Le fait est que des institutions aussi différentes que le Haut Conseil des finances publiques, installé par le Gouvernement lui-même, le FMI et l’OFCE s’accordent à considérer que ces prévisions de croissance sont clairement affectées d’un biais trop optimiste.
Monsieur le ministre, vous arguez du fait qu’elles sont calées sur celles de la Commission européenne. Certes. Reste que les scénarios de la Commission européenne pour la réduction du déficit ne sont pas les mêmes que les vôtres, loin de là. En effet, pour annoncer 1, 2 % de croissance en 2014, elle se fonde sur un déficit de 3, 9 %, soit un niveau plus élevé d’un point de PIB que celui prévu le Gouvernement et bien supérieur à la barre convoitée des 3 %.
Peut-être ne vous en souvenez-vous pas, monsieur le ministre, car à l’époque vous n’étiez pas chargé du budget : il y a six mois, j’avais interpellé M. le ministre de l’économie et des finances sur la question du déficit. Il affirmait dans cet hémicycle, avec la même force et la même technicité que vous cet après-midi, que le déficit serait de 3 % en 2013. À cette tribune, j’avais parié, du reste avec regret, que nous nous retrouverions au printemps pour constater ensemble qu’il n’en serait rien. Dont acte !
Ce programme de stabilité entérine un nouvel étalement de la trajectoire de réduction du déficit ; nous ne pouvons d’ailleurs que nous en réjouir. Les écologistes n’ont jamais considéré le recours désordonné à l’endettement comme un modèle viable. Pour autant, la nécessaire résorption du stock de dette que nous avons hérité de décennies de capitalisme financier, ainsi que de toutes les majorités, ne doit être envisagée qu’avec prudence, sans assommer les peuples ni obérer l’économie.
Je vous accorderai sans peine que la France n’est pas la Grèce, qui connaît depuis 2007, dans son chaos social, une explosion des suicides, des meurtres et une dégradation de la santé publique. Le programme de stabilité n’en promet pas moins pour le prochain projet de loi de finances 14 milliards d’euros de mesures d’économies, dont je ne sais s’il convient de les qualifier de sérieuses ou d’austères...
Plus précisément, 1, 5 milliard d’euros seraient retranchés de la dotation aux collectivités territoriales. Les dépenses de l’État seraient amputées de 7, 5 milliards d’euros, sans que l’on sache encore très bien quels seraient les administrations et services publics les plus touchés. Enfin, 5 milliards d’euros seraient soustraits aux dépenses sociales, marquant notamment le recul de la sécurité sociale au profit des assurances complémentaires retraite et santé.
Il nous semble d’autant moins urgent de risquer ainsi le déclin économique et social que le dogme de l’austérité, plus que jamais, s’effrite et se fissure. En effet, l’un de ses fondements scientifiques, qui postulait qu’un niveau de dette supérieur à 90 % entraînait un effondrement mécanique de la croissance, vient d’être démenti. §Tout simplement, les auteurs de cette théorie largement diffusée et utilisée au plus haut niveau, y compris dans notre hémicycle sur presque toutes les travées, ont reconnu des erreurs invalidant leurs résultats…