Séance en hémicycle du 25 avril 2013 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question ainsi que la ou le ministre, pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes trente

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Ma question s'adresse à M. le ministre délégué, chargé du budget.

Le monde du travail est soumis à la violence des fermetures de sites, comme ceux de Florange ou de Petroplus, mais aussi à celle d’actionnaires comme ceux de Peugeot, qui vont être gratifiés de 370 millions d’euros de bonus alors que 11 000 emplois seront supprimés.

Aussi, le passage en force du Gouvernement pour faire voter le texte relatif à la « sécurisation de l’emploi », puis son opposition soudaine à l’amnistie des salariés en lutte, …

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

… pourtant votée par notre assemblée, sont des signes particulièrement négatifs en direction de tous ceux qui n’ont que leur capacité de travail pour vivre.

Les chiffres du chômage et l’étude de l’INSEE sur le pouvoir d’achat confirment que, dans notre pays, le mal-être des salariés, retraités et demandeurs d’emploi n’est pas seulement un ressenti momentané.

Le pouvoir d’achat des ménages est en baisse pour la première fois depuis trente ans, et cela frappe particulièrement les plus pauvres. C’est la première fois, insiste l’INSEE, que nous assistons à une telle accentuation des inégalités.

Ce sont ces populations qui ont le plus besoin des politiques publiques et des services publics. Or vous avez décidé de poursuivre une politique inscrite dans le pacte de stabilité européen, celui-là même que de plus en plus de pays considèrent comme un carcan contre-productif pour sortir de la crise. N’est-il pas temps, au contraire, monsieur le ministre, de changer de cap ?

Les forces politiques et populaires qui ont chassé Nicolas Sarkozy du pouvoir le 6 mai 2012 ne se retrouvent pas dans la politique menée aujourd’hui. Il est donc urgent d’envoyer des signes forts, sur les libertés syndicales, sur l’emploi, sur le pouvoir d’achat et, ainsi, de redonner le goût de la victoire à celles et ceux qui l’ont voulue !

Monsieur le ministre, quand allez-vous agir, au nom de la France, en Europe, pour définir une autre politique économique, budgétaire et publique, qui retrouvera les voies de la croissance et donc de la réduction des déficits par une dépense publique nouvelle et efficace, par une plus grande justice fiscale, mettant un terme aux cadeaux indécents accordés aux plus riches et aux entreprises les plus profitables, par une mobilisation constante des forces du changement ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. le ministre délégué, chargé du budget.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget

Madame la sénatrice, merci infiniment de votre question, qui soulève un certain nombre de problèmes dans lesquels je vois moi-même autant de motifs de se mobiliser : nécessité d’avoir une politique économique qui rende possible la synthèse entre le rétablissement des comptes publics et le retour de la croissance ; une politique économique et budgétaire qui ne perde pas de vue l’objectif de la justice sociale ; une politique économique qui, par les orientations qu’elle définit, porte une ambition industrielle permettant de lutter efficacement contre le chômage.

Je ferai d’abord observer que, si nous avons aujourd'hui le devoir de rétablir nos comptes publics, ce n’est pas à cause de l’Europe. L’Europe n’est pas responsable de la multiplication par deux de la dette de notre pays au cours des dernières années. L’Europe n’est pas responsable du fait que nos dépenses publiques n’ont pas été maîtrisées, au point que les déficits de notre pays se sont creusés sensiblement, et notamment le déficit structurel, qui a augmenté de deux points entre 2007 et 2012. L’Europe n’est pas responsable de la perte de compétitivité de nos industries et, partant, du déficit de notre commerce extérieur.

Si nous voulons rétablir nos comptes, c’est parce que nous ne voulons pas que les marchés portent atteinte à notre souveraineté. En effet, si nous perdions de vue la nécessité du rétablissement de nos comptes publics, nous subirions alors, sur les marchés financiers, à l'instar d’autres pays d’Europe du sud, des attaques spéculatives qui pourraient avoir des effets récessifs considérables et altérer l’efficacité de notre économie.

Je rappelle à cet égard qu’un point de taux d’intérêt supplémentaire sur les marchés représente 2 milliards d’euros à absorber la première année, plus de 4 milliards la deuxième année, et, en dix ans, près de 10 milliards !

Cette situation représente donc pour nous une vraie difficulté, et il nous faut y faire face en nous efforçant de la maîtriser.

Par ailleurs, ce que nous faisons en matière de rétablissement des comptes n’est pas antinomique de ce que nous souhaitons concernant la croissance et l’investissement. Des 20 milliards d’euros investis dans les projets numériques pour notre territoire en dix ans, à nos projets d’investissements pour le Grand Paris, en par ce que, sous l’impulsion de Cécile Duflot, nous mettons en œuvre pour relancer le logement, notamment à travers l’abaissement de la TVA pour la construction de logements neufs, ce sont autant d’investissements massifs pour demain, qui seront sources de croissance et d’emploi.

Je conclurai en vous disant qu’une ambition de justice sociale anime aussi ce gouvernement, laquelle ambition s’est traduite au cours des derniers mois par de nouvelles dispositions concernant les droits de succession, la remise en œuvre de la progressivité de l’impôt sur la fortune, la création d’une nouvelle tranche à 45 %, l’alignement de la fiscalité du travail sur celle du capital. Ce sont là autant d’éléments qui, vous en conviendrez, témoignent de cette ambition de justice sociale qui est la nôtre ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

La semaine dernière, monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé que les trente-cinq mesures du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, issues de l’excellent rapport de Louis Gallois, étaient toutes engagées et que deux tiers d’entre elles étaient d’ores et déjà mises en œuvre.

Certaines réformes très importantes, nécessitant l’aval du Parlement, ont déjà été adoptées. Notre groupe les a d’ailleurs toutes soutenues. Je pense à la création de la Banque publique d’investissement, au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ou, plus récemment, à l’accord sur l’emploi, qui, de l’aveu même de Louis Gallois, est étroitement lié au pacte de compétitivité.

Aujourd’hui, l’essentiel est de maintenir le cap, car une mise en œuvre partielle de ces mesures serait inutile, voire contre-productive. Le pacte est un tout cohérent. Aussi est-il indispensable, pour redresser notre économie, de poursuivre la mise en œuvre de l’ensemble des trente-cinq mesures. Cela doit constituer la seule véritable priorité de la majorité présidentielle, car il s’agit avant tout de retrouver croissance et marges de manœuvre. L’essentiel est là !

Votre mobilisation, notre mobilisation, en faveur de la croissance doit être totale et toutes les composantes de la majorité, mais aussi de l’opposition, doivent en avoir conscience. Il s’agit d’une question d’intérêt national !

Monsieur le Premier ministre vous avez déclaré : « Redresser la France ne se fera pas en un jour. […] L’Allemagne a mis dix ans pour se redresser. » Il faudra sûrement du temps ! C’est la raison pour laquelle il ne faut pas dévier de cette trajectoire exigeante mais indispensable.

J’ajoute que la politique volontariste de la France en matière de compétitivité et d’emploi n’a de sens aujourd’hui que si elle est mise en cohérence au niveau européen. Une véritable coordination des politiques économiques et une politique active de la BCE, permettant une baisse de l’euro, sont désormais indispensables pour restaurer la confiance et la croissance.

Persévérance, ténacité et cohérence sont les clefs de l’efficacité et de la réussite des réformes engagées.

Dans ces conditions, monsieur le ministre chargé du budget, pouvez vous informer le Sénat en dressant un état des lieux de la mise en œuvre, à ce jour, des trente-cinq mesures du pacte, mais également en évoquant la suite du calendrier parlementaire ? Pouvez-vous, enfin, réaffirmer devant la représentation nationale la détermination du Gouvernement à poursuivre sur ce chemin exigeant ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. le ministre délégué, chargé du budget.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget

Merci beaucoup, madame la sénatrice, de votre question, qui rend bien compte de l’ensemble des problèmes que nous avons à traiter si nous voulons rétablir durablement la compétitivité de l’économie française et organiser le retour de la croissance.

Vous avez raison de souligner qu’une grande partie des questions qui touchent à la compétitivité renvoient à des initiatives qui doivent être poursuivies et approfondies au sein de l’Union européenne. Il faut d’abord que les institutions financières, et notamment bancaires, soient assainies, afin d’être de nouveau en situation de financer les entreprises. Cela signifie que nous devons accélérer le calendrier de mise en œuvre de l’union bancaire.

Nous sommes tombés d’accord sur un mécanisme de supervision des banques, corollaire d’un mécanisme de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts. La Banque centrale européenne, dans l’élan donné par la mise en œuvre de l’union bancaire, a mis en place, par l’intermédiaire de son programme Outright Monetary Transaction, un dispositif d’intervention sur le marché secondaire des dettes souveraines, qui a permis de diminuer les taux d’intérêt. Il nous faut, par conséquent, amplifier la remise en ordre de la finance. La lutte contre la fraude fiscale au sein de l’Union européenne doit ainsi rendre possible l’achèvement de cette remise en ordre à l’échelle européenne comme à l’échelle internationale.

C’est là une première condition de la compétitivité : faire en sorte que la finance soit capable à nouveau de financer l’économie réelle.

Par ailleurs, il faut aller au bout des dispositifs que nous avons mis en place. Vous avez rappelé la déclaration de M. le Premier ministre sur le pacte de compétitivité, avec ses trente-cinq mesures. Nous accélérons la mise en œuvre de ces mesures, et notamment, dans les territoires, du crédit d'impôt compétitivité emploi. Une enveloppe de 400 millions d’euros est aujourd’hui mobilisée et la Banque publique d’investissement a été activée de manière à pouvoir assurer l’avance du crédit d’impôt dès 2013. Les entreprises qui le souhaitent pourront, sous quinze jours, bénéficier d’à peu près 85 % du crédit d’impôt auquel elles auront droit en 2014, ce qui est très important pour des entreprises qui sont confrontées à des difficultés de trésorerie.

Les banques privées pourront intervenir utilement, elles aussi, grâce à la garantie de la BPI à hauteur de 50 % des sommes qu’elles avanceront, pour favoriser la mise en œuvre de ce crédit d’impôt.

Enfin, j’insiste sur le fait que, sous l’impulsion de Fleur Pellerin et d’Arnaud Montebourg, les filières et les entreprises innovantes sont grandement aidées par les dispositifs gouvernementaux. Les assises de l’entreprenariat qui se tiendront lundi seront ainsi l’occasion de témoigner de l’ensemble des mesures que nous prenons en faveur de la dynamisation des entreprises ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Madame la présidente, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Je veux revenir sur les images publiées hier par le site Atlantico, révélant le désormais célèbre « mur des cons ».

M. Jean-Louis Carrère s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Il s’agit d’un trombinoscope de responsables politiques, de droite, principalement, de syndicalistes policiers, de hauts magistrats, de journalistes.

Retrouver sur ce collage des hommes politiques, de droite comme de gauche, y compris votre collègue de l’intérieur M. Manuel Valls, en dit long, d’ailleurs, sur les rapports entre police et magistrats !

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

M. Antoine Lefèvre. Mais, et c’est encore plus consternant, figurent sur ce mur des parents de victimes de récidivistes

Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Vous avez répondu hier à mon collègue député Luc Chatel qu’aucune entrave ne serait faite aux procédures que les personnes visées engageraient. C’est encore heureux !

La présidente du syndicat auteur de ce mur scandaleux, parle de défouloir, de blague de potaches. Mais, dans cette affaire, nous ne sommes pas en présence de lycéens ou d’étudiants à l’humeur espiègle, fussent-ils de futurs magistrats ! Nous sommes dans les locaux d’un syndicat professionnel de juges, des juges dont on attend une impartialité exemplaire. §

Une catégorie professionnelle comme celle de la magistrature, censée être la plus neutre de la République, ne peut se permettre de s’enfermer dans une idéologie politique. Car c’est bien de cela que nous parlons ici : elle doit juger de façon équitable.

La dérive de ce syndicat pose problème !

Notre propos n’est pas de stigmatiser la justice en général, mais le comportement de certains, qui semblent oublier l’essence même de leur indépendance, dont ils sont si jaloux, et que vous ne cessez de nous rappeler, madame la garde des sceaux.

Cela ne peut que susciter des interrogations quant à leur impartialité ! N’ouvrent-ils pas ainsi la porte à une légitime suspicion ? La confiance que place en eux la société en est ébranlée !

Cela augure bien mal des propositions du Président de la République de donner plus d’indépendance encore au Conseil de la magistrature.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Ce que vous avez qualifié d’action malheureuse, madame la garde des sceaux, est en fait une faute grave !

Vous avez déclaré : « Le ministère public peut prendre l’initiative d’une action publique ». Alors, madame la garde des sceaux, je vous dis : faites-le ! Et faites-le de façon très claire ! §

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

(M. François Trucy opine.) Je peux ajouter qu’il est insupportable, qu’il est même à la fois stupide et malsain

Très bien ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

, et qu’il est temps que le Syndicat de la magistrature se rende compte que la période stupide et malsaine est passée

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur Lefèvre, vous devriez me citer complètement, car, vous le savez, j’ai dit à votre collègue de l’opposition à l’Assemblée nationale que je trouvais cet acte inadmissible. §, qu’il n’a donc pas besoin de risquer l’image de neutralité de la magistrature !

J’ai, comme vous, sans doute, le souci de distinguer le corps de la magistrature, ces magistrats qui exercent au quotidien la noble mission de juger avec dignité, de ceux qui se sont abaissés à se livrer à cet acte.

Cela dit, vous savez bien que, en tant que garde des sceaux, je ne saurais méconnaître la loi. Or celle-ci dispose que l’on ne peut considérer comme faute disciplinaire un acte commis dans un local syndical et révélé par des images volées.

Et alors ? sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

J’ai saisi le Conseil supérieur de la magistrature pour lui demander d’apprécier s’il y a eu manquement à la déontologie.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce syndicat a fait prendre des risques à l’ensemble du corps de la magistrature, et tout particulièrement aux membres de ce syndicat, si l’on en juge par les menaces de récusation concernant des procédures en cours. Cela est effectivement dommageable pour l’ensemble du corps. J’espère cependant que nous sortirons de cette situation parce que ce qui compte, c’est que notre magistrature retrouve sa noblesse, que nous puissions la débarrasser du soupçon qui pèse sur son impartialité

Très bien ! sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

« Où est l’État ? Où est le Gouvernement ? »

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste

Il est là !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

« Où est le Président de la République ? »

Ces questions, c’est le candidat François Hollande qui les posait lors de sa visite à Petroplus, voilà à peine un an. Déjà une éternité !

Ces questions, nous les posons à notre tour aujourd’hui.

Le candidat Hollande se voulait volontariste. Il montait sur les camions de la CGT et déclarait au Bourget, le 22 janvier 2012, que « la réindustrialisation de la France [serait sa] priorité ». Vous aussi, monsieur le ministre du redressement productif, vous avez exprimé une volonté, vous qui avez affirmé à différentes reprises que « l’État peut beaucoup ». Or, aujourd’hui, cette volonté se heurte à l’écueil de la réalité.

Échec sur le dossier Petroplus : le tribunal de commerce a rejeté les deux offres en lice. Il n’y aura donc ni participation de l’État ni repreneur.

Même constat du côté de Florange, où les hauts-fourneaux viennent d’être arrêtés.

Et que dire de PSA, qui accélère ses fermetures à Aulnay-sous-Bois, de Goodyear à Amiens-Nord, d’Alcatel-Lucent, des difficultés de Renault ? Et je pourrais, hélas, citer des dizaines d’autres entreprises : Sanofi, Fralib, Virgin, Samsonite, Faurecia…

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Un cimetière des espoirs déçus vient d’être inauguré à Florange, où les salariés ont installé hier une stèle à la mémoire des promesses non tenues du Président de la République, stèle que le maire de la commune a promptement fait démonter.

Face à cela, que fait le Gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Il prend acte des fermetures, des licenciements, de son impuissance et du désarroi des ouvriers.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Vous y êtes tout de même pour quelque chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. le ministre du redressement productif.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Beaucoup de choses ont été ainsi réglées dont on s’est finalement aperçu qu’elles ne l’étaient pas !

Pour notre part, nous nous sommes bien gardés de dire que ce dossier était réglé,

On le conteste vivement sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Il est vrai que nous n’avons pas réussi à trouver ce repreneur. Nous nous sommes pourtant démenés, en liaison avec les partenaires fiables que sont les organisations syndicales, l’administrateur judiciaire, les magistrats du tribunal de commerce.

Les deux derniers repreneurs restés en lice ne disposant pas de l’argent que nous ne cessions de leur demander de mettre sur la table, ils n’étaient pas crédibles. Or il n’était pas question pour nous de les laisser reprendre une raffinerie obsolète, pour apprendre six mois plus tard que, après avoir englouti la trésorerie restante, ils étaient incapables de financer le plan social. Ce plan social, nous avons d’ailleurs su l’améliorer, en liaison et en négociation avec Shell.

Lorsque Shell, précisément, s’est débarrassé de cet outil industriel, en 2008, il eût été intéressant que vous posiez votre question, monsieur le sénateur. §Or, à l’époque, vous n’en avez eu l’idée !

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre

Vous me demandez : « À quoi sert le ministère du redressement productif ? » Eh bien, je vais vous répondre !

Il a servi à sauver 1 000 emplois chez General Motors, à Strasbourg, et les Alsaciens le savent ! Il a servi à sauver 520 salariés chez Sealynx, dans l’Eure, et les Normands le savent ! §

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre

M. Arnaud Montebourg, ministre. Il a servi à sauver 200 salariés chez M-Real, dans l’Eure, et, là encore, les Normands le savent ! Il a servi, grâce à l’intervention de M. le Premier ministre

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre

En Auvergne, mesdames, messieurs les sénateurs auvergnats, vous étiez présents le jour où je suis venu annoncer que l’avenir des 350 salariés d’ACC, spécialiste de la maintenance ferroviaire, était assuré grâce à la commande publique ! Alors, ne feignez pas de ne pas le savoir !

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre

Permettez-moi également de vous parler, parmi beaucoup d’autres entreprises, de SAMRO et de ses 210 emplois, …

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre

M. Arnaud Montebourg, ministre. … de Lohr et de ses 720 emplois, d’Altia et de ses 101 salariés, de MMO en Bretagne et de ses 123 salariés… C’est cela le redressement productif !

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre

M. Arnaud Montebourg, ministre. Ce ne sont évidemment pas les dossiers dont choisit de parler Le Figaro, qui préfère stigmatiser l’action du ministère du redressement productif, action difficile qui demande courage, constance et persévérance.

Vifs applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques-Bernard Magner

Madame la présidente, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

À la suite de la remise du rapport de la mission sur l’enseignement de la morale laïque, vous souhaitez, monsieur le ministre, introduire une nouvelle discipline dans les établissements scolaires à la rentrée 2015, du cours préparatoire à la terminale, afin de « faire partager les valeurs de la République ». Il s’agit de la morale laïque.

