Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, j’ai entendu avec un grand plaisir les propos de Mme Fioraso et de M Valls sur l’immigration étudiante. Ils tranchent singulièrement avec ceux de leurs prédécesseurs !
La mondialisation des économies et la valorisation du rôle de l’enseignement supérieur dans la croissance font de la mobilité internationale des étudiants un enjeu politique majeur. Les pays occidentaux ont toujours cherché à attirer les étudiants étrangers pour accroître leur influence économique et politique, ainsi que leur rayonnement scientifique et culturel.
Depuis la fin des années 1990, le nombre d’étudiants étrangers dans l’enseignement supérieur français a fortement augmenté ; les étrangers représentent désormais plus d’un étudiant sur dix. En 2011, plus de 289 000 étudiants étrangers se sont inscrits dans l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur français, soit une augmentation de plus de 77 % depuis 1998.
Les principales raisons pour lesquelles la France est choisie par les étudiants sont la qualité de la formation, pour 45 % d’entre eux, la connaissance de la langue française, pour 37 %, et l’intérêt culturel, pour 31 %. La France est perçue comme un pays ayant un grand rayonnement culturel et artistique par 90 % d’entre eux ; en outre, 87 % considèrent qu’elle a un grand rayonnement intellectuel et scientifique et qu’elle est riche d’une histoire prestigieuse.
Les étudiants étrangers se répartissent en trois grandes catégories : ceux qui relèvent de la coopération internationale de l’État ; ceux qui relèvent de la coopération internationale des universités, qu’ils soient en mobilité dans le cadre du programme Erasmus ou de conventions conclues entre universités ; enfin, les étudiants à titre individuel.
Dans la plupart des cas, à l’exception de quelques établissements qui font des efforts remarquables, les étudiants, pardonnez-moi l’expression, débarquent seuls. Pour certains, la première arrivée en France et dans une université française constitue réellement une entrée dans un autre monde, un véritable choc de cultures. Songez qu’il faut à ces étudiants trouver leur université et leur département, comprendre comment s’inscrire administrativement et pédagogiquement, choisir leurs cours en fonction de leur cursus et prendre connaissance des lieux incontournables de l’université, comme le bureau des étudiants étrangers. Parallèlement, il leur faut trouver un logement, l’équiper, régler leur situation de séjour, ouvrir un compte bancaire et d’autres choses encore. Nous sommes au cœur de la problématique des rites de passage, qui va conditionner irrémédiablement le dépassement de cette étape initiatique après cette phase d’étrangeté.
De ce point de vue, le travail salarié joue aussi un rôle important. Les postes occupés par ces étudiants n’ont généralement aucun lien avec leurs études. Parmi les étudiants étrangers interrogés par l’Observatoire de la vie étudiante, 80 % ont déclaré souffrir de difficultés financières relativement importantes ou très importantes. Plusieurs enquêtes relèvent ces problèmes notables chez les étudiants étrangers, ainsi que leurs conséquences négatives sur le parcours universitaire.
Ces étudiants se plaignent aussi des trop mauvaises conditions d’accueil dans les universités françaises, où rien n’est prévu pour faciliter leur adaptation et où les professeurs, souvent les seuls interlocuteurs visibles, se montrent en général peu disponibles à leur égard.
Permettez-moi de vous décrire, par ordre de fréquence, les difficultés que rencontrent les étudiants étrangers. Il y a d’abord les difficultés liées aux démarches administratives, notamment à la préfecture de police. Viennent ensuite celles liées au logement, même si elles ne sont pas propres aux étudiants étrangers : manque de places dans les cités universitaires, niveau trop élevé des loyers, inconfort général des logements, mais aussi refus discriminatoires opposés aux étudiants étrangers candidats à des locations dans le privé.
Les autres difficultés sont liées aux informations sur les aides financières publiques, aux informations de type universitaire lors des inscriptions et aux informations sur la vie pratique en France.
Mes chers collègues, il est regrettable qu’un étudiant étranger ne puisse pas, au moment où il met en règle ses divers documents d’autorisation de séjour, entreprendre dans un dossier quasi parallèle ses démarches auprès de la préfecture et de l’Office des migrations internationales, puisque les documents demandés sont bien souvent identiques. Ainsi, les services universitaires ne sont pas les seuls à présenter un déficit d’information : les préfectures de police et les organismes d’aide au logement, notamment, semblent également fournir aux nouveaux arrivants des renseignements encore trop confus, parcellaires et offrant donc trop peu de garanties.
