Par cette immigration, nous participons au rayonnement de la France et réalisons de formidables opérations de soft power – pardonnez-moi cet anglicisme, mais j’ai cru comprendre que certains voudraient même que nos universités dispensent des cours en anglais...
Pour cette raison, contrairement aux idées reçues, l’immigration étudiante en France a atteint 65 000 personnes en 2010, c’est-à-dire une augmentation de 30 % par rapport à l’année 2009. Aujourd’hui, l’immigration étudiante reste stationnaire.
Notre formation politique n’a jamais été hostile, quoi qu’on en dise, à l’immigration étudiante ; au contraire, nous l’avons privilégiée, car elle répond autant à nos propres intérêts qu’à ceux des pays d’origine, qui n’ont pas toujours la possibilité de former leur jeunesse à certaines activités professionnelles. Nous sommes donc favorables à l’immigration étudiante en tant que telle, c’est-à-dire en tant que projet d’étude construit. À l’instar de ce qui se fait dans beaucoup de pays, il est normal qu’une distinction entre titre de séjour étudiant et titre de séjour professionnel perdure, car ces immigrations ne sont pas de même nature et ne concernent pas le même public.
Nous avons donc noté avec intérêt la récente annonce gouvernementale visant à accorder aux étudiants étrangers des visas de la durée de leurs études, plus une année pour leur permettre d’avoir une première expérience professionnelle en France. Nous souhaiterions toutefois en savoir plus à cet égard. C’est pourquoi, monsieur le ministre, je vous remercie par avance de toute information complémentaire que vous voudrez bien nous donner concernant notamment l’entrée en vigueur et les modalités d’application de cette mesure.
Dans le même ordre d’esprit, nous formulons à l’inverse plus de réserves sur la délivrance d’un visa permanent pour les doctorants, d’autant plus que certaines affaires ont, par le passé, égratigné l’enseignement supérieur français en raison, dit-on, de la délivrance de diplômes de complaisance pour des étudiants étrangers.
Enfin, il n’est évidemment pas possible, cela a été dit, de faire abstraction du coût réel de l’immigration étudiante. Celui-ci est en effet estimé à près de 3 milliards d’euros. Or la France pratique des tarifs étonnamment bas, voire quasiment nuls – notamment à l’endroit des étudiants extracommunautaires –, en comparaison de ses voisins européens, qui proposent leurs formations à des coûts beaucoup plus élevés.
S’agissant de l’immigration de travail, sans convoquer de formules alambiquées, je dirai simplement que celle-ci est non seulement une chance, mais aussi un facteur de prospérité qui doit s’intégrer à une politique migratoire clairement définie.
Avant de parler plus précisément de l’immigration professionnelle, je tenais néanmoins à ce que nous nous entendions sur la réalité de l’immigration de travail, telle qu’elle existe en France en 2013. En effet, il ne faut pas circonscrire ce débat à la simple évocation des 25 000 étrangers admis au séjour sur un motif économique. J’entends par là que notre volonté de rationaliser l’immigration de travail doit prendre acte du fait que 75 % des migrants familiaux accèdent aussi au marché du travail. Or nul ne peut ignorer que les migrants familiaux représentent environ la moitié de l’immigration totale. Aussi le nombre de migrants familiaux qui accèdent au marché du travail avoisine-t-il les 75 000 personnes. Il ne s’agit pas ici de faire peur, mais je veux vous transmettre les informations figurant sur le document préparatoire à ce débat relatif à l’immigration professionnelle et étudiante fourni par le secrétariat général à l’immigration et à l’intégration.
En conséquence, indépendamment de toute réflexion sur notre immigration de travail, nous devons admettre le postulat selon lequel la France est déjà très accueillante en termes d’immigration de travail, particulièrement pour ce qui est des emplois à faible valeur ajoutée, et cela alors même que nous sommes en phase d’explosion du chômage – ce n’est malheureusement un scoop pour personne – et donc, mécaniquement, d’augmentation du nombre de travailleurs pauvres.
Si l’on se réfère au nombre total d’autorisations de travail délivrées en 2012, à savoir 42 234, près de 30 000 d’entre elles se font en faveur d’employés qualifiés ou très qualifiés, pour 10 443 travailleurs non qualifiés.
En conséquence, une question se pose : quelle est cette immigration de travail destinée à des emplois à faible valeur ajoutée, qui, de fait, viendra concurrencer les travailleurs étrangers issus de l’immigration familiale, que je viens d’évoquer ? Monsieur le ministre, n’observe-t-on pas ici une redondance ? Je vous remercie de bien vouloir nous éclairer sur ce point.
Quoi qu’il en soit, l’immigration de travail est ainsi structurée en France. Il s’agit de salariés destinés non seulement à des emplois à faible valeur ajoutée, pour lesquels notre pays présente un déficit de demandeurs d’emplois, notamment en raison de la faiblesse des salaires, mais aussi à des emplois à forte valeur ajoutée de secteurs en expansion économique ou à des emplois pour lesquels nous connaissons des déficits d’effectifs chroniques. L’immigration contribue donc directement à l’accroissement de nos richesses, puisqu’elle vient répondre à cette demande.
Encore convient-il de ne pas occulter une autre question de fond que pose l’immigration de travail : celle-ci peut-elle rendre nos entreprises plus compétitives ? Même si l’immigration permet de recruter des personnels adaptés aux besoins de nos entreprises, n’est-elle pas précisément le symptôme d’un manque de compétitivité de ces entreprises et d’une inadaptation de nos demandeurs d’emplois ?