Depuis la mise en place de l’instruction morale et civique par Jules Ferry en même temps que l’école primaire laïque et obligatoire, diverses dénominations ont été données à cet enseignement, mais le but est toujours le même : l’apprentissage des règles collectives pour agir et bien vivre ensemble, selon un idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité, la construction du libre arbitre de chacun, le respect de toutes les convictions et de toutes les croyances, bref, la formation du futur citoyen.

L’instauration de cours de morale laïque répond à une demande forte de la communauté éducative, des parents d’élèves en particulier.

Notre société est fortement attachée à la liberté individuelle de pensée et ressent un fort malaise face aux replis identitaires et communautaires qui se développent sur fond de crise économique et sociale.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, nous saluons votre initiative, qui relie ainsi l’individu au collectif.

Cette nouvelle discipline viendra compléter la palette des moyens mis en œuvre par le Gouvernement – le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, la lutte contre le décrochage scolaire, l’embauche de 60 000 enseignants supplémentaires en cinq ans – afin d’enrayer le déclin éducatif de notre pays, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques-Bernard Magner

… relevé par les enquêtes internationales ces dix dernières années.

Le contenu de cet enseignement sera défini par un organisme indépendant, le futur Conseil national des programmes.

Pour donner à cette nouvelle matière toute l’importance qu’elle mérite, vous souhaitez que son enseignement fasse l’objet d’une évaluation.

Monsieur le ministre, en quoi la morale laïque se différenciera-t-elle de l’instruction civique déjà dispensée par nos enseignants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques-Bernard Magner

Comment les professeurs qui enseigneront cette matière seront-ils eux-mêmes formés ?

Enfin, quelle forme prendra l’évaluation de ce nouvel enseignement, que vous jugez, à juste titre, indispensable ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Monsieur le sénateur, l’école d’aujourd'hui, c’est la France de demain.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

C’est une responsabilité particulière pour tous.

L’une des responsabilités du Gouvernement, comme l’a dit Bernard Cazeneuve, est de préparer l’avenir, après tant d’années où il a été sacrifié…

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

M. Vincent Peillon, ministre. … du fait de l’accroissement de la dette, mais aussi de l’abandon de l’école de la République.

Exclamations sur les travées de l'UMP. – Applaudissements

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

L’école a toujours eu trois missions.

La première de ses missions est d’instruire. Or, en dix ans, la France a plongé dans toutes les évaluations internationales. Aujourd'hui, 25 % de nos élèves sont en difficulté. Des professeurs ne sont même plus remplacés. Ils ne sont pas formés. C’est le résultat des dix ans d’action de l’ancienne majorité ! §

C'est la raison pour laquelle nous avons décidé non seulement de créer des postes – 60 000 en cinq ans –, mais également de former les enseignants et de revoir les programmes.

La deuxième mission de l’école est également importante : l’insertion professionnelle des jeunes. Lorsque la gauche a quitté le pouvoir en 2002, 10 % des jeunes étaient au chômage. C’est le cas de 25 % d’entre eux aujourd'hui, soit le taux que nous avions trouvé en 1997 ! §C’est pour cela que nous allons revoir la formation professionnelle, ainsi que le parcours d’orientation, d’information et de rapprochement avec les entreprises. Au mois de juin prochain, le Premier ministre et moi-même installerons le conseil éducation-entreprise.

Enfin, la troisième mission de l’école est de transmettre les valeurs qui nous permettent de vivre ensemble. Dans la tradition républicaine, politique et morale sont inséparables. Il faut obéir à la loi non pas uniquement par crainte du châtiment et sous la contrainte, mais mû par une obligation intérieure. Cette tradition commune a été perdue, oubliée. Or la morale laïque incarne précisément cela.

J’ai bien noté les craintes que suscitait l’instauration de ce nouvel enseignement.

En premier lieu, la morale laïque serait contraire aux orientations religieuses et aux choix de certains. C’est l’inverse ! Celui qui fut, il y a longtemps, président de cette assemblée, le grand républicain Jules Ferry, que ne quittait jamais L’Enseignement du peuple d’Edgar Quinet, avait dit de la laïcité qu’elle était la seule qui permettrait à toutes les convictions de vivre pacifiquement dans l’espace commun de la République. §

Notre laïcité n’est pas antireligieuse. Elle est au contraire la garantie de la liberté de chacun. C’est celle-ci qui est en question aujourd'hui.

En second lieu, certains craignent l’instauration d’une morale d’État. Or notre tradition, c’est celle de l’individualisme républicain. Il n’y a pas de morale d’État. C’est précisément parce qu’il y a eu une morale laïque que nous avons été capables, ensemble, république sociale et république libérale, de nous lever au moment de l’affaire Dreyfus, quand la liberté et la justice se sont conjuguées.

Voilà ce que nous devons offrir aux enfants de la République. Le redressement économique que nous conduirons devra s’accompagner d’un redressement intellectuel et moral. §

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Ma question s'adresse à tous et à toutes puisqu’elle concerne les modalités de la fin de vie. Nous y serons tous confrontés un jour !

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Certains font le choix de finir leurs jours à domicile. Ceux qui en ont les moyens s’installent dans des résidences plutôt confortables. Mais beaucoup vont dans les EPHAD, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Or, nous le savons tous, même si les personnels des EPHAD font de leur mieux pour que la fin de vie se passe dans la dignité, ces établissements sont de qualité inégale.

Madame la ministre, comment envisagez-vous les choix de mode de vie possibles pour ceux qui ne peuvent plus rester seuls chez eux ? Que pensez-vous des projets du type Maison des Babayagas, à Montreuil, qui permettent, grâce à un projet construit en amont, de choisir une fin de vie digne, fondée sur la cohabitation entre générations ?

Ma question comporte un second volet, qui, malheureusement, concerne également tout le monde : nos proches comme nous-mêmes, un jour.

Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est de la mise en œuvre de la proposition 21 du programme de François Hollande de permettre à chacun de choisir une fin de vie digne ? Chacun sait que la loi Leonetti, qui a représenté un progrès pour certains, est insuffisante, comme l’a montré le rapport Sicard. Est-il possible d’organiser un débat serein sur la fin de vie assistée ? Quid de la demande de certains d’un droit au suicide assisté ?

Quel calendrier envisagez-vous, madame la ministre, sur cette question, qui nous touche au plus profond de nous-mêmes ? §

Debut de section - Permalien
Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie

Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Mme Touraine, actuellement retenue à l’Assemblée nationale, où est examinée la proposition de loi de M. Leonetti visant à renforcer les droits des patients en fin de vie. Elle m’a priée de vous transmettre sa réponse.

Le Président de la République a confié une mission sur ce sujet, ô combien difficile, vous le savez, au professeur Sicard, lequel lui a remis son rapport au mois de décembre. La mission s’est appuyée sur dix débats citoyens, des auditions, des enquêtes, afin de recueillir la diversité des points de vue. Elle a fait une série de constats et formulé différentes propositions.

À la suite de la remise de ce rapport, le Président de la République a pris acte du constat établi sur l’organisation de la prise en charge de la fin de vie dans notre pays : formation insuffisante des médecins, faible développement de la prise en charge palliative des malades, problèmes de leur prise en charge à domicile.

Le Président de la République a indiqué que la ministre des affaires sociales et de la santé ainsi que la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche annonceraient des mesures visant à améliorer cette prise en charge.

Il a également pris acte de ce que, en dépit des apports indéniables de la loi Leonetti, la législation en vigueur ne permettait pas de répondre à l’ensemble des préoccupations.

Il a donc été décidé de saisir le Comité consultatif national d’éthique §

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

M. Rémy Pointereau. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Il est parti ! sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Par calcul politique et pour calmer une majorité incertaine, notamment au Sénat, le Gouvernement était prêt à amnistier les violences commises lors de conflits sociaux, en donnant pratiquement un « permis de casser ». §

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Les patrons, c’est l’emploi qu’ils cassent !

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Dans cet hémicycle, il y a quelques semaines, Mme Taubira, garde des sceaux, n’avait pas hésité à dire, lors de l’examen de la proposition de loi portant amnistie des faits commis à l’occasion de conflits sociaux : « Nous sommes inspirés par le souci d’accomplir un acte politique, républicain, de concorde sociale. » Le Sénat avait adopté ce texte avec des voix socialistes.

Dans le même temps, vous cassez le droit de manifester

Mme Éliane Assassi s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

, qui est l’un des droits fondamentaux dans toute démocratie, quand vous réprimez avec violence des manifestations pacifiques

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Rappelez-vous les propos du candidat Hollande, qui promettait d’être « à l’écoute des Français » et avait dit : « Moi président, j’engagerai de grands débats citoyens ! » Il y aurait ainsi deux poids deux mesures dans l’écoute de la contestation : d’un côté, l’amnistie pour les casseurs…

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Arrêtez avec cette caricature ! Vous, pendant des années, vous avez cassé des milliers d’emplois !

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

… et, de l’autre, la répression pour les manifestants pacifiques !

Hier matin, on a appris que, finalement, le Gouvernement ne soutenait plus cette proposition de loi communiste adoptée par le Sénat. Nous nous en réjouissons, mais vous désavouez ainsi votre propre majorité au Sénat !

C’est aussi hier matin qu’a été présenté en conseil des ministres le projet de loi dit « de moralisation politique ». Quel bel écran de fumée entre une réalité que vous ne voulez pas voir – ceux qui, parmi vous, ont failli ! – et l’opinion !

Et quelle coïncidence malheureuse entre votre projet d’amnistie sociale pour des casseurs et le projet de loi de moralisation politique ! Je vous rappelle, entre autres, l’affaire DSK

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Or, dans le même temps, vous osez annoncer aux élèves qu’ils auront de nouveau des cours de morale !

M. Marcel-Pierre Cléach applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Quelle exemplarité ! Vous appliquez, comme toujours, le principe : « Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais » !

Toutes ces contradictions, ces manipulations de l’opinion, ces mensonges ne peuvent asseoir un pouvoir ! §Au contraire, vous le discréditez ! Et, pour cacher vos erreurs, vous discréditez du même coup toute la classe politique, qui, dans sa grande majorité, fait son travail avec conscience.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Les Français ne sont pas dupes. Ils veulent que vous vous attaquiez aux vrais problèmes économiques et sociaux, …

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

… le chômage, le pouvoir d’achat, l’insécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Vous êtes au pouvoir depuis près d’un an. Quand allez-vous redonner de la consistance au mot « gouverner » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme la ministre des droits des femmes.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Et cela pour une raison précise : par construction, nous estimons que l’amnistie remet en cause les décisions de justice. Or nous ne sommes pas favorables à une telle remise en cause.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Nous considérons au contraire – et vous feriez bien d’en prendre de la graine !

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

– que seul le respect de la loi, le respect de la décision démocratiquement adoptée, doit s’imposer, quel que soit le sujet en cause. Ce respect de la loi républicaine est sans doute la meilleure façon de sortir notre pays de l’ornière dans laquelle vous l’avez mis à bien des égards !

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Et pourtant, je me prêterai de bonne grâce à cet exercice, tant il est vrai que je suis fière d’appartenir à un gouvernement qui a d’ores et déjà, onze mois à peine après son arrivée aux responsabilités, respecté la quasi-totalité des soixante engagements du candidat à la Présidence de la République François Hollande.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Non seulement ce gouvernement s’est fait un devoir de respecter les engagements pris, mais il fait front ! Car, en ce moment, gouverner, c’est faire front.

Monsieur le sénateur, je veux vous le redire, la cohérence de notre action, c’est celle qui consiste à redresser le pays dans la justice et dans l’égalité

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

… en lui donnant à la fois des perspectives et ce souffle qui lui a cruellement manqué au cours de ces dernières années, afin qu’il puisse se projeter à nouveau dans l’avenir avec confiance.

Sachez qu’il faut pour cela du courage, …

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. … ce courage qui vous a fait défaut ces dernières années !

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Oui, notre gouvernement a eu le courage de faire preuve de sérieux budgétaire.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Le premier poste budgétaire de l’État n’est plus le remboursement des intérêts de la dette : c’est l’éducation, c’est la justice, c’est la santé. Nous en sommes fiers !

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Oui, nous avons eu le courage de mener, contrairement à vous, la grande bataille de l’emploi

Vives protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe Ump

Des mots !

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

(Exclamations sur les mêmes travées.) et en apportant des réponses à une jeunesse qui, sous votre gouvernance, se désespérait dans ce pays.

Protestations sur les mêmes travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Nous sommes même allés plus loin, en adoptant un pacte de compétitivité très ambitieux – dont vous n’auriez même pas osé rêver ! –, en sécurisant les parcours professionnels, qui étaient devenus un serpent de mer §De cela aussi nous sommes très fiers !

Enfin, le gouvernement auquel j’appartiens, mesdames, messieurs les sénateurs, a eu le courage de faire avancer la société, en adoptant des réformes d’égalité, de faire grandir la devise de la République : « Liberté, égalité, fraternité ».

Pour conclure mon propos, je vous poserai une question, monsieur le sénateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Ce sont les questions d’actualité au Gouvernement !

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Pour ce qui vous concerne, quelle est votre cohérence ? Aurez-vous le courage d’adopter les textes visant à intensifier la lutte contre la fraude fiscale, ceux qui imposeront les principes de probité et de transparence de la vie publique, ceux qui garantiront l’indépendance du Conseil supérieur de la magistrature ? Les électeurs vous attendent !

Bravo ! et applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Madame la présidente, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie.

Madame la ministre, votre ministère est celui des bonnes nouvelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Très concrètement, vous avez annoncé hier, en marge de la réunion du Conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, des crédits nouveaux pour la médicalisation des établissements pour personnes âgées à hauteur de 100 millions d’euros, dont 15 millions qui viendront abonder les 147 millions votés et 85 millions sous forme d’anticipation d’engagement, ainsi qu’une enveloppe de 120 millions d’euros pour les plans d’aide à l’investissement 2013, soit, au total, 220 millions d’euros supplémentaires, …

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

… qui contribueront également à réduire le reste à charge des personnes âgées séjournant dans ces établissements.

La deuxième bonne nouvelle, c’est le résultat effectif de votre action pour réduire la sous-consommation des crédits.

Ces deux bonnes nouvelles traduisent le changement radical de perspective et d’appréhension du vieillissement impulsé par votre ministère.

Le changement est en effet frappant entre le catastrophisme du gouvernement précédent

Encore ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Madame la ministre, vous avez su voir les potentialités de croissance qui découlent de l’avancée en âge, de la prévention et de l’accompagnement de la perte d’autonomie, …

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

… ainsi que le moteur économique que constituent ces secteurs, avec la création d’emplois non délocalisables dans les services à la personne, le développement des technologies et du numérique et leurs répercussions bénéfiques sur tous les secteurs d’activité.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Il est vrai que le secteur de la prise en charge de la perte d’autonomie ne connaît pas la crise, comme en témoignent les principaux groupes gestionnaires de maisons de retraite, qui connaissent une progression de 7 % à 20 % de leurs bénéfices.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Madame la ministre, je vous remercie de bien vouloir nous préciser votre programme et nous dire en plus sur ce formidable challenge que représente la « silver économie »…

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie.

Debut de section - Permalien
Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie

Monsieur le sénateur, vous avez raison, mon ministère est porteur d’avenir, d’innovation et de bonnes nouvelles.

Les 162 millions d’euros dégagés pour cette seule année 2013 en faveur de la médicalisation permettront non seulement de placer plus de personnels auprès des personnes âgées résidant dans des maisons de retraite, …

Debut de section - Permalien
Michèle Delaunay, ministre déléguée

… mais aussi de créer plusieurs milliers d’emplois, ce dont vous pouvez vous réjouir, chers amis de l’opposition !

Cette bonne nouvelle n’est évidemment pas la seule. Nous devons faire en sorte que ce qui a été le plus grand progrès du XXe siècle, à savoir l’allongement de l’espérance de vie, soit aujourd'hui une chance pour notre pays et pour nos entreprises. Nous avons tous les atouts pour cela.

Des territoires sont déjà très engagés sur ce sujet, et ils sauront se saisir des nouvelles technologies. Le Gouvernement, pour qui la question de l’âge constitue une priorité, prépare, vous le savez, un projet de loi comportant un volet d’anticipation dont les entreprises seront, bien sûr, les partenaires. Par ailleurs, nous disposons d’un tissu industriel déjà très performant, avec plusieurs leaders mondiaux, en particulier dans le domaine de la domotique.

À cet égard, j’irai, au cours de mes déplacements, à la rencontre des dirigeants de toutes les start-up qui foisonnent et qui sont autant de monitrices d’innovation, portant un changement radical de la vision que nous pouvons avoir du vieillissement.

Pourtant, tout cela n’est pas suffisant. Il convient d’organiser ce secteur, en définissant des priorités, en impliquant tous les acteurs concernés et en trouvant des financements d’amorçage. C’est ce que nous avons fait hier, avec Arnaud Montebourg, en rencontrant à Bercy 700 partenaires de la « silver économie », cette économie liée à l’âge : les plus grandes entreprises, les experts, les décideurs, les représentants des territoires et les chercheurs universitaires.

Debut de section - Permalien
Michèle Delaunay, ministre déléguée

Tout est en marche et, avec le concours de tous, je crois pouvoir le dire, nous avons aujourd'hui les moyens de faire de la « silver économie », qui connaît une croissance de 15 % aux États-Unis, un atout pour notre pays.

Oui, monsieur le sénateur, la révolution de l’âge est en marche, et nous la porterons tous ensemble. §

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fauconnier

Madame la présidente, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a deux ans, sous le précédent gouvernement, la majorité de gauche du Sénat a adopté un amendement introduisant l’action de groupe dans le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs. Cet amendement s’inspirait du rapport d’information des sénateurs Béteille et Yung, qui avait fait apparaître une grande lacune du droit français : l’absence de moyens de recours collectif à la disposition des consommateurs lésés.

Cette lacune autorise la persistance d’un déséquilibre entre le simple consommateur victime et l’entreprise coupable. Pourtant, dans divers pays, en Europe et ailleurs, les législateurs ont permis aux consommateurs victimes d’un même préjudice d’obtenir, par une mutualisation des moyens, un juste dédommagement. Bien sûr, lorsqu’il existe, un tel dispositif peut donner lieu à des dérives : c’est notamment le cas aux États-Unis, où l’application du principe du triple dédommagement entraîne parfois la faillite de l’entreprise responsable.

Quoi qu'il en soit, le précédent gouvernement s’est opposé avec la plus grande véhémence à cette disposition si nécessaire à la protection des consommateurs. De la sorte, il donnait satisfaction à ceux qui ont intérêt à ce que le consommateur reste sans défense face à des préjudices de plus en plus nombreux.

