Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 24 avril 2013 à 14h30
Projet de programme de stabilité — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Bernard Cazeneuve, ministre délégué :

Je ne suis pas dans la rhétorique. J’accorde, moi aussi, du crédit aux chiffres. Je me fonde sur les données qui figurent dans nos livres de comptes et, par conséquent, dans les documents de la commission des finances.

J’aimerais prendre quelques exemples concrets des désaccords qui peuvent exister entre nous, ce qui nous permettra sans doute de prolonger le présent débat.

Vous utilisez de façon particulièrement habile, je le reconnais, l’argument de l’évolution des dépenses publiques rapportées au PIB. Mais, comme vous le savez, cette évolution dépend non seulement de celle des dépenses publiques, mais aussi de celle du PIB lui-même, si bien que, lorsque la croissance est plus forte, le ratio des dépenses publiques sur le PIB devient plus favorable au Gouvernement – dès lors qu’il veut démontrer qu’il diminue la dépense publique…

Vous évoquez l’évolution de ce ratio depuis 2011. Or, cette année-là, la croissance du PIB a été plus importante qu’en 2012 et, par conséquent, lorsque vous évoquez cet indicateur plutôt qu’un autre, vous savez parfaitement ce que vous faites : vous ne voulez rien dire de très précis sur l’évolution réelle des dépenses publiques !

Je veux d’ailleurs le prouver. Vous avez indiqué que les dépenses publiques avaient fortement diminué en 2011 et que l’année 2012, pour laquelle j’évoquais une diminution de 300 millions d'euros des dépenses de l’État, n’était donc pas la seule année où des efforts avaient été faits. Je tiens juste à vous signaler qu’en 2011 les dépenses de l’État n’ont pas diminué. Au contraire, elles ont augmenté de 4, 4 milliards d'euros !

Je vous demande d’ailleurs, madame Des Esgaulx, d’aller vérifier si ce que je dis est vrai – je sais que, derrière votre vivacité et votre ténacité à la tribune, il y a une honnêteté qui peut nous rassembler. Et si c’était faux, nous aurons l’occasion, lors de notre prochaine rencontre en commission des finances, de nous expliquer de nouveau.

Par ailleurs, je reviens, en quelques mots, sur le budget de 2012, car vous nous faites à son propos quelques reproches que je trouve injustes. Je voudrais rappeler la situation que nous avons trouvée, et ce que nous avons fait en conséquence. Vous voulez que l’on soit précis : sachez que je fais mien cet objectif. C’est pourquoi je vous renvoie à un document sur lequel nous pouvons nous retrouver, émanant de la Cour des comptes.

Car vous ne pouvez pas considérer que, lorsque ses meilleurs éléments formulent des avis au sein du Haut Conseil des finances publiques, la Cour des comptes parle juste, mais que, lorsqu’elle fait des rapports sur les comptes que vous avez laissés en 2012, elle parle faux. Or, dans ses rapports, la Cour dit que les dépenses que vous aviez projetées pour l’élaboration du projet de loi de finances pour 2012 étaient sous-évaluées à hauteur de 2 milliards d'euros, et que les recettes étaient, elles, surévaluées.

Que se serait-il passé si nous n’avions pas pris des mesures de « surgel » et de documentation des économies nécessaires pour éviter un tel dérapage, si nous n’avions pas diminué de 8 milliards d'euros vos hypothèses de recettes et, pour compenser cela, décidé 7 milliards d'euros de prélèvements supplémentaires ? Et nous avons fait cet effort sans augmenter, pour autant, le montant des prélèvements sur les Français puisque, en 2012, il doit s’élever à 913 milliards d'euros, toutes activités confondues, là où vous aviez projeté un prélèvement de 915 milliards d'euros. Ce prélèvement a donc été moindre, malgré l’effort fourni à l’occasion de la loi de finances rectificative.

Au final, nous parvenons à 4, 8 % de déficit, au lieu des 5, 5 % que nous aurions obtenus sans cet effort. Et si, comme vous le dites, ces 4, 8 % sont critiquables parce nous sommes éloignés de notre objectif de 4, 5 %, je ne peux que le reconnaître, mais je veux en rappeler les raisons.

D’une part, il a fallu procéder à la recapitalisation de Dexia, à hauteur de 2, 5 milliards d'euros. Je suis sûr que vous n’aurez pas la malhonnêteté de considérer que c’est notre faute. D’autre part, le budget européen a entraîné 800 millions d'euros de dépenses supplémentaires parce qu’en novembre 2010, ses crédits de paiement ont été sous-budgétisés. Ce n’est pas non plus notre faute si nous avons dû procéder à cette correction…

Ce qui, en revanche, est de notre responsabilité – et je l’assume parce que, selon moi, il faut être d’une honnêteté scrupuleuse sur ces sujets –, c’est le décalage existant entre la croissance réelle et les hypothèses sur lesquelles nous avons construit le projet de loi de finances rectificative, c'est-à-dire 0, 3 % de croissance. En effet, dans le courant de l’année 2012, on s’est acheminé vers une croissance constatée proche de zéro.

Voilà pour ce qui concerne les chiffres. Je ne cherche pas, à travers eux, à dire des choses qui ne soient pas exactes, car je pense que, malgré nos différences et compte tenu de la gravité de la situation du pays, nous devons essayer, sur les questions que nous abordons dans cet hémicycle, d’être d’une précision et d’une rigueur absolues et de faire en sorte que le débat s’articule, dans toute la mesure du possible, sur des éléments incontestables.

Monsieur le président de la commission des finances, sans être trop long, car nous avons déjà beaucoup parlé et sommes tous appelés à d’autres obligations, je terminerai par vous.

Vous avez une habilité, un talent, une connaissance des dossiers que je ne veux pas remettre en cause. Du reste, ces qualités viennent d’être déployées à la tribune derechef. Mais je voudrais tout de même rappeler certaines vérités.

Vous indiquez que nous n’avons pas conscience de la situation, que nous reportons les échéances à demain et que nous ne prenons pas les responsabilités qui nous incombent. Sans recommencer la démonstration que je viens de faire, j’affirme que nous avons pris nos responsabilités comme il se devait dans une situation particulièrement difficile.

Comme vous le savez, le déficit nominal est le seul véritable indicateur pour l’évolution du niveau de la dette. Malgré tout, nous maîtrisons la dette. Nous voulons en effet, dans notre trajectoire, que la dette baisse de six points de PIB à partir de 2015, et nous nous y employons. Je veux vous rappeler, sans esprit de polémique, qu’elle a crû de vingt-cinq points de PIB au cours des dix dernières années, ce qui, en volume, représente une augmentation de la dette de près de 900 milliards d'euros !

Vous dites, par ailleurs, que nous reportons le retour sous le seuil de 3 % de déficit public à 2014 en prenant le risque de devoir franchir alors une marche beaucoup plus haute. Cependant, cela donne le temps d’approfondir la réflexion sur des économies intelligentes, de les documenter devant vos assemblées. En effet, il est très important que nous puissions dire, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, là où se feront les économies, et que nous le fassions de façon extrêmement précise.

Je voudrais conclure sur cette question des économies, car la réalité est moins manichéenne que nos débats pourraient le laisser penser.

J’entends dire que nous ne serions pas prêts à faire des économies et à les documenter, et que la précédente majorité aurait toujours, de façon extrêmement méticuleuse, procédé à ces économies avec des résultats spectaculaires.

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