Séance en hémicycle du 24 avril 2013 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • programme de stabilité
  • stabilité

La séance

Source

La séance est ouverte à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

L’ordre du jour appelle la désignation :

– des 27 membres de la mission commune d’information sur l’avenir de l’organisation décentralisée de la République, créée à l’initiative du groupe UMP, en application de son droit de tirage ;

– et des 21 membres de la commission d’enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l’évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l’efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre, créée à l’initiative du groupe CRC, en application de son droit de tirage.

En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 11 de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été affichées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

J’ai reçu avis de la démission de M. Gaëtan Gorce comme membre de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, et de M. Yvon Collin comme membre de la mission commune d’information sur l’action extérieure de la France en matière de recherche et de développement.

J’informe le Sénat que le groupe socialiste et apparentés a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois en remplacement de M. Gaëtan Gorce, démissionnaire, et que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la mission commune d’information sur l’action extérieure de la France en matière de recherche et de développement en remplacement de M. Yvon Collin, démissionnaire.

Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

J’informe le Sénat que le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (495, 2012–2013), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond est renvoyé pour avis, à leur demande, à la commission des affaires économiques, à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique, et à la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 24 avril 2013, qu’en application de l’article 61–1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 135–1 du code de l’action sociale et des familles (Dispositions pénales concernant la perception frauduleuse de prestations au titre de l’action sociale) (2013–328 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. Vincent Delahaye, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’interviens pour un rappel au règlement sur le fondement de l’article 47 bis.

Nous nous apprêtons aujourd’hui à entendre une déclaration du Gouvernement relative à la présentation prochaine du programme de stabilité pour les années 2013 à 2017 à la Commission européenne.

Le Gouvernement peut soumettre cette déclaration, qui s’inscrit dans le cadre de l’article 50-1 de la Constitution, à un vote, sans engager sa responsabilité politique devant le Parlement.

Or le vote qui a eu lieu à l’Assemblée nationale sur cette même déclaration est refusé au Sénat. Pourtant, celle-ci préfigure voire préempte considérablement les débats que nous aurons à l’automne prochain lors de la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2014.

L’article 47 bis de notre règlement impose un scrutin public lors du vote de la première partie de la loi de finances et lors du vote solennel sur l’ensemble du texte.

En ne soumettant pas votre programme de stabilité à notre vote, messieurs les ministres, vous bafouez l’esprit de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, vous bafouez l’esprit de notre règlement et, surtout, vous bafouez les prérogatives du Sénat s’agissant du contrôle budgétaire le plus élémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Cette attitude est symptomatique du manque de confiance du Gouvernement envers la représentation nationale.

À ce titre, je citerai les déclarations tenues ici même par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, le 4 juillet dernier : « Les travaux et les contributions du Sénat, qui, d’ailleurs, rejoignent très souvent les priorités du Gouvernement, doivent être pour notre action une source d’inspiration constante.

« Je m’engage ici, aujourd’hui, à associer les représentants du Parlement le plus en amont possible pour préparer les grandes décisions du Gouvernement. C’est à mon avis la bonne manière de procéder pour renforcer le rôle et les droits du Parlement. »

Messieurs les ministres, mes chers collègues, de deux choses l’une : soit le Gouvernement considère que la déclaration qu’il nous fait aujourd’hui ne concerne pas une décision importante et, dans ce cas, je comprends que celle-ci ne soit pas soumise au vote et que le Sénat n’y soit pas davantage associé ; soit il s’agit bel et bien, comme je le crois, d’un programme majeur et dès lors le Premier ministre ne respecte pas l’engagement qu’il avait pris ici même devant nous, ce que j’estime très grave.

La décision de ne pas prévoir de vote, qui témoigne d’abord de l’absence de confiance du Gouvernement envers la représentation nationale, dévalorise le Sénat. Cela pose ensuite le problème de la crédibilité de ce programme de stabilité, d’autant plus fiable, aux yeux de la Commission européenne, qu’il serait approuvé par l’ensemble du Parlement français. Sur le fond, contrairement à ce que laisse penser le titre de ce programme « Une conjoncture dégradée mais en voie d’amélioration », je ne perçois malheureusement aucun signe d’amélioration dans la situation économique et sociale que nous vivons, ce que je déplore fortement.

Ce programme ne respecte pas les avis du Haut Conseil des finances publiques que nous avons créé voilà quelques mois, et pour lequel le Gouvernement demande un budget de 780 000 euros. On ferait bien de supprimer rapidement cette instance ! Dans la mesure où son avis n’est pas respecté, nous ne nous en porterions pas plus mal et nous réaliserions des économies.

Enfin, on annonce des baisses de dépenses qui n’en sont pas, puisqu’il s’agit en réalité de non-augmentations de dépenses. C’est une véritable escroquerie intellectuelle !

Pour toutes ces raisons, je souhaite, messieurs les ministres, que votre déclaration sur ce programme de stabilité, qui est non pas un exercice de pure rhétorique budgétaire, mais un engagement formel envers nos partenaires européens et, surtout, nos concitoyens, soit soumise au vote du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur le projet de programme de stabilité (demande de la commission des finances et mise en œuvre par le Gouvernement de l’article 50-1 de la Constitution).

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la priorité absolue de la majorité, c’est le recul durable du chômage. Toute notre politique économique vise à mettre en œuvre les conditions pour atteindre cet objectif : le rétablissement de la compétitivité de notre tissu productif, la soutenabilité de nos finances publiques, la mise en œuvre de réformes structurelles indispensables pour libérer les forces de notre économie et une politique européenne plus favorable à la croissance.

Le Gouvernement et la majorité doivent, ensemble, répondre à deux questions. Comment redresser nos comptes sans étouffer la croissance ? Quelles réformes mener pour susciter activement la reprise de l’activité ? L’objet du premier programme national de réforme et du premier programme de stabilité que nous présentons aujourd’hui est d’apporter à ces deux questions des réponses précises et ambitieuses. Avant de les évoquer, je vous prie d’emblée de m’excuser, car je ne pourrai rester pour participer au débat. Je dois en effet partir pour la Chine, où j’accompagne le Président de la République. Quoi qu’il en soit, Bernard Cazeneuve prendra le relais.

Ces programmes décrivent la stratégie économique du Gouvernement, ainsi que le scénario macroéconomique et la trajectoire des finances publiques qui les sous-tendent. Ils précisent aussi les réformes qui seront menées pour atteindre nos prévisions de croissance. Pour autant, ces textes, dont la portée symbolique et politique est extrêmement forte, ne sont pas des lois de finances et n’ont donc pas à être votés dans les mêmes formes. Nous leur avons cependant accordé le même soin, et ils doivent être abordés par la représentation nationale dans le même esprit de responsabilité, bien qu’ils ne suivent pas un processus identique à celui des lois de finances. N’oublions pas que ces documents seront ensuite transmis à la Commission européenne et qu’ils feront l’objet de commentaires de sa part et de nouvelles prévisions. Les recommandations qu’elle formulera seront adoptées lors d’un conseil Ecofin à la mi-juin et, enfin, par le Conseil européen des 27 et 28 juin prochain. Voilà ce que sont le programme de stabilité et le programme national de réforme.

Ces programmes s’inscrivent dans un contexte difficile, qu’il faut rappeler en préambule.

En premier lieu, je le dis avec douceur, nous avons un lourd héritage à assumer. Je ne me livre pas à cet exercice pour le plaisir de la rhétorique, ou par volonté de défausse ou de répétition : nous sommes aux responsabilités, et nous serons jugés sur nos résultats. Mais les faits sont têtus, et leurs conséquences sont lourdes. C’est cela que nous avons à faire.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Madame des Esgaulx, l’héritage financier est terriblement pesant : 600 milliards d’euros de dettes supplémentaires, un ratio de dette rapporté à la richesse national augmenté – écoutez bien ! – de 20 points, …

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Les faiblesses structurelles sont également lourdes : une croissance nulle en moyenne de 2007 à 2011, un chômage qui a touché un million de personnes supplémentaires sous le quinquennat précédent, 750 000 emplois perdus dans l’industrie en dix ans, …

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

... une compétitivité qui s’est lourdement affaiblie en dix ans, et que révèle un déficit commercial encore supérieur à 65 milliards d’euros en 2012.

J’ai été membre d’un gouvernement entre 1997 et 2002, et je me souviens qu’en 2002 la France était en excédent commercial de 3 milliards d’euros. À l’époque, on parlait de l’Allemagne comme l’homme malade de l’Europe. Regardez ce qui s’est passé !

Je ne reviens pas davantage sur un tel héritage, si ce n’est pour souligner que, face à une situation aussi dégradée, nous devons nécessairement mener nos efforts de redressement sur le long terme.

En second lieu, nous sommes confrontés – je ne m’y attarderai pas – à une crise sans précédent dans la zone euro. J’ai déjà eu l’occasion de le dire devant vous, si nous avons apporté des réponses fortes à la crise de la zone euro, qui n’est plus menacée dans son existence, puisque la stabilité est revenue, la crise dans la zone euro demeure, c’est-à-dire une crise de croissance. Nous devons l’affronter, au moment même où la zone, selon les prévisions de la Commission européenne, pourrait connaître une deuxième année consécutive de récession, alors que le chômage touche 19 millions de personnes. Ainsi, le président de la Commission européenne, M. Barroso, a été amené hier à dire qu’il fallait revisiter les politiques économiques européennes.

Dans ce contexte, je souhaite tout d’abord rappeler le sens de notre action, qui est de réformer au bon rythme pour réussir le redressement économique du pays.

Il y a actuellement en France, ne feignons pas de l’ignorer, un débat sur le rythme du redressement des comptes publics au regard de la nécessité de soutenir la croissance.

Peut-on redresser l’économie sans redresser les finances publiques ? Depuis près d’un an, j’ai déjà longuement exposé devant cet hémicycle, et ce à de multiples reprises, les raisons pour lesquelles le Président de la République a fait du sérieux budgétaire l’un des axes de sa politique économique. Il ne faut pas opposer remise en ordre des comptes et croissance. Personne ne peut dire ou penser que l’endettement serait une bonne chose pour l’économie ! Une économie qui s’endette, c’est une économie qui s’affaiblit, qui s’appauvrit, qui perd de sa souveraineté, qui perd de sa liberté, surtout lorsqu’elle commence à s’endetter à des taux de plus en plus chers. Nous avons la chance de bénéficier de taux historiquement bas. Il faut faire en sorte que cette situation perdure.

La question n’est plus de savoir si les finances publiques doivent être redressées. La question est bien de concilier redressement des finances publiques et croissance, pas en étant dogmatique ou rigide, mais en passant à un pilotage dit « en termes structurels », en mettant l’accent sur les dépenses publiques, en engageant nos finances sur la voie d’un assainissement en profondeur, durable, mais aussi en laissant jouer les stabilisateurs automatiques quand la situation économique l’exige, et à l’évidence, mesdames, messieurs les sénateurs, je crois qu’elle l’exige aujourd’hui. C’est ainsi que nous pourrons préserver les conditions de la croissance.

Cette question du rythme du redressement, le Gouvernement la porte avec force depuis l’élection de François Hollande, dans tous les forums de coopération économique internationaux. À l’échelle européenne notamment, nous avons obtenu un pacte de croissance, qui désormais se met en œuvre. Je mets aussi en avant une telle problématique dans le cadre de nos relations bilatérales, en particulier avec nos partenaires allemands, et multilatérales.

Je participais la semaine dernière à Washington aux réunions de printemps du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale et du G20. J’ai noté là une convergence très forte autour d’un même message : davantage doit être fait pour la croissance et l’emploi, tout en poursuivant les efforts pour améliorer la souveraineté et la soutenabilité budgétaires.

Clairement, le climat change. Les priorités de l’économie mondiale se tournent désormais davantage vers la croissance. Évidemment, le sérieux dans la gestion des finances publiques ne peut pas et ne doit pas être abandonné, les réformes de structure sont indispensables, mais l’austérité n’est pas la solution. Le chemin que nous empruntons et que nous voulons proposer à l’Europe est le bon.

J’en viens maintenant à nos programmes et d’abord à nos prévisions de croissance.

Celles-ci sont identiques, pour 2013 et 2014, à celles de la Commission européenne, prudence, réalisme, crédibilité : 0, 1 % en 2013, 1, 2 % en 2014. Entre 2015 et 2017, nous pensons que l’économie française repartira sur un rythme de croissance de 2 % par an. Nous ne ferions que rattraper, partiellement, le retard qui a été accumulé dans les années passées au regard de notre croissance potentielle.

Le Haut Conseil des finances publiques, nouvelle instance créée sur l’initiative du Gouvernement pour éclairer le débat parlementaire, …

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

… symbole de transparence et de rénovation en profondeur de la gouvernance des finances publiques, a rendu la semaine dernière son avis sur ces prévisions.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

M. Pierre Moscovici, ministre. Le Haut Conseil estime ainsi que le scénario macroéconomique du Gouvernement est entouré « d’un certain nombre d’aléas qui, dans leur ensemble, font peser un risque à la baisse sur les prévisions ».

Mme Nathalie Goulet s’exclame.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Nous reconnaissons l’existence de facteurs qui jouent à la baisse comme à la hausse – le Haut Conseil les mentionne –, mais Bernard Cazeneuve et moi-même avons souhaité confirmer devant la commission des finances du Sénat, mercredi dernier, les prévisions de croissance du programme de stabilité. J'ai la conviction qu'en faire moins, d'une part, nous précipiterait dans un ajustement injustifié, d’autre part, serait le signe d'un pessimisme, d'une défiance à l'égard de notre économie que rien, mesdames, messieurs les sénateurs, ne justifie.

Les prévisions que je vous présente reposent sur deux convictions.

Ma première conviction, c’est que l’Europe va progressivement redémarrer. Pour la plupart des pays, le plus gros des efforts est désormais passé, les décisions du pacte de croissance vont produire leurs effets. Les pays sous tension pourront bénéficier de meilleures conditions de financement grâce à la mise en œuvre résolue de l’union bancaire, pour laquelle la France se bat. Je pense là à l'union bancaire entière, globale, et non pas uniquement à la supervision intégrée.

Ma seconde conviction, c’est que les réformes que nous menons en France dans le cadre du programme national de réforme portent leurs fruits. Celui-ci s’articule autour de trois grands axes.

Premier axe, en matière de compétitivité, ce gouvernement a pris plus de décisions positives pour la compétitivité en onze mois que tous ses prédécesseurs en dix ans. §L’année2013 sera consacrée à la mise en œuvre et à l’approfondissement des mesures prises.

Nous avons d’abord réorienté notre système fiscal pour encourager la compétitivité et l’innovation. C’est notamment le sens des 20 milliards d’euros du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui permettra de relever l’activité de 0, 5 point de PIB et de créer 300 000 emplois d’ici à 2017. À cet égard, lundi se tiendront autour du Président de la République les Assises de l'entrepreneuriat.

Nous avons également remis le secteur financier au service de l’investissement, de l’économie réelle, des PME et des entreprises de taille intermédiaire, les ETI. Nous l’avons fait par exemple avec la création de la Banque publique d’investissement, création approuvée par votre assemblée, avec la loi bancaire, approuvée sans opposition par votre assemblée, …

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

… avec le plan trésorerie, ou encore avec le soutien au financement de l’investissement des collectivités locales.

Cette réforme se poursuivra, notamment par la réforme de la fiscalité de l’épargne, sur la base des conclusions des travaux remis par les députés Karine Berger et Dominique Lefebvre.

C’est également pour soutenir notre compétitivité que nous mènerons en 2013 des réformes de structure majeures dans le secteur des services, de l’énergie, du logement, avec un objectif : faire baisser les prix et donc réduire les coûts des entreprises.

Par ailleurs, Benoît Hamon et moi-même présenterons, au début du mois de mai, un projet de loi sur la consommation qui renforcera les droits des consommateurs et contribuera à lutter contre les rentes injustifiées.

Une réforme du secteur ferroviaire sera également présentée au cours du premier semestre de cette année.

Deuxième axe, le Gouvernement s’attache également à préparer l’avenir en encourageant la structuration de l’économie autour de filières industrielles et en soutenant les secteurs stratégiques par une politique d’investissements ciblés.

Le Gouvernement organisera au premier semestre une consultation pour retenir les initiatives industrielles prioritaires pour le quinquennat. Ces filières prioritaires seront soutenues par un fonds multisectoriel doté de 590 millions d’euros, qui sera mis en place au sein de la BPI.

En parallèle, nous mènerons une politique d’investissements de long terme dans les secteurs clés du logement, de la rénovation thermique et du numérique. S’agissant de ce dernier point, les mesures ont déjà été prises.

Troisième axe, en matière de lutte contre le chômage et la précarité, nous travaillerons tout au long de l’année 2013 au plein déploiement des mesures déjà adoptées – approuvées, pour beaucoup d’entre elles, par votre assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs – et nous amplifierons les effets de nos politiques par une grande réforme de la formation professionnelle.

La création de 150 000 emplois d’avenir d’ici à la fin de 2014 permettra de réduire le chômage des jeunes. La réforme du marché du travail jouera également à plein. À cet égard, l’accord national interprofessionnel du 11 janvier a été identifié à l’étranger – je ne sais pas si c’est ainsi perçu en France, c'est pourtant la vérité – comme un signe majeur de la volonté du Gouvernement et des partenaires sociaux de permettre à la France de se réformer. Il facilitera l’adaptation des entreprises aux chocs structurels tout en accordant de nouveaux droits aux salariés : c’est la clef de voûte de la lutte contre le chômage qui nous mobilise tous.

Ce volet sera complété au second semestre par la renégociation de la convention d’assurance chômage et, surtout, par une réforme d’ampleur de la formation professionnelle.

Ces réformes permettent d’envisager un redressement des comptes publics dont le rythme et les modalités sont retracés dans le programme de stabilité qui a été largement approuvé par l’Assemblée nationale hier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Eh oui ! Pourquoi donc ne nous prononçons-nous pas ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Parce que le Gouvernement ne dispose pas d’une majorité, ici !

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

La stratégie de remise en ordre des comptes qu’il expose participe du redressement économique auquel nous travaillons. Redressement des comptes publics et redressement productif sont en effet les deux faces d’une même médaille.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C’est pour cette raison qu’il aurait été bon que le Sénat se prononçât par un vote !

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Le Sénat a pour mission de construire, monsieur le président de la commission, vous le savez bien. Le désendettement est un facteur de compétitivité et j'aimerais que telle soit toujours votre préoccupation !

Cette stratégie est dictée par un impératif : trouver le juste équilibre, le bon rythme pour la remise en ordre de nos comptes.

Quels sont les trois temps distincts que nous envisageons ?

Le premier temps couvre 2013 : nous ajusterons le rythme d’assainissement des comptes pour ne pas briser la croissance.

Le deuxième temps s’ouvrira en 2014 : nous approfondirons notre effort structurel pour nous donner les moyens d’atteindre notre objectif de déficit. Ce sera une année de tournant, de basculement dans la répartition de nos efforts entre recettes et dépenses, vers de moindres dépenses.

À partir de 2015, enfin, nous commencerons à réduire la part de l’endettement dans le PIB et nous progresserons vers l’équilibre structurel grâce à la montée en puissance de nos économies.

Comme l’a dit le Président François Hollande, notre politique économique n’est pas une politique d’austérité, c’est une politique sérieuse et juste. Pour 2013, donc, nous éviterons, consciemment et volontairement, d’ajouter l’austérité à la récession, et le déficit public nominal s’établira à 3, 7 %, chiffre prévu par la Commission européenne.

Bernard Cazeneuve et moi-même refusons un nouveau plan d'ajustement budgétaire. L'effort a déjà été considérable et nous ne présenterons pas de collectif budgétaire à cet effet. Pourquoi ? Parce que l'effort structurel de 1, 9 point de PIB, effort sans précédent, ne peut pas être aggravé sans risque de récession, dans laquelle nous ne voulons pas précipiter l'économie française. Nous voulons laisser jouer les stabilisateurs automatiques et faire en sorte, en effet, que les moteurs de la croissance soient soutenus. Nous refusons les conséquences dramatiques pour l'emploi et pour les entreprises qui résulteraient d'un plan d'austérité.