François Hollande, candidat à l’élection présidentielle, …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fauconnier

… avait exprimé sa volonté de mettre la justice « au service du droit, de la République et des Français »…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fauconnier

… par l’instauration d’une action de groupe telle que les citoyens victimes d’un même préjudice puissent obtenir réparation.

Le 14 novembre dernier, le Gouvernement a décidé en conseil des ministres la création d’une action de groupe à la française. Monsieur le ministre chargé de la consommation, je sais qu’après avoir saisi le Conseil national de la consommation, lancé une large consultation publique et étudié les nombreux rapports et avis publiés sur le sujet, vous vous apprêtez à présenter au Parlement un projet de loi introduisant l’action de groupe dans notre droit.

Mes deux questions portent sur la forme que vous entendez donner à cette action de groupe à la française.

Comment pensez-vous ouvrir la possibilité aux consommateurs ayant subi des dommages individuels de se coordonner pour obtenir une juste réparation ?

Comment, dans le contexte difficile que nous connaissons, répondre aux inquiétudes des entreprises à propos des excès des recours collectifs observés dans d’autres pays ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Mme Annie David applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Fauconnier, permettez-moi de prendre deux exemples significatifs.

Le 19 septembre 2000, le Conseil de la concurrence, devenu aujourd’hui l’Autorité de la concurrence, a sanctionné plusieurs banques pour une entente anticoncurrentielle dans le secteur du crédit immobilier ; ces banques ont été condamnées à hauteur de 1 milliard de francs, soit 160 millions d’euros. Le 1er décembre 2005, le Conseil constitutionnel a sanctionné trois opérateurs de la téléphonie mobile, cette fois aussi pour une entente anticoncurrentielle ; ces entreprises ont dû acquitter 534 millions d’euros. Ces deux pénalités ayant été versées directement dans les caisses de l’État, les seuls qui n’ont jamais été indemnisés pour le préjudice qu’ils ont subi, ce sont les consommateurs !

C’est la raison pour laquelle, des années durant, de nombreux responsables politiques ont souhaité combler cette lacune du droit français en créant une action de groupe à la française. C’est d’abord Jacques Chirac, candidat à l’élection présidentielle, qui a promis de la mettre en œuvre ; pour des raisons qu’il ne m’appartient pas de commenter, cela n’a pas été possible. C’est ensuite Nicolas Sarkozy qui a exprimé la même intention ; pour des raisons qu’il ne m’appartient pas de commenter, et qui étaient sans doute les mêmes que celles qui ont fait renoncer Jacques Chirac, il a choisi de ne pas agir…

Pour notre part, nous avons voulu inscrire la création des actions de groupe dans le projet de loi sur la consommation, qui sera présenté le 2 mai.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué

À quoi servira l’action de groupe ? Elle permettra aux consommateurs de demander réparation d’un préjudice subi dans le champ des contrats de consommation et des pratiques anticoncurrentielles. Concrètement, nous voulons que, demain, lorsqu’un certain nombre de grands groupes constituent des rentes économiques au détriment du consommateur, celui-ci puisse être indemnisé.

Aujourd’hui, c’est le pot de terre contre le pot de fer : il est extrêmement compliqué pour un consommateur d’obtenir réparation du préjudice qu’il a subi parce que, seul, il ne parvient pas à aller au bout de la procédure qu’il veut intenter. Avec les actions de groupe que nous allons créer, les consommateurs pourront, par l’intermédiaire d’associations agréées, mener à bien des procédures.

L’action de groupe sera une arme de dissuasion massive. Nous espérons que les procédures seront aussi peu nombreuses que possible parce que, de facto, les grands groupes changeront leurs politiques pour les éviter.

Nous voulons permettre aux consommateurs, par l’intermédiaire de leurs associations, d’obtenir réparation des préjudices subis devant des tribunaux d’instance spécialisés.

En clair, l’action de groupe à la française permettra que la rente économique amassée par un certain nombre de grands groupes, au lieu de servir à rémunérer des cabinets d’avocats, comme c’est le cas aux États-Unis, passe des entreprises vers les consommateurs sous forme de pouvoir d’achat.

Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, le sens de la mesure que le Gouvernement présentera dans le projet de loi sur la consommation. Puisque tous les Présidents de la République et presque tous les candidats à l’élection présidentielle au cours des vingt dernières années ont défendu cette mesure de protection des consommateurs, j’espère que les parlementaires de tous les bords la soutiendront !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Mmes Annie David et Françoise Laborde applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Madame la présidente, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adressait au ministre des affaires étrangères, mais je comprends qu’il ne puisse y répondre puisque, si je suis bien informé, il accompagne le Président de la République en Chine.

L’explosion d’une voiture piégée à Tripoli, dont on parle depuis trois jours, suscite un certain nombre de questions à Paris, mais aussi de graves inquiétudes chez nos compatriotes du réseau diplomatique et parmi les communautés françaises à l’étranger.

Certes, M. Laurent Fabius, au cours de son déplacement à Tripoli, a annoncé l’envoi sur place d’une équipe du GIGN ; celle-ci, du reste, est arrivée. Il a également annoncé le renforcement de la sécurité de nos intérêts au Moyen-Orient et dans le Sahel. Cependant, pour bienvenues qu’elles soient, ces annonces sont-elles suffisantes ?

Soyons clairs : nous savons tous qu’Al-Qaïda a lancé des menaces contre la France. Vendredi dernier, Al-Qaïda au Maghreb islamique, AQMI, a directement menacé notre pays de représailles pour son intervention au Mali. Dans ces conditions, il paraît légitime de s’interroger : l’attentat de Tripoli n’était-il pas la mise à exécution de cette menace ?

Surtout, avait-on bien pris toutes les mesures de précaution ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

C’est la vérité ! Quand je suis allé sur place, j’ai pu emprunter cette rue sans qu’on me demande rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

À la suite de l’assassinat de l’ambassadeur américain Christopher Stevens et de trois autres ressortissants américains à Benghazi, en septembre dernier, le gouvernement libyen avait promis de mettre sur pied une force spéciale de protection des diplomates. Or, me dit-on, on ne voit que de rares voitures de police libyennes patrouiller de temps en temps…

Le pouvoir libyen éprouve toujours les plus grandes difficultés à imposer son autorité sur un pays où d’importantes quantités d’armes restent en circulation et où de nombreuses milices agissent à leur guise. Est-on intervenu auprès des autorités libyennes pour que la sécurité de nos compatriotes, dont on comprend qu’ils soient de plus en plus inquiets, soit mieux assurée à l’avenir ?

J’ajoute que, au-delà de ses implications politiques en Libye, et surtout dans la région, cet attentat est un signal très inquiétant pour les entreprises, qui vont être encore un peu plus dissuadées de travailler en Libye et dans les pays voisins.

Le vice-Premier ministre libyen, Awad al-Barasi, a déclaré : « Nous sommes dans une période cruciale et certains veulent déstabiliser la Libye. » Les auteurs de l’attentat de Tripoli ont touché deux cibles à la fois : la Libye et la France. Dans ce contexte de violence et de risque extrême, on voit mal comment les relations franco-libyennes pourraient se développer. Alors, comment peut-on envisager leur avenir ?

À Paris, mais aussi au sein de nos communautés à l’étranger, chacun s’accorde pour réaffirmer avec force qu’il ne faut jamais, absolument jamais, céder aux terroristes !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

M. Robert del Picchia. Permettez-moi, au nom des Français de l’étranger, de rendre hommage aux deux gendarmes blessés à Tripoli et, plus largement, à tous les membres de nos services de sécurité qui font quotidiennement preuve de courage au service de nos compatriotes à travers le monde !

Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des Français de l'étranger.

Debut de section - Permalien
Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie M. del Picchia de sa question, qui me permet de vous confirmer que la sécurité de nos ressortissants à l’étranger est un objectif prioritaire pour le ministère des affaires étrangères. C’est une question que nous traitons avec sérénité et responsabilité.

Laurent Fabius est parti à Tripoli immédiatement après l’annonce de l’attentat pour apporter le soutien du Gouvernement aux deux gendarmes blessés, dont l’un grièvement ; ils ont, depuis, été rapatriés en France. Le ministre s’est rendu sur place pour exprimer notre solidarité à nos agents consulaires, qui accomplissent un travail remarquable, ainsi qu’à la communauté française en Libye – une petite communauté puisqu’elle ne compte qu’environ 300 personnes. Il a veillé à ce que les mesures nécessaires soient prises pour que la sécurité de nos ressortissants en Libye soit renforcée.

Ces compatriotes participent à la reconstruction de la Libye ; ils y promeuvent nos intérêts, mais aussi nos valeurs. Nous devons les protéger.

Les mesures de sécurité étaient déjà très importantes avant l’attentat, je peux en témoigner. Des décisions immédiates ont été prises pour les renforcer encore. C’est ainsi que les différentes implantations françaises, c’est-à-dire l’école, l’institut, le service et la mission économique, ont été fermées. Par ailleurs, comme M. del Picchia l’a signalé, un groupe du GIGN a été déployé à la résidence de l’ambassade, où la chancellerie a été rapatriée. En outre, il a été demandé à nos ressortissants de ne pas sortir en attendant de nouvelles instructions. Ils reçoivent quotidiennement des consignes venant du poste.

Si la France a été prise pour cible par cet acte terroriste, ce sont aussi les Libyens qui en sont victimes. Plus que jamais, la France est déterminée à accompagner la Libye sur le chemin de la stabilité. Le 12 février dernier, Laurent Fabius a présidé une conférence au Quai d’Orsay pour mobiliser la communauté internationale. Nous avons notamment prévu de former près de 3 000 policiers libyens, et une mission européenne devrait arriver sur place au mois de juin.

Ces actes isolés et barbares sont le fait d’extrémistes qui bafouent les idéaux des révolutions arabes. Avec les Libyens et tous les peuples qui luttent pour leur liberté, nous resterons fidèles à ces idéaux.

L’attentat de Tripoli n’a pas été revendiqué. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées : tentative de déstabilisation interne ou représailles à la suite de l’action de la France contre le terrorisme, notamment au Mali.

Quoi qu’il en soit, mesdames, messieurs les sénateurs, soyez certains que nous ne céderons jamais à la violence. Les auteurs de ces actes seront retrouvés, où qu’ils se cachent ; ils seront jugés et punis. L’enquête a commencé à Paris et à Tripoli, avec la nomination d’un juge antiterroriste. Les autorités libyennes nous apportent tout leur soutien et nous les en remercions !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi ce jour, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés, d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution de la loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’ordre du jour appelle le débat sur la politique européenne de la pêche, organisé à la demande du groupe UDI-UC.

La parole est à M. Jean-Claude Merceron, orateur du groupe auteur de la demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Merceron

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit à la veille de la suspension printanière des travaux parlementaires se retrouve au cœur du calendrier de la politique commune de la pêche, la PCP. En effet, le Conseil des ministres de la pêche s’est déroulé ce lundi 22 avril.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demanderai d’emblée de bien vouloir nous exposer tout à l’heure les avancées des négociations du « trilogue informel ».

Le groupe UDI-UC est persuadé que la pêche, qui représente encore en France plus de 80 000 emplois directs et induits, est un secteur économique d’avenir, même s’il est en pleine mutation, comme à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, en Vendée.

Il est utile de rappeler ici que la France, notamment grâce à la dispersion de ses territoires ultramarins, possède, avec 11 millions de kilomètres carrés, le deuxième domaine maritime mondial après celui des États-Unis. Pourtant, elle n’occupe, avec 10 % des captures, que le quatrième rang de l’Union européenne.

Selon les chiffres de la Commission pour l’année 2012, l’Union européenne, qui ne représente que 4, 4 % de la production mondiale de la pêche et de l’aquaculture, annonce un doublement du déficit de sa balance commerciale en trente ans. Et la baisse est constante ! C’est ainsi que l’Union européenne doit importer plus de 65 % du poisson qu’elle consomme.

Au moment où une grande partie du Gouvernement se trouve en Chine pour défendre notre commerce extérieur, il me semble important de rappeler que la pêche est une spécialité française à soutenir.

Si les atouts sont indéniables, la situation est, somme toute, très critique et mérite une réforme qui réponde aux objectifs de préservation des stocks et de l’environnement marin, de garantie de la viabilité économique des flottes de l’Union européenne, celle de la France en particulier, et de qualité des produits issus de la mer pour les consommateurs.

Nous sommes également au lendemain, dans le cadre de la procédure de codécision, du vote par le Parlement européen du rapport d’Ulrike Rodust sur la réforme de la pêche, puisque ce vote a eu lieu le 6 février dernier. Il a ainsi été majoritairement décidé de mettre en œuvre, sans nuance, la pratique des rejets en mer ; c’est bien ce manque de nuance qui me préoccupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Merceron

Nous nous retrouvons dans la phase finale d’un processus qui a commencé en avril 2009, avec l’adoption par la Commission européenne du Livre vert pour une vision de la pêche en 2020, après analyse de son fonctionnement actuel et de ses enjeux.

Dès le mois de mai 2009, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques organisait au Sénat un débat sur « la politique de l’État en matière de gestion des ressources halieutiques et des pêches », prolongeant le rapport sur « l’apport de la recherche à l’évaluation des ressources halieutiques et à la gestion des pêches », que notre collègue Marcel-Pierre Cléach à rendu public fin 2008.

Au mois de décembre 2009, la France, à l’issue des assises de la pêche lancées par Michel Barnier et clôturées par Bruno Le Maire, alors ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, présentait, en réponse au Livre vert de la Commission européenne, avec son Livre bleu, le constat partagé d’une nécessaire réforme.

Le 16 juillet 2010, le Sénat adoptait, sur le rapport de notre collègue Charles Revet, la proposition de résolution sur la politique commune de la pêche, déposée le 29 juin précédent par Charles Gautier, au nom de la commission des affaires européennes.

La Commission européenne, les 15 juillet, 20 juillet et 7 décembre 2011, validait plusieurs propositions de règlements communautaires, complétées par des rapports et des communications.

Plus près de nous, le Sénat mettait en place un groupe de travail associant les commissions des affaires économiques et des affaires européennes, dont les conclusions ont abouti, en juin 2012, à la proposition de résolution relative à la réforme de la politique commune de la pêche, présentée par nos collègues Joël Guerriau, Odette Herviaux, Gérard Le Cam, Bruno Retailleau et Charles Revet, proposition que nous avons adoptée le 3 juillet dernier.

Je fais ces rappels pour vous faire comprendre, monsieur le ministre, combien le Sénat se veut acteur de la réforme de la pêche européenne.

S’agissant de la politique commune de la pêche, avant d’aborder les questions qui sont primordiales pour la PCP de 2014 à 2020, je voudrais évoquer la situation actuelle de la ressource et porter une rapide appréciation sur la politique suivie.

Selon les chiffres fournis par la Commission européenne, on est passé, de 2004 à 2011, de plus de 90 % à 47 % des stocks en situation de surpêche, alors que, dans le même temps, le nombre d’espèces dont le stock est évalué est passé de 34 à 38. Ont par ailleurs été autorisées, en 2012 et en 2013, des augmentations des quantités maximales de poissons d’une espèce pouvant être prélevées sur une zone et une période délimitées – les totaux admissibles de captures, ou TAC –, tout en respectant l’objectif d’avoir des stocks en référence au rendement maximal durable, ou RMD.

Le RMD est à la fois un changement d’objectif au regard de la PCP de 2003 et une anticipation sur celle que nous essayons d’élaborer.

En effet, il faut le rappeler, la PCP de 2002 avait pour seul objectif le maintien des stocks dans les limites biologiques de leur exploitation durable.

Comme je l’indiquais dans mon intervention à cette même tribune en 2009, la surpêche n’est pas le seul facteur de raréfaction de la ressource. Il convient de bien identifier l’ensemble des causes et leur impact réel.

À bord des bateaux, la conservation des rejets soulève de multiples problèmes, à commencer par la sécurité même des bateaux quand la pêche est trop importante et le salaire des marins-pêcheurs qui auront la charge de la gestion des rejets.

Au débarquement se pose la question des filières, notamment du renforcement de celle des farines animales, mais aussi de celle de l’approvisionnement en matières premières de l’industrie parapharmaceutique autour du marché des Oméga 3.

Par ailleurs, comment seront considérés les rejets débarqués s’ils sont soumis à la réglementation des quotas ? Il est indispensable, monsieur le ministre, que nous parvenions à un compromis avant une valorisation optimale des rejets.

Dans cette perspective, je demande que l’État français s’engage à soutenir une interdiction progressive des rejets, qui ne devrait pas concerner l’ensemble des espèces exploitées et des espèces règlementées ; un élargissement du calendrier pour correspondre à la capacité d’adaptation des filières ; une révision à la hausse des quotas concernés par l’interdiction ; des niveaux d’exemption de minimis adaptés à la réalité de chaque pêcherie, à fixer lors de la mise en place de plans de gestion.

Ces niveaux pourraient se situer entre 7 % et 9 % ; je sais que le Parlement européen y est opposé, mais le zéro absolu est à mon avis un non-sens économique et il conduira, de surcroît, à une augmentation de la fraude, dont le contrôle sera difficile.

L’État doit enfin s’engager à soutenir l’introduction de mécanismes de flexibilité facilitant la mise en place de l’interdiction des rejets, l’aide à la recherche pour améliorer la sélectivité des engins de pêche et le soutien à un renouvellement de la flotte par des bateaux plus performants et plus éco-responsables.

S’agissant des quotas individuels transférables, les QIT, il semble que les concessions de pêche transférables ne soient plus un sujet, le Parlement européen entendant supprimer cet instrument et la Commission ne souhaitant pas le rendre obligatoire. Pouvez-vous nous le confirmer, monsieur le ministre ? Savoir que la France ne s’engage pas dans cette direction nous rassurerait !

J’en viens à l’extension dès 2015 du rendement maximal durable, le RMD, à toutes les espèces.

Le RMD est un système de gestion à long terme de la pêche communautaire visant à garantir une exploitation des ressources halieutiques dans des conditions économiques, environnementales et sociales durables.

L’objectif partagé est, à terme, la reconstitution de stocks qui seront de surcroît en capacité de se renouveler. Ce système favorisant une augmentation des captures pour des durées de sortie réduites des bateaux, la compétitivité de la pêcherie européenne serait accrue.

Il faut être réaliste et pragmatique. En effet, certaines pêcheries ont des stocks qui se trouvent déjà au niveau du RMD. C’est le cas pour le cabillaud en mer Celtique, ou pour la sole en Manche Ouest.

Cependant, d’autres stocks exigent plus de temps pour atteindre l’objectif : la fixation de l’année 2020 semble un bon compromis, qui doit être intégré dans le règlement de base.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Merceron

S’agissant du renforcement de l’organisation commune des marchés, je salue, tout d’abord, le lancement officiel, hier, par Mme Maria Damanaki, commissaire européenne chargée de la pêche et des affaires maritimes, de l’Observatoire européen des marchés des produits de la pêche et de l’aquaculture, l’EUMOFA.

