Je tiens à remercier le groupe politique qui a pris l’initiative de la tenue de ce débat, qui en appellera certainement d’autres.
Je tiens également à tous vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, du climat serein dans lequel se sont déroulées nos discussions. En cette période, cela fait du bien à la démocratie, surtout que ce sujet a pu parfois être plus conflictuel. Malgré l’heure tardive, nous sommes donc heureux, Manuel Valls et moi, d’y avoir participé.
Un grand esprit de convergence nous a animés sur la question de l’amélioration des conditions d’accueil et de vie des étudiants étrangers. En effet, ces dernières font partie des conditions de la réussite de ces étudiants et peuvent contribuer à la rendre plus difficile.
J’ai rappelé l’engagement du Gouvernement en faveur du logement, qui bénéficiera également aux étudiants et aux chercheurs étrangers. J’ai déjà donné les chiffres et les indications sur les moyens que nous nous donnons pour y parvenir, je n’y reviendrai donc pas. Sachez toutefois que, avec Cécile Duflot, nous travaillons plus particulièrement sur la question des cautions. Celles-ci répondront à des critères de droit commun qui s’appliqueront également aux étudiants et aux chercheurs étrangers. C’est un sujet très important. Très souvent, en effet, l’absence de caution bloque l’accès à un logement.
Par ailleurs, je voudrais vous convaincre que le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche œuvre en faveur de la francophonie. C’est dans cet état d’esprit que nous voulons développer les échanges avec l’Afrique, plus particulièrement avec l’Afrique subsaharienne. Vous le savez, cette zone est aujourd’hui très convoitée par les pays asiatiques, notamment par les universités chinoises. Il s’agit d’un espace que nous avons peut-être un peu négligé. Pourtant, c’est l’un des leviers de notre développement et, plus largement, je suis convaincue que l’Afrique est l’un des leviers de la croissance de l’Europe.
Nous avons développé des relations avec le Maghreb, en particulier le Maroc, et le Sénégal, qui sont des lieux de passage et d’échange entre la France, l’Europe et l’Afrique subsaharienne. Nous avons notamment mis sur pied une coopération qui comprend deux volets : l’accueil d’étudiants, d’une part, les étudiants africains et maghrébins constituant environ 50 % des étudiants accueillis par la France, et, d’autre part, l’établissement de formations dans au Maroc et au Sénégal, qui désirent eux aussi accueillir des préparations ouvertes sur l’Afrique subsaharienne. Nous comptons sur ces coopérations très fortes pour conforter des liens précieux, voire indispensables avec l’Afrique.
Monsieur Chevènement, je vous remercie d’avoir insisté sur la deuxième lettre de l’acronyme BRICS. Nous avons, c’est vrai, des affinités linguistiques avec la Russie, pays dont beaucoup d’habitants connaissent notre langue. C’est d’ailleurs un fait historique : Saint-Pétersbourg était une ville où l’on parlait français.
La culture industrielle, scientifique et technologique est très importante dans ce pays, et le niveau des étudiants dans ces matières est très élevé. Ces métiers, qui requièrent un haut niveau de qualification, sont en tension dans notre pays. Nous avons donc besoin d’accueillir davantage d’étudiants et de chercheurs russes. Je sais que vous vous y employez dans le cadre de votre mission spécifique visant à favoriser les échanges avec la Russie.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la défense de la francophonie n’est pas incompatible avec le constat que nous devons tirer de la faiblesse de notre accueil des étudiants des pays émergents, comme la Corée, l’Inde ou le Brésil. Lorsque nous allons dans ces pays, les scientifiques, les universitaires et les politiques nous disent tous que l’obstacle du langage est important. Il l’est certes moins pour les formations artistiques, mais il est considérable pour les formations scientifiques et technologiques. Il faut savoir l’entendre.
C’est pourquoi nous avons proposé d’élargir le champ des dérogations à la loi Toubon, qui ne pourront se faire que dans un cadre extrêmement précis, matérialisé par des conventions. Nous avons donc décidé d’autoriser, sous conditions, les formations en langues étrangères. Cela concernera surtout, bien sûr, les formations en anglais, mais également en d’autres langues. J’ai vu récemment, à Tours, des cours dispensés en allemand et portant sur le droit roman, qui est, vous le savez, différent du droit saxon.
Cette mesure nous permettra d’accueillir des étudiants, qui, sans cela, se rendraient en masse dans les universités anglo-saxonnes. Nous avons imposé la condition expresse d’un accompagnement en français langue étrangère, qui leur permettra de passer et de valider leurs diplômes en français.
Vous le voyez, le dispositif est extrêmement encadré, et ce qui a été dit sur le sujet ne correspond pas toujours à la réalité. Nous nous inscrivons bien dans une logique d’élargissement de la francophonie et de développement de l’influence de la France dans le monde. Il nous semble simplement que nous ne pourrions pas le faire si nous n’accueillions pas ces étudiants.
J’ajoute que cela nous permettra de faciliter nos échanges économiques avec les pays émergents, marchés qui grossissent et qui peuvent accueillir nos produits. Ces pays nous aideront même à faire monter nos produits en gamme, en nous apportant, grâce aux échanges avec notre industrie et ses services, leur qualification en la matière.
