… et on s’éloignera encore davantage du point où la dette en capital pourra commencer à refluer.
Il faut prendre garde, mes chers collègues, de ne pas déboussoler l’opinion en lui donnant le sentiment que, par souci d’opportunité, on change de thermomètre. Aujourd'hui, on semble réaliser que trop d’efforts seraient préjudiciables à la croissance, mais on le savait tout aussi bien il y a six mois, quand Pierre Moscovici affirmait que le déficit ne dépasserait pas 3 %, le Gouvernement s’y engageait.
À l’automne 2012, en effet, devant notre commission des finances, Pierre Moscovici affirmait : « Nous avons une obligation d’exemplarité, de qualité et de crédibilité. Le débat budgétaire permettra d’illustrer que pour nous ce ne sera pas 3, 1 %, pas 3, 2 %, pas 3 % en tendance, pas 3 % à peu près, pas 3 % si on peut, mais 3 % ». Et aujourd'hui, tout cela a disparu !
Le fait de passer d’une parole à une autre parole crée, que vous le vouliez ou non, un problème de crédibilité.
Il faut en outre rappeler que c’est à partir du déficit effectif que la procédure communautaire pour déficit excessif est susceptible d’être mise en œuvre. Une telle menace ne saurait être sous-estimée.
Il faut enfin se demander, monsieur le ministre, quelle est la bonne répartition des efforts entre 2013 et 2014.
Il n’y aura pas de loi de finances rectificative en 2013, tout le monde l’a compris. Sans mesures correctrices, nous aurons un déficit estimé aujourd'hui à 3, 7 %. Vous annoncez pour 2014 un déficit de 2, 9 %. La marche sera bien haute à franchir et les efforts que l’on ne peut, que l’on ne veut pas faire aujourd'hui seront encore plus difficiles et encore plus douloureux demain. Il n’y aura pas de miracle qui rendra plus acceptable la rigueur de demain par rapport à la rigueur d’aujourd'hui.
Et encore faut-il que le Conseil européen se range à cette cible de 2, 9 % et ne soit pas plus exigeant. Peut-être y parviendrez-vous, mais on ne saurait malgré tout, aujourd'hui, considérer cela comme une certitude.
Il faut également rester vigilant sur notre capacité à respecter la trajectoire de solde structurel. Nous avons enregistré un dérapage de 0, 1 point de PIB en 2012, et le programme de stabilité acte un dérapage de 0, 4 point de PIB en 2013. Bien sûr, le ministre nous montre les bouteilles à moitié pleines et moi, je vois les bouteilles à moitié vides ! Qu’il ne m’en veuille pas, chacun est tout naturellement dans son rôle.
Mais ce dérapage du solde structurel représente quand même 0, 5 point de PIB en deux ans, donc en moyenne 0, 25 point de PIB par an, c’est-à-dire suffisamment pour que soit déclenché en 2014 le mécanisme de correction automatique des dérapages que nous avons nous-mêmes créé dans la loi organique du 17 décembre 2012.
Mes chers collègues, la programmation qui nous est proposée se caractérise par un fort décalage entre les ambitions annoncées et les conditions dans lesquelles ces dernières seront mises en œuvre.
Les ambitions, quelles sont-elles ? L'équilibre structurel comme objectif de moyen terme ; le quasi-équilibre effectif à la fin du quinquennat ; la diminution du taux de prélèvements obligatoires et du ratio des dépenses par rapport au produit intérieur brut ; un effort reposant davantage à l’avenir sur les dépenses que sur les recettes ; la stabilisation en valeur des niches fiscales.
Comment ne pas adhérer pour l’essentiel à ces objectifs de bon sens ? La plupart d’entre eux sont, en réalité, de véritables portes ouvertes que nous pouvons enfoncer de concert ! Cependant dans l'adversité, on fait appel aux vieilles recettes. À l'automne dernier, le Gouvernement tenait un discours selon lequel l'effort serait concentré sur les recettes en 2013 puis, les années suivantes, uniquement sur les dépenses. Or, on l'a vu, ce discours peut déjà être quelque peu relativisé, et les ministres ont annoncé des mesures nouvelles pour un montant de 6 à 7 milliards d’euros…
Mes chers collègues, si nous augmentons les recettes à chaque difficulté conjoncturelle, comment pouvons-nous être sûrs que, sur la période, l’effort portera vraiment surtout sur les dépenses ?
J’aimerais insister sur un point : on observe que les dépenses publiques dans leur ensemble – je ne parle pas des seules dépenses de l'État stricto sensu – ont crû plus vite que prévu en 2012, alors même que le programme de stabilité durcit encore les objectifs de maîtrise des dépenses. Dans ces conditions, on attendrait de vous, monsieur le ministre, que vous nous fassiez, aujourd'hui – ou en tout cas à brève échéance –, une présentation détaillée des économies à réaliser.
Il peut être bien pratique de raisonner en termes d'effort structurel, car il s’agit d’une construction macro-économique et intellectuelle permettant de développer bien des assertions, mais on est là loin des crédits réels, en euros réels, qui seront dépensés, contenus ou réduits au titre des missions et des programmes, bien réels eux aussi, composant notre budget.
La Commission européenne trouvera-t-elle dans le programme de stabilité les précisions qui lui permettraient de réviser à la baisse la prévision de déficit qu’elle a fixé à 3, 9 % pour 2014 ?
Je terminerai sur une considération de méthode.
Sur les niches fiscales, le Gouvernement annonce son intention de tenir le principe d'une stabilisation en valeur de leur coût total. J'imagine – j’espère que vous me le confirmerez, monsieur le ministre – que cela s'entend hors CICE. Car, à la vérité, ce crédit d’impôt est la plus importante niche créée depuis les allégements de charges sociales sur les bas salaires ! Une évaluation du dispositif est d’ailleurs en cours, conformément à la dernière loi de programmation des finances publiques. Quand connaîtrons-nous les dispositifs de dépense fiscale qui devront être revus ?
Le pacte de compétitivité invite à la stabilité fiscale et à la lisibilité pour les agents économiques. Ces principes seront-ils appliqués dès cette année ?
Compte tenu de ce qui précède, vous aurez compris, mes chers collègues, que, en cas de vote, l’attitude de plusieurs groupes aurait été de rejeter, de façon unanime, …