L’accès aux données de la production était attendu depuis des années.

En matière d’organisation commune des marchés, si la Commission a ouvert le chantier, il faut reconnaître que l’organisation, au niveau de la PCP, n’est pas suffisamment opérationnelle.

Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quelles orientations, en termes de proposition de règlement, seraient susceptibles de renforcer le rôle des organisations de producteurs et de limiter les possibilités d’intervention aux questions du stockage ?

J’aborderai, ensuite, la question de la gestion du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, le FEAMP, qui va remplacer le Fonds européen pour la pêche, le FEP, contribue au financement des objectifs de la politique commune de la pêche.

On sait que cet instrument financier, dont on ne connaît pas le niveau d’intervention, doit élargir son champ d’intervention, notamment, aux questions environnementales. Certains pays, comme le Danemark, se sont prononcés en faveur d’un règlement transitoire, comme en matière de politique agricole commune. La France est-elle sur la même ligne ? Je vous remercie de nous éclairer sur ce point, monsieur le ministre.

Compte tenu des masses financières en jeu, les financements doivent être mieux ciblés pour être plus efficaces.

Pouvez-vous nous assurer que l’enveloppe disponible pour la France est équivalente au FEP sur la partie en gestion partagée ?

Les aides à la reconstruction de la flotte doivent être maintenues. En effet, la moyenne d’âge des bateaux, passée de cinq à dix-huit ans, ne favorise pas l’installation des jeunes, qui sont en droit d’exiger des bateaux plus sûrs, plus confortables, plus sécurisés et plus adaptés aux nouvelles exigences d’une pêche raisonnable et rentable.

Quelles que soient les considérations communautaires sur le sujet, la modernisation des navires n’induit pas la surpêche. Au contraire, elle permet d’adapter les moyens technologiques aux choix économiques des chefs d’entreprise et de favoriser les engins qui réduisent les captures accessoires.

Il faut, monsieur le ministre, que la France défende cette prime à la rénovation des bateaux.

J’en viens à la gouvernance régionalisée des pêches.

Dans la précédente politique commune de la pêche, la régionalisation, bien qu’inscrite, n’a pas su s’imposer et trouver ses modalités de fonctionnement, notamment du fait des réticences des autres États membres.

En France, nous avons sept conseils consultatifs régionaux, les CCR, qui ont le mérite d’exister. Ils doivent être les « mini-parlements » pour l’élaboration et la mise en œuvre des normes en référence aux règles de la PCP.

Il reste ainsi à clarifier les niveaux d’intervention des CCR, qui ne doivent en aucune manière se substituer au Conseil des ministres ou au Parlement européen.

Quant à la Commission européenne, elle doit se doter des moyens de communication adéquats pour suivre les travaux du niveau régional.

La défense de la régionalisation a pour objectifs de s’opposer à une renationalisation parfois aveugle et, surtout, de défendre les petites entreprises qui se développent au niveau local et font la vie de notre littoral. La Vendée en est une illustration, et vous savez que j’y suis tout particulièrement attaché.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Merceron

Ce chapitre me permet d’aborder les missions et moyens d’IFREMER.

En 2009, j’appelais de mes vœux un rapprochement fructueux entre les scientifiques d’IFREMER et les professionnels de la pêche concernant, notamment, l’évaluation des stocks. Je me réjouis que ce lien existe aujourd’hui et qu’il rapproche dans un diagnostic partagé les études scientifiques menées dans la durée et les constats empiriques des pêcheurs. Cette expertise partagée a favorisé la régulation de la pêche pour une préservation et un renouvellement des stocks de certaines espèces.

Comme tout le secteur public, l’IFREMER est soumis à la contrainte des moyens. Certains redéploiements ou regroupements ont été réalisés, notamment pour ce qui concerne l’unité de Lorient, dont une partie des travaux de recherche est dédiée à la sélectivité des engins de pêche. Cette unité est un maillon important dans la réflexion conduite pour limiter les prises accessoires et conforter la politique d’interdiction des rejets.

Si les CRR représentent le bon niveau pour que les décisions soient bien préparées et comprises, ils doivent bénéficier de l’expertise d’IFREMER et être accompagnés dans leurs travaux, ce qui renforcera d’autant les liens entre les pêcheurs et les scientifiques.

Monsieur le ministre, je vous remercie de conforter I’IFREMER dans sa mission en lui donnant les moyens d’accompagner la régionalisation de la PCP. En effet, certaines spécialités scientifiques se perdent actuellement, du fait des départs à la retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Merceron

J’en viens à la pêche ultramarine.

Nos outre-mer font rayonner la France sur tous les océans. Pour conforter leurs missions dans le domaine de la pêche, il convient de prendre en compte leurs spécificités.

Tout d’abord, il faut les protéger en créant des zones de pêche durable autour des îles.

Les instruments financiers européens d’intervention doivent ensuite les aider à moderniser les bateaux, afin que soit pratiquée une pêche plus respectueuse du milieu marin.

Les traités européens nous permettent de les aider plus et mieux que les autres régions. Il faut les défendre, même si notre pays est forcément plus isolé que les autres dans ce combat.

Il faut aussi que Mayotte devienne une véritable région ultrapériphérique, au sens communautaire du terme.

Le dernier sujet sur lequel je souhaite vous interroger concerne la pêche des espèces en eau profonde.

Monsieur le ministre, quels sont les projets de règlements européens et quel est l’engagement de la France sur ces mêmes projets ?

En conclusion, les objectifs de la politique commune de la pêche semblent être partagés.

Il reste à trouver un compromis pour mettre en place les instruments adaptés, répondre aux défis majeurs des prochaines années portant sur la menace d’extinction de certaines espèces, mieux appréhender la gestion des stocks et leur renouvellement et enfin redonner confiance à un secteur où à la fragilité économique s’ajoutent la dépendance climatique et la dureté du travail.

En mars dernier, monsieur le ministre, nous étions réunis en salle des conférences pour honorer les meilleurs apprentis de France. Nous avons eu la chance de distinguer un apprenti pêcheur passionné et talentueux : ni le Sénat, ni la France, ni l’Europe ne doivent le désespérer ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Dans la suite du débat, la parole est à M. Bruno Retailleau.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Je tiens tout d’abord à remercier Jean-Claude Merceron et son groupe d’avoir proposé ce débat important, qui tombe à point nommé. Nous sommes en effet parvenus au terme d’un processus qui a commencé voilà presque quatre années, avec la parution du Livre vert. Depuis lors, la Commission a exprimé à deux reprises, en juillet et décembre 2011, des propositions qui sont désormais sur la table, sous la forme d’un paquet législatif en trois volets.

Le premier volet, sans doute le plus important, est le règlement de base. Le deuxième volet concerne l’organisation commune des marchés. Enfin, le troisième volet a trait au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, le FEAMP, qui remplace le FEP.

Le Sénat, pour sa part, n’est pas resté inactif depuis 2009. En effet, dès la parution du livre vert, nous avions exprimé une position commune, très consensuelle et largement partagée au-delà des clivages partisans, et plaidé pour une position beaucoup plus équilibrée.

Nous avons renouvelé ce souhait d’équilibre voilà un an, une fois connues les propositions de la Commission.

Enfin, le 3 juillet, Jean-Claude Merceron l’a rappelé, nous avons de nouveau voté à l’unanimité une proposition de résolution qui avait pour objectif de conforter la position du Gouvernement dans les négociations européennes.

Depuis lors, le processus de codécision est en route entre le Conseil et le Parlement européen. Ce dernier exprime, au travers des positions qu’il adopte, une vision et des propositions très excessives, souvent même plus radicales que celles de la Commission.

Les discussions, hélas ! traînent à ce point qu’il nous faudra sans doute attendre le mois de juillet prochain pour qu’intervienne, au sein de la Commission, le vote permettant de mettre en place le FEAMP.

Pour ce qui concerne le Conseil, les États membres avaient souhaité, dès juin 2012, atténuer la sévérité des propositions de la Commission, ce à quoi le gouvernement français avait largement contribué.

Puisque nous sommes entrés, avec ce mécanisme européen de la codécision, dans le trilogue entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission, je souhaite, pour compléter les propos de Jean-Claude Merceron, faire le point sur les sujets les plus importants.

Sur le premier volet, qui concerne le règlement de base, les points de désaccord sont nombreux.

Un consensus a cependant été trouvé sur les concessions de pêche transférables : tandis que le Parlement européen souhaitait leur suppression pure et simple, le Conseil a proposé qu’elles soient rendues facultatives à l’égard des États membres. Il semble donc que tout danger soit désormais écarté sur ce point.

Par quel mécanisme cette idée, si excessive, de concessions de pêche a-t-elle pu germer dans un cerveau technocratique ? Une telle mesure aurait en effet conduit à la privatisation de la ressource, à la concentration autour des plus gros armements et aurait eu des conséquences dramatiques sur la pêche qui a la préférence de la France : la pêche artisanale.

Restent deux dangers, l’un mineur, l’autre majeur.

Le danger mineur est lié au rendement maximum durable. L’approche du Conseil, graduelle jusqu’en 2020, nous conviendrait plutôt, alors que celle du Parlement européen est extrêmement rigide et encore plus excessive que celle de la Commission européenne.

Le Parlement propose en effet de fixer des taux de mortalité dès 2015, de dépasser le RMD en 2020 pour tous les stocks et de prendre la biomasse comme base de son raisonnement.

Sur ce sujet, les scientifiques ne sont pas tous d'accord. Se servir du concept de biomasse pour appréhender le RMD signifie que la pêche est appelée à devenir la variable d'ajustement des stocks, quand bien même il s’agirait d’un problème lié, non pas à la pêche elle-même, mais, par exemple, à la pollution ou au dérèglement climatique.

Il s'agit là d'une position extrêmement brutale. Si nous devions la suivre et que, dès 2015, nous soyons contraints d'appliquer le RMD, la France devrait fermer 50 % de ses pêcheries sur son territoire métropolitain et ultramarin. Je rappelle que, au sommet mondial de Johannesburg, il a été précisé que le terme pour atteindre le RMD était non pas 2015, mais 2020. Nous sommes en quelque sorte plus royalistes que le roi !

Monsieur le ministre, certes, des compromis peuvent être trouvés, mais ce sujet reste une source d'inquiétude.

Le danger majeur concerne la question des rejets. Je partage l’analyse de notre collègue Jean-Claude Merceron. La Commission européenne continue de proposer l'obligation de débarquer toutes les captures d'ici à 2015, alors que le Parlement européen a voté une obligation stricte à partir de 2014, avec une souplesse minimale de l'ordre de 5 %. C'est d’autant plus compliqué que ce dernier souhaite appliquer cette règle à l'ensemble des espèces commercialisables et pas seulement à celles qui sont soumises aux taxes, aux quotas ou, en Méditerranée, aux mesures.

Ni nos pêcheurs ni leurs bateaux, en termes de puissance comme de place à bord, ne seront en mesure d’appliquer cette règle d'ici à douze mois ou dix-huit mois. Quant aux ports, j’imagine que ce sera encore une fois aux collectivités territoriales de payer, puisque, vous le savez bien, même s’il peut y avoir des concessions, les départements en sont propriétaires.

Surtout, cette obligation aurait des effets pervers que je souhaite souligner.

D’abord, elle serait un encouragement à la filière minotière et aux farines animales. Est-ce que nous voulons ?

Ensuite, elle favoriserait la création d’un marché parallèle sur les espèces commercialisables. Là aussi, est-ce ce que nous désirons ? Je ne le crois pas. Il faut donc veiller à ce que cela ne se produise pas.

Encore une fois, je pense que le principe du zéro rejet est en soi un bon principe, sous réserve que soient réunies trois conditions qui sont autant de nuances.

Premièrement, il faut une gradualité, c'est-à-dire une sorte de préparation. Nous devons tendre vers cet objectif pour laisser aux marins-pêcheurs le temps d'adapter les bateaux.

Deuxièmement, il faut assortir cette mesure de mesures de sélectivité des techniques de pêche. Ce qui importe, c'est que ne soit pas capturé n'importe quoi, ce dont conviennent les marins.

Troisièmement, il faudra toujours conserver une tolérance, sans doute de l’ordre de 10 %. Je pense que la règle de minimis doit être prise en compte. Puisque c’est le cas pour d'autres règlements sur d'autres sujets, comme vous le savez bien, monsieur le ministre, pourquoi ne pourrait-il pas en être de même en matière de pêche ?

Monsieur le ministre, Jean-Claude Merceron vous a posé de nombreuses questions. Je me contenterai de vous en poser une seule, qui porte sur le vote du Parlement européen et les nombreuses inquiétudes qu’il suscite.

Le Parlement européen a d'abord voté la création de zones de reconstruction de stocks, qui seraient des zones de pêche interdite. Quelle sera la position du gouvernement français sur ce point à propos duquel il ne s'est pas encore exprimé ?

Le Parlement européen souhaite ensuite gérer la capacité de la flotte, en proposant une définition de la capacité qui prendrait en compte tout ce qu'un bateau peut capturer. Ce concept est tellement subjectif que même les scientifiques ne s’y retrouvent pas !

Si cette position était validée, elle pourrait conduire à ce que la France soit condamnée et privée d'aides de façon sans doute définitive. Il s’agit donc là d’un enjeu extrêmement important.

La troisième source d'inquiétude concerne les plans de gestion des espèces, sur lequel le Parlement européen souhaite une compétence partagée, en dépit de l'article 49-3 du Traité. Or il s’agit sans conteste d’une compétence exclusive des États et du Conseil – d’ailleurs, le Conseil des ministres chargés de la pêche se réunit aux mois de juin et de décembre pour évoquer ce sujet. D’ailleurs, si une telle compétence relevait de la codécision, où irions-nous ? Très vite, la pêche pourrait disparaître en France…

S’agissant du FEAMP, on peut, certes, regretter la baisse des crédits d'environ 200 millions d'euros – sur 7, 3 milliards d'euros toutefois –, mais elle est la conséquence de l'accord budgétaire pluriannuel 2014-2020, et le cadre permet encore aux pêcheurs de travailler. Un bateau de dix-huit ans peut présenter des faiblesses sur le plan de la sécurité ; il faut donc que des moyens soient alloués à la modernisation.

Par ailleurs, si l’on veut pouvoir disposer d'une enveloppe dès 2014 – et, 2014, c'est demain ! – et que des dispositions soient rapidement prises, la ligne rouge est presque atteinte. Nous sommes engagés dans une course de vitesse. Le Parlement européen doit impérativement prendre position et le trilogue arriver très vite à une conclusion pour que nous disposions d’un FEAMP opérationnel au second semestre de 2013 et que 2014 ne soit pas une année perdue pour la mise en place des dispositifs.

Certains de ces dispositifs sont d'ailleurs choquants. Je ne prendrai qu’un seul exemple. Le FEAMP prévoit de reconvertir les marins-pêcheurs, alors qu’il existe des fonds de formation professionnelle et de reconversion qui peuvent financer de telles mesures. À mes yeux, il est choquant de vouloir à tout prix proposer des formations aux marins-pêcheurs pour les pousser à quitter un métier, certes, excessivement difficile mais qu'ils aiment, après que tant de bateaux ont été « cassés » pour faire en sorte qu’ils soient de moins en moins nombreux. Or, monsieur le ministre, je peux vous citer des patrons pêcheurs qui, ne trouvant plus de main-d'œuvre française, doivent embaucher des marins étrangers ! Il faut donc au contraire offrir des perspectives à nos jeunes et aux marins-pêcheurs français.

Je conclurai mon propos en formulant deux observations.

Ma première observation porte sur le développement durable, qu’il faut bien sûr avoir en vue.

Le développement durable, c'est, certes, la protection de l'environnement : les stocks doivent être reconstitués et la surpêche est à bannir. Mais le développement durable a aussi une dimension sociale – en a-t-on parlé ? – et une dimension économique, dont nous parlons précisément maintenant.

Mme Laurence Rossignol s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Gardons-nous d'avoir une vision manichéenne et simpliste de la pêche, ma chère collègue, selon laquelle il faudrait, pour sauver les poissons, sacrifier les pêcheurs ! Il existe certainement une voie médiane qui doit permettre de sauver les pêcheurs et, en même temps, de préserver des stocks halieutiques.

Savez-vous, mes chers collègues, que les prises européennes constituent 5 % des prises mondiales et que nous importons désormais près de 80 % de notre consommation nationale de poissons ? Savez-vous également que, en termes d'évaluation, seulement 50 % des stocks font vraiment l'objet d'une évaluation scientifique ?

Jean-Claude Merceron a cité l'exemple du cabillaud en mer Celtique. On voit bien que, dès qu'une collaboration s'établit entre les scientifiques et les pêcheurs, les plans de pêche sont beaucoup plus faciles à mettre en œuvre ; le dialogue se crée, car les pêcheurs sont intelligents et les scientifiques ont besoin de leurs connaissances. Il faut donc avoir une vision, non pas simpliste et manichéenne, mais au contraire équilibrée de la politique de la pêche

Ma seconde observation porte sur les enjeux.

La politique de la pêche ne se réduit pas à la pêche ; elle englobe de nombreux autres sujets : le tourisme, la culture, les énergies nouvelles. La mer regorge de richesses. La France a une ambition maritime ; elle est le deuxième domaine maritime mondial. Mes chers collègues, n'imaginez pas que nous pourrons demain faire valoir toutes ces richesses et le rayonnement qu’elles nous procurent si nous sacrifions nos pêcheurs ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à mon tour à saluer l'initiative du groupe UC-UDI. Je remercie en particulier M. Merceron des propos très techniques et très complets qu'il a tenus, ce qui nous permet de laisser parler nos émotions et d’exprimer des réactions à chaud.

Nous sommes tous d'accord pour dire que nous avons besoin de la mobilisation des parlementaires nationaux pour défendre la pêche. Nous devons aider le Gouvernement à défendre les priorités qu’il s’est fixées, et je regrette que ce débat, qui a lieu à la veille de la suspension des travaux parlementaires, n’ait pas attiré plus de monde dans cet hémicycle.

Mes deux collègues qui sont intervenus avant moi à cette tribune ont l’un et l’autre déploré les positions dogmatiques du Parlement européen. Il est sûr que, si ce dernier avait une meilleure connaissance du monde de la pêche, du monde des pêcheurs, de la réalité de la « maritimité » sur certaines de nos façades, nous n'en serions pas là.