Il s'agit donc d'une politique équilibrée, qui garde le cap du sérieux budgétaire, qui préserve les capacités de l'appareil économique à croître. Nous tiendrons ce cap avec détermination, je puis vous l'assurer, mesdames, messieurs les sénateurs.

C’est en 2014, dans un second temps, que nous nous donnerons les moyens d’atteindre un déficit à 2, 9 %, grâce à un effort structurel, moins important, de 1 point de PIB qui nous permettra de respecter nos engagements européens sans briser la croissance. Cet effort structurel reposera à 70 % sur des économies et à 30 % sur des recettes.

L’année 2014 sera, à bien des égards, une année charnière, grâce notamment à la montée en puissance de la modernisation de l’action publique, condition sine qua non pour faire en sorte que les économies ne se fassent pas au prix d’un effet de toise aveugle, comme ce fut le cas dans le passé avec la RGPP, la révision générale des politiques publiques.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

M. Pierre Moscovici, ministre. Ce n'était pas la bonne façon de procéder

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Tels sont les principaux éléments de notre programme de stabilité et de notre programme national de réforme. Notre ambition est connue, elle s’inscrit dans la durée : nous voulons redresser notre pays, rétablir ses comptes publics et rendre la France plus productive…

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

… en gardant toujours le souci de la justice sociale, de l’emploi, en donnant toujours la priorité à l’investissement et à la jeunesse.

Le Gouvernement entend, par les choix qui vous sont proposés, associer crédibilité et ambition, adopter un rythme de consolidation budgétaire qui ne pénalise pas la croissance, mettre en œuvre des réformes profondes qui préparent l’avenir, sans nous renier. §Cela prend du temps, c'est vrai, mais nous creusons le sillon. Ainsi, l’économie sera plus forte, plus respectée, la France disposera des moyens lui permettant de peser davantage dans la réorientation de la construction européenne, dont je puis vous assurer qu'elle est la volonté du Président de la République et du Gouvernement.

Ne croyons pas que nous sommes plus forts en Europe si nous laissons faire ou si nous laissons aller. Pour être plus fort en Europe, il faut d'abord être crédible. C'est cette ligne de crête que nous suivons. Ces choix que nous vous proposons refusent l’austérité dont les Français, à juste titre, ne veulent pas. §Pour autant, ce sont des choix sérieux, ce sont des choix responsables ; ils sont ambitieux, ils sont réalistes, et j'attends du Sénat, …

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

M. Pierre Moscovici, ministre. … à travers ce débat, plus que de la compréhension : le soutien à cette politique qui est celle dont la France a tout simplement besoin aujourd'hui.

Bravo ! et applaudissementssur les travées du groupe socialiste. –

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe Ump

Eh bien, organisez un vote !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

M. Jean-Claude Lenoir. Quel enthousiasme sur les travées de la majorité !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bertrand

Il y a une véritable stratégie au moins, pas comme avec Sarkozy !

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Il y a un cap !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais, après Pierre Moscovici, et en ayant soin que mes propos soient complémentaires aux siens, dire quelques mots sur la trajectoire des finances publiques dans laquelle nous sommes engagés et que décrit ce programme de stabilité, en insistant plus particulièrement sur quelques thèmes budgétaires.

Ce programme de stabilité sous-tend des considérations liées à notre évaluation de la conjoncture économique et à un certain nombre de données macroéconomiques qui caractériseront l'évolution de nos économies au cours des prochaines années. Ce programme sous-tend également une trajectoire budgétaire qui nous engage et nous devrons, année après année, à mesure que, dans le cadre du Semestre européen, nous présenterons nos programmes de stabilité, rendre compte, devant la représentation nationale, des conditions dans lesquelles nous atteignons nos objectifs en termes d’indicateurs budgétaires.

Avant que le débat ne s'engage, je voudrais profiter de cette séance pour répondre à quelques questions simples, en me fondant non pas sur des impressions, mais simplement sur des chiffres, sans volonté de polémiquer.

Première question : depuis l'alternance qui s'est produite au mois de mai dernier, la situation des dépenses publiques a-t-elle évolué, celles-ci sont-elles mieux maîtrisées, dans quelle trajectoire nous inscrivons-nous pour les mois qui viennent ?

Deuxième question : y a-t-il, comme certains l’affirment parfois pas toujours de manière très nuancée, une volonté de procéder à des ajustements budgétaires par le recours systématique à l'impôt, comment la pression fiscale a-t-elle évolué, comment évoluera-t-elle dans les semaines, les mois et les années qui viennent et quelle politique fiscale le Gouvernement entend-il mener jusqu'en 2017 ?

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Troisième question : compte tenu de notre stratégie d’évolution des dépenses publiques et de notre politique fiscale, quelle est l'évolution prévisible de nos déficits publics ?

Quatrième question : quel est l'impact de cette politique budgétaire, de cette trajectoire des finances publiques, sur la croissance ?

Avant de répondre à ces quatre questions, en reprenant certains des éléments qui ont été évoqués à l’instant, de manière approfondie, par le ministre de l'économie et des finances, je voudrais m’interroger avec vous sur les hypothèses de croissance sur lesquelles s’est exprimé le Haut Conseil des finances publiques, instance que nous avons créée

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Ces hypothèses de croissance sont les suivantes : 1, 2 % en 2014, puis 2 % les années suivantes. Comme l’a dit Pierre Moscovici à l’instant, cela suppose que nous continuions à être volontaristes pour aller chercher la croissance là où elle se trouve, et que nous menions des politiques permettant de la rendre possible.

C’est ce qui conduit le Haut Conseil des finances publiques et un certain nombre d’observateurs à considérer que nous sommes optimistes. Ce que certains appellent « optimisme », nous, nous le qualifions de « volontarisme », parce que nous avons la volonté à la fois en France et en Europe de créer les conditions de la croissance.

Ce que nous proposons en termes de stratégie de croissance doit être apprécié à l’aune de ce qui a été présenté par les gouvernements précédents au titre des programmes de stabilité antérieurs.

De ce point de vue, l’année 2012 a été très emblématique de la relation du gouvernement précédent à la croissance.

Faut-il le rappeler, au moment de la préparation du projet de loi de finances pour 2012, la précédente majorité se fondait sur une hypothèse de croissance très optimiste de 1, 75 % ? Lors de l’examen de la loi de finances initiale au Sénat, nous étions à 1 %, c’est-à-dire que, en quelques semaines, pas en quelques mois, l’hypothèse avait été corrigée de 0, 75 %. Puis, une loi de finances rectificative – parce que c’était la modalité de pilotage des affaires budgétaires voilà quelques mois : on partait d’hypothèses très ambitieuses et on multipliait les lois de finances rectificatives de manière à corriger une trajectoire…

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

… qui n’avait pas été totalement pertinente à l’origine…

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Madame la sénatrice, c’était surtout très aléatoire, car 1, 75 %, puis 1 % quelques semaines après, puis 0, 5 % de nouveau quelques semaines plus tard, …

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

… puis 0, 7 % dans le programme de stabilité, …

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

… au raz Blanchard où j’ai appris à naviguer, cela s’appelle avancer à la godille.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Telle était la méthode qui prévalait : beaucoup d’approximations dans les hypothèses sur lesquelles était fondée la trajectoire et comme de nombreuses approximations présidaient à la définition de la trajectoire, mécaniquement, il y avait beaucoup de corrections en cours de trajectoire.

C’est la raison pour laquelle de nombreuses lois de finances rectificatives sont venues par le passé corriger des hypothèses initiales qui n’étaient pas toujours pertinentes et voilà d’ailleurs pourquoi on nous demande aujourd’hui de reproduire ce schéma, c’est-à-dire de recourir à des lois de finances rectificatives, ...

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

… ce que nous ne ferons pas pour l’année 2013.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

En effet, si nous le faisions, cela signifierait que nous nous apprêtons à corriger le niveau des dépenses et le niveau des recettes, donc à diminuer les dépenses et à augmenter les impôts, ce qui signifierait que nous sommes, dans une situation économique particulièrement dégradée de l’économie européenne et mondiale, prêts à ajouter l’austérité à la rigueur, ce que nous ne ferons pas.

J’ai rappelé ces éléments concernant les chiffres de croissance tout simplement pour dire, notamment aux sénatrices et sénateurs de l’opposition, dont je respecte les interrogations, que nous sommes beaucoup plus prudents qu’ils ne l’ont été lors de l’élaboration des lois de finances précédentes. Nous le sommes d’autant plus que les hypothèses sur lesquelles nous fondons notre trajectoire de finances publiques à la faveur de la présentation de ce programme de stabilité sont exactement les mêmes que celles de la Commission européenne, puisque, pour l’année qui s’ouvrira dans quelques mois, l’hypothèse de croissance de la Commission est pour l’heure de 1, 2 %.

J’en arrive aux quatre questions que j’ai posées.

Première question : comment évolueront les dépenses, dans le cadre de ce programme de stabilité, au regard de ce qu’a été la variation des dépenses au cours des dix dernières années, et peut-on, à l’aune des résultats déjà obtenus depuis près de douze mois, considérer que ce que nous préconisons en termes d’évolution des dépenses publiques est pertinent ?

Je m’en tiendrai aux chiffres, car, même si l’exercice budgétaire n’est pas une science exacte, il est une science rigoureuse, et l’on évite d’autant plus facilement les polémiques et les mauvais débats que l’on prend soin d’adosser le raisonnement énoncé à des chiffres incontestables. Les chiffres dont je vais parler le sont, puisqu’ils n’appartiennent pas à des spéculations pour l’avenir, mais à des choses constatées pour le passé.

Je commencerai par les pourcentages d’évolution des dépenses publiques au cours des dix dernières années.

L’évolution des dépenses publiques a été, entre 2002 et 2006, de 2, 3 % en moyenne, et entre 2006 et 2011, de 1, 7 % en moyenne. En 2012, pour des raisons sur lesquelles je reviendrai dans un instant, l’évolution a été de 0, 7 %, là où nous étions engagés sur un objectif de 0, 5 %. Le décalage de 0, 2 % résulte simplement d’une dépense plus dynamique des collectivités locales.

Mais, parmi ceux d’entre vous qui connaissent ces chiffres, personne ne peut nier que le rapport est de 1 à 3, en termes de dynamique d’évolution des dépenses publiques, entre 2002-2011 et la tendance sur laquelle nous sommes depuis le début de l’année.

Je veux également signaler qu’en 2012 les dépenses de l’État ont diminué, pour la première fois quasiment depuis le début de la Ve République, de 300 millions d’euros, alors que ces dépenses avaient augmenté en moyenne, au cours des années précédentes, de 5 à 6 milliards d’euros par an.

Notre objectif pour 2014 est une diminution des dépenses de l’État, hors dette et pensions, de l’ordre de 1, 5 milliard d’euros.

C’est la raison pour laquelle les critiques qui nous sont adressées quant à l’incapacité dans laquelle nous serions de maîtriser les dépenses publiques me paraissent peu modérées.

En effet, lorsqu’on regarde les taux d’évolution des dépenses publiques et l’évolution nominale des dépenses de l’État, nous constatons encore une fois que le rythme d’évolution des dépenses publiques s’est réduit dans une proportion de 1 à 4 et que pour la première fois nous voyons les dépenses de l’État diminuer là où elles augmentaient dans les proportions que je viens d’indiquer dans les années précédentes.

On pourrait considérer que les dépenses de l’État et les dépenses publiques évoluent de façon contrastée et que ce que je dis sur les dépenses de l’État n’est pas nécessairement vrai pour ce qui concerne d’autres dépenses publiques, je veux parler des dépenses de protection sociale.

Je tiens, là aussi, à rappeler des chiffres précis, qu’aucune personne intellectuellement honnête ne peut contester.

Les dépenses de l’ONDAM, ou objectif national des dépenses d’assurance maladie, qui ne sont pas des dépenses concernant une enveloppe réduite dans les dépenses publiques globales, ont augmenté d’un peu plus de 2 % au cours de l’année précédente. Or, faut-il le rappeler, au cours du dernier quinquennat, les dépenses de l’ONDAM, en moyenne annuelle, ont évolué de plus de 4 %.

Pour les dépenses d’assurance maladie, le rapport est de 1 à 2 entre ce qui s’est passé dans le précédent quinquennat et ce qui se passe depuis le début du quinquennat actuel. Et lorsque l’on prend la trajectoire globale prévue par le précédent gouvernement en 2012 concernant les dépenses d’assurance maladie, on constate que, par un effort de maîtrise de ces dépenses, nous avons, par rapport à la projection de la précédente majorité, un milliard d’euros de moins de dépensé en termes de dépenses d’assurance maladie en 2012, ce qui a permis une diminution de l’ordre de 4 milliards d’euros, entre 2011 et 2012, du déficit du régime général, alors que, entre 2006 et 2011, ce déficit avait augmenté de façon spectaculaire de 9 milliards d’euros.

Voilà quels sont les chiffres concernant la dépense. Ces chiffres sont incontestables et, selon moi, ils témoignent du mauvais procès que nous font ceux qui ont contribué à l’aggravation des dettes, au dérapage de la dépense publique, au creusement des déficits, …

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

… et qui ignorent les résultats que je viens d’indiquer, …

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

… comme s’ils voulaient s’exonérer de leurs responsabilités pour le passé et ne pas reconnaître ce que sont les trajectoires dans lesquelles nous nous sommes engagés depuis que nous sommes aux responsabilités et pour l’avenir.

Je rejoindrai volontiers les propos tenus par M. Arthuis à l’occasion de la réunion de la commission des finances du Sénat voilà quelques jours : sur les questions budgétaires, il peut y avoir des orientations politiques différentes, mais il y a une réalité à laquelle on n’échappe pas, c’est la réalité des chiffres établis qui retrace la réalité du passé. Et dans le passé dont nous parlons, une partie renvoie à une situation où nous n’exercions pas les responsabilités, …

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

… tandis qu’une autre partie, dont nous sommes comptables, est celle dont je rends compte à l’instant pour ce qui relève de l’action que nous avons conduite depuis douze mois.

Voilà pour ce qui est des dépenses.

Deuxième question : la pression fiscale et la stratégie fiscale du Gouvernement pour les années qui viennent.

Le semestre européen a cet avantage qu’il permet à nos deux assemblées d’être parfaitement informées et affranchies quant aux intentions des gouvernements devant l’Union européenne. Le semestre européen a ce mérite qu’il nous invite, année après année, à la faveur de l’examen de ces pactes de stabilité, à indiquer quelles sont nos trajectoires, nos indicateurs, nos statistiques. Il permet donc aux sénateurs et aux députés, année après année, de constater le décalage qui existe entre les objectifs qu’on s’est fixés à soi-même et les résultats obtenus.

Par conséquent, lorsque l’on regarde le programme de stabilité présenté par la précédente majorité et qui prévoyait des augmentations d’impôts, on constate que la trajectoire fiscale de nos prédécesseurs est presque la même, en termes de pourcentage et d’évolution, que celle que nous proposons. Pourquoi ? Tout simplement parce que les déficits sont si importants et la dette à ce point significative qu’il est impossible de procéder à l’ajustement de nos finances publiques par la seule mobilisation de la diminution des dépenses publiques.

Si nous le faisions, nous remettrions en cause les services publics qui constituent, en ces temps de crise, le patrimoine de ceux qui n’ont rien. Le ministre du budget est aussi le ministre du patrimoine de ceux qui n’en ont pas et, par conséquent, nous devons veiller, lorsque nous procédons à des économies, à ne pas remettre en cause les services publics et la protection sociale, car cela aurait des conséquences récessives évidentes.

Il faut bien convoquer l’impôt de façon raisonnable lorsqu’on veut ajuster. Nous, nous avons cherché à le faire dans la justice.

Je voudrais indiquer notre trajectoire fiscale pour les années à venir.

Pour l’année 2014, nous devrons consentir un effort de 20 milliards d’euros. Comme l’a indiqué M. le Président de la République, – vous vous rendrez compte, lorsque je présenterai le projet de loi de finances pour 2014 devant votre assemblée, que cet engagement sera respecté – cet effort sera accompli, pour les deux tiers, à travers des économies et, pour un tiers, par une augmentation de la pression fiscale à hauteur de 0, 3 % en 2014, pression qui s’atténuera progressivement au cours des années suivantes jusqu’à atteindre en 2016–2017 un taux comparable à celui que nous avions en 2013. Autrement dit, l’effort fiscal demandé en 2014 sera compensé dans les années qui viennent.

Ces 6 milliards d’euros d’effort fiscal, d’où viennent-ils ? Constituent-ils ce que certains d’entre vous appellent un « matraquage fiscal » ? La réponse est non.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

En effet, cette somme totale comprend d’abord un milliard d’euros d’augmentation de cotisations sociales déjà acté et engrangé dans le cadre de l’accord passé entre les partenaires sociaux au titre des régimes de retraite complémentaire AGIRC-ARRCO.

Certaines recettes qui étaient prévues dans le budget de 2013 n’ont pas été réalisées pour plusieurs raisons, notamment parce qu’elles n’ont pas produit le rendement escompté – je pense en particulier à la taxe sur les transactions financières – ou parce que le Conseil constitutionnel a annulé les dispositions qui en étaient à l’origine – par exemple la taxe à 75 %.

Le budget de 2014 sera l’occasion de procéder, à hauteur de 1 milliard d’euros, à la récupération de ce produit fiscal qui était envisagé en 2013 et qui, pour les motifs que je viens d’indiquer, n’a pas donné le rendement attendu ou n’a pas été perçu.

Ensuite, nous escomptons quelque 4 milliards d’euros de la lutte contre la fraude fiscale et de la poursuite du travail que nous avons engagé sur les niches fiscales et sociales.

Je vous le rappelle, en 2012, notre politique a permis d’augmenter de 2 milliards d’euros les recettes résultant de la lutte contre la fraude fiscale. Nous avons l’intention de continuer et d’intensifier ce travail : ceux qui doivent acquitter leurs impôts en France, en vertu des règles fiscales qui régissent le fonctionnement de nos finances publiques, doivent payer leurs contributions. Tout ce que nous prélevons sur ceux qui essayent d’échapper à ces obligations est bon pour nos recettes et pour nos équilibres budgétaires. De surcroît, c’est une action citoyenne et juste.

Par ailleurs, je le répète, nous avons l’intention de poursuivre le nettoyage des niches fiscales et sociales.

Voilà d’où viennent les 6 milliards d’euros que j’évoquais.

Nous aurons l’occasion d’en débattre au cours des prochains mois et des prochaines années, mais je le souligne d’ores et déjà devant le Sénat : nous ajusterons les prochains budgets par les économies, et nous ne solliciterons l’impôt qu’à la marge, lorsque cela sera réellement indispensable. Les économies seront désormais le moyen privilégié de l’équilibre de nos budgets pour favoriser la croissance et garantir le redémarrage de l’économie.

Au demeurant, le Président de la République s’exprimera sur ces sujets dans quelques jours, notamment pour ce qui concerne la fiscalité des entreprises.

Troisième question : les déficits. Je les évoquerai en quelques mots.

Non seulement, notre politique conduit à une meilleure maîtrise des dépenses et à une action fiscale raisonnable, mais elle a un impact sur les déficits.

Faut-il le rappeler ? Les chiffres sont incontestables : le déficit structurel de la France a bondi de 30 milliards à 100 milliards d’euros au cours des deux précédents quinquennats.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

En pourcentage, le déficit a augmenté de près de 2 %. La dette a, quant à elle, crû de 25 points de PIB au cours du dernier quinquennat.

Quelle est l’évolution du déficit structurel depuis 2012 ? La situation que nous avons trouvée à notre arrivée a été parfaitement photographiée via un audit de la Cour des comptes, que nous avons sollicitée à cette fin : ce document montre qu’il existait un risque de dérapage des dépenses à hauteur de 2 milliards d’euros, et une surestimation manifeste des recettes fiscales à hauteur de 8 milliards d’euros.

Nous avons donc pris des dispositions à caractère fiscal en sollicitant 7 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires : nous ne pouvions pas faire autrement dans la mesure où nous arrivions ! Parallèlement, par une recherche d’économies et par un gel supplémentaire, nous avons maîtrisé les dépenses de l’État. Résultat : nous sommes parvenus à éviter le dérapage du déficit nominal. Il se serait élevé à 5, 5 % si nous n’avions pas pris ces mesures : il n’a été que de 4, 8 %.

