Intervention de Marylise Lebranchu

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 23 avril 2013 : 1ère réunion
Modernisation de l'action publique et gestion de la fonction publique — Audition de Mme Marylise Lebranchu ministre de la réforme de l'etat de la décentralisation et de la fonction publique

Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique :

Allons-nous atteindre un niveau de dépense conforme à la moyenne européenne ? Avant de répondre, je préfère étudier les méthodes de nos voisins. Premier choc : en Suède, qu'on nous présente comme modèle, 140 personnes sur 1 000 sont rémunérées par de l'argent public, contre 90 en France. En réalité, ce pays a confié des missions publiques à 400 agences indépendantes, qui coûtent de plus en plus cher et que n'épargnent pas les scandales, par exemple à propos des maisons de personnes âgées ou d'enfance en situation de difficulté. Mes collègues suédois estiment que c'est la dévaluation qui les a fait sortir de la crise, et non la transformation de la fonction publique. Cet exemple constitue une bonne leçon sur l'externalisation.

Au Danemark, avec un gouvernement très différent, on a pris soin de ne pas imiter la Suède : tout en conservant l'organisation de la fonction publique, un laboratoire d'innovation publique a été créé. Malgré le laboratoire éphémère que nous avons lancé, nous avons beaucoup de mal à défendre une telle initiative. Pourtant, la France doit arriver à innover en termes de politique publique et à se poser les bonnes questions : pourquoi et dans quel objectif a-t-on décidé telle ou telle politique publique ?

On n'évalue pas des options intéressantes, comme le ticket modérateur pour les services à la personne. Je serais ravie de vous associer à une réflexion de fond, avec le secrétariat général pour la modernisation de l'action publique.

Comment vous répondre au sujet des 35 heures sans reprendre l'argumentation d'Edmond Hervé ? Le salaire moyen de la fonction publique d'Etat dépasse les 2 400 euros mais celui de la fonction publique territoriale, qui compte plus de fonctionnaires de catégorie C, n'atteint pas 1 900 euros. Dans la fonction publique d'Etat, de nombreux fonctionnaires ne comptent pas leurs heures : ils estiment en effet travailler au forfait, ce qui pose le problème du compte épargne-temps. En cas de retour aux 39 heures, comment échapperions-nous à une inflation de la masse salariale ? Je ne suis pas fière de voir combien sont payées des personnes qui accomplissent un travail indispensable à tous.

L'opposition des fonctions publiques est en effet un sujet majeur. Une infirmière qui sort de la fonction publique hospitalière de Paris pour aller à Rennes doit passer un concours pour devenir infirmière dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et partir six mois en stage. Ces barrières injustifiées doivent tomber. La fonction publique territoriale a l'impression d'être envahie par la fonction publique d'Etat. Travaillons à sortir de cette opposition.

Le choix du recours à des intérimaires ou à des contractuels pour assurer des services nécessaires soulève une vraie question. Considérer que l'intérim est plus souple constitue une erreur de gestion. Les bureaux d'études représentent une source élevée de dépenses. Arrêtons de multiplier les outils, revenons à un service simple et efficace.

Je partage votre analyse sur le salaire moyen et sur les professeurs. Les préfets vivent mal leur situation. Le rôle de ces représentants de l'Etat a perdu, au sens républicain, de sa valeur. Dans la conférence territoriale d'action publique que je propose d'organiser, la présence de l'Etat est indispensable pour favoriser les convergences, éviter les redondances, garantir le droit, évaluer l'efficacité et l'opportunité des délégations. Les exécutifs des plus grandes collectivités territoriales auraient tout à y gagner.

On a évoqué des règles absurdes. Les préfets ont perdu des prérogatives dans la Réate ; ils s'en plaignent et certains demandent qu'on étudie leur situation. La gestion du personnel est un vrai problème, et les élus locaux, perdus, veulent qu'on leur rendre leurs directions départementales de l'agriculture (DDA), leurs directions départementales de l'équipement (DDE) et leur DDASS !

