Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes invités à débattre du projet de programme de stabilité de la France avant sa transmission à la Commission européenne et, plus largement, de la situation des pays européens.
La dégradation de l’économie mondiale depuis la crise financière de 2008, qui a connu, tel un séisme, plusieurs répliques depuis, a conduit à la situation de marasme économique que nous constatons aujourd’hui, en particulier en Europe. Cette réalité n’échappe à aucun de nos concitoyens. Elle contribue à la perte de confiance et de vision positive quant à l’avenir.
À cela se sont ajoutées les aggravations consécutives aux effets des politiques nationales au sein de la zone euro : insincérité des finances publiques de la Grèce, qui aurait conduit ce pays au bord de la faillite n’eût été la solidarité européenne ; choix économiques hasardeux dans plusieurs pays, telle l’Espagne, qui a artificiellement fondé sa croissance sur la seule activité du bâtiment ; dérives anciennes des finances publiques de nombreux pays, y compris la France.
L’Europe sert de bouc émissaire commode, trop commode. Dans les exemples que j’ai évoqués, les pertes de souveraineté sont dues non pas à l’Europe, mais bien à des responsabilités nationales.
Cela a été dit et mérite d’être rappelé, depuis près de quarante ans, et la responsabilité en est collective, aucun budget national n’a été adopté en équilibre en France. À cet égard, le candidat François Hollande a été on ne peut plus clair pendant sa campagne électorale, en affirmant sa volonté de redresser les finances publiques. Il s’agit là d’un objectif stratégique, et même crucial pour l’avenir du pays.
Deux chiffres incitent à aller en ce sens : en dépit des efforts déployés depuis le début du quinquennat, la dette publique atteint 1 800 milliards d’euros ; en conséquence, nous payons chaque année environ 47 milliards d’euros d’intérêts, malgré les bonnes conditions de refinancement qui ont été rappelées. Sans doute est-ce ce second chiffre qui doit nous alerter le plus.
On ne saurait en responsabilité poursuivre dans une fuite en avant aux dépens des futures générations.
Et mieux vaut ne pas songer à ne pas rembourser la dette, idée qu’un certain candidat à la précédente élection présidentielle avait suggérée un peu hâtivement. Dans les grandes masses, les titres de dette sont détenus pour plus de la moitié par des États avec lesquels nous entretenons des relations commerciales – on parle alors de fonds souverains –, pour un faible quart par des banques, dont les nôtres, où nos déposants ont placé leur argent, et pour un autre quart par des acteurs du shadow banking, en particulier les compagnies d’assurances, auprès desquelles nombre de Français ont déposé leur épargne.
Nous avons bien entendu Mme Pécresse déclarer sur le sujet ces derniers jours que la dette pourrait bien ne pas diminuer pendant la durée du quinquennat. On peut lui rétorquer en comparant avec le bilan du gouvernement précédent. Entre 2007 et 2012, notre dette est passée de 1 200 milliards d’euros à plus de 1 700 milliards d’euros ! Voilà qui devrait inciter à plus de modestie dans la critique...
En corrélation avec la dégradation de nos finances publiques, le ralentissement de l’économie mondiale et européenne s’est de surcroît imposé à nous. La montée des pays émergents, la forte concurrence dans des secteurs où nous positionnions traditionnellement nos exportations sur le marché mondial ont accru nos difficultés et le déficit de notre balance commerciale.
Tout cela rend urgente une réaction forte et concertée au sein de l’Union européenne, hors laquelle nous serions voués à l’impuissance et à l’échec. La prise de conscience fait son chemin. Je constate que la France contribue à faire bouger les positions.
Le contexte du début de la mandature présidentielle est donc celui d’une situation économique complexe et difficile, qui contraint à une grande vigilance. Pour rappel – il n’est jamais inutile de rafraîchir les mémoires –, la présidence précédente avait débuté par 16 milliards d’euros de cadeaux fiscaux divers et variés, se prolongeant en queue de comète les années suivantes. Dire que cet héritage rend plus difficile encore aujourd’hui le rétablissement des finances publiques, c’est énoncer une réalité qu’il me semble difficile de contester. Oui, il y a un héritage ! Il faut le rappeler avant d’aborder le programme de stabilité présenté par le Gouvernement.