S’il subsiste une différence de 0, 3 % entre notre cible – à savoir 4, 5 % – et le résultat constaté – c’est-à-dire 4, 8 % –, c’est pour des raisons qui tiennent à des événements exceptionnels, à savoir la nécessaire recapitalisation de Dexia et la nécessité d’absorber 800 millions d’euros au titre du budget européen, parce qu’il avait été décidé de sous-évaluer les crédits de paiement nécessaires au financement des politiques de l’Union et parce qu’il a fallu, à la demande de la Commission européenne, rattraper ce retard.

De plus, le déficit s’est élevé à 5, 3 % en 2011 alors que l’on s’attendait à ce qu’il ne soit que de 5, 2 %. Ce dixième de point a eu un impact sur le déficit de 2012.

En outre, il est vrai qu’une part de responsabilité nous incombe : notre loi de finances rectificative se fondait sur une hypothèse de croissance de 0, 3 %, alors qu’en réalité la croissance a été moindre. Cet écart explique également le décalage observé entre le déficit sur lequel nous nous étions engagés et le déficit réel constaté.

Toutefois, en la matière, 2012 aura été la première année de réduction significative du déficit structurel : ce dernier a baissé de 1, 2 %.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Nous visons un objectif de 1, 8 % en 2013…

Debut de section - Permalien
Marie-Hélène Des Esgaulx et

Bien sûr, tout va très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Non, mais ça va tout de même nettement mieux !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

… et de 1 % en 2014. Ces chiffres sont incontestables ! Je comprends qu’ils gênent, …

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Mais ils reflètent simplement la réalité constatée et, en matière budgétaire, on ne peut pas échapper à la réalité des chiffres !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

On ne peut pas échapper à la réalité de notre dette !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Voilà pour ce qui concerne les dépenses, la fiscalité et les déficits.

Quatrièmement et enfin, j’évoquerai la croissance.

La politique de rigueur – car il faut bien la qualifier ainsi – dans laquelle nous nous sommes engagés nous éloigne-t-elle de l’investissement et de l’ambition de croissance ?

Mesdames, messieurs les sénateurs, je rappellerai simplement que ce gouvernement a lancé, en mobilisant les crédits de l’Union européenne et ses moyens propres, une stratégie d’investissement extrêmement ambitieuse.

Sur ce sujet également, je citerai des exemples concrets : la mobilisation de 20 milliards d’euros pour l’équipement numérique des territoires sur dix ans ; la volonté d’accompagner la construction de 500 000 logements sociaux à travers des efforts significatifs de réduction de la TVA sur la construction de logements sociaux neufs ; la volonté que toutes ces dispositions permettent d’accompagner la relance du bâtiment, car on sait à quel point ce secteur a un impact sur la croissance.

On pourrait par ailleurs évoquer les 120 milliards d’euros du pacte de croissance, …

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

… négocié au mois de juin, qui sera à l’ordre du jour du Conseil européen du mois de mai.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Ce pacte de croissance représente, pour la France, un volume global d’investissements de 10 milliards d’euros.

Madame Des Esgaulx, vous vous exclamez en disant « taratata ».

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Ce mot ressemble pourtant moins à M. Arthuis !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Si vous en êtes d’accord, je vous propose de venir, lors de la prochaine réunion de votre commission des finances, présenter la déclinaison de ce plan de croissance par territoire, ce qui permettra d’en établir la traçabilité pour chacun. Ainsi, nous mettrons un terme à ce mauvais débat au sujet d’un dispositif que nous sommes les seuls à ignorer alors que l’ensemble des acteurs de la Commission européenne y travaillent. Ce plan de croissance a été inscrit à l’ordre du jour du Conseil européen du mois de mai prochain, et il a été considéré comme une chance par la plupart des pays de l’Union.

Ainsi, ce que nous faisons en termes de rigueur n’est pas mené au détriment de l’investissement, qui est un élément déterminant de la croissance dont nous avons besoin.

La politique que nous menons, et que ce pacte de stabilité matérialise, repose sur un équilibre subtil entre, d’une part, la nécessité de redressement des comptes et, d’autre part, l’exigence de croissance : sans rétablissement des comptes, il n’y aura pas de croissance, et sans croissance nous n’aurons aucune chance de restaurer dans la durée la situation de nos finances publiques, depuis si longtemps dégradée ! §

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun ici mesure l’importance du programme de stabilité et du programme national de réforme. Tous deux définissent une stratégie appelée à être ensuite évaluée par nos partenaires européens. Nous nous trouvons donc à un moment clé du « semestre européen », justifiant la tenue de ce débat au Parlement.

L’enjeu ne se situe pas seulement au niveau national. En effet, l’interdépendance des économies et des politiques budgétaires invite à porter un regard global sur notre capacité à définir les chemins de sortie de crise.

Les questions qui s’imposent à la France se posent partout dans la zone euro. Elles appellent à consolider la dynamique de résolution de la crise à l’échelle européenne et à mieux coordonner les politiques publiques.

Monsieur le ministre, de ce point de vue, on doit se féliciter de voir aujourd’hui l’Europe se saisir de sujets majeurs qui avaient été laissés en jachère depuis des années, comme l’attention portée à la croissance économique, la création de l’union bancaire, la taxe sur les transactions financières, ou encore l’annonce récente de la mise en place d’une plateforme de lutte contre l’évasion fiscale.

Mes chers collègues, on peut le dire, la volonté régulatrice des autorités européennes s’affirme enfin de manière plus déterminée depuis quelques mois.

Force est de constater que si l’Europe s’anime davantage, c’est non seulement parce que la parole de la France plaide en ce sens – et sans doute est-elle entendue ! –, mais aussi parce que les autorités européennes, comme beaucoup de prescripteurs mondiaux – qu’ils soient au FMI, à l’OCDE ou à la Banque mondiale –, prennent conscience d’une lourde erreur d’analyse économique qui, depuis plusieurs années, a conduit à préconiser une médication « austéritaire » pouvant conduire le malade à mourir guéri.

En effet, force est de constater que les théories néolibérales inspirées de Ricardo ont conduit à sous-estimer l’effet déflagratoire des mesures brutales de réduction des déficits publics. Ces théories sont d’ailleurs aujourd’hui sous le feu des critiques.

A contrario, la théorie keynésienne, que certains avaient bien imprudemment jetée dans les poubelles de l’histoire, a fait, depuis peu, l’objet d’une subite réhabilitation. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter les récentes déclarations de Jack Lew, Christine Lagarde, Olli Rehn ou José Manuel Barroso ! Le ministre de l’économie et des finances l’a souligné il y a quelques instants en évoquant un « changement climatique » dans les grandes instances européennes, relativement à cette volonté de réorientation vers la croissance, aujourd’hui exprimée partout.

Désormais, nul ne peut ignorer en France ce contexte général européen et mondial particulièrement exigeant.

Dans ces conditions, le programme de stabilité et le programme national de réforme doivent concilier deux exigences.

Premièrement, il faut assurer le redressement de nos finances publiques et la réduction de notre endettement. C’est un impératif moral, parce qu’il convient de limiter, et demain, de réduire, le poids qui pèse sur les jeunes générations ; de nombreux défis nous attendent, notamment le vieillissement de la population. Y faire face exigera de dégager de plus grandes marges de manœuvre budgétaires, et donc de réduire dès aujourd’hui notre dette publique. Il faut d’ailleurs rappeler, à ce propos, que celle-ci s’est accrue de près de 600 milliards d’euros au cours de la précédente législature, augmentation que la crise est très loin d’expliquer totalement. Il est aujourd’hui indispensable d’inverser cette tendance.

Deuxièmement, il faut éviter que cet ajustement ne conduise, par sa brutalité, à une récession qui nous empêcherait d’inverser une autre courbe, celle du chômage. Une telle situation ne serait pas acceptée par nos concitoyens et nuirait à la conduite des réformes indispensables à notre pays.

Mes chers collègues, il est indispensable de préserver la croissance. Tous nos partenaires, le FMI et, désormais, les institutions européennes en conviennent : un ajustement trop brutal n’est pas souhaitable, et il serait absurde de vouloir suivre une trajectoire prédéfinie à n’importe quel prix, quelle que soit la conjoncture.

Le projet de programme de stabilité du Gouvernement manifeste à cet égard un utile discernement. De fait, il entend repousser à 2014 l’atteinte de l’objectif d’un déficit public inférieur à 3 % du PIB. Ce faisant, le Gouvernement suit un cap parfaitement clair : il avance avec détermination sur la voie du redressement des finances publiques, en se préoccupant de la justice sociale et en préservant les perspectives de croissance.

Le Gouvernement poursuit la consolidation engagée de nos finances publiques, car reporter l’atteinte des 3 % ne signifie certainement pas renoncer aux efforts.

La trajectoire d’ajustement structurel qui nous est proposée est conforme aux engagements européens de la France ; elle est ambitieuse et prévoit des efforts accentués par rapport à la loi de programmation des finances publiques votée à la fin de l’année dernière. Les efforts programmés sont très importants : faut-il le rappeler, M. le ministre l’a dit, un point de PIB en 2014, soit 20 milliards d’euros et, au total, 110 milliards d’euros d’efforts pour la période 2012–2017.

En 2012 et 2013, cet effort a principalement porté sur les recettes, et, parmi les ménages, sur les plus aisés, en fonction de leurs capacités.

Cette stratégie est justifiée économiquement car, à court terme, la concentration de l’effort sur les recettes présente un effet dépressif moindre que celui de la réduction de la dépense publique. En outre, faire peser l’effort sur les ménages les plus aisés permet de limiter l’impact négatif sur la demande.

Un effort important a également été demandé aux entreprises, mais il est déjà pour partie compensé par le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, qui, à terme, allégera leurs charges d’environ 20 milliards d’euros.

Ainsi que les deux ministres viennent de nous le préciser, le Gouvernement entend désormais faire porter l’essentiel de l’ajustement sur les dépenses publiques. Dès 2014, elles supporteront 70 % de l’effort, contre 30 % pour les recettes ; sur la période 2013–2017 couverte par le programme de stabilité, l’effort portera pour près des deux tiers sur les dépenses.

Cet effort considérable, pour être durable et intelligent, suppose une préparation, une concertation, une méthode. C’est le sens des démarches engagées par le Gouvernement, en particulier dans le cadre de la modernisation de l’action publique. Il s’agit non pas d’adopter une logique aveugle de réduction des dépenses, mais, au contraire, de préserver l’accès aux services publics, de moderniser notre modèle social pour en garantir les fondements et, bien sûr, de favoriser les politiques au service de la cohésion sociale et de la croissance de demain.

La situation des finances publiques héritée du passé est un lourd fardeau, mais son redressement est une nécessité et il est bien engagé. Si nous ne le faisons pas aujourd’hui, la charge de notre dette exigera demain des ajustements encore plus douloureux. Ce redressement n’empêche pas le Gouvernement de mener sa politique, une politique de gauche ! Le budget pluriannuel adopté l’an dernier marque ainsi des priorités fortes en faveur de l’enseignement, de la cohésion sociale, de la sécurité et de la justice ; des initiatives fortes ont été engagées en faveur de la justice sociale, comme le plan quinquennal de lutte contre la pauvreté ou les dispositions prises en faveur du logement.

Je voudrais enfin insister sur la crédibilité de la trajectoire présentée par le Gouvernement. C’est un capital précieux, mais aussi fragile, notamment parce que notre pays n’a pas toujours respecté ses engagements par le passé.

Le Gouvernement a déjà montré sa détermination à maîtriser les dépenses : en 2012, pour la première fois, les dépenses de l’État ont été inférieures à celles de 2011. Il a également engagé des réformes structurelles d’ampleur, qui permettront de rétablir durablement la compétitivité de notre économie : la poursuite et la réorientation du programme d’investissement d’avenir, la création de la Banque publique d’investissement, le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, ou encore le choc de simplification, notamment en direction des petites et moyennes entreprises.

Cette crédibilité est indispensable pour la mobilisation du pays et de tous ses acteurs, car la fixation d’un cap pour l’ensemble de la législature doit favoriser le retour de la confiance.

Elle est aussi déterminante vis-à-vis de nos partenaires européens, eu égard aux nouvelles règles dont nous avons décidé collectivement. Il faut les appliquer avec discernement, mais nous ne pouvons pas écarter par facilité le « règlement de copropriété de l’euro », une expression que Jean Arthuis utilisait ici même, sans mettre en péril le devenir de l’ensemble de la zone.

Cette crédibilité est enfin importante vis-à-vis des investisseurs, car elle permet de contenir le poids de la dette. Je me plais à souligner ici, mes chers collègues, que les taux très bas auxquels nous émettons nos titres de dette et la réduction de l’écart avec l’Allemagne s’expliquent par de multiples facteurs, mais ils montrent que, contrairement à ce que certains prévoyaient, la politique conduite par ce gouvernement ne suscite pas la défiance des investisseurs, bien au contraire, allais-je dire !

Le projet de programme de stabilité repose sur des hypothèses de croissance que le Haut Conseil des finances publiques a, certes, – certains l’ont déjà mentionné en commission – jugées optimistes, mais pas irréalistes. En la matière, les variables sont nombreuses et leur évolution est incertaine, mais les prévisions du Gouvernement ne sont pas hors de portée. En effet, leurs fondements sont crédibles, qu’il s’agisse de l’augmentation de la demande internationale adressée à la France ou celle de la demande intérieure, portée par une baisse modérée du taux d’épargne des ménages.

Si la croissance n’était pas au rendez-vous à un niveau permettant un retour sous les 3 % dès 2014, la question de la mise en œuvre d’ajustements supplémentaires serait posée. C’est une décision qu’il conviendra de prendre avec nos partenaires européens, mais il faut avant tout inscrire notre trajectoire de redressement dans la durée, ce que fait ce programme de stabilité.

J’ai déjà souligné qu’au niveau de l’Union européenne les progrès accomplis depuis un an sont considérables, à travers notamment l’action de la Banque centrale européenne, les avancées concernant l’union bancaire et le pacte pour la croissance porté par le Président de la République. Ils assurent la crédibilité de la zone euro, qui repose sur sa capacité à la fois à mettre en œuvre une discipline collective et à aller vers plus d’intégration et de solidarité.

Cette crédibilité, acquise à travers les efforts collectivement consentis, doit permettre aujourd’hui de mieux prendre en compte la question de la croissance. C’est le sens de l’action du Président de la République et du Gouvernement depuis bientôt un an. Une prise de conscience semble émerger au niveau européen, si j’en juge par quelques signaux envoyés ces derniers jours. Et chacun sera attentif à toutes les déclarations, dont j’ai déjà fait état, émanant des autorités européennes en la matière. Hier encore, Manuel Barroso nous indiquait à quel point il faut aujourd’hui s’engager dans une réorientation stratégique axée sur la croissance. §

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. J’en termine, mes chers collègues, en souhaitant tout simplement ici que nous puissions obtenir auprès de nos partenaires européens le report, souhaité par le gouvernement français, de l’atteinte du seuil des 3 % à 2014, mais aussi leur confiance dans notre détermination à mettre en œuvre les efforts pour rétablir nos finances et notre compétitivité. Au-delà de la situation de la France, et je sais que vous y êtes particulièrement sensible, monsieur le ministre du budget, je souhaite que l’Union européenne puisse, en maintenant une discipline collective, relancer des politiques assurant un retour rapide de la croissance et, ainsi, une dynamique porteuse d’avenir pour le projet européen.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste. –

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Dans la suite du débat, la parole est à M. Jean Arthuis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme de stabilité et le programme national de réforme sont des actes majeurs que le Gouvernement met en débat, furtivement, devant le Parlement avant de les transmettre à la Commission européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Voilà que l’on invente le Gouvernement furtif…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Actes majeurs, puisqu’ils engagent la trajectoire budgétaire jusqu’en 2017 ; actes majeurs, puisqu’ils encadrent les prochaines lois de finances et les prochaines lois de financement de la sécurité sociale ; actes majeurs, parce qu’ils décrivent les pistes de réformes qui permettent de tenir les objectifs.

Dès lors, comment pouvons-nous admettre, chers collègues, que le Sénat ne puisse sanctionner ce débat par un vote ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Il y a quelques instants, Pierre Moscovici a conclu son propos en exprimant le souhait que le Sénat soutienne le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. On peut voter à main levée ?

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Toutefois, mes chers collègues, comment manifeste-t-on son soutien, sinon par l’expression d’un vote ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Certes, l’année dernière, il n’y avait pas eu de vote, mais il n’y avait pas eu non plus de débat, en raison de l’élection présidentielle. Je vous rappelle cependant qu’en avril 2011 le précédent gouvernement avait eu l’élégance et le courage de soumettre son programme au vote, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

… ce qui l’avait conduit à ramener son hypothèse de croissance de 2 % à 1, 75 %, prévision qui s’était révélée juste à l’époque. Nous entrions ainsi dans ce qu’il est convenu d’appeler désormais le semestre européen.

Jusque-là, convenons-en, le programme de stabilité constituait un exercice formel, dérisoire, destiné à rassurer à bon compte nos partenaires européens, à défaut de nous rassurer nous-mêmes, fondé sur l’illusionnisme budgétaire, le volontarisme des hypothèses de croissance et, dans la plupart des cas, la sous-évaluation des dépenses. Il a fallu le séisme suscité par la crise des dettes souveraines pour changer la donne et la procédure.

Désormais, la solidarité des États membres de la zone euro nous ordonne de sortir du déni de réalité. Pour des impératifs d’ordre européen, certes, mais d’abord et avant tout dans l’intérêt de la France, du redressement de notre économie et de l’inversion de la courbe du chômage. C’est dire si l’interdiction de vote constitue une humiliation pour notre assemblée !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Comment le président du Sénat et la majorité sénatoriale ont-ils pu s’y résigner ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Au-delà de la protestation que j’exprime au nom du groupe UDI-UC, je veux expliciter les deux critiques majeures qu’appelle le dispositif mis en forme par le Gouvernement, soulignant ainsi le contraste qui le différencie de nos propres options.

En premier lieu, s’agissant des prévisions de croissance, nous avions cru comprendre qu’en créant le Haut Conseil des finances publiques le Gouvernement avait enfin décidé, et c’était admirable, de rompre avec la vieille et coupable pratique des prévisions volontaristes. Malheureusement, il n’en est rien. Le Haut Conseil, tout juste installé, affiche d’emblée une louable indépendance, faisant taire les suspicions qu’avait suscitées sa création. En effet, il a osé, au terme de ses analyses, déclarer que la France est, cette année, en récession.

Devant ce langage de vérité, amplement confirmé par les signes que nous vérifions tous les jours dans nos départements et nos circonscriptions §– montée du chômage, procédures d’alerte, dépôts de bilan de très nombreuses entreprises –, le Gouvernement persiste dans sa vision irréaliste.

Il est vrai que la trajectoire budgétaire tend plus facilement vers la résorption des déficits dès lors que les hypothèses de croissance sont dopées artificiellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Vous avez donc choisi, monsieur le ministre, de perpétuer des méthodes douteuses, historiquement datées, pour mieux sauver les apparences.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Qui peut croire à une croissance de 2 % dès 2015 ? Pour que cela se vérifie, il faudrait mettre en œuvre des réformes structurelles qui, à la vérité, contredisent vos dogmes.

Votre stratégie pour le redressement n’est pas à la hauteur de la situation dramatique de notre pays. Et cessons, je vous prie, de nous renvoyer la balle sur ce qui aurait pu et dû être accompli hier par les équipes au pouvoir §…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

… qu’il s’agisse de la rigueur budgétaire, de la durée du temps de travail ou des normes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Vous avez eu le pouvoir pendant 10 ans, alors ne nous donnez pas de leçons, d’accord ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

C’est vrai qu’hier, on a laissé filer le déficit public, c’est vrai qu’hier, on a oublié d’abroger les trente-cinq heures, et que l’on s’en est remis trop facilement à des usines à gaz.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Donc, cessons de nous renvoyer ainsi la balle. Ce qui compte, c’est se sortir de cette crise et redonner l’espoir et la confiance à nos concitoyens. Ce que vous proposez aujourd’hui, monsieur le ministre, ne peut suffire à enrayer le processus de déclin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Par conséquent, efforçons-nous de nous rassembler sur l’essentiel.