Je rappelle, puisque ce débat a cours aussi bien à Bruxelles qu’ici, que certains parlementaires ont rencontré la commissaire européenne Mme Damanaki ; parmi nous se trouvait l’actuel ministre chargé de la mer et de la pêche, qui était alors député. À l’issue d’un débat très vif, voire assez dur, Mme Damanaki nous a répondu qu’il serait toujours impossible de discuter avec nous, Français, puisqu'elle défendait les poissons, alors que, nous, nous défendions les pêcheurs ! C'est une vision erronée, parce que, si l’on défend les pêcheurs, on défend aussi la pêche et les poissons.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Monsieur Retailleau, vous avez souligné que les pêcheurs étaient des gens intelligents.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

S’il est vrai que, durant des années, ils ont exagéré, ils savent aujourd'hui que leur avenir dépend entièrement de la survie des espèces. Ils sont donc partie prenante à la recherche et aux efforts déployés en faveur d’une défense globale.

Il est toujours bon de parler de développement durable, mais, si l’on aborde ce problème, qui a aussi une dimension économique et sociale, par le petit bout de la lorgnette, c'est-à-dire du seul point de vue de la préservation de la biodiversité, nous n’irons pas vers des lendemains qui chantent !

Cette vision du développement durable comme d’un trépied indispensable – biodiversité, économie, approche sociale – nous permet de dire qu'il faut aller au-delà des positions du Parlement européen.

J'espérais beaucoup de la nouvelle façon de travailler en Europe et du nouveau positionnement du Parlement européen. Sur la politique agricole commune par exemple, j’estime que le Parlement a pris une position intelligente et un effort important a été consenti. On a avancé sur l'équilibre nécessaire entre les trois pôles du développement durable.

En revanche, sur la pêche, je fais partie de ceux qui ont été très déçus par le durcissement du Parlement européen, alors que les propositions de Mme Damanaki étaient déjà absolument intenables pour notre pays et d'autres pays européens.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Cette semaine a vu plusieurs réunions d’importance se tenir sur l’initiative de la présidence irlandaise : un Conseil des ministres de la pêche de l’Union européenne et un trilogue informel.

Sur les sujets cruciaux qui ont déjà été abordés – rendement maximum durable, rejets, régionalisation, modernisation de la flotte, plans pluriannuels –, notre ministre fait preuve d'une cohérence et d’une détermination qui permettront, je l’espère, d'aller vers une position plus raisonnable et plus tenable.

Le parti pris de la Commission européenne est à mon sens dogmatique. Elle a en effet jusqu'à présent superbement ignoré tous les efforts exemplaires consentis par les professionnels de la mer, en lien avec les scientifiques, certains groupes d’experts ou des ONG. Tous ces efforts montrent d'ailleurs que les pêcheurs ont pleinement conscience d’avoir destin lié avec la préservation des ressources halieutiques.

C’est pourquoi, même si ce n’est qu’un piètre pis-aller, je me félicite de la position des eurodéputés socialistes français, qui ont voté contre la réforme du règlement général de la politique commune de la pêche, estimant que le texte défendu par le Parlement européen « ne respectait pas l’équilibre entre le renouvellement de la ressource et la pérennité des activités de pêche européenne ».

Si nous approuvons le principe du rendement maximum durable en tant qu’indicateur rationnel pour la préservation de la ressource, le RMD ne sera légitime et accepté que s’il repose sur une appréciation objective, fiable et, surtout, débattue avec les professionnels. Dans cette perspective, nous rejoignons nos collègues députés européens et les ministres des États membres pour souhaiter la mise en œuvre régionalisée de la gestion des pêches.

Enfin, sur le problème des prises accessoires, je réitère notre ferme opposition à l’interdiction totale des rejets à court terme, car il ne fera, au mieux, que déstabiliser la chaîne alimentaire marine naturelle et déplacer le problème à quai, avec la création d’une filière parallèle de farines animales – je redis tout le mal que je pense, non seulement de cette filière, mais aussi des pêcheries qui s’engagent dans cette voie.

Alors que 65 % des produits de la mer consommés en Europe sont importés, l’Union européenne devrait être en première ligne pour mettre un coup d’arrêt à la délocalisation de son appareil productif. Or le débarquement obligatoire de tous les rejets va détruire nos entreprises de pêche et tous les emplois directs ou induits, particulièrement dans les pêcheries multi-spécifiques, bien connues en Bretagne.

Que se passera-t-il lorsque nous devrons importer, non plus 65 %, mais 90 % ou plus de notre consommation de produits de la mer, alors que nous savons très bien que les aliments qui arriveront en Europe ne répondront aucunement aux normes sociales et écologiques que la Commission prétend défendre ?

Comment en outre concilier l’interdiction pure et simple des rejets avec la sécurité et l’aménagement de navires souvent anciens, et avec la sécurité du travail de nos marins à bord ?

Tant pour le RMD que pour la limitation des rejets, au nom d’un développement durable réel, nous réclamons avec M. le ministre chargé de la pêche une mise en œuvre progressive, qui associe pleinement les professionnels de la mer.

Basées sur des calendriers réalistes et respectueux des pêcheries, les propositions du Conseil en la matière vont dans le bon sens et nous satisfont davantage que celles du Parlement.

Nous restons aussi attentifs à la proposition de la Commission européenne visant à supprimer en deux ans les engins considérés comme les plus nocifs pour l’écosystème d’eau profonde, à savoir les chaluts et les filets maillants de fond. Cela s’apparente à un coup de massue supplémentaire contre la filière et contre une pratique qui, chez nous tout du moins, est extrêmement encadrée. Les acteurs de la pêche en eaux profondes ont ainsi engagé une réduction de plus de 50 % de l’effort de pêche qui a permis la reconstitution de trois principaux stocks – la lingue bleue, le sabre noir et le grenadier.

La demande adressée par le président de la commission de la pêche du Parlement européen à la commissaire européenne de procéder à des études d’impact complémentaires apparaît donc comme un moindre mal.

Monsieur le ministre, vous voyez que nous réaffirmons avec conviction notre soutien plein et entier à notre ministre chargé de la pêche pour l’élaboration et la mise en application d’une réforme réellement durable de la politique commune de la pêche, adossée aux trois piliers que sont l’écologie, l’économie et le social.

M. Cuvillier aura notamment l’occasion de défendre cette réforme durable, qui nécessite l’adhésion et la reconnaissance des pêcheurs, lors du prochain Conseil des ministres chargés de la pêche des 14 et 15 mai ; vous pouvez lui transmettre l’assurance de notre soutien, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en juillet 2011, la Commission européenne a engagé le processus de réforme de la politique européenne de la pêche.

Elle a établi, à cette occasion, un bilan sévère mais juste de la politique menée par l’Europe, qui n’a pas su répondre aux enjeux sociaux, environnementaux et économiques du secteur.

La surpêche, la surcapacité, la mauvaise situation économique de nombreuses entreprises du secteur, les problèmes sociaux imputables au déclin des pêcheries dans de nombreuses régions côtières, les conditions de travail dégradées, le vieillissement de la flotte : tout pousse en effet à construire une autre politique.

Cette construction impose selon nous, au-delà de l’approche purement économique d’hier et de son « verdissement » aujourd’hui, une prise en compte des enjeux sociaux.

Le secteur de la pêche, comme bien d’autres secteurs d’activité, montre à quel point il est urgent d’harmoniser par le haut la protection sociale, le statut et la rémunération des travailleurs.

En ce qui concerne la politique européenne de la pêche, telle qu’elle nous est imposée ou proposée – à chacun de trancher selon ses convictions –, on peut constater que, si un consensus se dégage sur l’objectif d’une pêche durable, des divergences se sont cristallisées au fil des mois sur la méthode.

Les analyses divergent, d’une part, sur l’ampleur des problèmes – je pense ici à la question du rendement maximum durable, et c’est dans ce sens que le Sénat avait insisté sur l’importance d’améliorer la connaissance de l’état des stocks halieutiques – et, d’autre part, sur le calendrier et le champ d’application des mesures avancées. Il en va ainsi de nos engagements pris aux sommets de Johannesburg et de Nagoya comme sur la question des rejets ou encore sur l’instauration des zones d’interdiction de pêche.

Dès juillet 2012, le Sénat a adopté à l’unanimité une proposition de résolution exposant la position des sénateurs sur le contenu du projet de la Commission européenne. Nous nous félicitons que notre assemblée ait, en temps et en heure, porté ses remarques.

La procédure de codécision a avancé. Le Parlement a émis ses propositions de modifications du texte de la Commission. Face aux désaccords persistants entre les institutions européennes, le comité de conciliation a été chargé d’aboutir à un accord sur un projet commun.

C’est dans ce contexte que M. Cuvillier a participé, voilà trois jours, au Conseil des ministres de la pêche de l’Union européenne, dont l’objet principal était d’organiser un nouveau tour de table sur la réforme de la politique commune de la pêche.

Au regard du calendrier, le débat que nous avons aujourd’hui, à la demande du groupe centriste, prend donc tout son intérêt pour notre information en temps réel sur la réforme européenne. Nous ne manquerons donc pas de vous poser quelques questions, monsieur le ministre. En revanche, nous sommes conscients que les négociations à huis clos qui vont s’engager ne laisseront que peu de place aux positions de principe que nous allons maintenant réaffirmer ici.

Comme nous avons déjà eu l’occasion de le signaler, y compris en votant, la réforme de la politique de la pêche suscite plusieurs inquiétudes.

D’une part, nous sommes farouchement opposés, et en cela nous suivons la position du Parlement européen, à la proposition de la Commission, qui préconisait de mettre en œuvre, au plus tard le 31 décembre 2013, pour la majorité des stocks gérés dans le cadre de la politique commune de la pêche, un système de concessions de pêche transférables applicable à tous les navires d’une longueur de douze mètres ou plus et à tous les autres navires utilisant des engins remorqués.

À travers cette mesure, c’est l’appropriation privée de ressources collectives qui est actée.

De plus, ce système présente le risque d’encourager la concentration du secteur de la pêche. Nous pensons qu’il faut donc soutenir l’interdiction totale de cette marchandisation des capacités de pêche et ne pas la soumettre à la volonté de chaque État.

D’autre part, l’approche de la Commission européenne et du Parlement consistant à exiger que le RMD soit atteint en 2015 pour tous les stocks est trop brutale. Elle pourrait conduire la France à fermer 50 % de ses pêcheries, avec des conséquences économiques et sociales irréversibles. Pour notre part, nous soutenons l’orientation générale dégagée par le Conseil Agriculture et Pêche, qui prévoyait un report en 2020 et qui distinguait selon les stocks.

Ensuite, nous estimons que le principe du « zéro rejet », qui n’a pas fait l’objet d’évaluations quantitatives ou qualitatives sur la viabilité des entreprises et l’emploi salarié et non salarié, fait courir un risque considérable à la filière en France. Il paraît injustifié de voir l’interdiction s’appliquer aux espèces qui ne sont pas sous quotas.

Lors de l’adoption de la proposition de résolution sur la réforme de la politique européenne de la pêche par l’Assemblée nationale, en janvier dernier, les députés ont à juste titre souligné les problèmes que poserait de surcroît le contrôle de l’application de cette mesure en termes de libertés publiques. Ils ont également dénoncé le coût des équipements de vidéosurveillance qui devraient être installés sur les bateaux.

Au regard des méthodes de pêche que nous utilisons en France, il est vital d’obtenir une phase de transition afin de réduire les volumes de captures non désirées et d’éliminer graduellement les rejets. Il faut également réfléchir aux exemptions sanitaires à l’obligation de débarquement et procéder à un état des lieux, flotte par flotte.

Il nous semble plus pertinent d’aider la filière à mettre en place des instruments de pêche plus sélectifs et à valoriser les rejets. C’est dans ce sens que notre collègue Gérard Le Cam avait déposé un amendement, adopté par la commission, visant à proposer que « l’organisation commune des marchés permette de mieux réguler les prix au débarquement en criée, et offre des débouchés à l’ensemble des produits pêchés, le cas échéant, par l’activation d’un mécanisme d’intervention et de stockage ».

En ce qui concerne la valorisation des produits non rejetés, un amendement du Parlement européen prévoit que « chaque État membre devrait pouvoir décider d’autoriser ou non la distribution gratuite des poissons débarqués à des œuvres de bienfaisance ou caritatives ». Il nous semble que c’est un minimum et que, là encore, un soutien financier devrait être accordé aux associations concernées.

Enfin, je regrette que la réforme de la PCP ne comporte pas de volet social. La pêche est un secteur qui présente un nombre très élevé d’accidents du travail, par exemple. Il est urgent de procéder à une harmonisation et à une amélioration des règles de travail, de protection sociale et de sécurité à bord. Il est essentiel que cesse la concurrence déloyale qui se fait au détriment des marins-pêcheurs.

Les syndicats de pêcheurs avancent des propositions simples, comme la redéfinition des critères de calcul des jauges pour améliorer la sécurité et préserver l’espace de vie des marins, l’instauration de règles d’hygiène et de sécurité pour la pêche artisanale, ou encore la conditionnalité de l’accès aux soutiens publics à l’application des réglementations.

Pour conclure, je voudrais aborder la question du financement de la politique européenne de la pêche.

Cette question est très importante alors que le nombre de pêcheurs a été divisé par deux en France en trente ans et que plus de 40 % de la disparition des emplois concerne la pêche artisanale côtière. Si l’Europe impose des contraintes aux pêcheurs pour remplir l’objectif, par ailleurs louable, de préservation des ressources halieutiques, elle ne peut pas faire porter sa politique par la filière. Il est absolument nécessaire d’apporter un soutien financier à l’installation des jeunes, à la modernisation des navires et aux plans de sortie de flotte.

Les moyens alloués au Fonds européen pour les affaires maritimes devraient ainsi être renforcés et la France devrait en recevoir une part plus importante en raison de son poids réel dans la pêche européenne.

Nous aimerions en outre savoir quelles vont être les conséquences sur cet instrument financier des décisions prises à l’aune de l’austérité dans le cadre financier de l’Union européenne.

Nous aimerions également avoir des indications sur la part du Fonds européen pour les affaires maritimes qui sera attribuée à la France.

En effet, si les discussions sur le sujet interviennent en juillet prochain, il nous semble difficile, aujourd’hui, d’acter une réforme de la politique européenne de la pêche dès 2014, alors même que le financement ne sera pas déterminé !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

M. Jean-Claude Requier . Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez à un élu des terres d’intervenir dans ce débat qui intéresse au premier chef les élus du littoral. Mais, comme dirait la chanson, « tous les ruisseaux vont à la mer »… Quand on ferme les paupières, ils deviennent rivières et quand on s’endort en y pensant, on entend gronder l’océan !

Bravo ! et applaudissements .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Revenons aux réalités : ce débat a pour objet de faire le point sur les orientations de la future politique commune de la pêche et des négociations en cours.

Considéré à l’échelle nationale, le poids économique de la pêche est peut-être relativement modeste. Cependant, quand on réfléchit à l’avenir du secteur, il faut penser non pas seulement à la production et aux hommes qui partent pêcher en mer, mais aussi à toute l’économie liée à leur activité. Pour le littoral, il est déterminant en termes d’emplois directs et indirects, notamment dans la transformation du poisson. La pêche a également des retombées pour l’économie touristique ; elle amène la vie dans nos ports, de Saint-Jean-de-Luz au Croisic et de Boulogne-sur-Mer à Sète. Elle fait donc partie de nos traditions.

Nous devons la défendre contre ceux, à commencer par la Commission européenne, dont la vision semble suggérer qu’il existe une équivalence « pêcheurs-pilleurs ».

En France, la pêche côtière et artisanale représente 80 % de la flottille. Il y a là des marins-pêcheurs qui connaissent leur environnement et ont intérêt, parce qu’ils sont ancrés dans leur territoire, à préserver la ressource pour demain. Ils possèdent un savoir-faire et sont porteurs de solutions pour une pêche durable.

Il faut cependant instaurer un climat de confiance, disposer de constats scientifiques réellement partagés et mettre fin à une approche annuelle qui prive de toute visibilité.

S’agissant de la confiance – et je m’adresse ici à nos collègues du groupe écologiste –, était-il utile de multiplier les communiqués triomphants à la suite de la décision du Parlement européen d’entériner la réforme proposée par la Commission, ou encore d’accuser les eurodéputés socialistes et UMP français qui ne l’ont pas votée et le Gouvernement de mener un combat d’arrière-garde ?

Il n’y a pas d’un côté les amis des poissons et de l’autre les amis des pêcheurs ! On peut défendre une vision de la pêche qui prenne en compte à la fois l’aspect environnemental, certes fondamental, et les facteurs économiques et sociaux, tout aussi essentiels.

J’en viens au projet de réforme de la politique commune de la pêche, PCP. Un accord quasi général s’est fait en faveur de l’abandon de la généralisation des concessions de pêche transférables. Nous ne pouvons que soutenir cette position, car la généralisation des CPT favoriserait une gestion spéculative de la ressource halieutique et la concentration des entreprises, au détriment des professionnels qui pratiquent la pêche artisanale.

S’agissant de la mise en œuvre du rendement maximal durable, la position du Parlement européen paraît irréaliste et méconnaît la diversité des situations.

En Méditerranée, la collecte de données fiables, nécessaire pour la bonne mise en œuvre du RMD, semble déjà compromise : non seulement les zones de pêche internationales se superposent, mais, de surcroît, les pêcheries mixtes y constituent la règle. Les stocks ne sont bien connus que pour trois espèces – le thon rouge, le merlu et le rouget-barbet – sur plus de soixante-cinq espèces exploitées.

Monsieur le ministre, il faut des mesures d’accompagnement et des délais raisonnables.

Que dire de l’interdiction des rejets en mer et du calendrier restreint – 2014 à 2017 – de son application progressive ? Le Gouvernement s’est résolu à en accepter le principe, mais il eût été plus approprié de faire porter l’effort sur la sélectivité, quitte à prononcer une interdiction stricte si aucun progrès n’était réalisé ; les pêcheurs le comprennent bien d’ailleurs.

En outre, la profusion de petits ports dans le bassin méditerranéen rend nécessaire l’aménagement de structures de collecte. Or il semble qu’aucune aide n’ait été prévue pour leur construction.

Pis, l’objectif « zéro rejet » va pouvoir alimenter une filière de farines animales que la France rejette.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Nous attendons donc une position ferme et des mesures d’application réalistes.

Pour terminer sur une note positive, nous sommes satisfaits du récent arbitrage du Premier ministre sur la gestion du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, FEAMP, qui va, comme nous le souhaitions, dans le sens d’une régionalisation et d’une véritable participation des régions.

Ce fonds doit accompagner les changements structurels nécessaires au développement d’une pêche plus durable ; je pense notamment à l’installation des jeunes et au renouvellement de la flotte vétuste, à bord de laquelle les conditions de vie sont indignes, ce qui contribue à expliquer le manque de vocations, par des navires pêchant moins mais mieux et de façon plus rentable.

