler ici ou la ? La carte judiciaire va-t-elle être réformée ? Donnerez-vous au préfet de région les outils qui lui manquent ? Alors qu'il a vocation à coordonner l'action des services de l'Etat dans les territoires, il ne peut déplacer un euro du ministère de l'agriculture vers le ministère de la culture et, pour déplacer d'un ministère à l'autre un agent qui ne change pas toujours de bureau, il doit demander l'autorisation à Paris.

Debut de section - PermalienPhoto de François Trucy

Je veux d'abord donner un coup de chapeau à la modération et au sens humain avec lesquels vous traitez ces questions difficiles. Vous vous heurtez également au paradoxe récurrent selon lequel ceux qui veulent moins de fonctionnaires réclament aussi plus de services publics.

Debut de section - PermalienPhoto de François Trucy

L'Etat prend moins de gants avec les militaires qu'avec les fonctionnaires civils. Sous l'ancien gouvernement, on a réformé leur statut en quatre coups de cuillère à pot, et l'actuel Gouvernement s'apprête, je suppose, à en faire autant dans la nouvelle loi de programmation militaire. Sur ce sujet, personne ne discute. Et les passerelles pour les militaires vers les administrations civiles de l'Etat sont à peu près aussi larges que celle d'un porte-avion...

En tant qu'élus locaux, n'oublions pas les excès dont nos parfaites collectivités territoriales sont capables. Dans les plus modernes, le nombre de fonctionnaires s'est accru bien au-delà des besoins. L'Etat est aujourd'hui dans l'embarras : pour régulariser ces excès, il faudrait qu'il commence par donner l'exemple. Dans le secteur public, un nombre excessif d'agents ne donne lieu à aucun licenciement : on creuse le déficit, on s'endette, et on lève l'impôt. Le secteur privé n'a pas ces moyens : pour ne pas disparaître, l'entreprise licencie. Cette inégalité est une des plus cruelles qui soit sur le marché de l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je m'associe aux propos de notre collègue François Trucy sur le mérite qui est le vôtre. Quel est votre point de vue sur la réforme de l'administration territoriale de l'Etat (Réate) ? Que pensez-vous des regroupements de services, encore mal identifiés par les citoyens et les élus ? Dans les préfectures qui ont choisi d'instaurer trois directions, comment jugez-vous l'extrême pauvreté du service de cohésion sociale, qui mêle des personnels aussi disparates que ceux des directions départementales des affaires sociales (DASS), de la jeunesse et sports, du logement social, du droit des femmes...

Comment évaluez-vous les effets de l'externalisation ? Pour faire des économies, on a créé des agences peuplées de contractuels, comme l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), ou externalisé, en particulier les services de nettoyage et d'alimentation. Lors de mes contrôles sur les services des préfectures, j'ai constaté à quel point les agents étaient démunis devant des coûts qu'ils ne maîtrisent pas et quand plus personne ne peut se plaindre faute d'interlocuteur.

Enfin, je m'interroge sur la nouvelle autorité des préfets de région sur les préfets de départements. Le secrétaire général pour les affaires régionales (SGAR) dispose d'un personnel nombreux et imaginatif, mais dont le quotidien s'accorde mal avec celui des agents des sous-préfectures. Le regroupement des personnels dans les mêmes espaces a-t-il dégagé des économies ? Des agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) se plaignaient récemment de la promiscuité et d'une faible autonomie d'action. Dans des affaires comme celle des salariés de Spanghero, ils ont besoin d'être percutants... Le regroupement est-il achevé ou les préfets continuent-ils à chercher des mètres carrés ?

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique

Allons-nous atteindre un niveau de dépense conforme à la moyenne européenne ? Avant de répondre, je préfère étudier les méthodes de nos voisins. Premier choc : en Suède, qu'on nous présente comme modèle, 140 personnes sur 1 000 sont rémunérées par de l'argent public, contre 90 en France. En réalité, ce pays a confié des missions publiques à 400 agences indépendantes, qui coûtent de plus en plus cher et que n'épargnent pas les scandales, par exemple à propos des maisons de personnes âgées ou d'enfance en situation de difficulté. Mes collègues suédois estiment que c'est la dévaluation qui les a fait sortir de la crise, et non la transformation de la fonction publique. Cet exemple constitue une bonne leçon sur l'externalisation.

Au Danemark, avec un gouvernement très différent, on a pris soin de ne pas imiter la Suède : tout en conservant l'organisation de la fonction publique, un laboratoire d'innovation publique a été créé. Malgré le laboratoire éphémère que nous avons lancé, nous avons beaucoup de mal à défendre une telle initiative. Pourtant, la France doit arriver à innover en termes de politique publique et à se poser les bonnes questions : pourquoi et dans quel objectif a-t-on décidé telle ou telle politique publique ?