J’en viens à ma seconde critique. Vos réformes sont symboliques et ne peuvent produire les effets attendus. La Banque publique d’investissement §…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

… n’est que le recyclage d’OSEO, de CDC entreprises et du Fonds stratégique d’investissement, avec, en prime, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Quant au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, il perpétue la complexité : sa circulaire d’application tient en une quarantaine de pages !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

En effet, c’est sans doute l’illustration du « choc de simplification » prescrit par le Président Hollande.

Ce CICE opère à la marge un allégement des charges sociales, très en deçà des préconisations de Louis Gallois, elles-mêmes en deçà de ce qu’il conviendrait de faire, c’est-à-dire basculer au moins 50 milliards d’euros de cotisations sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Un tel « choc de compétitivité » ne peut être financé que par une taxe sur les produits, y compris les produits que nous importons et que nous consommons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Pour l’essentiel, cette taxe serait non plus un impôt de production, mais un supplément de TVA.

Nous commençons, enfin, à reconnaître, ici et là, que les impôts pesant sur la production poussent à la délocalisation des activités…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

… et, par conséquent, à la montée du chômage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Cette mesure, avec d’autres, permettrait de redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens et d’améliorer le sort des entreprises françaises.

À cet égard, l’INSEE vient de le confirmer, les marges des entreprises n’ont cessé de baisser, à tel point qu’elles sont aujourd’hui les plus faibles des entreprises des dix-sept pays de la zone euro.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Triste record pour la France !

Enfin, ceux qui nous observent et attendent le redressement de la France estiment que, si nos réformes constituent un pas dans la bonne direction, elles ne suffisent pas. Tel est, parmi d’autres, le diagnostic que vient de dresser la Commission européenne, et dont vous devriez tenir compte, monsieur le ministre.

Par ailleurs, pour équilibrer les comptes publics, le matraquage fiscal a ses limites. La question fondamentale est d’engager le reflux des dépenses publiques. Telle est, je le sais bien, monsieur le ministre, votre détermination, mais il va falloir le démontrer.

Le Gouvernement multiplie les initiatives coûteuses. Ce matin, en commission des finances, nous examinions le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, avec le rétablissement de la scolarité à deux ans et la création de 60 000 postes d’enseignants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis. Voilà quelques mesures parmi d’autres ! Nous attendons de connaître le détail du moratoire sur les normes, les modalités d’abrogation des 35 heures

Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Enfin, mes chers collègues, je voudrais que l’on évite, à l’occasion de ce débat, tout réquisitoire anti-européen. Il est, bien sûr, toujours tentant dans les circonstances aussi graves que celles que nous connaissons aujourd'hui de transformer l’Europe en bouc émissaire.

Le seul procès que nous pourrions lui intenter est d’avoir permis à la France de pratiquer si longtemps des déficits aussi importants sans encourir de sanction.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Le redressement incontournable est, certes, un engagement européen. Mais si la France n’était pas dans la zone euro, elle serait en situation calamiteuse, catastrophique, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

… et ce sont nos créanciers qui nous dicteraient les réformes à accomplir. Combien de dévaluations devrions-nous subir ? Quel serait alors le prix de l’énergie ? Celui du carburant ? Ce serait à n’en point douter l’explosion du chômage !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Pendant ce débat, austérité et rigueur sont les mots que le Gouvernement oppose souvent. Ne nous y trompons pas, mes chers collègues, l’austérité n’est que la sanction fatale du manque de rigueur.

Monsieur le rapporteur général, vous attendez beaucoup des propos qu’a tenus hier M. Barroso. Pour avoir rencontré à Berlin, avec Jean Bizet, quelques responsables allemands, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

… je puis vous dire que la tonalité était quelque peu différente. Ne vous y trompez pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Le programme de stabilité nous engage. Aussi, comme tel, il devrait être légitimé par un vote au Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je regrette amèrement le dédain manifesté par le Gouvernement à l’encontre du Sénat…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis. … et plus encore la docilité résignée de la majorité sénatoriale, face à ce que j’appelle « une maltraitance ».

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis. Voulez-vous dire, mes chers collègues de la majorité, que tout est fait comme si le Sénat n’était qu’une « anomalie démocratique » ?...

Même mouvement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Je vous prie de bien vouloir conclure, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

… l’angoisse face à la mondialisation et à l’avenir est perceptible. Le Sénat devrait être la chambre de la lucidité, du courage…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Et c’est pourquoi on ne lui donne pas la possibilité de voter !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Mon cher collègue, je vous demande de faire preuve de rigueur dans le temps qui vous est imparti.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je conclus, monsieur le président.

Le Sénat devrait être, disais-je, l’espace où le jeu politicien s’apaise pour faire émerger des propositions consensuelles supra-partisanes, le lieu privilégié où renaissent l’espoir et l’optimisme sur d’autres bases que des chiffres fallacieux et des conventions de langage. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’il y avait un vote, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

… nous nous prononcerions, à une très large majorité, en faveur de ce qui nous est présenté par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Quant au déni de réalité, monsieur Arthuis, il n’est pas l’apanage de ce gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Vous l’avez d’ailleurs rappelé très clairement, et je vous en remercie. Si déni de réalité il y a, ce dont nous ne sommes pas sûrs, nous nous situons plus dans la continuité que dans le changement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le ministre du budget, vous avez posé quatre questions, mais y répondre est un exercice très difficile. Cela s’apparente certainement à la quadrature du cercle pour un ministre du budget.

Ce programme de stabilité esquisse le cadre économique et financier pour les années à venir. On notera au passage que les prévisions macroéconomiques du programme de stabilité pour les années 2013–2017 ont sensiblement évolué par rapport à celles de la loi de programmation, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

… qui était nettement plus optimiste quant à la rapidité et à l’ampleur de la reprise de l’activité économique. Mais, à la différence de la loi de programmation, le programme de stabilité sera transmis à la Commission européenne dans le cadre du « semestre européen », et celle-ci publiera ensuite ses recommandations à la France et aux autres États membres d’ici à la fin du mois de mai. Ce programme a valeur de test de crédibilité pour la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Faut-il le rappeler, notre pays n’a pas de très bons antécédents en la matière – là aussi, il s’agira d’une continuité – puisqu’il n’a jamais respecté les programmes transmis à la Commission européenne, pas plus que les objectifs fixés dans les diverses lois de programmation. Tous ces textes ont été caractérisés par un « biais optimiste » dans les prévisions de croissance.

Qu’en est-il des prévisions du présent projet de programme de stabilité ?

Il est difficile de prévoir moins de 0, 1 % de croissance pour 2013

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Mais, comme l’a très justement souligné le Haut Conseil des finances publiques, dont chacun reconnaît, je me plais à le souligner, l’objectivité, « si les prévisions macroéconomiques du Gouvernement [pour 2013 et 2014] sont, en apparence, très proches de celles établies en février 2013 par la Commission européenne, la similitude de prévisions de taux de croissance masque en fait des scénarios très différents. Aussi la Commission retient-elle une hypothèse de déficit public en hausse de 0, 2 point en 2014 alors que le Gouvernement envisage une réduction de 0, 8 point ». Il s’agit là, monsieur le ministre, d’une différence de taille, qui peut légitimement susciter des interrogations quant aux prévisions de ce programme de stabilité, assez optimistes elles aussi, concernant la réduction du déficit effectif et structurel.

Quant aux prévisions à moyen terme pour les années 2015 à 2017, soit 2 % de croissance annuelle, bien que je ne souhaite pas être pessimiste, elles me paraissent incertaines. Notre taux de croissance potentielle, évalué à 1, 5 %, est en réalité difficile à estimer aujourd’hui ; divers facteurs pourraient en effet conduire à réduire ce taux par rapport à son niveau d’avant-crise.

De nombreux aléas entourent donc les prévisions du Gouvernement et font peser sur celles-ci un risque global à la baisse, comme l’a souligné le Haut Conseil des finances publiques.

Que dira la Commission européenne sur ces prévisions ? Entendra-t-elle les nombreuses voix qui se sont justement élevées ces derniers mois, y compris là où on les attendait le moins, comme au FMI, contre les politiques de trop grande austérité menées en Europe, qui pourraient avoir un impact néfaste et irréversible sur la croissance ?

La remise en cause récente des thèses des économistes américains Rogoff et Reinhart affirmant qu’une dette supérieure à 90 % du PIB provoquait un effondrement de la croissance devrait aussi conduire les autres chantres de l’austérité à réenvisager très sérieusement les priorités de politique économique pour retrouver le chemin de la croissance.

Monsieur le ministre, vous nous avez dit que le redressement des comptes publics et le redressement productif sont « les deux faces d’une même médaille ». Il n’en existe pas moins une tension entre la nécessité de réaliser des économies sans précédent pour redresser les comptes et celle de conduire des réformes structurelles de grande ampleur impliquant des investissements très importants pour « booster » notre compétitivité. L’équilibre est très délicat à trouver, mais il existe des solutions, au niveau européen tout d’abord. À cet égard, je remercie notre collègue Jean Arthuis d’avoir rappelé la nécessité de saluer le travail avec l’Europe dans l’Europe.

D’abord, au niveau européen, on peut dégager trois priorités : desserrer les calendriers de retour à l’équilibre financier ; coordonner véritablement les politiques économiques et budgétaires pour garantir une croissance partagée et solidaire en Europe ; et, enfin, faire évoluer le rôle de la BCE. En effet, à nos yeux, le cours de l’euro est clairement aujourd'hui un handicap pour la compétitivité des économies européennes, et il est plus que temps que la BCE agisse, enfin, sur ce front.

Le positionnement, disons-le, « égoïste » et peu pragmatique de l’Allemagne devrait prendre fin. De l’autre côté du Rhin, ils doivent lâcher du lest pour contribuer à relancer la croissance en Europe. Vont-ils mettre en place un salaire minimum ? Vont-ils adopter une position moins catégorique sur l’inflation ?

Le Gouvernement a déjà pris un certain nombre d’initiatives très importantes, initiatives que notre groupe, dans sa très grande majorité, a soutenues, pour renforcer la compétitivité de nos entreprises. Je pense au CICE ou au projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

J’y viens !

Cependant, nous sommes inquiets à la lecture de l’avis rendu par le Haut Conseil des finances publiques, ce dernier considérant que les effets escomptés du CICE « gagneraient [cependant] à être davantage documentés ». Surtout, une phrase me frappe : « La résolution des handicaps de compétitivité-prix et hors-prix des entreprises françaises, susceptible d’améliorer les parts de marché à l’extérieur, n’apparaît pas acquise. » Autrement dit, le plus dur reste à faire, et il y faut du temps, monsieur le ministre.

C’est pourquoi il convient de ne pas se contenter de réformes déjà adoptées et de poursuivre des transformations structurelles permettant de dynamiser véritablement notre économie dans dix ans, quinze ans, voire vingt ans. C’est ce que l’Allemagne a réussi à faire il y a quelques années, dans un contexte économique différent, avec une croissance européenne élevée et un euro qui était de l’ordre de 0, 9 à 1 dollar.

La reconstitution ou le renforcement de notre tissu industriel et de notre compétitivité ne se fera pas en quelques mois ; les lois Hartz en Allemagne ont nécessité dix ans, sous deux majorités différentes. Peut-être sera-t-il bon un jour de méditer cet exemple ?

La persévérance du Gouvernement dans la mise en œuvre des réformes annoncées, notamment les trente-cinq mesures du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, sera décisive. La capacité à faire apparaître la cohérence des différentes réformes au service de l’objectif général qu’est la relance de la compétitivité et, grâce à elle, celle de l’emploi et du niveau de vie l’est tout autant.

Enfin, je remarque qu’il y a un déficit de communication important au sujet des mesures adoptées par la majorité en faveur des entreprises, qui sont encore trop méconnues sur le territoire.

Monsieur le ministre, les réformes, aussi pertinentes soient-elles, ne serviront à rien si elles ne sont pas accompagnées par le retour de la confiance. En effet, sans la confiance de tous les acteurs de notre économie et de notre industrie, nous ne pouvons pas réussir. Aussi, pour créer un choc positif de croissance, commençons par réunir les conditions d’un choc de confiance.

Il n’est plus temps de revenir sur le passé ; il est temps de préparer l’avenir, avec un objectif ambitieux pour la France en Europe à l’échéance de dix ou de quinze ans. C’est peut-être ce qui manque dans ce programme de stabilité, que notre groupe soutient bien au-delà de ses grandes lignes !

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste . – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.

M. Charles Guené remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Monsieur le président, mes chers collègues, en entendant M. le ministre parler, il y a quelques instants, de son sérieux budgétaire, je n’ai pas pu m’empêcher de penser que si l’ampleur des gels de crédits qui s’annoncent semble effectivement sérieuse, il est difficile d’en dire autant des prévisions qui les sous-tendent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Au contraire, ma chère collègue, plutôt bien !

Les hypothèses de croissance du Gouvernement ont déjà été maintes fois auscultées : 0, 1 % cette année, 1, 2 % l’année prochaine et 2 % par an à partir de 2015.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Le fait est que des institutions aussi différentes que le Haut Conseil des finances publiques, installé par le Gouvernement lui-même, le FMI et l’OFCE s’accordent à considérer que ces prévisions de croissance sont clairement affectées d’un biais trop optimiste.

Monsieur le ministre, vous arguez du fait qu’elles sont calées sur celles de la Commission européenne. Certes. Reste que les scénarios de la Commission européenne pour la réduction du déficit ne sont pas les mêmes que les vôtres, loin de là. En effet, pour annoncer 1, 2 % de croissance en 2014, elle se fonde sur un déficit de 3, 9 %, soit un niveau plus élevé d’un point de PIB que celui prévu le Gouvernement et bien supérieur à la barre convoitée des 3 %.

Peut-être ne vous en souvenez-vous pas, monsieur le ministre, car à l’époque vous n’étiez pas chargé du budget : il y a six mois, j’avais interpellé M. le ministre de l’économie et des finances sur la question du déficit. Il affirmait dans cet hémicycle, avec la même force et la même technicité que vous cet après-midi, que le déficit serait de 3 % en 2013. À cette tribune, j’avais parié, du reste avec regret, que nous nous retrouverions au printemps pour constater ensemble qu’il n’en serait rien. Dont acte !

Ce programme de stabilité entérine un nouvel étalement de la trajectoire de réduction du déficit ; nous ne pouvons d’ailleurs que nous en réjouir. Les écologistes n’ont jamais considéré le recours désordonné à l’endettement comme un modèle viable. Pour autant, la nécessaire résorption du stock de dette que nous avons hérité de décennies de capitalisme financier, ainsi que de toutes les majorités, ne doit être envisagée qu’avec prudence, sans assommer les peuples ni obérer l’économie.

Je vous accorderai sans peine que la France n’est pas la Grèce, qui connaît depuis 2007, dans son chaos social, une explosion des suicides, des meurtres et une dégradation de la santé publique. Le programme de stabilité n’en promet pas moins pour le prochain projet de loi de finances 14 milliards d’euros de mesures d’économies, dont je ne sais s’il convient de les qualifier de sérieuses ou d’austères...

Plus précisément, 1, 5 milliard d’euros seraient retranchés de la dotation aux collectivités territoriales. Les dépenses de l’État seraient amputées de 7, 5 milliards d’euros, sans que l’on sache encore très bien quels seraient les administrations et services publics les plus touchés. Enfin, 5 milliards d’euros seraient soustraits aux dépenses sociales, marquant notamment le recul de la sécurité sociale au profit des assurances complémentaires retraite et santé.

Il nous semble d’autant moins urgent de risquer ainsi le déclin économique et social que le dogme de l’austérité, plus que jamais, s’effrite et se fissure. En effet, l’un de ses fondements scientifiques, qui postulait qu’un niveau de dette supérieur à 90 % entraînait un effondrement mécanique de la croissance, vient d’être démenti. §Tout simplement, les auteurs de cette théorie largement diffusée et utilisée au plus haut niveau, y compris dans notre hémicycle sur presque toutes les travées, ont reconnu des erreurs invalidant leurs résultats…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

De plus en plus de pays, en Europe du sud mais aussi en Europe du nord sans oublier les États-Unis, réclament des trajectoires de consolidation budgétaire beaucoup plus douces ; même le FMI a pris position dans ce sens.

En France, monsieur le ministre, plusieurs de vos collègues qui ne sont pas des moindres, notamment le ministre du redressement productif et le ministre chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, ont récemment fait savoir qu’ils souhaitaient une inflexion de la ligne économique que vous défendez aujourd’hui. Du reste, quand j’écoute matinalement les excellentes émissions de politique, je me rends compte que ce sentiment est partagé par beaucoup, de tous les côtés.

Dans ces conditions, pourquoi s’entêter ? Pourquoi persister à affirmer chaque année ou chaque semestre cette volonté d’airain, ou de zinc, de réduire le déficit ? Une volonté que l’on sait d’emblée sapée par des prévisions biaisées, qui ne s’est pas appliquée par le passé et dont le seul but consiste à gagner le droit de demander à un commissaire européen la permission de l’abandonner en chemin… C’est tout simplement absurde. Le comble de cette vaste mascarade est qu’elle vise à assurer notre crédibilité, à rassurer les marchés et la Commission européenne !

J’ignore si le commissaire Olli Rehn est rassuré, mais il semblerait bien que les Français qui subissent un chômage endémique ne le soient pas, eux. D’ailleurs, même le président Barroso explique qu’une politique de rigueur, pour être couronnée de succès, doit recueillir un soutien politique et social minimal. Force est de constater que ce n’est pas tout à fait le cas aujourd’hui.

Austérité ? Rigueur ? Sérieux ? Au fond, peu importent la sémantique, les euphémismes et la communication, voire le marketing. Il est simplement urgent de rompre avec la logique, déjà anachronique mais toujours délétère, issue du péché originel du quinquennat : la ratification immédiate du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, sans l’avoir renégocié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Pour stopper l’hémorragie, rien ne pourra se substituer à davantage d’intégration et d’harmonisation européennes ; c’est cela qu’il fallait négocier ! Rien ne pourra se substituer non plus à la lutte contre l’évasion fiscale, à la mutualisation des dettes et à l’assouplissement de la politique monétaire.

Pourquoi poursuivre cette politique monétaire ? Face à une Allemagne retranchée, qui doit comprendre qu’elle ne pourra de toute façon pas prospérer dans une Europe éteinte – car que ferait la chancelière au milieu d’un cimetière ? –, la voix de la France est attendue et espérée.

La France peut aussi agir de façon autonome. S’agissant par exemple de l’évasion fiscale, sans qu’il soit besoin d’attendre que se produisent de nouveaux scandales, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

… de nombreuses mesures, comme une loi FATCA, pourraient être mises en œuvre pour faire bouger les lignes européennes. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait en ce qui concerne la transparence bancaire ; sur ce sujet, nous avons travaillé de concert avec le ministre de l’économie et des finances, ce dont je me réjouis.

De même, il n’est pas trop tard pour mettre sur pied la grande réforme fiscale qu’on nous avait promise, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

… ni pour dégager des économies d’échelle par une réforme territoriale ambitieuse, ce qui sera loin d’être réalisé par les projets de loi qu’on nous présente.

Il n’est pas non plus trop tard pour arrêter les projets d’aménagement pharaoniques lorsqu’ils sont aussi onéreux que nuisibles, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Voyons, il veut parler de Notre-Dame-de-Lourdes !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

M. Jean-Vincent Placé. … ni pour mettre au jour des marges de manœuvre budgétaires sur la force de frappe nucléaire aérienne, un pur gadget dépourvu d’enjeu stratégique.

Murmures sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Mes chers collègues, faire des efforts sur l’emploi, l’école et les hôpitaux en sanctuarisant le budget militaire, est-ce un message à envoyer – je ne dis même pas au peuple de gauche, mais au peuple de France ? J’espère que, lorsqu’on fermera des hôpitaux ou des écoles, on commencera par les circonscriptions des parlementaires si attachés à cette force de frappe qui ne sert à rien !

Murmures sur diverses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Pour préparer une économie durable, plutôt que de couper à la hache dans les dépenses publiques, il serait indispensable d’instaurer enfin la véritable fiscalité écologique redistributive promise par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Il faudrait aussi adapter notre appareil productif et industriel aux besoins et aux enjeux de demain, notamment sur le plan énergétique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Par exemple, il conviendrait de conditionner cette invraisemblable niche fiscale supplémentaire d’un point de PIB que constitue, qu’on le veuille ou non, le CICE.