« Homme libre, toujours tu chériras la mer ! », écrivait Baudelaire. Les marins-pêcheurs chérissent toujours la mer mais ils sont de moins en moins libres. Mettre fin à la surpêche tout en donnant un avenir aux pêcheurs, voilà un véritable défi.

Monsieur le ministre, je ne doute pas que le Gouvernement saura faire preuve de sens du dialogue et de pragmatisme pour relever ce défi. §

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui nous occupe soulève des enjeux considérables, tant sur le plan social que sur le plan environnemental.

Cela explique sans doute qu’il s’apparente, si vous me permettez cette expression, à un véritable serpent de mer. La réforme de la PCP est en effet attendue depuis de nombreuses années, mais ce n’est que cette année qu’elle est entrée dans ce qui devrait être la phase ultime de sa discussion.

Le Parlement européen s’est prononcé sur l’essentiel des propositions de la Commission, qui font désormais l’objet de discussions entre cette dernière et le Conseil des ministres ; je pense notamment au règlement qui constitue l’armature de la réforme et au texte visant à réorganiser le marché commun de la pêche.

Les nouvelles dispositions concernant le Fonds européen pour la pêche et son financement seront quant à elles étudiées ultérieurement.

La position des écologistes sur ce dossier est connue de tous, quoiqu’elle soit peut-être moins caricaturale que certains l’ont laissé entendre. Notre position s’explique par un chiffre, que nous nous accordons tous et toutes à trouver alarmant : en Europe, 88 % des stocks de poisson sont surexploités. Autrement dit, c’est bien à un pillage des océans que nous assistons.

L’ancienne PCP a échoué. Elle n’a pas permis de gérer correctement les ressources halieutiques, ce qui met en péril la biodiversité marine et la bonne alimentation mondiale, mais aussi les pêcheurs eux-mêmes. Ce secteur est aujourd’hui en déclin en raison de la baisse du nombre des emplois comme des rémunérations. Toutes ces dimensions sont liées, et la situation nous invite à changer radicalement de cap.

Les règles doivent donc évoluer. Elles devront naturellement être déterminées avec tous les pêcheurs – les gros comme les plus petits – pour aller dans le sens d’une gestion durable de la ressource. Cela suppose plusieurs changements structurels qui ne vont pas de soi.

Tout d'abord, les critères d’accès au droit de pêche doivent se fonder sur une économie de la ressource et donner lieu à une contrepartie, à savoir le renouvellement assuré des stocks.

Ensuite, nous devons mettre en place des plans de gestion à long terme basés sur une approche écosystémique, ce qui implique évidemment de collecter des données scientifiques pour établir les fondements d’une gestion durable.

C’est à une pêche de qualité, et donc à une petite pêche, à une pêche artisanale, que la priorité doit désormais être donnée. Les capacités de flotte doivent être proportionnées aux ressources disponibles, et les flottilles doivent être adaptées techniquement à ces nouvelles contraintes.

Nous devons également réfléchir à la mise en place d’une gestion décentralisée et régionalisée de la PCP et de ses moyens, tout en renforçant les mesures de lutte contre la pêche illégale.

À ce stade, je veux rappeler les points centraux défendus par les écologistes.

Les concessions de pêche transférables, CPT, que la Commission européenne souhaitait imposer constituaient notre principal point d’achoppement avec ses propositions initiales. Il s’agissait de pouvoir échanger des droits de pêche sur un marché, dans une logique proche de celle qui prévaut sur le marché du carbone, dont on voit, hélas ! les limites aujourd’hui. Ce système aurait été nuisible à l’exploitation durable des ressources halieutiques, en conduisant à concentrer les droits de pêche au profit de quelques-uns, au détriment de la pêche artisanale. Nous nous félicitons donc que le Parlement européen l’ait rejeté, en renvoyant aux États le soin d’attribuer les droits de pêche selon les modalités qu’ils choisiront.

Monsieur le ministre, j’espère que la France veillera à ce que cette avancée ne soit pas remise en cause lors des ultimes négociations. Je rappelle d’ailleurs que le Sénat, anticipant la réforme, avait adopté dès le 16 juillet 2010 une résolution critiquant les positions prises, en particulier sur ce point précis, par la Commission dans le Livre vert de 2009.

Certaines propositions formulées par les États constituent un autre point d’achoppement pour les écologistes. Je pense notamment à la question de l’interdiction des rejets en mer, qui est un élément central de la réforme initiée par la Commission européenne et que le Parlement européen a soutenue et même renforcée.

Cette mesure reviendrait à interdire purement et simplement les rejets, obligeant les navires de pêche à ramener à terre toutes les quantités pêchées, y compris les poissons aujourd'hui rejetés à l’eau faute de correspondre aux critères de taille et d’espèce – poissons qui, de manière générale, ne survivent de toute façon pas.

Plusieurs gouvernements se montrent opposés à cette interdiction. Les parlementaires écologistes français et européens sont en désaccord avec la position du gouvernement français. À dire vrai, nous souhaiterions même aller plus loin que la proposition actuelle, en couplant cette interdiction des rejets en mer avec l’obligation de déduire des quotas tous les poissons débarqués.

Nous sommes conscients que cette approche suppose que les pêcheurs soient incités à ne pas pêcher les espèces marines indésirables et protégées, par exemple en utilisant des engins plus sélectifs, mais aussi que soient adoptées des mesures propres à éviter la création d’un marché parallèle pour les prises dites accessoires et la pêche illégale.

La mise en œuvre de nos préconisations nécessiterait évidemment des moyens importants, afin d’attribuer des aides à la modernisation des flottilles et même à la mise en place de dispositifs de recherche et de développement renforcés.

Dans la conjoncture actuelle, c’est un des arguments avancés pour repousser cette proposition essentielle. Le manque de moyens n’est pourtant pas nouveau, et il ne doit rien à la conjoncture. Le Fonds européen pour la pêche n’était doté que de 4, 3 milliards d’euros pour la période 2007-2013. Cette somme n’est certes pas anodine, mais elle paraît bien insuffisante au regard des enjeux.

Si nous voulons aider les pêcheurs à protéger la ressource, nous devons consentir à renforcer le Fonds européen pour la pêche dans le nouveau cadre financier pluriannuel, en insistant sur les dimensions de modernisation, de réduction et de capacité sélective des flottes européennes.

À ce titre, monsieur le ministre, il serait bon que vous nous éclairiez sur l’avancée des discussions budgétaires entre le Conseil et le Parlement européens, ainsi que sur les montants envisagés à ce stade pour financer la prochaine PCP.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’évoquais en introduction un serpent de mer que nous avions bien du mal à attraper, et c’est avec lui que je conclurai.

Une politique adaptée aux enjeux telle que celle que je viens de mettre en avant appartient à une espèce précieuse. Nous ne pouvons partir à sa recherche sans outils adaptés, car nous nous condamnerions à manquer notre cible, à constater qu’elle ne fait pas la maille, à devoir y renoncer alors que les enjeux sont considérables. Faisons en sorte que l’Europe, ses pêcheurs et ses citoyens ne reviennent pas bredouilles d’une quête qui n’a que trop duré. §

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel-Pierre Cléach

La pêche est une activité essentielle, un acte fondamental de subsistance, aux côtés de l’agriculture et de la chasse. Elle est aussi ancienne que l’humanité. Elle représente 20 % de l’apport en protéines animales de la population mondiale et en est la principale source pour un milliard d’êtres humains, essentiellement dans l’hémisphère Sud.

La pêche constitue également un prélèvement considérable sur la production vivante de notre planète. Le prélèvement sur les stocks sauvages pose directement la question de la durabilité. Or, sur une planète couverte à 70 % d’océans, l’homme est arrivé à la limite de son exploitation. Nous sommes donc contraints d’organiser la gestion des océans, richesse de l’humanité dont on commence à percevoir, bien tardivement, le caractère précieux et irremplaçable.

Nous sommes d’autant plus contraints de nous intéresser à ces enjeux que les pêcheries maritimes sont globalement en crise.

Les questions posées par la gestion des pêches n’ont pas qu’une dimension mondiale. Elles se posent bien évidemment aux niveaux français et européen. La PCP a été créée en 1983, à l’issue d’une négociation entre la Commission européenne et les États membres.

Cette politique s’appuie sur les rapports des scientifiques spécialisés, la pêche étant l’un des secteurs les plus gouvernés par la science. En effet, sur quoi fonder une décision de gestion, sinon sur des données scientifiques ? Et qui peut prendre une décision publique, sinon les représentants élus en charge de l’intérêt général ?

La pêche est la dernière activité de chasse-cueillette dans la nature sauvage. Ce fut longtemps une activité sans frein, les hommes prélevant autant que possible dans la mesure où la ressource paraissait infinie. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Dans plusieurs régions, les stocks semblent avoir été exploités au-delà du raisonnable, ce qui met en danger certaines espèces et même la biodiversité marine, ainsi que l’ont récemment rappelé, dans un livre intitulé Mange tes méduses !, Philippe Cury et Daniel Pauly, deux des plus grands chercheurs français en la matière.

En effet, petits poissons et méduses se mangent mutuellement à l’état de larves. En temps normal, cela permet la régulation de la population des méduses. Cependant, en cas de surpêche, la disparition des espèces pélagiques entraîne une augmentation du nombre de petits poissons et de méduses. Leur prolifération empêche le renouvellement des réserves halieutiques, menaçant ainsi la pêche. C’est le cas dans la mer du Japon, dans la mer Noire et dans la Méditerranée, où 92 % des espèces sont surexploitées, la survie du thon rouge ne tenant qu’à l’application rigoureuse des mesures de limitation des captures édictées par la Commission européenne.

Cette situation gravissime de l’état des stocks halieutiques n’est pas discutée. Les rapports annuels du CIEM, le Conseil international pour l’exploration de la mer, les rapports de la FAO, le dernier rapport de la Cour des comptes européenne soulignent que la politique commune de la pêche, non seulement n’a pas donné les résultats escomptés, mais s’est même traduite par un échec, malgré certaines améliorations constatées sur plusieurs stocks, à savoir là où les limitations de captures ont été observées et où la pêche a été organisée et appliquée par les pêcheurs eux-mêmes, pour la langoustine par exemple.

Ainsi la Cour européenne regrette-t-elle les faiblesses affectant la fixation des objectifs pour l’Espagne, la Pologne, le Portugal et le Royaume-Uni, ainsi que le financement européen de certains équipements des navires, qui aboutissent en fait à faciliter et à augmenter les captures.

En outre, elle déplore les faiblesses affectant la conception et la mise en œuvre des programmes de déclassement des navires ainsi que les insuffisances, voire les omissions, des rapports annuels des États membres qui ne permettent pas aux organisations européennes d’instaurer un équilibre amélioré entre la capacité de pêche et les possibilités offertes par l’état des stocks.

La Cour souligne à plusieurs reprises que la surcapacité de la flotte de pêche européenne reste une des causes principales de l’échec de la PCP en ce qui concerne la viabilité des activités de pêche. De plus, elle émet une série de recommandations tendant à la mise en place de mesures plus fermes pour rechercher un meilleur équilibre entre capacités et possibilités.

Le rapport Poséidon, document incontestable établi par le secrétariat général de la mer, concluait déjà en 2006 que seul le passage à la gestion durable permettrait la rentabilité et induirait un climat européen rasséréné. À cet égard était pointée la nécessité « d’équilibrer la flotte par rapport aux ressources exploitées, de la faire évoluer techniquement vers l’utilisation d’engins plus sélectifs, vers plus de sécurité, et d’améliorer l’encadrement de l’accès aux pêcheries ».

Les difficultés de la pêche française sont connues : elle fournit à peine 15 % de la consommation nationale, perd des navires et des emplois chaque année, et, du fait de sa spécialisation chalutière, elle est beaucoup plus vulnérable face à la hausse du coût de l’énergie et à la volonté d’accroître la sélectivité.

En situation de crise, les pêcheurs, qui ont constaté le retour du cabillaud dans l’Atlantique Nord-Est, sont de moins en moins enclins à comprendre et à accepter les dernières dispositions de la PCP, notamment en ce qui concerne l’interdiction des rejets, le cap de 2015 pour atteindre le rendement maximum durable et l’expérimentation, abandonnée depuis, des quotas transférables.

Ils y sont d’autant moins disposés qu’ils ont, en outre, l’impression que tous les pays européens ne sont pas aussi respectueux que la France des règles en vigueur. En effet, ils se trouvent souvent concurrencés sur les lieux de pêche par des « navires fantômes ».

Il n’en reste pas moins que la pérennité de leurs activités dépend de la durabilité des stocks halieutiques et que ceux-ci sont en grand danger. Ils le savent bien, d’ailleurs, car ils le constatent à chaque campagne de pêche. Mais ils ont aussi observé que les mesures de restriction ou de fermeture de certaines pêcheries ont permis, dans certaines zones, la reconstitution de stocks.

Les représentants des pêcheurs participent à toutes les concertations et discussions européennes et nationales. Ils ont appris à travailler avec les scientifiques de l’IRD, l’Institut de recherche pour le développement, et de l’IFREMER, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, pressentant qu’il n’y a guère d’autres choix que d’accepter la plupart des mesures préconisées par les scientifiques spécialisés et mises en œuvre par les autorités européennes et nationales.

Il leur appartient, ainsi qu’aux autorités nationales, de faire envers eux œuvre de pédagogie et de définir ensemble les mesures applicables aux différentes pêcheries, les spécificités à prendre en compte, les délais à retenir et les financements à mettre en place pour sauver l’un des plus beaux métiers du monde. Il s’agit d’une tâche difficile, mais rien ne serait pire qu’une attitude de contestation systématique et qu’une politique de l’autruche ou d’atermoiements.

Les pêcheurs doivent être considérés et leur expérience prise en compte ; les scientifiques doivent être entendus et les représentants professionnels écoutés, mais le politique, en charge de l’intérêt général, lequel dépasse ici notre seul territoire pour rejoindre une donnée essentielle du système terre, devra prendre les décisions courageuses mais nécessaires à la survie de nos pêcheries et donc des populations qui en vivent.

Comme vous le savez, le Parlement européen a adopté, le 6 février dernier, par 502 voix pour, 137 voix contre et 27 abstentions, les fondements d’une politique commune de la pêche à même de lutter contre la surpêche et de réguler les stocks halieutiques.

Les députés européens ont posé en principe qu’il ne fallait plus outrepasser les quotas au-delà desquels les stocks de poissons ne peuvent se reconstituer, mais qu’il fallait, au contraire, respecter les rendements maximum durables. Ils ont voté l’interdiction des rejets et donc revu à la baisse les quotas de pêche à partir de 2015, afin d’atteindre un niveau de renouvellement au-delà du RMD dès 2020.

Les eurodéputés français socialistes et UMP ont voté contre ces dispositions, conformément d’ailleurs à la position du Gouvernement et aux souhaits de plusieurs de mes éminents collègues qui connaissent bien les problèmes de la pêche française et qui ont fait partager au Sénat leurs convictions, exprimées dans une résolution adoptée le 3 juillet 2012.

Cette dernière tend à souligner l’insuffisance des connaissances scientifiques, moins de la moitié des stocks européens ayant fait l’objet d’une étude et d’un diagnostic, pour s’opposer à l’interdiction des rejets et à la mise en place, même à titre expérimental, des concessions de pêche transférables. Cependant, la légitimité de la démarche tendant à atteindre les RMD y est reconnue, sous réserve que plus de temps soit laissé aux opérateurs. Par ailleurs, la prise en compte de l’aquaculture dans la PCP est à juste titre saluée.

Enfin, la résolution préconise, concernant la connaissance des stocks halieutiques, une co-expertise entre scientifiques et professionnels, proposition qui figurait d’ailleurs dans le rapport que j’avais fait en 2008 pour le compte l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, et que j’avais intitulé Marée amère – déjà !

L’ensemble de ces propositions figurent également dans l’avis de notre excellent collègue Gérard Le Cam, rendu au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, le 22 novembre 2012, dans le cadre de la préparation de la loi de finances pour 2013. Il y évoque la brutalité des mesures européennes, la concurrence déloyale qui sévit sur les mers et la variabilité annuelle des quotas, qui empêche toute prévision.

Il y a donc une position française constante qui rassemble les professionnels, les parlementaires et les ministres successifs. C’est un peu, malgré quelques évolutions, le front du refus !

Sans doute cela part-il de louables intentions – préserver l’industrie de la pêche, le travail des pêcheurs et, partant, l’économie de nos zones côtières, ainsi que le savoir-faire français en la matière –, mais est-ce vraiment rendre service au monde de la pêche que de vouloir ignorer la réalité pour gagner du temps ? Pour ma part, je ne le crois pas, car ce sont les arguments des scientifiques, regroupés au sein de l’Association française d’halieutique et, surtout, du CIEM, qui ont servi de base aux propositions de la commissaire chargée de la pêche adoptées par le Parlement.

Ces scientifiques, tout en soulignant l’indispensable poursuite de la maîtrise des prélèvements, constatent d’ailleurs les quelques progrès enregistrés et saluent les efforts réalisés. Ainsi, ils rappellent que la pression de la pêche a diminué de manière significative pour plusieurs grands stocks européens. Dans l’Atlantique, l’objectif d’un effort de pêche conforme au RMD est désormais atteint pour 50 % des stocks ayant fait l’objet d’une évaluation complète, preuve qu’une gestion rigoureuse permet d’atteindre les objectifs fixés.

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes

Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel-Pierre Cléach

Mais la situation reste fragile : la baisse de la pression de pêche ne s’est pas encore traduite par une augmentation équivalente des stocks. D’ailleurs, la moitié des captures européennes proviennent de stocks n’ayant pas encore été évalués.

En s’appuyant sur ces avis, la Commission européenne propose une augmentation des quotas pour 2013 pour seize stocks et une diminution ou un maintien pour quarante-sept autres. Cet objectif traduit bien la situation actuelle : les stocks restent fragiles, et il importe de poursuivre dans la durée la baisse de la pression de pêche.

À l’occasion de l’établissement de mon rapport sur l’état des ressources dans le monde, j’ai pu rencontrer les plus grands chercheurs spécialisés en halieutique, en France, aux États-Unis, au Canada, au Chili, au Pérou, dans les pays scandinaves.

J’ai étudié leurs travaux, appréciant leur sincérité et leur désintéressement. Sachez, mes chers collègues, que leurs conclusions sont absolument unanimes sur la fragilité extrême des pêcheries dans le monde entier et sur l’urgence qu’il y a à mettre en œuvre une politique de long terme, malgré les difficultés, que je n’occulte pas, qu’une telle politique entraîne sur le court terme.

J’ai constaté les conséquences pour l’Est canadien de la disparition totale du hareng et de la morue : pour la morue 810 000 tonnes pêchées en 1968, puis effondrement total et fermeture de la pêche en 1992 ; pour le hareng, 1 000 000 de tonnes pêchées avant la Première Guerre mondiale, puis effondrement et fermeture de la pêche en 1970.