Le programme Erasmus a également été évoqué. Je serai moins pessimiste que ce qui a été dit. Ce programme a bénéficié d’un financement en augmentation. En revanche, les actions à destination des pays de voisinage, notamment ceux de la Méditerranée, ont effectivement pâti des dernières décisions européennes. Nous le regrettons !
En revanche, la mobilité des étudiants en Europe – la France, je le rappelle, est le deuxième pays d’accueil d’étudiants dans le cadre du programme Erasmus, juste derrière l’Espagne – a été préservée. Elle s’est même accrue. Je me suis battue, avec mes collègues britanniques, espagnols, italiens et allemands, pour ce faire. Nous avons envoyé un courrier commun aux commissaires européens concernés, afin de développer davantage la mobilité des apprentis, des étudiants des filières professionnelles et technologiques, toujours dans le cadre d’Erasmus. Ces filières concernent en effet des étudiants issus de milieux plus modestes et qui n’ont pas acquis la pratique des voyages et de la mobilité. On le sait, la pratique d’une langue étrangère et les séjours à l’étranger représentent un vrai plus dans un curriculum vitae.
C’est donc une démarche que nous soutenons et qui, je l’espère, aboutira. Un programme a d’ailleurs été lancé par la Commission européenne sur le sujet.
Je ne dirai qu’un mot sur les droits d’inscription. Ce sujet n’est pas tabou. Néanmoins, il ne faut pas penser que les augmenter pour les étudiants étrangers nous permettra de faire entrer des devises. En effet, les ressortissants de l’Union européenne ne peuvent pas être concernés, pas plus que ceux des pays qui bénéficient d’une convention signée avec la France. Cela fait déjà beaucoup d’étudiants en moins !
Parmi les 290 000 étudiants étrangers en France, 50 000 ont passé leur baccalauréat et vivent dans notre pays. De ce fait, ils bénéficient des mêmes conditions que les étudiants français. Au final, il ne reste que peu d’étudiants à qui l’on pourrait appliquer des tarifs différenciés. Historiquement, d’ailleurs, les droits d’inscription dans les universités françaises sont assez bas. Il serait donc difficile de les multiplier par dix et de bénéficier, ainsi, d’un apport important.
Il faut regarder ce sujet de près. Pratiquer la discrimination tarifaire entre étudiants s’avère complexe, tout comme l’appréciation du niveau de ressources. Pour autant, accueillir des étudiants dont les familles ne paient pas d’impôts en France représente une charge supplémentaire pour la France. Ce débat est donc nécessaire. Il devra être serein, et ne pas exagérer l’afflux de devises que cette éventualité pourrait générer. Pourquoi, d’ailleurs, ne pas faire un avantage de nos droits d’inscription, historiquement peu élevés ? Profitons-en pour accueillir des étudiants asiatiques ou africains, doués mais disposant de peu de ressources familiales, et qui, de fait, seraient susceptibles d’être davantage attirés par notre pays que par d’autres ! J’ai envie de retourner le problème et d’en faire un argument en faveur de l’attractivité de notre pays.
Je terminerai mon propos en évoquant les démarches qu’il nous reste à accomplir.
Félicitons-nous des cartes de séjour pluriannuelles et de l’extension d’un an du visa des étudiants après leurs études. Un peu comme les étudiants boursiers, les étudiants étrangers pourront disposer d’une carte leur permettant de rester en France le nombre d’années nécessaires aux études plus un an. En effet, on peut estimer que, en la matière, les étudiants étrangers ont plus de difficultés que les étudiants français.
Félicitons-nous également des convergences entre le ministère de l’intérieur, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, et le ministère des affaires étrangères, malgré les différentes contraintes qu’ils rencontrent tous trois.
L’agence Campus France, quant à elle, fait l’objet d’une évaluation par une inspection conjointe, car elle est placée sous une double tutelle : celle du ministère des affaires étrangères et celle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Un bilan sera fait à l’issue de cette inspection. Rappelons-nous qu’il s’agit, malgré tout, d’une structure assez récente et que les problèmes que nous constatons tous sont peut-être également dus à la phase de démarrage. Pour autant, si Laurent Fabius et moi-même avons décidé de la soumettre à une inspection, c’est que nous estimions que ces dysfonctionnements étaient très importants. Vous serez naturellement tenus au courant des résultats de cette inspection, mesdames, messieurs les sénateurs. Nous aurons donc l’occasion d’en reparler.
En attendant, je vous remercie de partager l’état d’esprit qui est le nôtre, visant à ouvrir notre pays à la coopération internationale, dont l’impact sur notre économie, mais aussi sur la diffusion de notre culture et sur l’extension de nos réseaux à l’étranger est extrêmement bénéfique. J’insiste sur ce point de progression, car nous savons insuffisamment animer nos réseaux d’alumni, terme un peu barbare pour désigner les anciens étudiants. D’autres pays le font bien plus efficacement que nous. C’est un outil non seulement culturel, qui tend à promouvoir l’universalité, mais également économique, qui peut s’avérer redoutablement efficace. Notre marge de progression en la matière est réelle. Nous avons la volonté de nous améliorer, et cela sera fait au cours de ce quinquennat.