En ces temps incertains, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

(Murmures sur les travées de l'UMP.) Quoi qu’il arrive, chers collègues de l’opposition, il n’y aura pas de comparaison possible avec ce que nous avons subi au cours du quinquennat précédent !

Protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

… parfois troublés, la gauche au pouvoir est une chance. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Une chance, ensuite, pour les plus fragiles. Une chance, enfin, pour notre environnement. Oui, la gauche au pouvoir doit être une chance !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Nous ne pouvons pas laisser la gauche se morfondre dans l’illusion défraîchie des annonces entendues. Nous ne pouvons pas laisser la gauche errer dans les décombres d’un modèle libéral-productiviste moribond, mais toujours dangereux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Nous ne pouvons pas laisser la gauche s’engourdir dans l’exercice gestionnaire du pouvoir…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

… et oublier ceux qui souffrent. La gauche au pouvoir est une chance, à la condition qu’elle soit une audace :…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

… une audace écologique, une audace sociale et une audace démocratique !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Ce programme de stabilité, le votez-vous ou ne le votez-vous pas ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

M. Jean-Vincent Placé. Madame Des Esgaulx, vous savez qu’il n’y a pas de vote prévu.

Murmures sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Chers collègues de l’opposition, je vais vous répondre car je ne fuis pas mes responsabilités – je suis plutôt connu pour cela.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

M. Jean-Vincent Placé. Le Gouvernement n’a pas jugé indispensable de sanctionner notre débat par un vote, mais vous aurez compris à mes propos que le groupe écologiste n’aurait pas approuvé le programme de stabilité !

Exclamations et applaudissements ironiques sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention comportera deux temps. Je commencerai par répondre à M. le ministre du budget, qui a prétendu, tout à l’heure, nous expliquer la vérité des chiffres. En définitive, il a peu parlé du programme de stabilité ; il a surtout essayé de tronquer le débat, suivant l’habitude du Gouvernement !

Monsieur le ministre, la vérité des chiffres est relative ; elle dépend de la manière dont on les présente. C’est pourquoi je souhaite entrer dans le détail des données. Vous nous dites que l’augmentation des dépenses a été moindre en 2012 qu’au cours des périodes 2007–2012 et 2002–2007.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Je vous le concède, avant 2007 et avant la crise, nos dépenses publiques étaient trop élevées ; pendant de nombreuses années, nous avons tous été coresponsables d’un manque de vertu budgétaire. Seulement, après la crise, un effort sans précédent a été accompli sur les dépenses !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Il est pernicieux de comparer l’évolution des dépenses sur une année – 2012 – et sur une période de cinq ans, sans plus de précision sur cette dernière. S’il est vrai que nos dépenses ont augmenté plus fortement entre 2007 et 2012, c’est parce que nous avons subi, en 2008, une crise qui a nécessité la mise en place dans l’urgence d’un plan de relance. Du reste, ce plan a été salué par tous les commentateurs internationaux pour son efficacité et il a permis à la France de s’en sortir mieux que l’Allemagne.

Sous l’effet de ce plan, nos dépenses publiques ont bondi de 53, 3 % du PIB en 2008 à 56, 8 % en 2009. Par la suite, en revanche, elles ont sans cesse diminué, sauf en 2012 : à la suite de votre arrivée au pouvoir, les dépenses ont de nouveau augmenté, passant de 55, 9 % du PIB en 2011 à 56, 6 % en 2012, soit le même niveau qu’au moment du plan de relance.

La France se situe au deuxième rang des pays de l’OCDE pour le niveau de sa dépense publique !

M. le ministre soutient que les dépenses de l’État ont connu en 2012 une baisse historique, mais c’est faux : la première fois depuis 1945 que les dépenses de l’État, hors dette et pensions, ont diminué en valeur, c’était en 2011 ! Cette année-là, le déficit budgétaire de l’État avait diminué de 36 % et s’était établi, puisque nous en sommes à donner des chiffres précis, à 95, 3 milliards d’euros, contre 148, 8 milliards d’euros en 2010. Ainsi, dès 2011, les dépenses ont été réduites de plus de 260 millions d’euros et les économies, affectées au désendettement.

La charge de la dette a quant à elle été révisée à la baisse de 700 millions d’euros.

De la même manière, c’est en 2010 que, pour la première fois de la décennie, l’ONDAM, a été respecté.

Monsieur le ministre, vous voulez parler de chiffres incontestables : allons-y !

Alors qu’il avait été maintenu entre 42 % et 44 % du PIB sous le quinquennat précédent – malgré la crise –, le niveau des prélèvements obligatoires a explosé en 2012, avec l’arrivée de François Hollande, pour s’élever à près de 45 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

En 2013, il devrait atteindre le taux record de 46, 3 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

La crise de 2008–2009 a fait exploser le déficit public en 2009. Mais, par la suite, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, tous les objectifs de réduction du déficit transmis à Bruxelles ont été remplis. Le niveau du déficit s’est même nettement amélioré puisqu’il s’est élevé à 7, 1 % en 2010, pour un objectif initial de 7, 7 %, puis à 5, 3 %, au lieu de 6 %.

Avec vous, le déficit, en 2012, c’est 4, 8 % au lieu de 4, 5 % ! Pour 2013, la Commission européenne prévoit 3, 7 %, au lieu des 3 % que nous avions assuré pouvoir tenir jusqu’à très récemment.

Vous reconnaissez que ce taux de 4, 8 % est en partie dû à la baisse de la croissance, mais vous omettez de dire que cette dernière est due à votre politique ! Elle est la conséquence, d’une part, du recul des investissements des entreprises, impactées en 2012 par une hausse sans précédent de leur fiscalité – 16 milliards d’euros – et, d’autre part, de la diminution de 0, 4 % du pouvoir d’achat des ménages, également victimes de cette pression fiscale, les impôts ayant augmenté de 16 milliards d’euros en 2012, freinant ainsi la hausse de la consommation.

Monsieur le ministre, vous exprimant tout à l'heure à la tribune, vous avez osé parler de « politique fiscale raisonnable ». Mais 32 milliards d’impôts supplémentaires en six mois, est-ce bien raisonnable ? C’est plutôt un record ! Je salue votre culot !

Vous ne voulez pas de collectif budgétaire pour ne pas augmenter davantage les impôts. Que diriez-vous d’un collectif pour diminuer les dépenses ? Avec vous, il faut toujours attendre !

Telles sont les remarques que m’ont inspirées les propos que vous avez tenus à cette tribune. Si je m’exprime ainsi « à chaud », c’est parce que je crois qu’il ne faut pas laisser passer de telles déclarations.

Monsieur le ministre, votre dialectique est extraordinaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

J’avais d'ailleurs déjà constaté, lorsque vous étiez en charge des affaires européennes, que vous pouvez parler à l’envi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Ce sont des paroles d’expert, madame Des Esgaulx !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mais, lorsqu’il s’agit de finances, il faut s’en tenir aux chiffres, et respecter ses engagements !

J’en viens maintenant à l’intervention que j’avais préparée sur le programme de stabilité.

Je vous rappelle que, pendant tout le débat sur le projet de loi de finances pour 2013, c’est-à-dire à l’automne 2012, les membres de l’opposition sénatoriale n’ont cessé de dénoncer l’optimisme des hypothèses de croissance et de recettes fiscales…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

… sur lesquelles vous aviez construit le budget 2013. Nous n’étions d'ailleurs pas les seuls.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Dès le début de l’automne 2012, plusieurs institutions économiques avaient produit des évaluations en deçà de vos projections, ce qui aurait pu inciter le Gouvernement à la prudence et à l’honnêteté dans les chiffres qu’il présentait. Tel n’a pas été le cas. Nous continuons de le regretter, et nous sommes aujourd’hui contraints de constater qu’il est peu étonnant que, dans de telles conditions, l’objectif d’un déficit à 3 % ne soit pas atteint ; vous avez simplement réussi à gagner du temps.

Aujourd'hui, vous nous montrez, encore une fois, toute l’ambiguïté de votre politique économique.

En nous présentant ce programme de stabilité, vous nous présentez la version corrigée des engagements de la France auprès de ses partenaires européens jusqu’en 2017.

Notre débat s’inscrit dans le cadre de la procédure dite du « semestre européen », qui contribue à une meilleure coordination des politiques économiques des États membres de l’Union européenne. Comme d’autres sénateurs l’ont dit avant moi, ce débat est très important car il doit impliquer la représentation nationale dans les choix de stratégie économique européenne. C’est pourquoi, monsieur le ministre, les membres du groupe de l’UMP regrettent que vous n’ayez pas accepté que ce débat soit suivi d’un vote formel, qui aurait montré à quel degré vos choix étaient partagés par le Parlement et, incidemment, par votre majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Votre refus est d'autant plus choquant pour notre Haute Assemblée que ce vote a eu lieu à l’Assemblée nationale. Reconnaissez-vous par là que vous ne disposez pas d’une majorité au Sénat ? N’avez-vous plus confiance dans vos alliés de la Haute Assemblée ?

M. le président de la commission des finances s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Du reste, – je le dis au nom du groupe UMP – votre attitude ne contribue pas non plus à la crédibilité de ce programme de stabilité.

Après avoir évoqué la procédure, je veux maintenant en venir aux chiffres.

Vous révisez à la baisse la prévision de croissance pour 2013, en la fixant désormais – tout le monde l’aura compris – à 0, 1 % ; vous tablez sur une reprise de la croissance en fin d’année et vous établissez une projection à 1, 2 % pour 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Permettez-moi toutefois de rappeler que le FMI a estimé que l’activité en France connaîtra une diminution de 0, 1 % en 2013, après une stagnation en 2012.

De même, le Haut Conseil des finances publiques a jugé vos chiffres trop optimistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Or vous balayez d’un revers de main l’avis de cette instance, que vous avez pourtant voulue et dont, je vous le rappelle, nous avons appuyé la création. Il nous avait pourtant été assuré, à l’époque, que ce Haut Conseil devait être considéré comme un organisme technique, neutre, contribuant, de façon constructive, à la sincérité du débat économique. Comment pouvons-nous avoir un débat sincère si vous n’acceptez pas la contradiction ?

Nous ne pouvons que déplorer que vous ne teniez pas compte du premier avis rendu par le Haut Conseil. Pour ma part, je pense que cela augure mal de son avenir…

À quoi sert cette instance ? Je vous pose de nouveau la question, monsieur le ministre ! Dois-je vous rappeler son coût ? En cette période d’économies, il est vraiment élevé si vous ne tenez pas compte de ses avis !

Au demeurant, permettez-moi de souligner que le Haut Conseil des finances publiques a développé une argumentation plutôt prudente.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

En effet, il a estimé que le Gouvernement n’a pas suffisamment pris en compte un certain nombre d’aléas susceptibles de peser à la baisse sur les prévisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Pour ce qui me concerne, je suis surtout choquée par les prévisions établies pour les années 2013 et 2014.

Il est vrai qu’en économie existent ce que l’on appelle les « prophéties auto-réalisatrices », et que devons être vigilants. Nous souhaitons tous un taux de 2 % pour les années 2015, 2016 et 2017 ; qui pourrait ne pas espérer cela pour son pays ? Mais, comme le disent les économistes, les prévisions doivent être élaborées « toutes choses égales par ailleurs » ! Or, avec la politique économique et sociale que vous conduisez actuellement, il paraît difficile, et même plus que hasardeux, que nous atteignions un tel taux.

Nous nous étonnons également que les modifications dans les prévisions macroéconomiques, en termes de croissance, de déficit, d’endettement, ne donnent pas lieu à la présentation, dans les meilleurs délais, d’un projet de loi de finances rectificative, l’objet de tels textes étant justement d’ajuster en cours d’année la gestion du budget de l’État au regard des évolutions et des nécessités du contexte macroéconomique.

Par là même, vous niez le droit à l’information et le droit de contrôle de la représentation nationale sur le budget de l’État, à un moment crucial pour nos finances publiques, et vous repoussez à l’automne les nouvelles mesures financières et fiscales qu’impliquera nécessairement cette situation nouvelle.

Nous ne pouvons malheureusement que dénoncer un tel comportement, qui ne nous permet pas de connaître la politique économique que vous entendez conduire pour notre pays.

Le Premier ministre a dit que l’important était la trajectoire. Certes !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

En l’occurrence, la trajectoire, c’est le mur !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Le Président de la République se targue de disposer de la « boîte à outils » idoine. Sans aller jusqu’à filer la métaphore et parler de « bricolage » – ce serait un peu facile, je vous le concède –, nous aimerions tout de même savoir si le Gouvernement dispose d’une boussole pour atteindre le cap fixé, à savoir le retour à l’équilibre de nos finances publiques en 2017.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

En effet, la vraie question qui se pose aujourd’hui est de savoir comment vous atteindrez votre objectif.

La visibilité que vous devriez donner aux acteurs économiques est fondamentale car elle est la base de la confiance. Or force est de constater que tant la cacophonie née des déclarations divergentes de différents membres du Gouvernement que les signaux contradictoires envoyés par votre politique économique depuis maintenant un an aboutissent à un résultat totalement inverse.

Par exemple, vous êtes amenés à constater par vous-mêmes les limites de vos précédents choix économiques, axés principalement sur des hausses de fiscalité : ces dernières étouffent la croissance économique et ne contribuent en rien à faire baisser le chômage. Cependant, vous ne proposez pas d’alternative crédible. Dès lors, nous ne sommes pas du tout certains de comprendre votre stratégie.

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous poser quelques questions très précises.

Attendez-vous que la croissance revienne comme par enchantement ? Si tel est le cas, pour quand exactement attendez-vous son retour ? Vous me donnez l’impression que vous étiez convaincus, en arrivant au pouvoir, que la croissance allait arriver par magie.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Qu’elle se présenterait au coin de la rue !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Voulez-vous une politique de consolidation fiscale ou de soutien à la consommation en continuant la dépense publique ? Cela non plus n’est pas clair ! Vous devez arrêter votre position sur ce point, et vous devez nous en faire part.

Ne confondez-vous pas réformes et austérité ?

Enfin, et surtout, ne cherchez-vous pas à repousser les nécessaires réformes que notre pays doit engager parce qu’elles divisent votre majorité ?

Au-delà de la stratégie globale, on n’y voit pas vraiment beaucoup plus clair quand on regarde les mesures concrètes.

Premièrement, vous refusez la « TVA sociale » mais vous augmentez quand même la TVA, sans réel bénéfice pour nos entreprises, lesquelles ne bénéficieront pas de baisse directe de charges alors qu’un réel problème de coût du travail existe dans notre pays.

Exclamations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

On ne comprend pas !

Deuxièmement, si vous créez le « crédit impôt pour la compétitivité et l’emploi », le CICE, ce dernier a beaucoup de mal à se mettre en place car il s’agit d’un dispositif complexe, et même d’une usine à gaz, qui, contrairement à ce que son nom laisse supposer, n’est pas l’instrument d’une politique de compétitivité : ce n’est qu’un petit ballon d’oxygène pour aider certaines entreprises à passer l’année 2013 qui s’annonce particulièrement difficile

Sur ce sujet, je constate, avec regret, que la mise en œuvre du CICE est volontairement entravée – je pèse mes mots – par des conditions qui rendent son exécution difficile. Tous les chefs d’entreprise soulignent que les quarante pages du dossier de candidature sont véritablement imbuvables. En outre, quand ils retournent ce document – pour faire des travaux par exemple –, on leur demande de fournir des justifications, des papiers… Ce dispositif est donc vraiment très compliqué, et ce n’est pas exactement ce que j’appelle favoriser la compétitivité des entreprises.

Troisièmement, vous commencez par entrevoir les limites de votre politique axée sur la hausse des impôts, et vous annoncez que vous voulez baisser la dépense publique, alors que vous avez commencé par augmenter le nombre de fonctionnaires et d’emplois aidés – en créant 60 000 postes, excusez du peu !

Quatrièmement, vous avez supprimé le seul outil qui permettait de gérer cette maîtrise des dépenses, à savoir la revue générale des politiques publiques, la RGPP, en particulier la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. De fait, vous n’êtes pas capables de nous indiquer les voies et moyens qui permettront de réaliser effectivement vos objectifs de réduction de la dépense publique.

Cinquièmement, après avoir déséquilibré le marché de l’épargne au bénéfice de l’épargne réglementée, vous manifestez le souhait de mieux canaliser l’épargne vers l’entreprise. Comment allez-vous procéder ?

Avouez, mes chers collègues, que la politique économique du Gouvernement est loin d’être compréhensible !

Au total, l’examen précis des données communiquées dans le programme de stabilité ne nous permet de tirer qu’une seule conclusion certaine : contrairement à la promesse du Président de la République, les impôts continueront d’augmenter en 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

À cela, trois raisons. D’abord, la TVA augmentera de 6 milliards d’euros. Ensuite, il faudra trouver 6 autres milliards d’euros pour compenser la perte de recettes exceptionnelles qui aura lieu en 2013. Enfin, vous annoncez vous-même que les 20 milliards d’euros que coûtera le CICE ne seront compensés que par 14 milliards d’euros d’économies. Ce faisant, vous annoncez vous-même 6 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires !

Monsieur le ministre, les impôts nouveaux ne s’élèveront donc pas à 6 milliards d’euros, mais à 6 plus 6 plus 6 !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

De surcroît, comme je l’ai dit en commission des finances, je suis sûre que vous sous-évaluez le coût du CICE. Je ne suis pas seule à dire qu’il coûtera au moins 32 milliards d’euros !

Toutes ces contradictions nous paraissent d’autant plus graves que, jusqu’à présent, le Gouvernement a fait preuve d’une surdité…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

… à l’égard de toutes les préconisations extérieures.

En outre, il se refuse à considérer les réformes qui ont fait leurs preuves à l’étranger. Sans parler de « modèle », parce qu’il ne s’agit bien évidemment pas de copier, reconnaissons tout de même que l’Allemagne, la Suède ou le Canada, à un moment critique de leur histoire – au début des années quatre-vingt-dix –, ont réussi à faire évoluer leur système économique.

Peut-être pourrions-nous en tirer quelques enseignements, notamment en matière d’efficacité de la dépense publique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Plus près de nous, nombre d’instances ont fait des recommandations pour notre pays, et elles sont, bien souvent, convergentes. J’aimerais notamment citer les deux derniers rapports de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques, qui, très intéressants, mériteraient qu’on les regarde de près, ou encore le rapport de l’OCDE sur la France d’avril 2013, ainsi que plusieurs documents de la Commission européenne, qui vont dans le même sens.

N’est-il pas temps de s’en inspirer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Le temps presse, et il presse de plus en plus, monsieur le rapporteur général ! Cela, vous ne semblez pas le comprendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Je l’ai déjà dit, vous ne cherchez qu’à gagner du temps. À ce rythme, chers collègues, c’est forcément le temps qui va vous rattraper !

La situation économique de notre pays est en passe de devenir un enjeu pour l’ensemble de l’Union européenne. Nous sommes engagés, auprès de l’Allemagne, pour financer les fonds de sauvetage, au nom de la solidarité avec les pays en difficulté. Cela dépasse la seule situation économique de notre pays : il faut considérer, au-delà, ce que nous représentons en Europe et les engagements que nous avons pris. Cela rend l’heure d’autant plus grave !

Nous avons encore la chance de bénéficier de taux d’intérêt bas sur notre dette souveraine, car notre pays représente un espace relativement sûr par rapport aux situations très dégradées des pays périphériques de la zone euro. Mais la question de la possible remontée des taux est de moins en moins théorique, vous le savez bien, à partir du moment où les faiblesses structurelles de notre économie perdurent. La Commission européenne ne dit pas autre chose, quand elle indique que « les titres français pourraient devenir un point central d’attention pour les investisseurs ».

C’est la raison pour laquelle je redis à cette tribune qu’il faut engager au plus vite des réformes structurelles.

Monsieur le ministre, notre pays n’a pas besoin de ces chocs à répétition que vous semblez les affectionner et qui, la plupart du temps, se soldent par des demi-mesures : choc de compétitivité, choc coopératif, choc de simplification, choc de moralisation, choc de confiance. Il n’est pas question d’invoquer la croissance aujourd’hui ; nous n’avons pas besoin d’incantation : il faut passer à l’action !

