Dans une enquête récente, 53 % d’entre eux dénoncent des processus administratifs kafkaïens. Le renouvellement des titres de séjour constitue notamment « un cauchemar annuel » à cause de démarches inutilement complexes et souvent vexatoires.
Cette situation est nuisible à la renommée de notre pays. « Je ne recommanderais pas à un ami non européen de venir passer son doctorat en France en raison des problèmes de visa », lit-on par exemple sous la plume d’un étudiant brésilien. À l’heure d’internet, un tel constat fait un mal considérable.
Malgré les récentes mesures de simplification mises en œuvre, les complications inutiles perdurent, y compris dans le cadre de mobilités encadrées. Je ne multiplierai pas les exemples à ce propos, car mon temps de parole est compté.
Des progrès importants restent à accomplir, et c’est avant tout dans les pays d’origine qu’il faut améliorer les dispositifs d’accueil, en limitant le nombre de demandes par candidat et en imposant un délai de réponse rapide de l’établissement, en identifiant dans tous les établissements un correspondant chargé du suivi « recrutement international » et en centralisant les dossiers dématérialisés à transmettre à un correspondant désigné de l’établissement.
S’agissant des conditions d’entrée et de séjour, je me réjouis de l’annonce d’un titre de séjour pluriannuel pour la durée des études. Le texte de ma proposition de loi prévoit la délivrance de ce titre pluriannuel après un an seulement de présence sur le territoire.
L’effectivité de l’inscription et le sérieux des études devraient être attestés chaque année afin d’en garantir le bon fonctionnement, l’absence de ces éléments entraînant l’annulation du titre de séjour. Une année supplémentaire devrait être accordée à l’étudiant étranger qui en aurait besoin pour compléter son cycle d’études, comme c’est le cas pour les étudiants boursiers.
De telles mesures soulageraient les étudiants des tracasseries qui les distraient de leurs études et ajoutent du stress à la nécessaire concentration sur ce qui doit être leur objectif final : le diplôme ! Elles simplifieraient aussi le travail des préfectures, qui gagneraient à dématérialiser certaines tâches ou à les déléguer aux universités, comme c’est déjà le cas avec les mairies pour la réalisation des passeports.
L’annonce de la création de guichets uniques sur les sites universitaires, où toute l’information sur les droits et devoirs des étudiants étrangers sera disponible, va assurément dans le bon sens.
Afin d’amplifier les échanges fructueux, j’ai inscrit dans ma proposition de loi un droit illimité au séjour pour tout étranger diplômé d’un doctorat obtenu en France, lui permettant de s’installer et de travailler, le cas échéant avec sa famille, autant que de besoin. Je me réjouis, madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, que vous souteniez cette idée.
Je suggère aussi de faciliter la liberté d’aller et venir hors du territoire national, y compris hors de l’espace Schengen, à tout étudiant ou chercheur ayant un titre de séjour, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Les aspirations des étudiants étrangers ne se limitent pas au suivi d’une formation ; une expérience professionnelle dans le pays d’obtention du diplôme est très recherchée. C’est pourquoi je propose d’assouplir les conditions d’insertion professionnelle des étrangers diplômés en France. Quel est en effet l’intérêt, pour les pays d’origine et pour la France, de renvoyer chez eux les étrangers dès la fin de leurs études et l’obtention de leur diplôme ? Ce n’est qu’après une mise à l’œuvre professionnelle que ces diplômés pourront, à leur retour chez eux ou ailleurs, déployer les compétences acquises en France.
Il n’est pas non plus très pertinent que d’autres pays bénéficient de la formation dans laquelle la France a investi : la délivrance automatique, en cas d’embauche, d’un titre de séjour « salarié » de trois ans, par exemple, paraît ainsi indispensable au retour sur investissement en augmentant les chances de maintenir ces talents au service de la France.
La situation administrative des jeunes chercheurs étrangers est indigne de notre pays et de ce qu’ils lui apportent. Il est urgent de résoudre les difficultés de recherche d’emploi et de changements de statut, en clarifiant le régime de la carte de séjour « scientifique-chercheur ». Tout comme le caractère pluriannuel des titres de séjour, les règles régissant ces changements de statut devront être clarifiées par la loi, le cadre législatif et réglementaire assurant une homogénéité de traitement selon le consulat ou la préfecture de rattachement.
La simplification des démarches administratives ne peut cependant résumer une politique d’immigration étudiante. Les choix stratégiques restent en discussion pour enclencher une véritable rupture avec la séquence antérieure. Il me semble que la stratégie de rayonnement et d’attractivité de la France pourrait se déployer selon trois axes.
Le premier concerne les pays en développement. En conciliant les intérêts de la France et ceux des pays d’origine, l’attraction de leurs étudiants ne conduit pas au pillage des cerveaux des pays les plus faibles. La formation des étudiants étrangers relève de l’aide au développement et nécessite l’identification de cibles prioritaires. Peut-on en effet considérer de la même façon étudiants chinois et étudiants togolais, alors que les enjeux sont différents ?
Ainsi, les bourses du gouvernement français pourraient être orientées vers les étudiants originaires des pays dont le système d’enseignement supérieur est encore peu développé ou servir à attirer des publics moteurs de développement, comme les jeunes femmes africaines, par exemple, qui sont très sous-représentées.
Le deuxième axe a trait aux pays émergents, dont les étudiants cherchent à se doter de compétences recherchées dans leurs pays et sont disposés à investir financièrement pour cela, le coût de la formation étant souvent un indicateur de sa qualité. Au-delà de la répétition des principes, il faudra donc examiner objectivement une modulation des droits d’inscription en fonction du pays de résidence des étudiants étrangers et du cadre des conventions bilatérales. Une telle politique pourra être compensée par un renforcement des bourses, corrélé à une meilleure qualité de l’accueil et des services proposés aux étudiants étrangers et, par extension, à l’ensemble de la communauté étudiante.
Cependant, face aux flux croissants d’étudiants étrangers à travers le monde, nos capacités d’accueil ne seront pas extensibles. Poursuivre notre politique d’influence et de rayonnement nécessitera donc d’accompagner les établissements d’enseignement supérieur pour développer des formations à l’étranger, en y implantant des campus délocalisés.
Le troisième axe consiste à attirer des profils scientifiques de très haut niveau. Il faudra les accueillir dans des conditions administratives et matérielles favorables afin de les retenir dans notre pays, en finançant substantiellement, par exemple, leurs études de troisième cycle et leur assurant un débouché à l’issue de leur doctorat.
Madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, les étudiants et chercheurs étrangers contribuent à la construction de nouveaux savoirs, à l’élévation du niveau de compétence de nos universités et de nos entreprises, à l’innovation et aux transferts technologiques utiles au redressement de la France.