On n'évalue pas des options intéressantes, comme le ticket modérateur pour les services à la personne. Je serais ravie de vous associer à une réflexion de fond, avec le secrétariat général pour la modernisation de l'action publique.

Comment vous répondre au sujet des 35 heures sans reprendre l'argumentation d'Edmond Hervé ? Le salaire moyen de la fonction publique d'Etat dépasse les 2 400 euros mais celui de la fonction publique territoriale, qui compte plus de fonctionnaires de catégorie C, n'atteint pas 1 900 euros. Dans la fonction publique d'Etat, de nombreux fonctionnaires ne comptent pas leurs heures : ils estiment en effet travailler au forfait, ce qui pose le problème du compte épargne-temps. En cas de retour aux 39 heures, comment échapperions-nous à une inflation de la masse salariale ? Je ne suis pas fière de voir combien sont payées des personnes qui accomplissent un travail indispensable à tous.

L'opposition des fonctions publiques est en effet un sujet majeur. Une infirmière qui sort de la fonction publique hospitalière de Paris pour aller à Rennes doit passer un concours pour devenir infirmière dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et partir six mois en stage. Ces barrières injustifiées doivent tomber. La fonction publique territoriale a l'impression d'être envahie par la fonction publique d'Etat. Travaillons à sortir de cette opposition.

Le choix du recours à des intérimaires ou à des contractuels pour assurer des services nécessaires soulève une vraie question. Considérer que l'intérim est plus souple constitue une erreur de gestion. Les bureaux d'études représentent une source élevée de dépenses. Arrêtons de multiplier les outils, revenons à un service simple et efficace.

Je partage votre analyse sur le salaire moyen et sur les professeurs. Les préfets vivent mal leur situation. Le rôle de ces représentants de l'Etat a perdu, au sens républicain, de sa valeur. Dans la conférence territoriale d'action publique que je propose d'organiser, la présence de l'Etat est indispensable pour favoriser les convergences, éviter les redondances, garantir le droit, évaluer l'efficacité et l'opportunité des délégations. Les exécutifs des plus grandes collectivités territoriales auraient tout à y gagner.

On a évoqué des règles absurdes. Les préfets ont perdu des prérogatives dans la Réate ; ils s'en plaignent et certains demandent qu'on étudie leur situation. La gestion du personnel est un vrai problème, et les élus locaux, perdus, veulent qu'on leur rendre leurs directions départementales de l'agriculture (DDA), leurs directions départementales de l'équipement (DDE) et leur DDASS !

Lors de mon arrivée au ministère, j'ai demandé un état des lieux sur la localisation des fonctionnaires sur le territoire : aussi anormal que cela paraisse, je n'ai pas pu avoir de réponse. La mission Ribière et Weiss devrait apporter des réponses fin 2013. Il serait possible d'aller d'une administration à l'autre, mais cela supposerait de reprendre ce que nous avions voulu faire et que les syndicats avaient mal interprété : mon initiative avait été perçue comme une volonté de supprimer des postes ici ou là. Sans doute avons-nous voulu aller trop vite. En tout état de cause, avant de prendre de nouvelles initiatives, je préfère que la mission aille à son terme.

Tant que certaines primes atteindront jusqu'à 71 % de la rémunération ici et 27 % ou 28 % là, nous n'y arriverons pas. Les surveillants de la pénitentiaire souhaitant travailler au-delà de 57 ans feraient un saut indemnitaire tel qu'ils n'osent l'imaginer. Inversement, un policier ne fera pas le chemin inverse pour des raisons indemnitaires... Je partage l'analyse d'Edmond Hervé : dans un premier temps, il faut bloquer les primes. Ensuite, la convergence ne se fera pas en un an... Il faut aussi penser à revaloriser certaines rémunérations : les primes nous aident à garder les personnels de qualité dont nous avons besoin. Je prends néanmoins acte du constat et m'engage à étudier la question, avec un calendrier - j'essaierai de vous y associer. Quant à la gestion des temps, nous devons la prendre en compte, y compris avec le Sénat.

Vous avez raison, M. de Legge, sur le disque dur de la RGPP : le constat de départ faisait consensus, mais la RGPP a explosé avec le non-emplacement d'un fonctionnaire sur deux, et la DGME n'a pas pu être entendue : quel que soit le service, on supprimait le même nombre de fonctionnaires. Or l'on ne peut rien gérer sur la seule base d'une pyramide des âges. Cela n'avait plus de sens pour personne, à commencer par les agents, qui s'étaient sentis montrés du doigt.