Notre pays a besoin d’une action claire et déterminée, qui le remette sur le chemin du dynamisme économique. Pour cela, un seul objectif compte : soutenir nos entreprises pour qu’elles créent de la richesse et des emplois, et assainir nos finances publiques, car la dette publique, au-delà d’une certaine mesure, doit être considérée comme un vrai risque d’affaiblissement économique.

Avec ce programme de stabilité, nous espérions des choix ambitieux et intelligibles, qui tracent le chemin des prochaines années. Malheureusement, nous désespérons de devoir attendre encore pour voir ces choix inscrits dans la loi. Les verrons-nous apparaître dans la prochaine loi de finances, cet automne ? Même de cela, je doute, monsieur le ministre !

Vous l’avez compris, si nous avions été amenés à nous prononcer par un vote, comme cela aurait dû être le cas, sur le projet de programme de stabilité tel qu’il nous est présenté, le groupe UMP aurait voté contre. Monsieur le ministre, vous n’avez pas voulu de ce vote, mais, par nos interventions, il peut quand même avoir lieu. Chaque groupe a la possibilité d’exprimer ce qu’il pense de ce projet de programme de stabilité. Je sais, moi, que l’ensemble du Sénat le refuse !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai mon propos en m’inspirant des derniers mots de Mme Des Esgaulx à l’instant.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Ce qui heurte le groupe CRC n’est pas tant l’absence de vote à l’issue de ce débat que, beaucoup plus fondamentalement, la perte de souveraineté du Parlement français dans l’élaboration des budgets nationaux.

La Commission européenne, sans légitimité aucune au regard du suffrage universel, jaugera notre budget, émettra des recommandations et, au besoin, en cas de non-respect de celles-ci, pourra nous imposer des pénalités à hauteur de 0, 2 % de notre PIB national, soit pas moins de 4 milliards d’euros…

Il a été fait référence à l’objectivité du Haut Conseil des finances publiques, aujourd’hui constitué. Mais, mes chers collègues, avec la forte représentation de la Cour des comptes en son sein, avec la présence d’« experts indépendants », qui l’accompagnent dans ses avis, et de deux représentants de grandes banques françaises et internationales, c’est l’expertise de la finance privée mobilisée au secours de la dépense publique !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

N’est-ce pas là, mes chers collègues, l’humiliation véritable de notre Sénat ?

Ainsi, pour la première fois, l’élève France va rendre sa copie à la Commission de Bruxelles, qui va viser les propositions formulées, noter la copie et, éventuellement, demander quelques ajustements et corrections au cadre défini par le ministère des finances.

À la vérité, notre groupe s’étant opposé avec vigueur et détermination à l’instauration de ce « semestre européen » dans le cadre de la loi organique comme du pacte budgétaire, il ne peut, en toute logique, que contester le bien-fondé des politiques budgétaires que la France va subir au nom du dogme absolu de la réduction de la dépense publique.

Sans surprise, les tenants de la politique budgétaire recommandent l’adoption et la mise en œuvre de politiques d’austérité, habilement masquées sous le nom de « rigueur », politiques fondées sur le « nécessaire redressement des comptes publics », l’apurement de la dette et autres postulats, ma foi, fort discutables.

Nous connaissons d’ores et déjà les contours de la traduction concrète de ces mesures : remise en cause du caractère universel de certaines prestations sociales, nouvelles attaques contre le pouvoir d’achat des fonctionnaires, remise en question du niveau des retraites, notamment par la désindexation des pensions sur les prix.

Pour faire bonne mesure, avec l’adoption du texte prétendument destiné à assurer la « sécurisation de l’emploi », de nouvelles attaques sont menées contre les droits des salariés, le MEDEF ayant totalement approuvé l’accord national interprofessionnel du 11 janvier, signé par trois organisations syndicales de salariés compatissantes.

Flexibilité accrue, recours encore facilité aux temps partiels et aux horaires atypiques, mobilité interne devenant motif de licenciement, non-reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle, mise en cause des garanties sociales collectives par l’ouverture du marché de la complémentaire santé : effectivement, le MEDEF peut exulter ! C’est à croire que, décidément, il s’agissait de rassurer les entreprises et de concrétiser – enfin ! – ce vieux principe qui veut que, pour embaucher, les entreprises doivent pouvoir licencier sans risques. Comprenne qui pourra !

Depuis trente ans, et surtout depuis la promulgation de la loi quinquennale sur l’emploi, dite « loi Giraud », notre pays a expérimenté à grande échelle la flexibilité de l’emploi, les bas salaires, les politiques d’exonérations sociales massives, les allégements fiscaux successifs et cumulatifs – je pense à l’impôt sur les sociétés ou à la taxe professionnelle, par exemple –, le tout, nous disait-on, pour soutenir l’emploi et – peut-être ! – l’activité et la croissance.

La facture des cadeaux et des allégements a pris de l’ampleur. Elle atteint aujourd’hui, selon le consensus des économistes qui ont étudié la question, 170 à 180 milliards d’euros, rien moins ! Cela représente bien plus que le déficit budgétaire et presque autant que le montant des émissions nouvelles de dette publique réalisées chaque année.

Il y a là du grain à moudre, mes chers collègues, bien plus de grain qu’il n’en a été nécessaire à Mario Draghi, gouverneur de la Banque centrale européenne et, chacun s’en souvient, ancien de Goldman Sachs, et à José Manuel Barroso, pour préparer l’amère potion de l’austérité qu’ils s’apprêtent à administrer à la France, avec le soutien explicite de la Chancelière allemande.

On mesure ici les effets dévastateurs de la pensée unique, dont souffrent les tenants de la prétendue absence d’alternative.

La baisse des dépenses publiques met à contribution les fonctionnaires de l’État – allez voir comment travaillent les administrations des finances ou du travail sur le terrain avant de décréter la maîtrise des dépenses publiques, mes chers collègues ! –, les collectivités locales – victimes, dès cette année, de la baisse des dotations, elles assurent encore plus de 70 % de l’investissement public, apportant ainsi leur soutien à la croissance de manière très concrète –, les assurés sociaux – concernés par la baisse programmée des remboursements maladie et des retraites complémentaires, ils seront les probables victimes d’un accord au rabais sur les retraites du régime général, qui deviendraient des retraites par points –, et les ménages, qui subissent l’abandon de plus en plus fréquent de la notion de gratuité de l’action publique.

Notre pays porte les stigmates de la baisse des dépenses publiques.

D’une part, nous constatons le recul de notre société dans son ensemble. Ce recul est d’autant plus intolérable que notre pays, pourtant confronté à la récession ou à la stagnation du produit intérieur brut marchand, n’a jamais été aussi riche, à la différence près que 10 % de la population possède 50 % de la richesse nationale.

Ce recul, évidemment, frappe au premier chef les plus modestes, ceux qui sont privés d’emploi ou de logements, les jeunes couples à la recherche de la stabilité indispensable à la conduite de leurs projets, et crée quelques tensions supplémentaires dans une société qui, hélas, n’en manque pas.

D’autre part, nous observons la montée des inégalités sociales, dont s’accommodent parfaitement ceux dont les impôts diminuent grâce aux multiples cadeaux qui leur ont été faits ces dernières années, sous l’ancienne majorité, et ceux qui, au mépris de l’intérêt général, fraudent, optimisent, laissent s’évader, avec beaucoup de distraction, leurs capitaux, qui ne sont pourtant que le fruit confisqué du travail des autres.

Oui, mes chers collègues, c’est bien l’évasion des capitaux de quelques-uns qui crée le déficit pour tous les autres !

Un gouvernement élu pour le changement n’a rien à gagner à une rigueur budgétaire, si chère à nos prédécesseurs, qui ne sert que les intérêts – c’est le cas de le dire ! – des rentiers de la dette publique, de ceux qui confondent production de richesses et distribution de dividendes, de ceux qui ont déjà tout et qui en veulent encore plus.

Allons-nous oublier, mes chers collègues, qu’un habitant sur neuf de la République fédérale d’Allemagne vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté ? Allons-nous oublier ces millions de salariés qui subissent les rigueurs de la loi Hartz IV, et que l’on paye avec des queues de cerises ?

Le modèle allemand, régulièrement vanté, mériterait d’être regardé de plus près, en considération de l’explosion du nombre de travailleurs pauvres dans ce pays.

Voilà un « modèle » qui, d’ailleurs, s’essouffle, et bien vite. La Croatie est appelée à devenir très prochainement le vingt-huitième membre de l’Union. Pourtant, 80 % des électeurs croates ont boudé les urnes lorsqu’il s’est agi d’élire des députés européens ! Une telle abstention ne manque pas de nous interpeller sur les attraits du rêve européen.

Que l’on y songe, ces élections européennes en Croatie n’ont attiré que 20, 8 % des électeurs dont on aurait pu croire, pourtant, qu’ils étaient heureux et fiers d’entrer enfin dans la grande famille.

S’il était besoin d’une preuve supplémentaire, après les catastrophes irlandaise, grecque, espagnole, portugaise, italienne, et plus récemment chypriote, de l’ensevelissement de l’idée européenne dans les sables des politiques d’austérité, imposées par les marchés financiers et relayées par la Commission comme par les partisans de la « règle d’or », il n’en faudrait pas plus !

Convenons, monsieur le ministre, que des interrogations sérieuses s’élèvent dans cet hémicycle, au-delà de nos rangs, au sein même du Gouvernement, cela a été rappelé par Jean-Vincent Placé, et jusqu’aux experts économiques du FMI, sur les effets des politiques d’austérité en France et en Europe.

Notre groupe, pour sa part, ne peut que marquer à nouveau son opposition nette et franche aux logiques strictement budgétaires, qui condamnent l’Europe au déclin, dans un monde où elle finit par perdre et son influence, et son rôle, et sa place, et son estime !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Vous en doutez, cher collègue ?...

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, en écho aux précédentes interventions, permettez-moi de faire le point sur les raisons qui nous conduisent à débattre des projets de programmes de stabilité et de réforme.

En octobre 2009, après une décennie de gouvernement conservateur, une nouvelle majorité arrive au pouvoir en Grèce. Quand cependant le Premier ministre nouvellement élu annonce que les comptes publics nationaux étaient maquillés, et ce avec l’aide d’établissements bancaires de renommée mondiale, c’est la stupeur.

Loin de moi l’idée d’établir un parallèle avec une autre situation, mais il me semblait bon de procéder à ce rappel. En effet, les gouvernements conservateurs européens ont une fâcheuse tendance, ces derniers temps, à laisser une note extrêmement salée à leurs successeurs, en matière de dette et de déficit publics !

La suite, nous la connaissons tous : l’Union européenne et la zone euro, déjà très fragilisées par la crise des subprimes américains et la crise économique mondiale, se trouvent plongées dans une spirale de défiance, alimentée, notamment, par les taux d’endettement considérables de nombreux États membres, dont la France.

La crise s’aggravant, les égoïsmes nationaux prennent le pas sur le nécessaire effort de solidarité collective, qui est pourtant l’esprit même de la construction européenne.

Des mois de tergiversations, pleinement alimentés par le gouvernement français de l’époque et la rigidité allemande, conduisent ce qui n’était qu’un petit incendie à devenir un embrasement général, obligeant l’Europe à injecter en urgence des centaines de milliards d’euros, le gouvernement grec à prendre des mesures d’austérités sévères, et contribuant à déstabiliser les pays dits « du Sud », qui pâtissent, aujourd’hui encore, d’une certaine défiance.

Mes chers collègues, cette catastrophe restera dans les mémoires comme l’un des exemples les plus patents de l’impuissance des politiques européens à se concerter et à mettre rapidement en œuvre une réponse commune face à un événement qui a embrasé l’ensemble du vieux continent.

En réaction à cela, l’idée d’une solidarité européenne a fait son chemin, d’abord timidement, puis, sous la pression de certains responsables politiques, économiques et financiers, de façon plus appuyée.

Cette solidarité, quand bien même elle serait imparfaite, s’accompagne aussi de contreparties. C’est ce que l’on appelle la « coordination budgétaire ». Elle consiste, notamment, à ce que chaque pays membre soumette à ses pairs européens, via la Commission européenne, un plan budgétaire national à moyen terme contenant des indications sur la manière dont les réformes et les mesures prévues sont censées contribuer à la satisfaction des objectifs et des engagements nationaux, fixés dans le cadre de la stratégie de l’Union pour la croissance et l’emploi.

Loin d’introniser un voyeurisme d’un nouveau genre, cela a notamment pour objectif de faire disparaître le double sentiment d’irresponsabilité : irresponsabilité, d’une part, des gouvernements qui, par leur laxisme budgétaire, feraient courir un risque à l’ensemble de la zone euro et de l’Union européenne ; irresponsabilité, d’autre part, des pays qui, si un autre État membre venait à se trouver menacé, considéreraient que ce n’est pas leur problème et détourneraient le regard en faisant comme si de rien n’était.

Or, avec la nouvelle procédure, c’en est fini de la logique du : « on ne savait pas » ! Aujourd’hui, chacun, citoyen, personnalité politique ou acteur économique, sera témoin de l’effort que nos pays font collectivement pour sortir de la spirale du déficit public chronique.

Ne l’oublions pas non plus, ce programme de stabilité des finances publiques, garant du sérieux de l’action de notre pays en la matière, ne peut qu’affirmer le rôle de la France dans les décisions européennes. À l’inverse de ce que pu être le cas précédemment, nous donnons ainsi du poids à notre volonté de réorienter les politiques ultralibérales, qui ont eu cours trop longtemps en Europe.

Cela commence d’ailleurs à porter ses fruits. Hier, le président de la Commission européenne a rejoint la position défendue par le Président de la République et le gouvernement français, en reconnaissant qu’il fallait « combiner l’indispensable correction budgétaire avec des mesures adaptées pour soutenir la croissance ».

Dès lors, à la lumière de cette prise de position nouvelle, nous sommes amenés à débattre des projets de programmes de stabilité et de réforme mis en œuvre par le Gouvernement et notre majorité.

Au lendemain de l’élection présidentielle, le Président de la République, le Gouvernement et la majorité ont entamé le nécessaire travail de restauration de nos comptes publics tout en permettant une relance de l’économie et, in fine, de l’emploi.

En dix mois, la majorité a mis en place des réformes ambitieuses, afin de renouer avec une croissance forte, équilibrée et solidaire. Grâce notamment au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, nous avons contribué à redonner des marges aux entreprises françaises pour leur permettre d’investir et d’embaucher.

En instaurant une réforme nécessaire du financement de l’économie, via la création de la Banque publique d’investissement, la loi bancaire, le plan de trésorerie, le soutien au financement de l’investissement des collectivités locales et, prochainement, la réforme de la fiscalité de l’épargne, nous avons remis la finance au service de l’investissement, de l’économie réelle, des PME et des entreprises de taille intermédiaire, ou ETI.

Mais tout cela serait insuffisant sans une politique forte en faveur de l’emploi : les 150 00 emplois d’avenir, les contrats de génération, le renforcement des moyens de Pôle emploi et l’accord des partenaires sociaux sur la sécurisation de l’emploi créent les conditions d’une inversion durable de la courbe du chômage.

Preuve, s’il en était besoin, de la justesse de l’effort national entrepris depuis ce début de mandature, des pays connus pour leur dogme libéral nous emboîtent le pas. Que dire ainsi du revirement de politique aux Pays-Bas, qui les amène à considérer la simple rigueur sans mesure d’accompagnement efficace de la croissance comme une vaine illusion ? Et, croyez-moi, ils seront nombreux, les champions d’une politique d’austérité froide et contre-productive, à suivre le sillon d’une politique responsable et juste initiée par la France !

Pièce maîtresse du redressement de notre économie nationale, le redressement de nos comptes publics doit être notre priorité, en se fondant sur les principes de justice sociale et d’efficacité économique.

Dès le mois de mai, le Gouvernement et la majorité ont pris les décisions nécessaires pour tenir nos engagements, gage impérieux de crédibilité et de responsabilité. Ainsi – faut-il le rappeler ? –, si nous n’avions pas agi rapidement, le déficit public aurait atteint 5, 5 % du PIB en 2012 !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Cette année, l’effort structurel sera notamment de 1, 8 point de PIB, comme indiqué dans le programme de stabilité. Le déficit sera par la suite ramené à 2, 9 % du PIB en 2014, grâce à un effort structurel évalué à 1 point de PIB, pour arriver à l’équilibre structurel en 2016.

Enfin, en 2014, l’effort structurel de 1 % du PIB portera à 70 % sur les dépenses et à 30 % sur les recettes. Après avoir fait porter l’effort majoritairement sur les hausses de recettes en 2012 et 2013, le Gouvernement et la majorité privilégient l’ajustement sur les économies de dépenses publiques.

Une telle stratégie s’appuie sur de nombreuses études. Selon leurs conclusions, à court terme, les hausses de recettes sont moins coûteuses pour l’activité et l’emploi, tandis que, à moyen terme, les ajustements les plus durables et les plus favorables à la croissance sont ceux qui reposent sur une maîtrise de la dépense publique et sur les gains d’efficacité de la gestion publique.

C’est pour cela que le Gouvernement a initié une démarche de modernisation de l’action publique. Cela repose notamment sur une évaluation de l’ensemble de la dépense publique, en concertation avec les acteurs concernés, contrairement à ce qui avait été fait, de manière inefficace, pour la révision générale des politiques publiques, la RGPP. L’objectif est d’améliorer la qualité de service tout en contribuant à la réalisation de la trajectoire de redressement des finances publiques.

Monsieur le ministre, permettez-moi tout de même d’attirer votre attention sur les niches fiscales. Beaucoup d’entre elles ont des effets sur l’économie réelle très discutables. Le plus souvent, elles permettent à des personnes qui en ont les moyens de s’exonérer de l’effort national de redressement des comptes publics. Il serait, me semble-t-il, plus qu’utile d’examiner enfin attentivement cette entorse faite au principe d’égalité de tous devant l’impôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Nous nous fixons l’objectif de diviser par quatre, d’ici à la fin du quinquennat, le rythme d’évolution de la dépense publique par rapport à ces dix dernières années. Nous voulons aussi réduire de 3 points le poids de la dépense publique dans le PIB – cela représente plus de 60 milliards d’euros –, alors qu’il a augmenté de 4, 6 points au cours de la décennie passée.

Vous l’aurez compris, c’est dans un esprit de responsabilité et même avec fierté que le Gouvernement et la majorité permettront à la France de retrouver des finances publiques saines, propices au retour d’une croissance forte et durable.

Où sont les irresponsables et les mauvais gestionnaires, mesdames, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition ?

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Mme Frédérique Espagnac. En l’occurrence, je ne vois plus beaucoup de membres de l’opposition dans l’hémicycle.

Murmures sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Où sont ceux qui ont préféré fermer les yeux et laisser notre pays s’enliser dans la dette et le déficit ? Qui a fait le choix de laisser en héritage à nos enfants les fruits des excès de leurs aînés ?

Autant de bonnes questions !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Les socialistes et la gauche dans son ensemble, convaincus que la puissance publique est le principal moteur de la réduction des inégalités et de la lutte contre la pauvreté, ne pouvaient se résoudre à laisser la France à la dérive.

Mes chers collègues, rejoignez-nous dans cette œuvre collective ! Débarrassez-vous de vos considérations purement politiciennes ! En cette période difficile pour de si nombreux Français, faites œuvre de responsabilité. Faites le choix de la réussite de la France !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes invités à débattre du projet de programme de stabilité de la France avant sa transmission à la Commission européenne et, plus largement, de la situation des pays européens.

La dégradation de l’économie mondiale depuis la crise financière de 2008, qui a connu, tel un séisme, plusieurs répliques depuis, a conduit à la situation de marasme économique que nous constatons aujourd’hui, en particulier en Europe. Cette réalité n’échappe à aucun de nos concitoyens. Elle contribue à la perte de confiance et de vision positive quant à l’avenir.

À cela se sont ajoutées les aggravations consécutives aux effets des politiques nationales au sein de la zone euro : insincérité des finances publiques de la Grèce, qui aurait conduit ce pays au bord de la faillite n’eût été la solidarité européenne ; choix économiques hasardeux dans plusieurs pays, telle l’Espagne, qui a artificiellement fondé sa croissance sur la seule activité du bâtiment ; dérives anciennes des finances publiques de nombreux pays, y compris la France.