Nous devons être bien conscients des véritables difficultés que les étudiants étrangers non francophones, ou théoriquement francophones, rencontrent pour s’orienter dans les labyrinthes de notre administration. Je songe au témoignage d’un jeune étudiant étranger sur ses difficultés lors de son arrivée en France. Il souligne ce paradoxe : l’administration ne veut pas inscrire certains étudiants parce qu’ils n’ont pas la carte de séjour, alors qu’à la préfecture on leur demande d’abord leur inscription ! De même, il explique que, pour ouvrir un compte, la banque demande un titre de séjour, alors qu’il faut un compte bancaire pour avoir le titre de séjour…
Si la situation et les problèmes des étudiants étrangers sont maintenant très bien documentés, comme en témoigne le nombre de rapports qui ont été publiés récemment sur ces sujets, il reste au Gouvernement à prendre des mesures concrètes pour améliorer la situation. Vous avez d’ailleurs annoncé des mesures en ce sens, monsieur le ministre.
Dans leur ensemble, les associations d’étudiants étrangers militent pour un regroupement, une centralisation et une simplification des procédures, ainsi que pour un traitement à part de leur dossier. Elles réclament notamment la création d’un guichet unique.
Faciliter l’accès à l’enseignement supérieur tout en offrant une intégration plus efficace nécessite non seulement une réflexion sur le plan pédagogique, mais aussi l’élaboration d’une politique générale de développement de la dimension internationale de l’enseignement supérieur. Dans cette course à l’excellence, la France doit se donner les moyens de ses ambitions. Néanmoins, d’un point de vue général, il faut souligner que près de 80 % des étudiants étrangers sont satisfaits de leurs études universitaires en France.
Concernant les critères de délivrance d’un titre de séjour à un étudiant étranger, ceux-ci reposent sur la combinaison de son cursus pédagogique et de ses ressources financières. N’oublions pas, mes chers collègues, la très controversée circulaire Guéant en date du 31 mai 2011, qui restreignait la possibilité pour les étudiants étrangers diplômés de travailler en France. Abrogée le jeudi 31 mai 2012 par le Gouvernement, elle a été remplacée par un nouveau texte. Je salue cette initiative. Cette circulaire avait un impact extrêmement préjudiciable et portait atteinte à notre image dans le monde.
Améliorer l’accueil des étudiants étrangers passe, à mon sens, par des autorisations accordées de plein droit, et non plus au cas par cas, au gré des préfectures. Ainsi, des visas et des titres de séjour seraient remis aux étudiants en fonction de la durée de leurs études. Cela leur permettrait, en outre, de prolonger d’une année après l’obtention de leur diplôme leur séjour en France, pour y vivre leur première expérience professionnelle.
Ces mesures sont les bienvenues. Elles referment, je le souhaite ardemment, le chapitre de la politique menée par l’ancien gouvernement.
Je tiens à rappeler l’excellente initiative de Dominique Gillot, qui a déposé, le 12 février 2013, une proposition de loi visant à améliorer l’accueil des étudiants étrangers en France. Cette proposition de loi répond à une revendication forte des associations étudiantes concernant le dispositif des autorisations provisoires de séjour, les APS, notamment, qui était parfois vu comme un piège par les étudiants.
Les syndicats étudiants font d’autres propositions. Ils sollicitent la redéfinition du rôle de chaque organisme dans l’accueil des étudiants étrangers. Jean-Yves Leconte l’a souligné, d’ailleurs, à propos de Campus France.
Ils suggèrent aussi le retrait du décret du 6 septembre 2011 relatif aux conditions de ressources. Un étudiant étranger doit se prévaloir de plus de 7 000 euros de ressources annuelles, ce qui constitue mesure intenable socialement.
Ils demandent enfin l’ouverture du système d’aide sociale aux étudiants étrangers.
On le voit, l’accueil des étrangers en France doit représenter nos valeurs et témoigner de l’intérêt que nous portons à nos voisins, afin de nous permettre d’enrichir notre économie, notre culture et nos connaissances. Le Président de la République s’est engagé à continuer à accueillir 60 000 étudiants étrangers par an. Aussi devons-nous relever le défi et offrir à ces étudiants un accueil de qualité, à la hauteur de leurs attentes, eux qui viennent chercher dans notre pays l’excellence de nos universités. Je sais, madame, monsieur les ministres, que telle est votre ambition.