J'apprécie votre implication. Je crois à l'application très pragmatique des grands principes. Dans le passé, des erreurs ont été commises, au premier rang desquelles l'opposition des différentes fonctions publiques : Etat, collectivités territoriales et sécurité sociale. Je le dis sans polémique : on a voulu alléger les services déconcentrés de l'Etat. Soit. Cependant, des fonctions doivent être remplies. Relèvent-elles du droit public ou du droit privé ? En termes de comptabilité, cela revient au même la plupart du temps. Quand vous supprimez un service d'instruction de permis de construire au niveau départemental, la mission doit demeurer assurée, par une collectivité publique locale ou par voie de délégation. Méfions-nous de l'arithmétique !
Je ne suis pas surpris d'entendre évoquer les 35 heures. Personnellement, je les ai mises en place en septembre 1983, au nom de la lutte contre le chômage. En outre, n'oublions pas les conditions de rémunération des agents de la fonction publique. Au regard du niveau de traitement d'un professeur des écoles, ce n'est pas dans ce secteur que vous réaliserez des économies.
Si je compare l'organisation actuelle avec celle des années quatre-vingts, un constat s'impose : la transversalité, c'est-à-dire les convergences et la lutte contre les redondances, ne fonctionne plus. Les préfets en ont la charge. Or, ce corps d'excellence n'a pas été le mieux protégé - et c'est un partisan de la décentralisation qui vous parle.
La transversalité concerne aussi les grands exécutifs de ville, de département, de région. J'évoquais la semaine dernière la formation professionnelle : il est vrai qu'elle est marquée par un certain désordre, que le ministre ne peut combattre à lui seul. La transversalité requiert une légitimité technique ou politique et une volonté qu'ont les préfets et exécutifs des plus grandes collectivités territoriales.
Des règles absurdes subsistent au sein de l'administration. Pour des raisons de comptabilité ou juridiques, on en vient à recruter des intérimaires, qui coûtent plus cher que des contractuels de la fonction publique. C'est tout de même ahurissant ! On voit bien l'intérêt qu'il peut y avoir à manier une comptabilité d'intérimaires : ces personnels n'occupent pas des emplois inscrits dans le tableau budgétaire. Cessons néanmoins ce genre de pratiques.
Est-il compréhensible que dans la fonction publique territoriale, lorsqu'on change de filière, on soit obligé d'entreprendre une nouvelle formation et de passer un concours ? J'ai connu un temps où les instituts de science politique organisaient eux-mêmes de façon individuelle leur propre concours : c'est la négation de l'égalité sociale ! Des rapprochements sont possibles : encourageons-les.
La transversalité n'a rien de neuf : dès 1956, Edgard Pisani, grand préfet, distinguait, dans la Revue française de science politique, les administrations de mission et les administrations de gestion. Ce qui devait arriver est arrivé : les administrations de mission sont devenues des administrations de gestion. La multiplication des agences est une absurdité qui démobilise une administration classique compétente et disponible. En termes de simplification, commençons par balayer devant notre porte. Pourquoi, dans tel ou tel département, est-il nécessaire de créer un syndicat particulier pour construire une caserne de pompiers alors que le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) est parfaitement compétent ?
Je n'ai jamais admis les fantastiques écarts de primes entre les ministères. Stabilisons les dans un premier temps. Vous n'aurez jamais d'inspecteurs des finances en nombre suffisant au ministère de la santé ou de la justice ! Ni les responsabilités exercées, ni les conditions de travail ne légitiment ces écarts.
Vous êtes en charge de la décentralisation. Il serait intéressant de comptabiliser le nombre d'heures passées en audition, devant les différentes commissions des assemblées parlementaires ou de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales. Apprenons à travailler en commun ! Une audition commune n'est pas une affaire de prééminence : les personnes auditionnées sont les mêmes et répètent la même chose depuis une dizaine d'années.
Je déplore également qu'on ne se préoccupe pas davantage de la gestion des temps dans la fonction publique. J'avais établi en 2000 un rapport pour le ministère de la ville. Le Sénat a été très hostile à la création de bureaux chargé des temps de travail dans les collectivités ou au sein de l'Etat. Or, est-il juste que des femmes de ménages, souvent étrangères et en situation précaire, commencent de travailler à 5 h 30 du matin ? Le ministre serait-il choqué qu'on vienne frapper à sa porte à 11 heures pour vider sa poubelle ? Nous devons être exemplaires.