L’Europe sert de bouc émissaire commode, trop commode. Dans les exemples que j’ai évoqués, les pertes de souveraineté sont dues non pas à l’Europe, mais bien à des responsabilités nationales.

Cela a été dit et mérite d’être rappelé, depuis près de quarante ans, et la responsabilité en est collective, aucun budget national n’a été adopté en équilibre en France. À cet égard, le candidat François Hollande a été on ne peut plus clair pendant sa campagne électorale, en affirmant sa volonté de redresser les finances publiques. Il s’agit là d’un objectif stratégique, et même crucial pour l’avenir du pays.

Deux chiffres incitent à aller en ce sens : en dépit des efforts déployés depuis le début du quinquennat, la dette publique atteint 1 800 milliards d’euros ; en conséquence, nous payons chaque année environ 47 milliards d’euros d’intérêts, malgré les bonnes conditions de refinancement qui ont été rappelées. Sans doute est-ce ce second chiffre qui doit nous alerter le plus.

On ne saurait en responsabilité poursuivre dans une fuite en avant aux dépens des futures générations.

Et mieux vaut ne pas songer à ne pas rembourser la dette, idée qu’un certain candidat à la précédente élection présidentielle avait suggérée un peu hâtivement. Dans les grandes masses, les titres de dette sont détenus pour plus de la moitié par des États avec lesquels nous entretenons des relations commerciales – on parle alors de fonds souverains –, pour un faible quart par des banques, dont les nôtres, où nos déposants ont placé leur argent, et pour un autre quart par des acteurs du shadow banking, en particulier les compagnies d’assurances, auprès desquelles nombre de Français ont déposé leur épargne.

Nous avons bien entendu Mme Pécresse déclarer sur le sujet ces derniers jours que la dette pourrait bien ne pas diminuer pendant la durée du quinquennat. On peut lui rétorquer en comparant avec le bilan du gouvernement précédent. Entre 2007 et 2012, notre dette est passée de 1 200 milliards d’euros à plus de 1 700 milliards d’euros ! Voilà qui devrait inciter à plus de modestie dans la critique...

En corrélation avec la dégradation de nos finances publiques, le ralentissement de l’économie mondiale et européenne s’est de surcroît imposé à nous. La montée des pays émergents, la forte concurrence dans des secteurs où nous positionnions traditionnellement nos exportations sur le marché mondial ont accru nos difficultés et le déficit de notre balance commerciale.

Tout cela rend urgente une réaction forte et concertée au sein de l’Union européenne, hors laquelle nous serions voués à l’impuissance et à l’échec. La prise de conscience fait son chemin. Je constate que la France contribue à faire bouger les positions.

Le contexte du début de la mandature présidentielle est donc celui d’une situation économique complexe et difficile, qui contraint à une grande vigilance. Pour rappel – il n’est jamais inutile de rafraîchir les mémoires –, la présidence précédente avait débuté par 16 milliards d’euros de cadeaux fiscaux divers et variés, se prolongeant en queue de comète les années suivantes. Dire que cet héritage rend plus difficile encore aujourd’hui le rétablissement des finances publiques, c’est énoncer une réalité qu’il me semble difficile de contester. Oui, il y a un héritage ! Il faut le rappeler avant d’aborder le programme de stabilité présenté par le Gouvernement.

Le Président de la République a fixé le cap et a réaffirmé les priorités qui étaient les siennes : réduire le déficit public à 3 % du PIB dès 2013. Mais aucun gouvernement ne peut désormais préjuger de l’évolution des contextes économique, monétaire et financier à moyen terme, voire parfois à court terme. Ce qui importe donc est la trajectoire qui a été fixée, plus que le strict respect d’un objectif chiffré à atteindre en temps contraint.

L’atonie de l’économie et le risque de récession sont des éléments dont on ne peut pas s’abstraire ; ils ne dépendent pas que de nous. Il est bien différent de fonder des projections budgétaires sur une croissance attendue supérieure à 1, 5 % et de devoir composer ensuite avec un taux effectif de 0, 1 %, chaque dixième de point de PIB perdu représentant 2 milliards d’euros de richesse nationale en moins ! La remise en cause des 0, 1 % de croissance – c’est le chiffre retenu par le Gouvernement dans ses projections – installe le débat dans l’épaisseur du trait.

Beaucoup le pensent, et le disent désormais, l’objectif de faire descendre le déficit public en dessous de 3 % doit résolument être conservé, quitte cependant à desserrer le carcan et à ne l’atteindre qu’en 2014.

Par conséquent, le groupe socialiste est particulièrement sensible aux arguments du Gouvernement et souligne la cohérence de son action, ainsi que son approche pragmatique.

Il faut le dire et le répéter sans cesse, durant les dix mois écoulés, des mesures cohérentes et complémentaires qui relevaient d’engagements électoraux ont été adoptées. Le Gouvernement a travaillé. Le moment venu, c’est-à-dire quand la reprise sera là, ces dispositions produiront pleinement leurs effets.

Avec la Banque publique d’investissement, la finance est mise au service de l’investissement, de l’économie réelle, des ETI et des PME, qui irriguent largement l’économie de nos territoires.

La recherche du retour à la compétitivité de nos entreprises est d’évidence déterminante. Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi est un moyen d’y parvenir. M. le rapporteur général de la commission des finances a rappelé que ce crédit atteindrait 20 milliards d’euros en 2016.

Les mesures en faveur de l’emploi dans le cadre des 150 000 emplois d’avenir et des contrats de génération, mais aussi les recrutements massifs dans l’éducation nationale viennent atténuer pour une part le chômage des jeunes, notamment des jeunes diplômés.

La modernisation indispensable du dialogue social, alors que l’on constate les blocages propres à la France en ce domaine, s’est traduite par un accord entre des organisations syndicales majoritaires à l’issue de la négociation et les représentants du patronat. La loi sur la sécurisation de l’emploi, bientôt adoptée, est venue concrétiser cette démarche.

À cet égard, la prévision de croissance de 1, 2 % en 2014, taux retenu par le Gouvernement, est également admise par la Commission européenne. Cela sera de nature à inverser enfin la courbe du chômage, qui préoccupe tant nos compatriotes.

La stratégie qui est suivie est donc la bonne : refuser, comme le fait le Gouvernement, l’austérité, qui conduirait à la récession, ce qu’admet aujourd’hui le président de la Commission européenne lui-même ; remettre de l’ordre dans les finances publiques ; assurer les moyens qui contribueront à la reprise économique ; refuser de céder à la facilité, car c’est l’avenir qui est en cause.

Monsieur le ministre, comme le groupe socialiste, je souhaite donner acte au Gouvernement du travail déjà accompli depuis dix mois, même s’il reste beaucoup à faire.

Sans doute faudrait-il rappeler davantage les engagements devenus réalité, dans des conditions pourtant difficiles, et ce dans le souci constant d’un effort partagé et équitable.

C’est dans la difficulté que l’on voit la valeur du capitaine comme la solidité de l’équipage.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

M. Yannick Botrel. Je souhaite donc vous réaffirmer, monsieur le ministre, notre ferme soutien, convaincu que le Gouvernement – pour répondre à notre collègue Mme Des Esgaulx – a un cap et une boussole !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette fin de débat, une grande partie de nos collègues ont quitté l’hémicycle. Et cela se comprend, puisque ce débat n’est suivi d’aucun vote ; il suscite donc, monsieur le ministre, le désintérêt des parlementaires.

Je souhaiterais formuler quelques remarques.

En premier lieu, je m’attacherai au rôle de ce débat. En deuxième lieu, j’évoquerai l’utile contribution de ce nouvel intervenant qu’est le Haut Conseil des finances publiques. En troisième lieu, je m’efforcerai de vous montrer en quoi la stratégie du Gouvernement est risquée pour la crédibilité de la France. Enfin, en quatrième lieu, j’insisterai sur le fait que la programmation que vous nous proposez est, à mon sens, marquée par un grand décalage entre les ambitions que vous affirmez et les conditions concrètes de la mise en œuvre d’un tel programme.

Mes chers collègues, j’ai plaisir à rappeler devant Jean Arthuis que le principe d’un débat sur le projet de programme de stabilité avant sa transmission à Bruxelles est issu, du moins au Sénat, d’une proposition que j’avais formulée au nom de la commission des finances en mars 2010, de retour d’un déplacement au Portugal. Il m’avait en effet semblé qu’au Portugal, dans une situation particulièrement difficile, et qui l’est toujours, l’association du Parlement aux efforts et aux chemins de convergence était mieux assurée que ce n’était le cas dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Le Sénat avait en conséquence inséré un article 14 dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 pour poser le principe de ce débat, dont nous voulions faire un moment incontournable de notre cycle budgétaire.

Ensuite, la loi de programmation 2012-2017 qui a été présentée par le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre – vous n’y exerciez pas alors les mêmes fonctions – avait maintenu la procédure prévue à l’article 14, qui dispose, de manière explicite, que le Parlement, dans chacune des assemblées, débat de ce projet et se prononce par un vote.

Bien entendu, afin que l’indication du vote soit juridiquement plus contraignante, il aurait fallu qu’elle figure dans une loi organique, voire dans la Constitution. Néanmoins, le fait que deux lois de programmation successives aient prévu le principe du vote devrait, me semble-t-il, être considéré sur le plan politique comme une réalité. Je suis donc quelque peu désolé de constater que, cette réalité, le Gouvernement s’assoit allègrement dessus !

J’en viens maintenant à l’utile contribution du Haut Conseil des finances publiques.

Ses débuts sont prometteurs, mais il reste encore à tirer toutes les conséquences de nos nouvelles règles de gouvernance des finances publiques, issues en particulier de la transposition du droit communautaire par la loi organique du 17 décembre 2012, loi qui avait été – c’est l’une des rares exceptions de ce début de législature – adoptée de manière largement consensuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous, nous jouons le jeu, en effet, mais nous ne sommes que rarement payés de retour !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Le Haut Conseil des finances publiques a rendu son premier avis. À sa lecture, on peut rendre hommage à la compétence et à l’indépendance de ses membres et de l’ensemble du collège, compétence et indépendance qui étaient bien les deux critères pour leur désignation.

Une question peut se poser, mes chers collègues : que penser d’un programme de stabilité qui tient si peu compte des remarques formulées par le Haut Conseil ? Le Gouvernement, en droit interne, n’est pas tenu de suivre les avis, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… même lorsqu’ils semblent relever du bon sens, par exemple en révisant ses prévisions de croissance afin d’en limiter le biais optimiste ou bien en fondant sa trajectoire sur un scénario délibérément prudent.

Lorsque, en commission, notre collègue Albéric de Montgolfier avait posé cette question à votre prédécesseur, Jérôme Cahuzac, le ministre du budget d’alors avait été très clair et très affirmatif, et cette affirmation-là, nous étions fondés à la croire. Il nous disait en substance qu’il s’agissait d’un avis non contraignant mais publié et politiquement important que le Gouvernement serait bien inspiré de suivre. On peut se reporter au bulletin des commissions pour retrouver les mots exacts qu’il avait employés.

Au niveau européen, quelles seront les réactions de la Commission européenne ? On peut s’interroger, même si, bien entendu, passer sous les fourches caudines de Bruxelles peut faire mal et je partage, à cet égard, on le sait, la sensibilité d’un Éric Bocquet.

La Commission considérera-t-elle que le conseil budgétaire indépendant a « avalisé » nos prévisions économiques ? Considérera-t-elle notre trajectoire comme crédible ? Partagera-t-elle les doutes du Haut Conseil sur notre capacité à enregistrer un taux de croissance du PIB supérieur à notre potentiel dès 2015 ?

Au niveau national, au demeurant, on sait que les avis du Haut Conseil seront, en quelque sorte, l’aune à laquelle se référera le Conseil constitutionnel pour se prononcer sur la sincérité d’une loi de finances. La sincérité budgétaire devra être étayée par des raisonnements et non plus simplement par l’argument d’autorité de l’exécutif, et ce sera précisément le rôle du Haut Conseil.

Dès lors, quel pourrait être un jour l’appréciation par le Conseil constitutionnel d’une loi de finances qui serait construite sur des hypothèses macroéconomiques ayant reçu une appréciation aussi mitigée du Haut Conseil des finances publiques ?

En cette première année de mise en œuvre, il faut se souvenir que notre dispositif sera de nouveau éprouvé très prochainement, puisque le Haut Conseil appréciera le respect en 2012 de la trajectoire de solde structurel dans son avis qui sera joint au projet de loi de règlement. C’est donc pour très bientôt et c’est le prochain travail de notre excellent rapporteur général que de rapporter la loi de règlement, ce qui, là aussi, se fait, malheureusement, devant un hémicycle insuffisamment garni…

Le Haut Conseil s’appuiera sur le PIB potentiel retenu dans la loi de programmation des finances publiques. Mais que se passerait-il si la Commission européenne, se fondant sur sa propre estimation du PIB potentiel, obtenait un résultat différent ? Le Haut Conseil a annoncé, dans son avis du 15 mars, son intention de revenir sur les conséquences des appréciations divergentes du PIB potentiel. Nous serons très attentifs à l’évolution des choses.

Nous avons évoqué, monsieur le ministre, lors de plusieurs réunions de commission, le caractère « intrusif » de la nouvelle gouvernance budgétaire européenne, et la lecture du programme national de réforme illustre cet aspect. Mais, pour que l’Europe ne soit pas intrusive, ne faut-il pas mettre de l’ordre dans nos propres affaires et ne pas donner de prétexte aux technocrates bruxellois pour le faire à notre place, réduisant sans cesse nos marges de manœuvre et notre liberté de choix ?

En tout état de cause, l’application du Gouvernement à « cocher les cases » des programmes nationaux de réforme, établis au demeurant sous l’influence d’un Conseil composé en majorité de gouvernements conservateurs, montre que la pression de nos pairs est désormais très forte. Donc, nous observerons avec intérêt les résultats du Conseil européen du 27 juin.

À présent, sur le fond des choses, il me semble que la stratégie du Gouvernement est particulièrement risquée pour la crédibilité de la France.

Le Gouvernement minimise le report du retour du déficit public sous le seuil de 3 % et il ne se concentre plus aujourd'hui que sur la trajectoire de solde structurel, notion bien entendu plus « intelligente ». Il se mobilise aussi sur les effets récessifs qui découleraient de mesures supplémentaires visant à tenir l’objectif de solde effectif.

Il est tout de même avéré que seul le solde effectif conduit à définir le volume des emprunts.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Au rythme actuel, on dépassera bien vite les 100 % du produit intérieur brut…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… et on s’éloignera encore davantage du point où la dette en capital pourra commencer à refluer.

Il faut prendre garde, mes chers collègues, de ne pas déboussoler l’opinion en lui donnant le sentiment que, par souci d’opportunité, on change de thermomètre. Aujourd'hui, on semble réaliser que trop d’efforts seraient préjudiciables à la croissance, mais on le savait tout aussi bien il y a six mois, quand Pierre Moscovici affirmait que le déficit ne dépasserait pas 3 %, le Gouvernement s’y engageait.

À l’automne 2012, en effet, devant notre commission des finances, Pierre Moscovici affirmait : « Nous avons une obligation d’exemplarité, de qualité et de crédibilité. Le débat budgétaire permettra d’illustrer que pour nous ce ne sera pas 3, 1 %, pas 3, 2 %, pas 3 % en tendance, pas 3 % à peu près, pas 3 % si on peut, mais 3 % ». Et aujourd'hui, tout cela a disparu !

Le fait de passer d’une parole à une autre parole crée, que vous le vouliez ou non, un problème de crédibilité.

Il faut en outre rappeler que c’est à partir du déficit effectif que la procédure communautaire pour déficit excessif est susceptible d’être mise en œuvre. Une telle menace ne saurait être sous-estimée.

Il faut enfin se demander, monsieur le ministre, quelle est la bonne répartition des efforts entre 2013 et 2014.

Il n’y aura pas de loi de finances rectificative en 2013, tout le monde l’a compris. Sans mesures correctrices, nous aurons un déficit estimé aujourd'hui à 3, 7 %. Vous annoncez pour 2014 un déficit de 2, 9 %. La marche sera bien haute à franchir et les efforts que l’on ne peut, que l’on ne veut pas faire aujourd'hui seront encore plus difficiles et encore plus douloureux demain. Il n’y aura pas de miracle qui rendra plus acceptable la rigueur de demain par rapport à la rigueur d’aujourd'hui.

Et encore faut-il que le Conseil européen se range à cette cible de 2, 9 % et ne soit pas plus exigeant. Peut-être y parviendrez-vous, mais on ne saurait malgré tout, aujourd'hui, considérer cela comme une certitude.

Il faut également rester vigilant sur notre capacité à respecter la trajectoire de solde structurel. Nous avons enregistré un dérapage de 0, 1 point de PIB en 2012, et le programme de stabilité acte un dérapage de 0, 4 point de PIB en 2013. Bien sûr, le ministre nous montre les bouteilles à moitié pleines et moi, je vois les bouteilles à moitié vides ! Qu’il ne m’en veuille pas, chacun est tout naturellement dans son rôle.

Mais ce dérapage du solde structurel représente quand même 0, 5 point de PIB en deux ans, donc en moyenne 0, 25 point de PIB par an, c’est-à-dire suffisamment pour que soit déclenché en 2014 le mécanisme de correction automatique des dérapages que nous avons nous-mêmes créé dans la loi organique du 17 décembre 2012.

Mes chers collègues, la programmation qui nous est proposée se caractérise par un fort décalage entre les ambitions annoncées et les conditions dans lesquelles ces dernières seront mises en œuvre.

Les ambitions, quelles sont-elles ? L'équilibre structurel comme objectif de moyen terme ; le quasi-équilibre effectif à la fin du quinquennat ; la diminution du taux de prélèvements obligatoires et du ratio des dépenses par rapport au produit intérieur brut ; un effort reposant davantage à l’avenir sur les dépenses que sur les recettes ; la stabilisation en valeur des niches fiscales.

Comment ne pas adhérer pour l’essentiel à ces objectifs de bon sens ? La plupart d’entre eux sont, en réalité, de véritables portes ouvertes que nous pouvons enfoncer de concert ! Cependant dans l'adversité, on fait appel aux vieilles recettes. À l'automne dernier, le Gouvernement tenait un discours selon lequel l'effort serait concentré sur les recettes en 2013 puis, les années suivantes, uniquement sur les dépenses. Or, on l'a vu, ce discours peut déjà être quelque peu relativisé, et les ministres ont annoncé des mesures nouvelles pour un montant de 6 à 7 milliards d’euros…

Mes chers collègues, si nous augmentons les recettes à chaque difficulté conjoncturelle, comment pouvons-nous être sûrs que, sur la période, l’effort portera vraiment surtout sur les dépenses ?

J’aimerais insister sur un point : on observe que les dépenses publiques dans leur ensemble – je ne parle pas des seules dépenses de l'État stricto sensu – ont crû plus vite que prévu en 2012, alors même que le programme de stabilité durcit encore les objectifs de maîtrise des dépenses. Dans ces conditions, on attendrait de vous, monsieur le ministre, que vous nous fassiez, aujourd'hui – ou en tout cas à brève échéance –, une présentation détaillée des économies à réaliser.

Il peut être bien pratique de raisonner en termes d'effort structurel, car il s’agit d’une construction macro-économique et intellectuelle permettant de développer bien des assertions, mais on est là loin des crédits réels, en euros réels, qui seront dépensés, contenus ou réduits au titre des missions et des programmes, bien réels eux aussi, composant notre budget.

La Commission européenne trouvera-t-elle dans le programme de stabilité les précisions qui lui permettraient de réviser à la baisse la prévision de déficit qu’elle a fixé à 3, 9 % pour 2014 ?

Je terminerai sur une considération de méthode.

Sur les niches fiscales, le Gouvernement annonce son intention de tenir le principe d'une stabilisation en valeur de leur coût total. J'imagine – j’espère que vous me le confirmerez, monsieur le ministre – que cela s'entend hors CICE. Car, à la vérité, ce crédit d’impôt est la plus importante niche créée depuis les allégements de charges sociales sur les bas salaires ! Une évaluation du dispositif est d’ailleurs en cours, conformément à la dernière loi de programmation des finances publiques. Quand connaîtrons-nous les dispositifs de dépense fiscale qui devront être revus ?

Le pacte de compétitivité invite à la stabilité fiscale et à la lisibilité pour les agents économiques. Ces principes seront-ils appliqués dès cette année ?