Le Président de la République a fixé le cap et a réaffirmé les priorités qui étaient les siennes : réduire le déficit public à 3 % du PIB dès 2013. Mais aucun gouvernement ne peut désormais préjuger de l’évolution des contextes économique, monétaire et financier à moyen terme, voire parfois à court terme. Ce qui importe donc est la trajectoire qui a été fixée, plus que le strict respect d’un objectif chiffré à atteindre en temps contraint.
L’atonie de l’économie et le risque de récession sont des éléments dont on ne peut pas s’abstraire ; ils ne dépendent pas que de nous. Il est bien différent de fonder des projections budgétaires sur une croissance attendue supérieure à 1, 5 % et de devoir composer ensuite avec un taux effectif de 0, 1 %, chaque dixième de point de PIB perdu représentant 2 milliards d’euros de richesse nationale en moins ! La remise en cause des 0, 1 % de croissance – c’est le chiffre retenu par le Gouvernement dans ses projections – installe le débat dans l’épaisseur du trait.
Beaucoup le pensent, et le disent désormais, l’objectif de faire descendre le déficit public en dessous de 3 % doit résolument être conservé, quitte cependant à desserrer le carcan et à ne l’atteindre qu’en 2014.
Par conséquent, le groupe socialiste est particulièrement sensible aux arguments du Gouvernement et souligne la cohérence de son action, ainsi que son approche pragmatique.
Il faut le dire et le répéter sans cesse, durant les dix mois écoulés, des mesures cohérentes et complémentaires qui relevaient d’engagements électoraux ont été adoptées. Le Gouvernement a travaillé. Le moment venu, c’est-à-dire quand la reprise sera là, ces dispositions produiront pleinement leurs effets.
Avec la Banque publique d’investissement, la finance est mise au service de l’investissement, de l’économie réelle, des ETI et des PME, qui irriguent largement l’économie de nos territoires.
La recherche du retour à la compétitivité de nos entreprises est d’évidence déterminante. Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi est un moyen d’y parvenir. M. le rapporteur général de la commission des finances a rappelé que ce crédit atteindrait 20 milliards d’euros en 2016.
Les mesures en faveur de l’emploi dans le cadre des 150 000 emplois d’avenir et des contrats de génération, mais aussi les recrutements massifs dans l’éducation nationale viennent atténuer pour une part le chômage des jeunes, notamment des jeunes diplômés.
La modernisation indispensable du dialogue social, alors que l’on constate les blocages propres à la France en ce domaine, s’est traduite par un accord entre des organisations syndicales majoritaires à l’issue de la négociation et les représentants du patronat. La loi sur la sécurisation de l’emploi, bientôt adoptée, est venue concrétiser cette démarche.
À cet égard, la prévision de croissance de 1, 2 % en 2014, taux retenu par le Gouvernement, est également admise par la Commission européenne. Cela sera de nature à inverser enfin la courbe du chômage, qui préoccupe tant nos compatriotes.
La stratégie qui est suivie est donc la bonne : refuser, comme le fait le Gouvernement, l’austérité, qui conduirait à la récession, ce qu’admet aujourd’hui le président de la Commission européenne lui-même ; remettre de l’ordre dans les finances publiques ; assurer les moyens qui contribueront à la reprise économique ; refuser de céder à la facilité, car c’est l’avenir qui est en cause.
Monsieur le ministre, comme le groupe socialiste, je souhaite donner acte au Gouvernement du travail déjà accompli depuis dix mois, même s’il reste beaucoup à faire.
Sans doute faudrait-il rappeler davantage les engagements devenus réalité, dans des conditions pourtant difficiles, et ce dans le souci constant d’un effort partagé et équitable.
C’est dans la difficulté que l’on voit la valeur du capitaine comme la solidité de l’équipage.