Intervention de Dominique Gillot

Réunion du 24 avril 2013 à 21h30
Débat sur l'immigration étudiante et professionnelle

Photo de Dominique GillotDominique Gillot :

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, depuis très longtemps les puissances du monde ont mesuré l’enjeu de la formation des élites des pays étrangers. La mondialisation est aujourd’hui un élément moteur de la mobilité étudiante et étend les logiques concurrentielles à l’université.

Les meilleures universités ont essaimé. Comme les précédents orateurs l’ont déjà évoqué, l’Amérique du Nord et l’Europe rivalisent désormais avec les pays émergents où rayonnent des établissements réputés pour l’excellence de leurs formations. Pour exister, les universités doivent attirer les meilleurs étudiants et les meilleurs chercheurs.

Au-delà de l’attractivité et de la compétitivité, l’enjeu est bien stratégique : l’enseignement supérieur contribue au soft power des États, à leur politique d’influence, à la diffusion de leur culture, de leur langue et de leurs valeurs à travers le monde.

Dans cette évolution du paysage universitaire mondial, la France a perpétué une longue tradition d’accueil des étudiants étrangers, et ce avec raison puisque notre enseignement supérieur a bénéficié des apports de brillants esprits venus d’ailleurs, sans oublier les prix Nobel ou médailles Fields d’origine étrangère dont la France s’enorgueillit.

Prenant conscience du risque d’érosion du rayonnement de nos universités dans un contexte de concurrence mondiale, le gouvernement Jospin a affirmé une nouvelle ambition pour notre pays. Entre 1998 et 2002, le nombre de visas étudiants est ainsi passé de 29 000 à 65 000. Le rapport de Patrick Weil sur la politique d’immigration a entraîné un travail de simplification des démarches administratives. La politique de bourses d’études, déjà généreuse, a été renforcée. Un Conseil national pour l’accueil des étudiants étrangers en France a été mis en place. Enfin, Claude Allègre et Hubert Védrine ont créé l’agence EduFrance pour promouvoir l’enseignement supérieur français à l’étranger.

Les gouvernements ultérieurs ont poursuivi cette action, jusqu’à la création d’un opérateur unique, Campus France, destiné à faire connaître les formations françaises à l’étranger et à gérer l’ensemble de la chaîne de l’accueil des étudiants, dont l’efficacité et la fiabilité restent à construire. Madame la ministre, je sais que vous en êtes convaincue.

Notre pays a donc mené, sur le long terme, une politique constante mais non moins entachée d’incohérences et de brutalités, nuisibles à sa lisibilité au-delà de nos frontières. Les dommages à l’attractivité de notre système universitaire sont évidents, tant celle-ci est autant déterminée par les conditions de vie et d’accueil que par la qualité de la formation et de la recherche.

Malgré des évolutions plutôt positives des échanges intellectuels et l’augmentation du nombre d’étudiants étrangers accueillis – environ 290 000 actuellement –, notre pays accuse un retard par rapport à ses concurrents directs : la France est désormais reléguée au cinquième rang mondial des pays d’accueil des étudiants étrangers, derrière l’Australie et l’Allemagne.

En la matière, le retard français a plusieurs causes.

Il s’explique par l’hésitation entre l’intérêt d’accueillir les meilleurs éléments et l’obsession du « risque migratoire », revenant à considérer l’étudiant étranger comme un clandestin potentiel.

À cela s’ajoute une autre ambiguïté : la volonté de tirer immédiatement parti des compétences des meilleurs au service de l’influence française et l’affirmation récurrente que l’étudiant étranger a vocation à rentrer dans son pays d’origine sitôt sa formation terminée.

Cette politique brouillonne s’est illustrée par la circulaire Guéant du 31 mai 2011, qui a considérablement abîmé l’image de la France.

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