Compte tenu de ce qui précède, vous aurez compris, mes chers collègues, que, en cas de vote, l’attitude de plusieurs groupes aurait été de rejeter, de façon unanime, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… des perspectives aussi floues et contradictoires, annonciatrices d'une politique menée au gré des circonstances.

Alors, certes, cette politique nous est présentée de façon très habile, en utilisant toutes les ressources de la dialectique, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … mais elle ne saurait emporter notre conviction !

Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’aimerais d'abord remercier l'ensemble des orateurs, de la majorité comme de l'opposition, de la qualité de leurs interventions à l'occasion de ce débat, qui nous a permis, même s’il n’est pas sanctionné par un vote, comme vous l’avez regretté, d’évoquer le sujet en toute franchise.

Je voudrais reprendre quelques-uns des éléments du débat en essayant, pour faire plaisir à Mme Des Esgaulx et au président Marini, de m’en tenir aux chiffres.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx approuve.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve

Madame Des Esgaulx, vous avez tenu avec passion et talent un discours qui m'a impressionné par la force de sa sincérité, mais beaucoup déçu par ses approximations.

Nous pouvons tous nous féliciter, et nous avons raison de le faire, de disposer de cet outil qu’est le Haut Conseil des finances publiques. Il nous permet d'avoir désormais des éléments objectifs sur les trajectoires des finances publiques que nous présentons au Parlement à l'occasion du débat sur le projet de programme de stabilité.

Certains considèrent les avis du Haut Conseil des finances publiques comme autant d'avertissements au Gouvernement ; d’autres estiment, à l’inverse, que ce sont autant d'encouragements donnés à ce dernier pour continuer à agir. C'est bien le signe que cette instance est juste et équilibrée, qu’elle fait bien son travail, et qu’elle a gagné en crédibilité à l'occasion de la publication de son premier avis.

Je vois dans la création de cette instance un progrès dans l'effort de transparence réclamé par le Parlement, progrès dont la représentation nationale peut s'enorgueillir lorsqu'il s'agit de faire la lumière sur nos trajectoires de finances publiques.

Nous continuerons à prêter une grande attention aux travaux du Haut Conseil des finances publiques. Il est faux de penser que nous n'avons pas tenu compte de son avis. Dans ce document, figurent des éléments contrastés : certains pointent des éléments d'optimisme, d'autres traduisent, au contraire, le fait que nous avons été prudents. Cet avis équilibré témoigne de l'objectivité et du niveau élevé de professionnalisme et d'exigence du Haut Conseil.

Avant d'aborder les autres sujets, nous pouvons tous nous accorder, mesdames, messieurs les sénateurs, pour reconnaître que le Haut Conseil est une instance utile à la démocratie, qui permettra de faire progresser la qualité de nos débats sur les questions de finances publiques.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Je voudrais maintenant remercier les orateurs de la majorité du soutien qu'ils ont apporté, chacun avec ses nuances et son tempérament, au projet de programme de stabilité que nous vous présentons.

J'ai écouté avec beaucoup d'attention Jean-Vincent Placé, qui a exprimé l’opposition du groupe écologiste. Je regrette qu'il ne soit plus là, car j’aurais voulu lui dire qu’il était surtout en désaccord avec ses amis, son groupe ayant hier voté massivement à l'Assemblée nationale le programme de stabilité !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. J'en déduis que, dans cette affaire, M. Placé ne représente, comme aurait dit le président Edgar Faure, que lui-même, et encore pas tous les jours !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Je tiens à remercier Jean Arthuis de la qualité de son propos, de l'exigence de précision qui préside toujours à ses interventions dans cet hémicycle et des précieux conseils qu’il dispense à tous les gouvernements, et ce qu’il les soutienne ou non.

En ce qui concerne le CICE, M. Arthuis a souligné que le dispositif était complexe, et parfois inaccessible à l'entendement des entrepreneurs. Je veux lui rappeler que ce crédit d’impôt n'est rien d'autre que l'extension de dispositifs mis en œuvre par d'autres gouvernements à travers le crédit d'impôt recherche, lui-même étendu voilà quelques semaines avec le crédit d'impôt innovation.

Par conséquent, le CICE est un dispositif extrêmement simple d'accès pour les entreprises, qui peuvent immédiatement en bénéficier, moyennant des formalités elles-mêmes extrêmement simples. Grâce à la mobilisation de la BPI, qui a permis d’obtenir une avance, les entreprises ayant des difficultés de trésorerie pourront bénéficier, dès 2013, de ce crédit d'impôt.

J'ai également entendu quelques critiques de la part de Mme Des Esgaulx qui comparait l'impact du CICE à celui de la TVA sociale.

Le CICE représente un effort de 20 milliards d’euros de crédit d'impôt là où la TVA sociale coûtait 12 milliards d’euros d'allégements de charges. Cependant, vous le savez, lorsque les charges baissent, l'impôt augmente, et une partie de l'effet de la diminution des charges est récupérée par l'État via l’impôt sur les sociétés appliqué aux entreprises. On se souviendra en effet que l’assiette de l’IS, constituée pour partie par les bénéfices, est plus importante quand les charges diminuent. Par conséquent, vous récupériez, par l'intermédiaire de l’impôt sur les sociétés, une partie de l'effort que vous faisiez au travers de la TVA sociale.

Pour que la TVA sociale ait le même effet que le CICE, il aurait fallu, en raison du mécanisme que je viens d'évoquer, que l’effort en matière de TVA sociale soit de l'ordre de 30 milliards d'euros, ce qui n’a pas été le cas.

Il me fallait bien rappeler ces chiffres pour permettre la comparaison des deux dispositifs, laquelle nécessite de décortiquer la mécanique qui s'attache à chacun d’eux et d’examiner les conditions dans lesquelles ils s'appliquent.

Je tenais à corriger vos affirmations, madame Des Esgaulx, et à vous dire que je ne partage pas du tout votre analyse, pour les raisons que je viens d'indiquer.

Monsieur Mézard, je vous remercie de votre soutien. Vous avez eu raison de le souligner, l'exercice est difficile. Nous ne pouvons pas nous assigner de tels objectifs de croissance si nous ne sommes pas nous-mêmes volontaristes. Nous multiplions les actions pour relancer la croissance, et je voudrais d’ailleurs en rappeler quelques-unes.

Au niveau de l'Union européenne, une action a été engagée pour stabiliser le système financier européen, afin qu'il soit de nouveau en situation de financer l'économie réelle.

Cela se fera au travers de l'union bancaire, de la supervision des banques, d’un dispositif de résolution des crises bancaires, de la garantie des dépôts et du nouveau programme d’intervention de la Banque centrale européenne, qui lui permet d'intervenir sur le marché secondaire des dettes souveraines. Il s’agit de faire en sorte que les taux soient contenus et n’augmentent pas au point d’obérer les chances de croissance d'un certain nombre de pays qui font des efforts – je pense à l'Espagne et à l'Italie. Ce fameux programme, appelé Outright monetary transactions, a permis d’éviter une envolée des taux.

Outre donc le fait que la Banque centrale européenne est plus accommodante qu'elle ne l'était par le passé, je dois citer encore le plan de 120 milliards d'euros et la volonté que nous avons, au travers des négociations en cours sur le budget de l'Union européenne, de conforter les augmentations de crédits alloués à la croissance. Je rappelle que, d’un budget à l’autre, les crédits de la rubrique 1a augmenteront de 40 % et ceux du programme Connecting Europe, de 120 %. Cela devrait permettre la réalisation d’investissements au sein de l'Union européenne et, ainsi, favoriser la croissance.

Au niveau national, maintenant, nous avons aussi pris des initiatives pour soutenir la croissance. J’ai évoqué les 20 milliards d'euros sur dix ans consacrés au développement du numérique, ainsi que notre ambition pour le logement, qui passe par une réduction de la TVA pour développer la construction de logements sociaux, mais je pourrais multiplier les exemples.

Mme Des Esgaulx, MM. Mézard, Marini et Marc ont eu raison de le dire, la croissance ne se décrète pas, elle est un combat, un combat qu’il faudra mener, et je veux rassurer M. Bocquet, ce combat, nous le menons, avec les contraintes qui sont les nôtres. Nous avons fait le choix, que nous assumons et qui nous paraît juste, de demeurer dans l’Union européenne, parce que nous estimons que l'Europe est une solution, et non un problème. Notre gouvernement est résolument européen. Nous voulons utiliser tous les outils qui sont à notre disposition pour rendre la croissance possible.

Je voudrais contester certains des chiffres avancés par Mme Des Esgaulx.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Je ne suis pas dans la rhétorique. J’accorde, moi aussi, du crédit aux chiffres. Je me fonde sur les données qui figurent dans nos livres de comptes et, par conséquent, dans les documents de la commission des finances.

J’aimerais prendre quelques exemples concrets des désaccords qui peuvent exister entre nous, ce qui nous permettra sans doute de prolonger le présent débat.

Vous utilisez de façon particulièrement habile, je le reconnais, l’argument de l’évolution des dépenses publiques rapportées au PIB. Mais, comme vous le savez, cette évolution dépend non seulement de celle des dépenses publiques, mais aussi de celle du PIB lui-même, si bien que, lorsque la croissance est plus forte, le ratio des dépenses publiques sur le PIB devient plus favorable au Gouvernement – dès lors qu’il veut démontrer qu’il diminue la dépense publique…

Vous évoquez l’évolution de ce ratio depuis 2011. Or, cette année-là, la croissance du PIB a été plus importante qu’en 2012 et, par conséquent, lorsque vous évoquez cet indicateur plutôt qu’un autre, vous savez parfaitement ce que vous faites : vous ne voulez rien dire de très précis sur l’évolution réelle des dépenses publiques !

Je veux d’ailleurs le prouver. Vous avez indiqué que les dépenses publiques avaient fortement diminué en 2011 et que l’année 2012, pour laquelle j’évoquais une diminution de 300 millions d'euros des dépenses de l’État, n’était donc pas la seule année où des efforts avaient été faits. Je tiens juste à vous signaler qu’en 2011 les dépenses de l’État n’ont pas diminué. Au contraire, elles ont augmenté de 4, 4 milliards d'euros !

Je vous demande d’ailleurs, madame Des Esgaulx, d’aller vérifier si ce que je dis est vrai – je sais que, derrière votre vivacité et votre ténacité à la tribune, il y a une honnêteté qui peut nous rassembler. Et si c’était faux, nous aurons l’occasion, lors de notre prochaine rencontre en commission des finances, de nous expliquer de nouveau.

Par ailleurs, je reviens, en quelques mots, sur le budget de 2012, car vous nous faites à son propos quelques reproches que je trouve injustes. Je voudrais rappeler la situation que nous avons trouvée, et ce que nous avons fait en conséquence. Vous voulez que l’on soit précis : sachez que je fais mien cet objectif. C’est pourquoi je vous renvoie à un document sur lequel nous pouvons nous retrouver, émanant de la Cour des comptes.

Car vous ne pouvez pas considérer que, lorsque ses meilleurs éléments formulent des avis au sein du Haut Conseil des finances publiques, la Cour des comptes parle juste, mais que, lorsqu’elle fait des rapports sur les comptes que vous avez laissés en 2012, elle parle faux. Or, dans ses rapports, la Cour dit que les dépenses que vous aviez projetées pour l’élaboration du projet de loi de finances pour 2012 étaient sous-évaluées à hauteur de 2 milliards d'euros, et que les recettes étaient, elles, surévaluées.

Que se serait-il passé si nous n’avions pas pris des mesures de « surgel » et de documentation des économies nécessaires pour éviter un tel dérapage, si nous n’avions pas diminué de 8 milliards d'euros vos hypothèses de recettes et, pour compenser cela, décidé 7 milliards d'euros de prélèvements supplémentaires ? Et nous avons fait cet effort sans augmenter, pour autant, le montant des prélèvements sur les Français puisque, en 2012, il doit s’élever à 913 milliards d'euros, toutes activités confondues, là où vous aviez projeté un prélèvement de 915 milliards d'euros. Ce prélèvement a donc été moindre, malgré l’effort fourni à l’occasion de la loi de finances rectificative.

Au final, nous parvenons à 4, 8 % de déficit, au lieu des 5, 5 % que nous aurions obtenus sans cet effort. Et si, comme vous le dites, ces 4, 8 % sont critiquables parce nous sommes éloignés de notre objectif de 4, 5 %, je ne peux que le reconnaître, mais je veux en rappeler les raisons.

D’une part, il a fallu procéder à la recapitalisation de Dexia, à hauteur de 2, 5 milliards d'euros. Je suis sûr que vous n’aurez pas la malhonnêteté de considérer que c’est notre faute. D’autre part, le budget européen a entraîné 800 millions d'euros de dépenses supplémentaires parce qu’en novembre 2010, ses crédits de paiement ont été sous-budgétisés. Ce n’est pas non plus notre faute si nous avons dû procéder à cette correction…

Ce qui, en revanche, est de notre responsabilité – et je l’assume parce que, selon moi, il faut être d’une honnêteté scrupuleuse sur ces sujets –, c’est le décalage existant entre la croissance réelle et les hypothèses sur lesquelles nous avons construit le projet de loi de finances rectificative, c'est-à-dire 0, 3 % de croissance. En effet, dans le courant de l’année 2012, on s’est acheminé vers une croissance constatée proche de zéro.

Voilà pour ce qui concerne les chiffres. Je ne cherche pas, à travers eux, à dire des choses qui ne soient pas exactes, car je pense que, malgré nos différences et compte tenu de la gravité de la situation du pays, nous devons essayer, sur les questions que nous abordons dans cet hémicycle, d’être d’une précision et d’une rigueur absolues et de faire en sorte que le débat s’articule, dans toute la mesure du possible, sur des éléments incontestables.

Monsieur le président de la commission des finances, sans être trop long, car nous avons déjà beaucoup parlé et sommes tous appelés à d’autres obligations, je terminerai par vous.

Vous avez une habilité, un talent, une connaissance des dossiers que je ne veux pas remettre en cause. Du reste, ces qualités viennent d’être déployées à la tribune derechef. Mais je voudrais tout de même rappeler certaines vérités.

Vous indiquez que nous n’avons pas conscience de la situation, que nous reportons les échéances à demain et que nous ne prenons pas les responsabilités qui nous incombent. Sans recommencer la démonstration que je viens de faire, j’affirme que nous avons pris nos responsabilités comme il se devait dans une situation particulièrement difficile.

Comme vous le savez, le déficit nominal est le seul véritable indicateur pour l’évolution du niveau de la dette. Malgré tout, nous maîtrisons la dette. Nous voulons en effet, dans notre trajectoire, que la dette baisse de six points de PIB à partir de 2015, et nous nous y employons. Je veux vous rappeler, sans esprit de polémique, qu’elle a crû de vingt-cinq points de PIB au cours des dix dernières années, ce qui, en volume, représente une augmentation de la dette de près de 900 milliards d'euros !

Vous dites, par ailleurs, que nous reportons le retour sous le seuil de 3 % de déficit public à 2014 en prenant le risque de devoir franchir alors une marche beaucoup plus haute. Cependant, cela donne le temps d’approfondir la réflexion sur des économies intelligentes, de les documenter devant vos assemblées. En effet, il est très important que nous puissions dire, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, là où se feront les économies, et que nous le fassions de façon extrêmement précise.

Je voudrais conclure sur cette question des économies, car la réalité est moins manichéenne que nos débats pourraient le laisser penser.

J’entends dire que nous ne serions pas prêts à faire des économies et à les documenter, et que la précédente majorité aurait toujours, de façon extrêmement méticuleuse, procédé à ces économies avec des résultats spectaculaires.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Je vais livrer quelques chiffres sur la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Ils sont particulièrement précis, incontestables et de nature à mettre tout le monde d’accord – et pour toujours, puisque la RGPP est derrière nous !

Sur la période 2009-2012, les gains cumulés de la RGPP se sont élevés à 11, 9 milliards d'euros. Sur ces 12 milliards d’euros environ, 30 % sont imputables à la masse salariale, soit 3, 6 milliards d'euros, 22 % ont été réalisés sur le fonctionnement, soit 2, 6 milliards d'euros, et 48 % sur les interventions, soit 5, 7 milliards d'euros.

Il faut préciser, concernant les économies sur la masse salariale, que les 3, 6 milliards d'euros représentent un gain brut : en réalité, le gain réel ne s’est élevé qu’à 1, 7 milliard d'euros, compte tenu du recyclage d’une grande partie des économies réalisées sur la masse salariale en mesures catégorielles.

Bref, si l’on retient toute la période du précédent quinquennat, l’économie réelle n’a été que de 10, 2 milliards d'euros, puisqu’il faut retrancher des 11, 9 milliards d'euros 1, 7 milliard d'euros de recyclage.

Chaque année, la RGPP n’a donc permis de dégager que 2, 5 milliards d'euros d’économies nouvelles.

J’entends les propositions des groupes de l’opposition, notamment des partis politiques qui les soutiennent : l’UMP voudrait revenir à 3 % de déficit public dès 2013 et nous demande des lois de finances rectificatives à cet effet. Cela revient à demander 15 % d’économies complémentaires sur les dépenses – puisque ce même parti ne souhaite pas que nous augmentions les impôts.

On aimerait comprendre comment il serait possible de réaliser en une année six fois plus d’économies que la RGPP n’en aura permis sur toute la durée du quinquennat précédent !

On voit bien que ces débats sont de pure politique, qu’ils ne sont articulés à rien d’opérationnel, à rien de pragmatique, à rien de sérieux.

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Madame Des Esgaulx, ce n’est pas la rhétorique, ce sont les chiffres qui parlent. Si je faisais ce que vous me demandez, des chiffres incontestables montrent que je prendrais alors des mesures totalement absurdes, et vous seriez la première à me les reprocher. C’est d’ailleurs parce que je ne veux pas essuyer de reproches supplémentaires – compte tenu du nombre et de l’injustice de ceux que vous m’adressez – que je ne ferai pas ce que vous me suggérez !

Voilà ce que je voulais vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, en vous remerciant pour votre présence à ce débat et dans l’attente des prochaines occasions d’échanges sur ces questions rigoureuses, difficiles mais passionnantes !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Mes chers collègues, nous en avons terminé avec la déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur le projet de programme de stabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures :

- d’une part, pour la mission commune d’information sur l’avenir de l’organisation décentralisée de la République ;

- d’autre part, pour la commission d’enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l’évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l’efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées, et je proclame :

- MM. Philippe Adnot, Alain Bertrand, François-Noël Buffet, Pierre Camani, Luc Carvounas, Philippe Dallier, Marc Daunis, Éric Doligé, Jean-Léonce Dupont, Christian Favier, Jacques Gillot, Mme Jacqueline Gourault, MM. Charles Guené, Yves Krattinger, Gérard Larcher, Dominique de Legge, Mme Hélène Lipietz, M. Rachel Mazuir, Mme Michelle Meunier, MM. Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Raffarin, Henri de Raincourt, Yves Rome, Mme Mireille Schurch, M. Bruno Sido, Mme Catherine Troendle, M. René Vandierendonck, membres de la mission commune d’information sur l’avenir de l’organisation décentralisée de la République ;

- MM. Michel Bécot, Michel Berson, Éric Bocquet, Mme Corinne Bouchoux, MM. Jacques Chiron, Yvon Collin, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, M. Christophe-André Frassa, Mme Nathalie Goulet, MM. Joël Guerriau, Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Roland du Luart, François Pillet, Charles Revet, Mme Laurence Rossignol, M. Richard Yung, membres de la commission d’enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l’évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l’efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen, d’une part, du projet de loi organique et du projet de loi relatifs à la transparence de la vie publique, déposés sur le bureau de l’Assemblée nationale le 24 avril 2013 ; d’autre part, du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 24 avril 2013.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste et apparentés a présenté une candidature pour la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, et que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a présenté une candidature pour la mission commune d’information sur l’action extérieure de la France en matière de recherche et de développement.

Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.

La présidence n'a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame Mme Frédérique Espagnac membre de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, en remplacement de M. Gaëtan Gorce, démissionnaire, et M. Robert Hue, membre de la mission commune d’information sur l’action extérieure de la France en matière de recherche et de développement, en remplacement de M. Yvon Collin, démissionnaire.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Didier Guillaume.