Quant aux sous-préfectures, nous devons suivre la proposition du ministre de l'intérieur : ne pas supprimer les supprimer en milieu rural. Il faut là une maison des services publics de l'Etat, un drapeau et des services. En revanche, dans les sous-préfectures les moins peuplées - certaines n'emploient que 11 personnes -, expérimentons un rassemblement avec d'autres services publics.

Les schémas départementaux de service public, qui présenteraient l'ensemble des services publics sur le territoire, Etat et collectivités territoriales confondus, intéressent beaucoup les préfets. Ne laissons pas des territoires dans l'abandon.

Ce n'est pas la géographie qui doit commander la carte judicaire : il faut revoir le code de l'organisation judicaire, élargir les compétences des tribunaux d'instance pour en faire de véritables tribunaux de proximité, susceptibles de décharger les tribunaux de grande instance (TGI). Nous avons proposé à la garde des Sceaux de travailler sur le code de l'organisation judiciaire. La ligne Saint-Brieuc, Guingamp, Morlaix et Brest, bien desservie par transports en commun, est également bien lotie en tribunaux, mais quand vous pénétrez au centre de la région Bretagne, il n'y a plus rien...

L'enveloppe préfectorale d'adaptation n'est pas pour demain. Mes collègues ont raison sur un point, le ministère du budget considèrera qu'il faut une enveloppe ministérielle mais je ne désespère pas d'aboutir. Attendons que la mission Ribière et Weiss s'achève.

On ne peut pas dire qu'il n'y a aucune passerelle entre le ministère de la défense et les ministères civils. Dans une entreprise privée, le licenciement peut être individuel et sans reconversion prévue. Chaque personne qui sort de l'armée a droit à une prise en charge, que ce soit à Lorient, à Vannes, à Toulon ou à Castelnaudary. Cela ne suffit pas : la question des passerelles se pose, mais les problèmes de formation et de statut ne sont pas négligeables tandis que les corps d'ingénieur sont moins nombreux. J'évoquerai ces questions avec Jean-Yves Le Drian.

Concernant les collectivités territoriales, la première erreur est d'avoir fait des régions des administrations de gestion, avec les personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS). Il aurait fallu leur conserver le caractère d'administration de mission.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique

Pourquoi ne pas expérimenter le transfert de quelques TOS aux départements ? Il y a des volontaires. Nous n'avons pas le choix sur la mutualisation des services publics entre les communes et les intercommunalités, que je propose d'accompagner d'un coefficient de mutualisation des services pour la détermination de la dotation globale de fonctionnement. Cependant, je ne pourrai être prête que lors de l'examen du projet de loi de finances de 2015.

Non, je ne suis pas satisfaite de la Réate. Les personnels eux-mêmes sont parfois chahutés : celui qui s'occupe du contrôle des aliments cohabite avec celui qui exerce une fonction éminemment sociale, ainsi qu'avec des secrétaires administratifs... Nous sommes allés trop vite, et le dispositif est mal perçu. Cependant, les choses ont été si difficiles que nous n'aurions pas intérêt à tout remettre en cause.

Les agences servent à éluder les questions. Elles ont constitué un palliatif à la démocratie participative ou directe. La grande défiance envers l'Etat sur les OGM a motivé la création de la première agence. L'agence serait libre, indépendante et transparente : en réalité, elle est devenue un quasi-service, externalisé. Sur les 400 agences existantes, nous en fermerons le maximum, comme cela se fait pour les commissions et instances consultatives. C'est au ministre et aux acteurs publics d'exercer leurs responsabilités : le directeur d'un président d'agence n'est responsable que devant lui-même. Voilà un sujet grave pour la République.

Enfin, les externalisations vers le privé sont un vrai miroir aux alouettes. Les partenariats privé public (PPP) ont occasionné un endettement terrible et nous devrons un jour revenir dessus. La restauration scolaire et celle des personnes âgées donnent lieu à de nombreux incidents. Je ne dis rien des prix garantis, comme par exemple dans le cas d'une piscine privée dont la convention avec la commune laisse les bénéfices à la société et les déficits à la collectivité. Dans ces conditions, je veux bien m'installer dans le privé... Réécrivons les missions d'intérêt général. Nous avons offert des rentes de situation et des bénéfices à des sociétés qui les ont réinvestis à l'étranger, dans des endroits où nous n'irons pas vivre.