Intervention de Jean-Yves Leconte

Réunion du 24 avril 2013 à 21h30
Débat sur l'immigration étudiante et professionnelle

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Sans compter que les espaces de Campus France sont parfois instrumentalisés pour améliorer artificiellement l’autofinancement des Instituts français, à l’intérieur desquels ils sont souvent hébergés.

Plutôt que d’être l’antichambre, pas toujours efficace, des consulats, Campus France doit réorienter son rôle vers l’information et l’orientation des étudiants, dans le respect de l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur et de leur processus de sélection. À cet égard, madame la ministre, je me demande pourquoi cet établissement n’est pas placé sous l’égide de votre ministère.

Depuis quelques années, la priorité est donnée à l’accueil des étudiants de second cycle. Est-ce pertinent ? Avec ce système, les étudiants issus d’un pays où l’enseignement supérieur est déficient présentent des carences à leur arrivée en France, ce qui pourrait être évité si nous les accueillions plus tôt. Par ailleurs, avant la fin du premier cycle, certains étudiants se sont déjà orientés définitivement vers d’autres pays.

Certes, l’argument tiré de l’hétérogénéité de niveau des étudiants à leur entrée à l’université est fondé pour certains pays. Reste que nous pourrions profiter de notre réseau d’écoles françaises à l’étranger pour offrir des cours, non seulement aux élèves qui y sont scolarisés, mais aussi à des candidats étudiants, qui seraient ainsi mis à niveau avant leur départ en France. Nous sommes le seul pays au monde à posséder un tel réseau : pourquoi ne pas tirer parti de cet atout ?

Mes chers collègues, nous devons bien mesurer que l’action que nous mènerons au cours des prochaines années dans ce domaine marquera profondément l’avenir de la francophonie et la place de la France en Afrique.

Le prochain boom démographique est en Afrique, continent partiellement francophone et dont plusieurs pays tirent aujourd’hui la croissance mondiale. Dans ces conditions, c’est à la fois notre devoir et notre intérêt culturel, économique et politique d’aider les autres pays africains à accrocher le train de la croissance ; or ce soutien passe d’abord par l’éducation. Aussi, ne faisons pas la fine bouche devant l’appétence pour l’enseignement en France qui se manifeste dans ces pays. Sachons y répondre avant que les étudiants africains ne s’orientent vers les universités d’Asie, qui, elles, ont parfaitement compris l’enjeu.

N’oublions pas que l’image d’un système d’enseignement supérieur forme un tout et que, de ce point de vue, il y a aussi des actions à mener à l’étranger. C’est ainsi que nous devons veiller à l’image et à la pérennité des universités françaises à l’étranger ; ce n’est pas gagné d’avance dans un certain nombre de pays. Nous devons aussi faire un effort pour développer une offre de formation professionnelle à l’étranger. Nous avons des compétences et, d’autre part, des entreprises formulent des demandes qui sont pertinentes au regard des besoins économiques et de leur capacité d’emploi. Il est donc très clair que nous avons un défi à relever dans ce domaine.

La généralisation du titre de séjour pluriannuel serait une excellente nouvelle. Cette disposition est comprise dans la proposition de loi de ma collègue Dominique Gillot relative à l’attractivité universitaire de la France : il s’agit de poser pour principe que le titre pluriannuel est la règle générale et le titre provisoire l’exception, ce qui simplifiera la vie des étrangers en France et allégera la charge pesant sur les préfectures.

Pourquoi aussi ne pas envisager les guichets uniques dont plusieurs orateurs ont déjà parlé pour l’ensemble des formalités administratives sur les campus, quitte à externaliser certaines opérations comme cela se fait dans les consulats pour les demandes de visa ?

Une fois qu’ils sont diplômés, l’accès au travail est, pour les anciens étudiants étrangers, le couronnement logique de leurs études. Nous ne pouvons ni nous en désintéresser ni l’entraver par des complications administratives. À cet égard, les premières mesures annoncées vont dans le bon sens. Je pense notamment à l’allongement de six mois à un an de l’autorisation provisoire de séjour entre l’acquisition du diplôme et le premier contrat de travail. Tous les nouveaux diplômés, quelle que soit leur nationalité, doivent pouvoir en bénéficier.

Les anciens étudiants doivent également pouvoir accéder à un CDI. On ne peut pas vouloir lutter contre le recours abusif aux CDD en général et contraindre les entreprises à n’offrir que ce type de contrat à certains étrangers.

Enfin, il faut mentionner la non-opposabilité de la situation de l’emploi pour les anciens étudiants étrangers diplômés en France. La suppression de la mention du retour au pays d’origine dans les dispositions réglementaires du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est une nécessité. Demander à ceux qui ont terminé leurs études et qui sont prêts à rejoindre le monde du travail de rentrer dans leur pays d’origine est un non-sens ; c’est seulement un prétexte pour se débarrasser d’eux. Au nom de quoi, parce qu’ils sont souvent des étudiants du Sud, devrait-on leur imposer leur destination ? D’ailleurs, si la France ne veut plus d’eux, ils pourront toujours aller ailleurs : en Allemagne, en Australie, aux États-Unis ou au Canada.

À propos du débat sur les frais de scolarité pour les étudiants étrangers, il faut se rendre à cette évidence : accompagner la forte croissance annoncée du nombre d’étudiants faisant leurs études hors de leur pays d’origine est une nécessité pour tenir notre rang. Pouvons-nous y parvenir avec l’actuel modèle économique de notre enseignement supérieur ? Ce serait audacieux de le prétendre dans une période aussi contrainte sur le plan budgétaire.

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