… même lorsqu’ils semblent relever du bon sens, par exemple en révisant ses prévisions de croissance afin d’en limiter le biais optimiste ou bien en fondant sa trajectoire sur un scénario délibérément prudent.
Lorsque, en commission, notre collègue Albéric de Montgolfier avait posé cette question à votre prédécesseur, Jérôme Cahuzac, le ministre du budget d’alors avait été très clair et très affirmatif, et cette affirmation-là, nous étions fondés à la croire. Il nous disait en substance qu’il s’agissait d’un avis non contraignant mais publié et politiquement important que le Gouvernement serait bien inspiré de suivre. On peut se reporter au bulletin des commissions pour retrouver les mots exacts qu’il avait employés.
Au niveau européen, quelles seront les réactions de la Commission européenne ? On peut s’interroger, même si, bien entendu, passer sous les fourches caudines de Bruxelles peut faire mal et je partage, à cet égard, on le sait, la sensibilité d’un Éric Bocquet.
La Commission considérera-t-elle que le conseil budgétaire indépendant a « avalisé » nos prévisions économiques ? Considérera-t-elle notre trajectoire comme crédible ? Partagera-t-elle les doutes du Haut Conseil sur notre capacité à enregistrer un taux de croissance du PIB supérieur à notre potentiel dès 2015 ?
Au niveau national, au demeurant, on sait que les avis du Haut Conseil seront, en quelque sorte, l’aune à laquelle se référera le Conseil constitutionnel pour se prononcer sur la sincérité d’une loi de finances. La sincérité budgétaire devra être étayée par des raisonnements et non plus simplement par l’argument d’autorité de l’exécutif, et ce sera précisément le rôle du Haut Conseil.
Dès lors, quel pourrait être un jour l’appréciation par le Conseil constitutionnel d’une loi de finances qui serait construite sur des hypothèses macroéconomiques ayant reçu une appréciation aussi mitigée du Haut Conseil des finances publiques ?
En cette première année de mise en œuvre, il faut se souvenir que notre dispositif sera de nouveau éprouvé très prochainement, puisque le Haut Conseil appréciera le respect en 2012 de la trajectoire de solde structurel dans son avis qui sera joint au projet de loi de règlement. C’est donc pour très bientôt et c’est le prochain travail de notre excellent rapporteur général que de rapporter la loi de règlement, ce qui, là aussi, se fait, malheureusement, devant un hémicycle insuffisamment garni…
Le Haut Conseil s’appuiera sur le PIB potentiel retenu dans la loi de programmation des finances publiques. Mais que se passerait-il si la Commission européenne, se fondant sur sa propre estimation du PIB potentiel, obtenait un résultat différent ? Le Haut Conseil a annoncé, dans son avis du 15 mars, son intention de revenir sur les conséquences des appréciations divergentes du PIB potentiel. Nous serons très attentifs à l’évolution des choses.
Nous avons évoqué, monsieur le ministre, lors de plusieurs réunions de commission, le caractère « intrusif » de la nouvelle gouvernance budgétaire européenne, et la lecture du programme national de réforme illustre cet aspect. Mais, pour que l’Europe ne soit pas intrusive, ne faut-il pas mettre de l’ordre dans nos propres affaires et ne pas donner de prétexte aux technocrates bruxellois pour le faire à notre place, réduisant sans cesse nos marges de manœuvre et notre liberté de choix ?
En tout état de cause, l’application du Gouvernement à « cocher les cases » des programmes nationaux de réforme, établis au demeurant sous l’influence d’un Conseil composé en majorité de gouvernements conservateurs, montre que la pression de nos pairs est désormais très forte. Donc, nous observerons avec intérêt les résultats du Conseil européen du 27 juin.
À présent, sur le fond des choses, il me semble que la stratégie du Gouvernement est particulièrement risquée pour la crédibilité de la France.
Le Gouvernement minimise le report du retour du déficit public sous le seuil de 3 % et il ne se concentre plus aujourd'hui que sur la trajectoire de solde structurel, notion bien entendu plus « intelligente ». Il se mobilise aussi sur les effets récessifs qui découleraient de mesures supplémentaires visant à tenir l’objectif de solde effectif.
Il est tout de même avéré que seul le solde effectif conduit à définir le volume des emprunts.