Cette semaine a vu plusieurs réunions d’importance se tenir sur l’initiative de la présidence irlandaise : un Conseil des ministres de la pêche de l’Union européenne et un trilogue informel.
Sur les sujets cruciaux qui ont déjà été abordés – rendement maximum durable, rejets, régionalisation, modernisation de la flotte, plans pluriannuels –, notre ministre fait preuve d'une cohérence et d’une détermination qui permettront, je l’espère, d'aller vers une position plus raisonnable et plus tenable.
Le parti pris de la Commission européenne est à mon sens dogmatique. Elle a en effet jusqu'à présent superbement ignoré tous les efforts exemplaires consentis par les professionnels de la mer, en lien avec les scientifiques, certains groupes d’experts ou des ONG. Tous ces efforts montrent d'ailleurs que les pêcheurs ont pleinement conscience d’avoir destin lié avec la préservation des ressources halieutiques.
C’est pourquoi, même si ce n’est qu’un piètre pis-aller, je me félicite de la position des eurodéputés socialistes français, qui ont voté contre la réforme du règlement général de la politique commune de la pêche, estimant que le texte défendu par le Parlement européen « ne respectait pas l’équilibre entre le renouvellement de la ressource et la pérennité des activités de pêche européenne ».
Si nous approuvons le principe du rendement maximum durable en tant qu’indicateur rationnel pour la préservation de la ressource, le RMD ne sera légitime et accepté que s’il repose sur une appréciation objective, fiable et, surtout, débattue avec les professionnels. Dans cette perspective, nous rejoignons nos collègues députés européens et les ministres des États membres pour souhaiter la mise en œuvre régionalisée de la gestion des pêches.
Enfin, sur le problème des prises accessoires, je réitère notre ferme opposition à l’interdiction totale des rejets à court terme, car il ne fera, au mieux, que déstabiliser la chaîne alimentaire marine naturelle et déplacer le problème à quai, avec la création d’une filière parallèle de farines animales – je redis tout le mal que je pense, non seulement de cette filière, mais aussi des pêcheries qui s’engagent dans cette voie.
Alors que 65 % des produits de la mer consommés en Europe sont importés, l’Union européenne devrait être en première ligne pour mettre un coup d’arrêt à la délocalisation de son appareil productif. Or le débarquement obligatoire de tous les rejets va détruire nos entreprises de pêche et tous les emplois directs ou induits, particulièrement dans les pêcheries multi-spécifiques, bien connues en Bretagne.
Que se passera-t-il lorsque nous devrons importer, non plus 65 %, mais 90 % ou plus de notre consommation de produits de la mer, alors que nous savons très bien que les aliments qui arriveront en Europe ne répondront aucunement aux normes sociales et écologiques que la Commission prétend défendre ?
Comment en outre concilier l’interdiction pure et simple des rejets avec la sécurité et l’aménagement de navires souvent anciens, et avec la sécurité du travail de nos marins à bord ?
Tant pour le RMD que pour la limitation des rejets, au nom d’un développement durable réel, nous réclamons avec M. le ministre chargé de la pêche une mise en œuvre progressive, qui associe pleinement les professionnels de la mer.
Basées sur des calendriers réalistes et respectueux des pêcheries, les propositions du Conseil en la matière vont dans le bon sens et nous satisfont davantage que celles du Parlement.
Nous restons aussi attentifs à la proposition de la Commission européenne visant à supprimer en deux ans les engins considérés comme les plus nocifs pour l’écosystème d’eau profonde, à savoir les chaluts et les filets maillants de fond. Cela s’apparente à un coup de massue supplémentaire contre la filière et contre une pratique qui, chez nous tout du moins, est extrêmement encadrée. Les acteurs de la pêche en eaux profondes ont ainsi engagé une réduction de plus de 50 % de l’effort de pêche qui a permis la reconstitution de trois principaux stocks – la lingue bleue, le sabre noir et le grenadier.
La demande adressée par le président de la commission de la pêche du Parlement européen à la commissaire européenne de procéder à des études d’impact complémentaires apparaît donc comme un moindre mal.
Monsieur le ministre, vous voyez que nous réaffirmons avec conviction notre soutien plein et entier à notre ministre chargé de la pêche pour l’élaboration et la mise en application d’une réforme réellement durable de la politique commune de la pêche, adossée aux trois piliers que sont l’écologie, l’économie et le social.
M. Cuvillier aura notamment l’occasion de défendre cette réforme durable, qui nécessite l’adhésion et la reconnaissance des pêcheurs, lors du prochain Conseil des ministres chargés de la pêche des 14 et 15 mai ; vous pouvez lui transmettre l’assurance de notre soutien, monsieur le ministre !