La République implique des règles, qui doivent être appliquées avec fermeté : c’est cela, l’esprit de responsabilité.
Nous devons engager ce débat dans un esprit d’apaisement, ensuite, car comment bâtir notre société, qui est ouverte sur le monde, si l’étranger y est vu avec méfiance, si nous confondons la maîtrise – indispensable – des flux migratoires et la stigmatisation – inacceptable – de l’autre ?
Depuis onze mois, c’est une nouvelle politique en matière d’immigration qui a été mise en place, et je ne laisserai pas caricaturer ce qui a été fait. Nous avons agi et nous continuerons à agir avec beaucoup de réalisme et de pragmatisme, avec humanité, bien sûr, mais sans naïveté, avec fermeté, mais sans arbitraire ni outrance.
La circulaire Guéant sur les étudiants étrangers a été abrogée. Ma collègue Geneviève Fioraso et moi avons défini des critères de régularisation exigeants, clairs et uniformément appliqués.
Nous avons mis un terme, sauf circonstances exceptionnelles – je pense au cas difficile de Mayotte –, à la rétention des familles avec enfants. Nous avons – enfin ! – abrogé le délit de solidarité qui pesait sur les personnes de bonne foi apportant aide et assistance. Nous avons, à la suite de la décision de la Cour de cassation de juillet 2012, confirmant celles de la Cour de justice de l’Union européenne de juin et de décembre 2011, créé une retenue de seize heures permettant aux services de police et de gendarmerie, ainsi qu’aux préfectures, de vérifier, dans de bonnes conditions, le droit au séjour de personnes étrangères se trouvant sur le territoire ; nous en avons débattu ici même.
Enfin, dans quelques semaines, en fonction de l’avancée des travaux législatifs, nous vous proposerons de généraliser le titre de séjour pluriannuel, en nous appuyant, pour ce faire, sur le rapport qui sera remis par le député Matthias Fekl.
Aujourd’hui, nous débattons de l’immigration professionnelle et étudiante. Cette volonté de débattre, je le sais, a pu surprendre, notamment parmi ceux qui pensent que l’on parle déjà suffisamment d’immigration. Mais la vérité, c’est que nous ne parlons jamais de nos flux migratoires. Lorsque nous débattons de l’immigration, nous mélangeons tout : des personnes d’origine étrangère, mais nées françaises, sont confondues avec des naturalisés ; des immigrés sont confondus avec des étrangers ; des enfants de Français sont, du fait de leur couleur de peau ou de leur religion, assimilés à des immigrés. Jamais, dans notre pays, nous n’acceptons de regarder sereinement nos flux migratoires, puis de nous poser ces questions simples : au regard de nos flux actuels, de nos valeurs et de nos besoins, quelle politique est la mieux adaptée ? Quels étrangers pouvons-nous ou devons-nous accueillir ? Dans la circulation mondiale des personnes que j’évoquais il y a un instant, comment se situe la France ? Que souhaite la représentation nationale ? Ces questions simples – je reconnais que les réponses le sont sans doute moins –, je propose que nous nous les posions ensemble.
Au préalable, il m’apparaît cependant nécessaire d’établir précisément ce qu’a été la politique menée, au cours des dernières années, par le précédent gouvernement. Une formule la résume, même si je ne sous-estime pas les problèmes : empressement dans les réformes, emportement dans les discours, mais, en vérité, des flux migratoires inchangés.
D’abord, on a expliqué qu’il fallait faire baisser l’immigration dite subie, et donc qu’à l’immigration familiale, indésirable, il fallait préférer une immigration triée sur le volet – à un point tel, d’ailleurs, que l’on a créé un titre de séjour spécifique, la carte « compétences et talents », qui a été attribuée à moins de 300 personnes par an.