Lors de mon arrivée au ministère, j'ai demandé un état des lieux sur la localisation des fonctionnaires sur le territoire : aussi anormal que cela paraisse, je n'ai pas pu avoir de réponse. La mission Ribière et Weiss devrait apporter des réponses fin 2013. Il serait possible d'aller d'une administration à l'autre, mais cela supposerait de reprendre ce que nous avions voulu faire et que les syndicats avaient mal interprété : mon initiative avait été perçue comme une volonté de supprimer des postes ici ou là. Sans doute avons-nous voulu aller trop vite. En tout état de cause, avant de prendre de nouvelles initiatives, je préfère que la mission aille à son terme.

Tant que certaines primes atteindront jusqu'à 71 % de la rémunération ici et 27 % ou 28 % là, nous n'y arriverons pas. Les surveillants de la pénitentiaire souhaitant travailler au-delà de 57 ans feraient un saut indemnitaire tel qu'ils n'osent l'imaginer. Inversement, un policier ne fera pas le chemin inverse pour des raisons indemnitaires... Je partage l'analyse d'Edmond Hervé : dans un premier temps, il faut bloquer les primes. Ensuite, la convergence ne se fera pas en un an... Il faut aussi penser à revaloriser certaines rémunérations : les primes nous aident à garder les personnels de qualité dont nous avons besoin. Je prends néanmoins acte du constat et m'engage à étudier la question, avec un calendrier - j'essaierai de vous y associer. Quant à la gestion des temps, nous devons la prendre en compte, y compris avec le Sénat.

Vous avez raison, M. de Legge, sur le disque dur de la RGPP : le constat de départ faisait consensus, mais la RGPP a explosé avec le non-emplacement d'un fonctionnaire sur deux, et la DGME n'a pas pu être entendue : quel que soit le service, on supprimait le même nombre de fonctionnaires. Or l'on ne peut rien gérer sur la seule base d'une pyramide des âges. Cela n'avait plus de sens pour personne, à commencer par les agents, qui s'étaient sentis montrés du doigt.

Quant aux sous-préfectures, nous devons suivre la proposition du ministre de l'intérieur : ne pas supprimer les supprimer en milieu rural. Il faut là une maison des services publics de l'Etat, un drapeau et des services. En revanche, dans les sous-préfectures les moins peuplées - certaines n'emploient que 11 personnes -, expérimentons un rassemblement avec d'autres services publics.

Les schémas départementaux de service public, qui présenteraient l'ensemble des services publics sur le territoire, Etat et collectivités territoriales confondus, intéressent beaucoup les préfets. Ne laissons pas des territoires dans l'abandon.

Ce n'est pas la géographie qui doit commander la carte judicaire : il faut revoir le code de l'organisation judicaire, élargir les compétences des tribunaux d'instance pour en faire de véritables tribunaux de proximité, susceptibles de décharger les tribunaux de grande instance (TGI). Nous avons proposé à la garde des Sceaux de travailler sur le code de l'organisation judiciaire. La ligne Saint-Brieuc, Guingamp, Morlaix et Brest, bien desservie par transports en commun, est également bien lotie en tribunaux, mais quand vous pénétrez au centre de la région Bretagne, il n'y a plus rien...

L'enveloppe préfectorale d'adaptation n'est pas pour demain. Mes collègues ont raison sur un point, le ministère du budget considèrera qu'il faut une enveloppe ministérielle mais je ne désespère pas d'aboutir. Attendons que la mission Ribière et Weiss s'achève.

On ne peut pas dire qu'il n'y a aucune passerelle entre le ministère de la défense et les ministères civils. Dans une entreprise privée, le licenciement peut être individuel et sans reconversion prévue. Chaque personne qui sort de l'armée a droit à une prise en charge, que ce soit à Lorient, à Vannes, à Toulon ou à Castelnaudary. Cela ne suffit pas : la question des passerelles se pose, mais les problèmes de formation et de statut ne sont pas négligeables tandis que les corps d'ingénieur sont moins nombreux. J'évoquerai ces questions avec Jean-Yves Le Drian.

Concernant les collectivités territoriales, la première erreur est d'avoir fait des régions des administrations de gestion, avec les personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS). Il aurait fallu leur conserver le caractère d'administration de mission.

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