En Namibie, dans la zone océanique côtière du Nord-Benguela, on pêchait 1 500 000 tonnes de sardines en 1960. La dernière campagne scientifique d’évaluation de 2007 n’a compté que deux sardines dans tout l’écosystème de la zone !

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel-Pierre Cléach

Hélas, oui ! Les stocks halieutiques sont en détérioration continue. L’acidification des océans et la pollution s’ajoutent à la surpêche pour nous conduire à une situation qu’il ne sera bientôt plus possible de redresser.

Je n’ignore pas les difficultés qui frappent les flottes françaises, la dureté du métier de pêcheur, les angoisses des familles. Je mesure non seulement l’importance du maintien de l’activité de pêche pour nos territoires côtiers, mais aussi la difficulté, voire le sentiment d’indécence, que ressentent les responsables politiques à demander des efforts supplémentaires à une profession traversée par des crises récurrentes.

Néanmoins, j’ai acquis la conviction que seule une politique de vérité et de long terme autorisera la restauration des stocks halieutiques d’ici à 2020, voire au-delà, et, partant, la renaissance économique et sociale du secteur.

Les décisions du Parlement européen vont dans ce sens, et je souhaite que les responsables français, vous, mes chers collègues élus des régions côtières, vous, monsieur le ministre, trouviez les chemins des négociations et des adaptations nécessaires pour pouvoir appliquer, dans le temps, progressivement, en prenant les mesures d’accompagnement et de soutien adéquates, les régulations qui permettront à tous les acteurs de la pêche non seulement de sauver leur métier, mais aussi de participer à notre avenir commun. §

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je placerai mon intervention sous l’angle particulier des difficultés rencontrées par la pêche artisanale française, notamment dans mon département, les Pyrénées-Atlantiques.

Le 6 février dernier, le Parlement européen a arrêté sa position sur la politique européenne de la pêche pour la période 2014-2020.

À une très large majorité – 502 voix pour, 137 contre –, les députés européens ont réaffirmé leur volonté de changer radicalement la politique actuelle pour une politique qui doit « empêcher, réduire au minimum et éliminer dans toute la mesure du possible les captures indésirées ».

Ils ont par ailleurs souhaité promouvoir tant « une répartition équitable des ressources marines afin de contribuer à garantir un niveau de vie équitable et le respect de normes sociales aux personnes qui sont tributaires des activités de pêche » que « les activités de pêche côtière à petite échelle ».

Sur le plan de la gouvernance, ils ont souligné la nécessité de l’adoption d’une approche décentralisée et régionale en matière de gestion des pêches et de l’implication des parties prenantes, en particulier les conseils consultatifs et les partenaires sociaux, à toutes les étapes, de la conception à la mise en œuvre des mesures.

Dans le même temps, nos collègues socialistes au Parlement européen, particulièrement notre collègue Isabelle Thomas, qui mène avec talent un important travail pour la préservation de la pêche artisanale – qu’elle en soit remerciée ! –, tentaient d’aller plus loin en proposant notamment d’ajouter une classification propre aux micro, petites et moyennes entreprises, ainsi que le critère du patron dit « embarqué ».

Monsieur le ministre, ne nous y trompons pas, le nombre élevé d’embarcations impliquées, la grande diversité des techniques de pêche comme celle des pêcheries posent des exigences et des défis considérables à la petite pêche en termes de gestion.

Nous devrons aussi impulser l’élaboration d’un programme communautaire d’appui à la pêche artisanale par l’articulation de divers instruments, notamment sur le plan financier, qui viseront à donner une réponse aux problèmes spécifiques de ce segment en s’appuyant sur une gestion durable et de proximité des pêcheries impliquées.

Prenons garde également à garantir l’accès de ces mesures au plus grand nombre et pas seulement aux armateurs les plus puissants. En effet, nous savons que, pour les représentants de la pêche artisanale, l’accès aux documents n’est pas simple et l’information relative au partage des quotas presque impossible à obtenir.

Ne nous leurrons pas : compte tenu des fragilités et de la vulnérabilité accrue, ces dernières années, de la pêche traditionnelle dans notre pays, cette activité se trouve encore plus exposée à certains types d’impacts extérieurs ou à des modifications subites de la disponibilité des ressources que les flottes dites plus compétitives.

C’est pourquoi il est impératif de créer des mécanismes spécifiques d’appui, actionnables rapidement dans des situations d’urgence telles que les catastrophes naturelles ou l’augmentation subite du prix des combustibles.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, entendons enfin leurs demandes : il est grand temps de placer les acteurs d’une pêche artisanale, durable et à faible impact, au cœur de l’avenir des politiques européennes. Accordons enfin le droit de pêcher à ceux qui ont la pratique la plus durable ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur la politique européenne de la pêche est l’occasion pour moi de rappeler l’extrême importance de ce secteur d’activité en Europe et, plus encore, dans nos territoires d’outre-mer.

La France est le second pays au monde, en termes de surface maritime, avec près de 11 035 000 kilomètres carrés, juste derrière les États-Unis, avec leurs 11 351 000 kilomètres carrés : elle doit cet important espace maritime à la diversité géographique de ses départements et collectivités d’outre-mer.

Monsieur le ministre, vous connaissez tout mon intérêt pour les questions européennes relatives à ce sujet, les décisions prises ayant inévitablement et invariablement des conséquences importantes pour le secteur dans les DOM, l’application de la réglementation communautaire de la pêche mettant parfois nos marins-pêcheurs professionnels en difficulté.

Nous savons tous que la politique commune de la pêche, la PCP, est une des politiques les plus intégrées de l’Union européenne, puisqu’elle constitue même, pour partie, une compétence exclusive de l’Union.

Il n’est pas question pour moi de remettre en cause les objectifs de la PCP, construite autour de la notion de rendement maximal durable, belle synthèse entre la nécessité de préserver les ressources halieutiques et l’activité des pêcheurs.

D’ailleurs, les diverses révisions de cette politique européenne ont permis aux États membres de prendre conscience de la gravité de la situation et de la nécessité d’une réaction pour contrer les effets néfastes de la politique menée jusqu’alors. L’urgence de la mise en œuvre d’une réforme d’envergure, indispensable pour la survie du secteur, est donc connue.

Cependant, cette réglementation, conçue pour l’ensemble des zones de pêche de l’Union européenne, est inadaptée aux régions ultrapériphériques, les RUP. Pourtant, outre-mer, la pêche est principalement artisanale ; elle représente 20 % des effectifs de marins-pêcheurs français et 35 % de la flotte artisanale nationale, et elle constitue un véritable facteur de lien social.

Deux dispositifs sont particulièrement pénalisants pour les « petits pêcheurs » : l’un relatif au temps de travail, l’autre à l’aide aux constructions navales.

Concernant le temps de travail, l’articulation entre la législation nationale sur la durée du travail et la législation européenne sur les temps de marée, c’est-à-dire de pêche en mer, est difficile et parfois contradictoire.

La réglementation est rendue plus complexe encore dans les DOM par le fait que l’accord collectif du 28 mars 2001 sur la pêche artisanale et l’armement coopératif, qui permet de comptabiliser le temps de travail en jours de pêche plutôt qu’en heures de travail, ne s’y applique pas, exception faite de Mayotte. Les différents niveaux de réglementation atteignent une telle complexité qu’il est impossible de s’y retrouver.

Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour établir une plus grande clarté.

Le deuxième sujet concerne l’aide aux constructions navales. La réglementation sur ce point est à la fois fluctuante et inadaptée. L’actuel Fonds européen pour la pêche interdit toute aide publique à la construction de bateaux de pêche. Or la situation des DOM présente des caractéristiques spécifiques : le difficile accès au secteur bancaire pour la modernisation de la flotte, les surcoûts quotidiens de production liés à l’éloignement, les dégâts provoqués par la pollution au chlordécone constituent autant de sérieux handicaps au développement de la filière.

Cette réglementation, logique dans un cadre strictement européen, n’est pas adaptée aux DOM, puisque la plupart de nos bateaux de pêche mesurent moins de sept mètres.

La région Martinique, alors qu’elle en a les moyens et qu’elle a mis en place des dispositifs d’aide, est contrainte de respecter cette directive. Cependant, elle accorde des aides à la modernisation ou à la sécurité à bord.

Pour les îles, la pêche est évidemment un atout qui doit être valorisé, car elle est naturellement sélective, donc durable, avec des zones de cantonnement qui permettent de protéger la ressource. Or l’alignement des RUP sur une politique fondée sur les diagnostics des pêches d’Europe continentale et des surcapacités des flottes empêche de saisir les opportunités de développement existant dans les DOM.

La réforme de la PCP et celle du futur Fonds européen pour les activités maritimes et la pêche, le FEAMP, sont l’occasion d’adapter ces règles à la spécificité de nos départements, comme le déclarait la Commission européenne en 2008 lorsqu’elle affirmait, dans sa communication intitulée Les Régions ultrapériphériques : un atout pour l’Europe, qu’« il est nécessaire de soutenir le développement de secteurs porteurs dans lesquels les RUP possèdent des potentiels de spécialisation et des avantages comparatifs forts. […] Les RUP possèdent par ailleurs des ressources halieutiques riches et relativement préservées ».

Dans le cadre de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, j’ai été coauteur d’une proposition de résolution européenne visant à obtenir la prise en compte par l’Union européenne des réalités de la pêche des régions ultrapériphériques françaises, proposition devenue résolution du Sénat le 3 juillet 2012.

Monsieur le ministre, dans les régions précitées, restaurons l’aide à la construction de navires, maintenons les aides aux investissements à bord des navires du type de celles accordées par le FEP, restaurons les financements publics pour les dispositifs de concentration de poissons, ou DCP, collectifs et mettons en cohérence les politiques et les instruments communautaires – Fonds européen de développement, Fonds européen pour la pêche, accords de partenariat économique... – déployés par bassin.

Monsieur le ministre, quelle est votre position sur ces réflexions, qui doivent être intégrées dans la future PCP ? Les pêcheurs de nos régions ont besoin de vous ! L’Europe est sourde, et depuis longtemps, à leur cri séculaire. Personnellement, je mène un combat sur ces questions depuis plus de quinze ans ! Aidez nos pêcheurs à avoir envie de vous faire confiance ! Quant à moi, je compte sur vous et je reste à votre disposition pour la suite du combat.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – M. Éric Bocquet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Il me paraît d’autant plus important de le faire que je ne suis pas sûre que le monde des pêcheurs, parce qu’il s’agit de la ressource qui assure son activité économique, soit a priori porté à veiller à la reproduction de cette ressource, de même qu’il n’est pas sûr que les agriculteurs aient toujours su se protéger et protéger les terres et les nappes phréatiques des intrants phytosanitaires, de même qu’il n’est pas sûr que les constructeurs automobiles aient été les mieux placés pour nous protéger des émissions de CO2 !

Notre rôle consiste d’ailleurs à réguler ce qui n’est pas spontanément régulable, dans un monde où la surpêche est le corollaire de la surconsommation de poisson. Il faut le dire, nous consommons trop de poisson !

La pêche, d’un point de vue économique, présente la spécificité d’être la dernière activité de cueillette sur un stock sauvage, dont nous ne contrôlons ni la production ni la reproduction.

Il est nécessaire de rappeler quelques chiffres concernant la réserve halieutique : 47 % des stocks évalués dans le nord-est de l’Atlantique et 80 % des stocks évalués en Méditerranée sont menacés de surpêche.

J’y ajouterai quelques chiffres traduisant le poids macroéconomique de la pêche dans notre pays. Cette activité est certes importante, mais elle est subventionnée à hauteur de 80 % de son chiffres d’affaires : 875 millions d’euros de subventions sont versés, alors que l’ensemble du secteur dégage un chiffre d’affaires de 1, 1 milliard d’euros. Ce taux est très élevé : l’agriculture, qui est souvent montrée du doigt, n’est subventionnée qu’à hauteur de 30 % !

L’objet de mon propos n’est pas de dénigrer les marins-pêcheurs, mais de faire remarquer que ce secteur perçoit environ 6 000 euros de subventions par emploi, sachant que les subventions sont réservées à la pêche industrielle et semi-industrielle, la pêche artisanale côtière n’en bénéficiant pas.

En effet, la France a adopté une définition de la pêche artisanale un peu particulière : alors que, partout ailleurs, la taille des bateaux de cette catégorie est limitée à douze mètres, en France la limite est fixée à vingt-quatre mètres. Notre pêche « artisanale » est donc en large partie semi-industrielle, et c’est elle qui draine la grande majorité des subventions.

Je rappelle ces éléments, parce qu’un tel niveau de subventions nous permet de disposer des outils économiques, financiers et budgétaires d’intervention pour penser l’accompagnement et la transition d’une activité qui, aujourd’hui, n’est plus adaptée aux nécessités de la préservation de la biodiversité.

Envisager la politique commune de la pêche suppose donc de penser la pêche à l’horizon de 2020 et non pas de continuer simplement à subventionner les pêcheurs pour préparer leur propre disparition. Il nous faut penser la pêche durable comme on pense l’agriculture durable : l’agriculture intensive a exploité les sols, la pêche intensive exploite la ressource ! Or ce que fait aujourd’hui Stéphane Le Foll pour l’agriculture prouve qu’il est possible de promouvoir une agriculture biologique en partenariat avec le monde agricole traditionnel.

C’est la raison pour laquelle j’estime que nous n’aurions rien eu à perdre à soutenir la position du Parlement européen, qui permet de viser la fin de l’érosion des écosystèmes à l’horizon de 2015 et la reconstitution des stocks à partir de 2020.

Il faut d’abord réduire puis éliminer les captures indésirées. Je ne comprends pas la crispation de certains de nos collègues sur la question de l’interdiction des rejets…

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Peut-être, mais il existe de très nombreuses activités que je n’exerce pas et sur lesquelles je suis appelée à légiférer. Fort heureusement, je ne suis pas supposée les exercer pour être compétente et légitime en tant que parlementaire !

Je sais simplement que, selon les évaluations des scientifiques, un quart du prélèvement est aujourd’hui rejeté. L’interdiction des rejets est indispensable, ne serait-ce que pour garantir la transparence nécessaire aux travaux des scientifiques.

Je ne comprends pas non plus le débat sur les farines animales, car les mêmes qui s’opposent à l’interdiction des rejets y voient une monstruosité voulue par les groupes industriels.

L’Union européenne, dans un souci d’équité avec les nouveaux États membres, a autorisé l’aquaculture et contribué à son développement. Nous importons aujourd’hui 92 % des farines utilisées pour l’aquaculture : quel problème y aurait-il à fabriquer ces farines en Europe, avec nos propres rejets ?

S’agissant de la pêche profonde, l’Union européenne va en effet être amenée à se déterminer par rapport aux préconisations de l’ONU.

En six ans, la pêche profonde a épuisé plus de 80 % des ressources halieutiques en eau profonde dans l’Atlantique Nord-Est.

En outre, je signale que, pour la pêche en eau profonde, le ratio s’établit à 3, 5 kilogrammes de fioul par kilogramme de capture, alors que ce ratio s’établit à 1, 5 pour les autres activités de pêche.

Le lien doit donc être établi entre le développement de cette activité et le dérèglement climatique, et nous serions bien inspirés de soutenir les préconisations de l’ONU dans ce dossier !

Pour conclure, dans ce débat sur la politique européenne de la pêche, notamment sur la question de l’interdiction des rejets, je ne peux m’empêcher de percevoir comme l’expression d’une forme de scepticisme à l’égard de la pertinence des conclusions des scientifiques sur l’épuisement des ressources halieutiques. Cette attitude n’est pas sans me rappeler celle des climato-sceptiques, qui ont longtemps retardé la mise en œuvre d’une politique destinée à combattre le dérèglement climatique, politique encore relativement insuffisante compte tenu des projections établies pour les trente années à venir.

Je crains donc que la défense à tout crin des marins-pêcheurs et de la pêche comme activité industrielle ne soit pas le meilleur service à rendre à cette activité, au moins dans une perspective durable.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. André Gattolin et Marcel-Pierre Cléach applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la pêche constitue une activité essentielle dans l’ensemble de nos outre-mer, y compris en Guyane, seul territoire non insulaire.

C’est un secteur traditionnel, mais porteur d’innovations, qui joue un rôle économique et social vital. Je rappelle que la pêche ultramarine représente une part importante de la pêche nationale, avec près de 35 % de la flotte artisanale française et 20 % des effectifs de marins-pêcheurs.

Pêche hauturière, pêche palangrière, pêche côtière, comme dans d’autres secteurs économiques, cette activité est marquée par la diversité des situations, selon les bassins maritimes et les collectivités considérées, et par de fortes différences avec la pêche des flottes européennes.

Comment assimiler pêches ultramarines et pêche européenne ? Il y a là une aberration, quelles que soient les perspectives : de l’état de la ressource à la structure de la flotte, en passant par les techniques de pêche ou la sociologie du monde de la pêche, le décalage est manifeste ! Pourtant, nous avons le plus grand mal à le faire admettre à Bruxelles en vue d’obtenir un traitement différencié.

C’est pourquoi notre délégation à l’outre-mer, inquiète du sort qui serait réservé à la pêche des régions ultrapériphériques dans la réforme de la politique commune de la pêche, a pris l’initiative, en mai 2012, il y a presqu’un an déjà, de faire adopter par le Sénat une résolution européenne, afin d’épauler le Gouvernement dans ses négociations à Bruxelles et d’obtenir une meilleure prise en compte des réalités différentes de la pêche dans les outre-mer.

L’élaboration de cette résolution avait été confiée à nos excellents collègues Maurice Antiste et Charles Revet.

M. André Gattolin applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Avec la commission des affaires européennes, nous avions demandé l’organisation d’un débat, qui a eu lieu le 12 juillet dernier. Qu’est-il advenu depuis ?

Le ministre des outre-mer, Victorin Lurel, qui a été entendu par notre délégation le 19 mars dernier, a annoncé des négociations bien engagées. Il semble cependant que la Commission européenne, tout en faisant quelques concessions de principe, campe sur son hostilité envers les aménagements quand on passe aux mesures concrètes. Elle refuse d’ailleurs obstinément l’insertion dans le règlement de base de toute référence à l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notre « Graal », qui constitue le socle juridique permettant des mesures dérogatoires pour les RUP.

Ainsi la Commission a-t-elle proposé un accord sur le principe d’une meilleure association des RUP au sein des comités consultatifs existants, alors que la France formule une demande plus ambitieuse : la constitution d’un comité propre aux RUP, subdivisé en bassins maritimes permettant de présenter des avis éclairés sur les évolutions de la réglementation.

En outre, la Commission européenne donne son accord à la modernisation de la flotte, mais à la stricte condition que cela n’entraîne pas d’augmentation de la capacité de pêche eu égard à l’état de la ressource. Or il n’existe pas, dans nos outre-mer, d’évaluation scientifique fiable de l’état de la ressource, l’IFREMER n’ayant fait aucune estimation dans ce domaine. Il est donc fort à craindre que la généreuse avancée de la Commission sur la question de la modernisation des équipements ne reste qu’une pétition de principe.

Dans le processus de codécision, peut-on compter sur l’appui du Parlement européen pour aller de l’avant et aboutir à une réelle prise en compte des spécificités ultramarines ? Je vous pose la question, monsieur le ministre.

Mon optimisme est également nuancé par le retard du processus de révision du règlement FEAMP. Le vote du Parlement, qui était prévu le 22 avril, a été reporté à l’été… Le calendrier prend du retard et l’échéance de la fin 2013 s’approche, avec le risque que de nouveaux programmes ne puissent être engagés !

Concernant l’instrument financier, la France demande que le futur fonds comporte une enveloppe dédiée à la zone de convergence, avec des procédures assouplies et des mécanismes d’avances de fonds : où en est-on sur ces points dans la négociation ? Il semble que la Commission ait simplement, là encore, donné un accord de principe sur une simplification des règles de gestion !

Enfin, la rumeur enfle s’agissant des intentions du commissaire européen à l’agriculture de modifier en profondeur le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité agricole. Ne risque-t-on pas de priver de modèle la démarche française, qui tendait justement à instaurer pour la pêche un dispositif équivalent de compensation des surcoûts subis par la filière, en somme une sorte de « POSEI pêche » ?

Une autre évolution à venir, celle du règlement fixant le cadre des aides de minimis, accroît encore le risque encouru par nos petites entreprises artisanales, déjà confrontées à de lourdes difficultés, notamment la concurrence illégale des bateaux de pays tiers, en particulier brésiliens, et parfois même des actes de piraterie, toujours de la part des Brésiliens, ainsi qu’à la pollution à la chlordécone ou au mercure.

Monsieur le ministre, est-il aujourd’hui en votre pouvoir de dissiper toutes les ombres venues masquer les lueurs d’espoir qui se dessinaient ? Nous avons conscience de la difficulté de la tâche et de la dureté du combat, pour reprendre les termes de mon collègue Maurice Antiste, mais nous comptons sur votre vigilance et votre pugnacité pour défendre un secteur à fort potentiel de développement dans nos outre-mer, porteur de sens et de lien social. §

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à excuser mon excellent collègue et ami Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, qui accompagne aujourd’hui le Président de la République en Chine. Chacun comprendra, je n’en doute pas, les raisons de son absence, compte tenu de l’importance pour l’économie française de l’industrie des transports et du marché chinois pour celle-ci.

Vous connaissez son implication, sa compétence et son intérêt marqué pour la pêche et la mer en général. Je l’ai croisé lundi dernier à Luxembourg, où il participait à un nouveau tour de table sur la réforme de la politique commune de la pêche, la PCP, tandis que je me rendais au conseil Affaires générales et au conseil Affaires étrangères. Dans la mesure où l’initiative de M. Jean-Claude Merceron visait à provoquer un débat européen sur la PCP, il me semble que j’ai toute légitimité, en tant que ministre chargé des affaires européennes, pour être le porte-parole de mon collègue.

Frédéric Cuvillier avait eu l’occasion d’échanger longuement avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, le 12 juillet dernier, dans le cadre d’un débat portant sur la réforme de la politique commune de la pêche. L’intérêt du Sénat pour ce sujet est connu. Le rapport de M. Cléach, à la fin de l’année 2008, est d’ailleurs une des illustrations de cet intérêt.

Vous avez constitué un groupe de travail, il y a de cela un an, dans lequel des sénatrices et sénateurs de sensibilités politiques différentes et de commissions diverses avaient travaillé ensemble, comme c’est souvent le cas dans cette assemblée, pour définir la position du Sénat sur ce sujet essentiel pour la pêche française.

Ce travail avait abouti à l’adoption à l’unanimité, plusieurs d’entre vous l’ont rappelé, de deux propositions de résolutions européennes, l’une sur la réforme elle-même, l’autre sur ses incidences sur la pêche dans les zones ultramarines. Le Gouvernement s’en était d’ailleurs félicité.

En tant que membre du Gouvernement, je tiens à dire ici tout l’intérêt que celui-ci attache à une telle implication des parlementaires, notamment des sénateurs, alors qu’il s’agit d’une politique très largement communautarisée.

La pêche constitue une activité économique importante et structurante pour notre littoral. L’un d’entre vous a parlé du « plus beau métier du monde », tandis qu’un autre orateur me rappelait que nous accueillions, voilà peu, quelques apprentis ayant choisi de vivre une grande partie de leur vie sur un bateau.

Cette activité a engendré en 2010 plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires et représente plus de 90 000 emplois directs et induits. Je prends le risque de citer ces chiffres devant les spécialistes, bretons, vendéens ou martiniquais, que vous êtes. Heureusement, il y a ici quelques continentaux…

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué

Peut-être vous, monsieur Gattolin ? J’ai cru comprendre que vous veniez de l’Isère, qui alimente en quelque sorte la mer…

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué

Où on peut pêcher la féra !

L’aquaculture ne doit pas être laissée de côté : son chiffre d’affaires de 680 millions d’euros parle de lui-même. Ce constat nous oblige : la France doit participer aux discussions européennes sur cette réforme pour promouvoir l’objectif que nous partageons tous, fondé sur une approche équilibrée du développement durable.

La future politique commune de la pêche doit en effet permettre de maintenir un taux d’emploi élevé sur le littoral et au sein de la filière pêche.

La France défend aussi un renforcement du droit social des marins-pêcheurs et plaide notamment en faveur de l’harmonisation des conditions de vie et des conditions sociales ainsi que de l’amélioration de la sécurité à bord des navires, sujet auquel M. Bocquet est particulièrement attaché.

Vous le savez, la période que nous traversons est une période charnière pour la pêche et l’aquaculture françaises et européennes.

C’est pourquoi, dès sa nomination, le Gouvernement s’est mobilisé sur ce dossier d’actualité majeur pour l’avenir de la pêche et de l’aquaculture françaises et européennes qu’est la réforme de la PCP.

La politique commune de la pêche est en effet très intégrée au niveau européen. Il est essentiel que nous soyons constamment présents aux Conseils des ministres de l’Union européenne, pour défendre nos positions et pour parvenir à des résultats concrets. Frédéric Cuvillier est particulièrement conscient de cet enjeu. C’est la raison pour laquelle il a participé, depuis sa prise de fonction, à huit Conseils, qu’il s’agisse de négociations sur les quotas de pêche ou sur la réforme de la PCP. Lors de quatre d’entre eux, les discussions se sont achevées au petit matin, après des heures de négociations…

Vous le savez, la réforme engagée est une réforme d’ampleur portant sur tous les volets de la PCP, dans le cadre de trois règlements : un règlement de base, afin de définir les grands principes pour les dix prochaines années ; une organisation commune des marchés, afin d’améliorer la structuration de la filière et de favoriser une meilleure valorisation des produits de la pêche et de l’aquaculture ; la création du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, instrument financier indispensable pour accompagner le secteur face aux enjeux auxquels il est confronté.

Pour la première fois, des textes d’importance dans le domaine de la pêche seront adoptés selon la procédure législative ordinaire, celle de la codécision entre le Conseil des ministres et le Parlement européen.

Les deux institutions ont adopté leurs positions respectives à une large majorité. Si elles partagent les mêmes grands objectifs pour cette réforme, à savoir la promotion d’une pêche durable et responsable, elles révèlent parfois leurs divergences sur les modalités pratiques de mise en œuvre.

Les négociations sont désormais bien entamées sur ces trois textes fondamentaux. Vous avez mentionné l’accélération du calendrier, avec un mandat révisé souhaité par le Président du Conseil. Nous sommes prêts à soutenir ce nouveau calendrier, mais la forme ne doit pas prendre le pas sur le fond : nous avons nos lignes rouges.

Premièrement, le règlement portant organisation commune des marchés est le texte le plus avancé. Le Conseil a finalisé sa position le 12 juin dernier et le Parlement européen l’a fait en septembre 2012. Nous sommes désormais dans la phase finale du trilogue, et les deux institutions s’approchent d’un accord sur les principaux points du compromis : le renforcement des organisations de producteurs, la reconnaissance des interprofessions et de leurs missions, l’amélioration de l’information du consommateur et une concurrence équilibrée entre les produits européens et importés.

Le dernier point de discussion concerne les informations obligatoires en matière d’étiquetage. La France, à l’instar du Conseil, n’est pas favorable à l’inclusion de la date de capture dans les informations à destination du consommateur. Cela pourrait en effet induire le consommateur en erreur, notamment pour le poisson capturé à l’occasion de sorties de plusieurs jours et qui est conservé à bord. Le poisson frais et de qualité, ce n’est pas nécessairement le poisson du jour.

Deuxièmement, les discussions sont en revanche plus longues et les négociations plus difficiles en ce qui concerne le règlement de base de la PCP. Vous en connaissez les thèmes principaux, qui suscitent tout particulièrement l’inquiétude des pêcheurs.

Les positions de la France ont été prises en compte dans le cadre de la position du Conseil, laquelle a été adoptée après de longues nuits de négociation les 12 juin et 26 février derniers.

Cette position reflète le compromis délicat trouvé sur tous ces sujets-clés entre les différents États membres. Elle fait droit aux demandes de la France, soucieuse d’une vision équilibrée de la pêche, qui doit à la fois permettre le maintien de nos emplois sur le littoral et au sein de la filière et préserver les ressources halieutiques.

Sur le rendement maximum durable tout d’abord, la position du Conseil est à la fois ambitieuse et équilibrée. Pour la première fois, cette notion de gestion des pêches sera inscrite dans le règlement de base de la politique commune.

Le rendement maximum durable sera atteint de manière progressive en 2015 lorsque ce sera possible ou en 2020 au plus tard en vue d’assurer tout à la fois une exploitation durable des ressources permettant leur renouvellement et la gestion des impacts socioéconomiques d’une adaptation qui pourrait sinon être trop brutale.

Il est essentiel en effet de prendre en compte la réalité des pêcheries françaises, qui sont le plus souvent mixtes et polyvalentes. Cette flexibilité permettra donc une transition en souplesse, dans un contexte d’amélioration progressive de la situation des stocks dans les eaux de l’Union européenne.

À cet égard, monsieur Gattolin, les chiffres de la Commission européenne elle-même sont éclairants : en Atlantique du Nord-Est, la surexploitation des stocks, qui était de 75 % en 2010, est passée à 47 % en 2012. Des efforts restent à faire, mais reconnaissez que nous sommes sur la bonne voie !

Les résultats très positifs obtenus lors du dernier Conseil de décembre sur les quotas de pêche en témoignent : de plus en plus de stocks de poissons sont ainsi au rendement maximum durable. C’est une évolution positive, à laquelle le rapprochement entre scientifiques et pêcheurs a beaucoup contribué. À cet égard, je tiens à souligner l’intérêt des travaux menés par l’IFREMER, que vous avez été plusieurs à saluer.

Le Parlement européen est favorable à une rédaction encore plus contraignante, qui nécessiterait des ajustements importants pour nos pêcheries si elle était adoptée, mais, M. Retailleau ayant présenté la situation dans le détail, je n’y reviens pas.

Je tiens cependant à dire que la rédaction que retiendra le Conseil fait partie de nos lignes rouges dans la négociation, et Frédéric Cuvillier l’a une nouvelle fois répété lundi, lors du dernier Conseil à Luxembourg.

Nous sommes également fermement opposés à l’introduction obligatoire d’un système de concessions de pêche transférables.

Un tel système convient peut-être aux caractéristiques de la pêche dans d’autres États membres, mais il est parfaitement incompatible avec la conception et l’organisation françaises en matière de gestion des pêches.

Il entraînerait une privatisation des droits d’accès incompatible avec les spécificités de la ressource halieutique, qui constitue un bien public.

En outre, il favoriserait la spéculation et la concentration des possibilités de pêche, au détriment des unités artisanales les plus fragiles, ce qui n’est pas conforme à notre souhait de préserver la diversité de la pêche française dans toutes ses composantes et tous ses métiers, comme l’a souligné Frédérique Espagnac.

C’est pourquoi nous avons obtenu que chaque État membre définisse son propre système d’attribution des droits de pêche, conformément au principe de subsidiarité.

Le Parlement européen s’est lui aussi opposé à l’adoption de concessions de pêche transférables.

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué

Nous sommes donc optimistes sur la non-adoption de cette proposition par la Commission.

S’agissant de la régionalisation, nous sommes favorables, avec le Parlement européen, à une approche régionalisée de la politique commune de la pêche, afin de prendre dûment en compte les propositions des pêcheurs et des autres parties prenantes, qui connaissent les réalités du terrain.

Dans le respect du droit d’initiative de la Commission européenne, les États pourront coopérer entre eux, en étroite concertation avec les conseils consultatifs régionaux, afin de proposer des mesures de gestion adaptées aux réalités des pêcheries.

Une approche par grandes aires géographiques est néanmoins indispensable : les mesures adaptées à la Manche ne le sont pas nécessairement à la mer Celtique, au golfe de Gascogne ou à la mer Méditerranée.

Des divergences demeurent toutefois sur les modalités de la mise en œuvre pratique de cette mesure pour éviter une renationalisation de la politique européenne de la pêche. Nous sommes confiants quant à l’adoption d’un compromis acceptable sur ce point.

Par ailleurs, nous sommes favorables à un renforcement des conseils consultatifs régionaux, qui sont essentiels.

MM. Antiste et Serge Larcher, je me félicite de vos interventions sur un sujet prioritaire pour le Gouvernement.

Frédéric Cuvillier et Victorin Lurel ont défendu une meilleure prise en compte des outre-mer français dans cette réforme. Nous sommes peu nombreux, au sein du Conseil, à être directement concernés par cet enjeu et la Commission, comme les autres États membres, ne manifeste qu’un intérêt relatif.

Nous avons toutefois obtenu la mise en place d’un conseil consultatif spécifique pour les régions ultrapériphériques, ce qui renforcera la représentation de ces régions et leur voix dans les discussions sur les sujets relatifs à la politique commune de la pêche.

Le Parlement européen soutient cette mesure, ce qui constitue une avancée très positive en matière de gouvernance.

Par ailleurs, à la demande de la France, le Conseil souhaite que le régime spécifique de protection des 100 milles nautiques, réservé jusqu’à présent aux régions ultrapériphériques de l’Espagne et du Portugal, soit étendu aux RUP françaises. Cette dernière avancée, soutenue par nos pêcheurs d’outre-mer, ne l’est pas, pour le moment, par le Parlement européen, mais nous avons bon espoir que, grâce au soutien de la Commission, la raison l’emportera.

Enfin, dans le cadre du FEAMP, nous nous battons pour que la Martinique, la Guadeloupe et Mayotte bénéficient d’un « POSEI pêche ». Frédéric Cuvillier a abordé de nouveau cette question lundi – je veux le dire à MM. Antiste et Serge Larcher – avec la commissaire Maria Damanaki. L’un d’entre vous me demandait tout à l’heure d’apporter de l’espoir ; j’apporte au moins une lueur d’espoir ! Je puis vous affirmer que mon collègue fait preuve d’une grande combativité dans les discussions qu’il mène actuellement sur cette question.

Pour votre part, si vous disposez d’interlocuteurs au sein du Parlement européen, n’hésitez pas à leur faire connaître votre position et celle du gouvernement français pour faire avancer ce dossier.

Enfin, et M. Merceron l’a signalé, le sujet le plus sensible est l’interdiction des rejets de poissons en mer, qui sera sans doute l’élément majeur de la réforme. À tout le moins, c’est cette décision qui aura le plus grand impact sur nos pêcheurs.

La France a fait part de ses inquiétudes quant à une approche qui serait trop radicale. Les causes de ces rejets sont multiples. Le plus souvent, elles tiennent à la réglementation européenne elle-même – quotas insuffisants, respect des tailles minimales, respect des mesures techniques, etc.

Le « zéro rejet » soulève des préoccupations majeures pour l’aménagement et la sécurité des navires, mais aussi pour la gestion des poissons ramenés à quai. Seule une approche progressive, praticable et réaliste permettra aux pêcheurs et à la filière de s’adapter.

La position du Conseil permet de prendre en compte cette progressivité et cette souplesse dans l’interdiction des rejets, même si le principe est acquis. Pour être tout à fait clair, en l’état actuel des alliances au sein de l’Union européenne, une majorité d’États membres est favorable au principe d’interdiction des rejets.

Nous avons obtenu que cette interdiction des rejets, qui ne s’applique qu’aux espèces soumises à quotas, soit mise en œuvre de manière progressive et étalée dans le temps d’ici à 2018 ou 2019 suivant les zones.

Nous avons également obtenu des assouplissements qui n’étaient pas dans le texte à l’origine et pour lesquels il a fallu se battre. Je pense notamment aux flexibilités permettant certains rejets sous certaines conditions – raisons sanitaires, pourcentages incompressibles de rejets, poissons pouvant survivre – ou au principe d’un réajustement des quotas.

La position du Parlement européen est beaucoup plus radicale, puisque celui-ci entend interdire tous les rejets en mer, selon un calendrier très serré, avec très peu de souplesse, comme vous l’avez fort justement indiqué, madame Herviaux.

Un compromis est nécessaire sur ce point. Une approche praticable et comprise par les pêcheurs est en effet indispensable pour que la réforme soit un succès.

D’autres sujets ont été évoqués, comme la gestion de la capacité ou les plans de gestion. Sans entrer dans les détails, je puis vous indiquer que la France soutient la position du Conseil sur ces sujets.

Toutes ces thématiques sont d’actualité et au cœur des négociations entre les deux institutions menées dans le cadre du trilogue. La présidence irlandaise a annoncé son intention de conclure d’ici au 30 juin prochain, date à laquelle elle prendra fin. C’est un calendrier ambitieux, tant les compromis sont difficiles, mais la France est prête à l’accepter, sous réserve que les lignes rouges ne soient pas franchies, position que partagent nos alliés traditionnels.

Sur le troisième texte, relatif au FEAMP, nous sommes inquiets, car le calendrier d’adoption est également très serré. Le Parlement européen n’a pas encore défini sa position, le vote en commission Pêche devant intervenir en juillet prochain pour un vote en séance plénière à l’automne prochain.

La position du Conseil est adoptée depuis octobre dernier et un nombre important de points ont été introduits sur l’initiative de la France.

Le futur fonds doit soutenir la modernisation des navires, à capacité de pêche constante, car notre flotte est vieillissante et inadaptée aux défis environnementaux et économiques. Il devra aider à réduire l’impact environnemental des activités de pêche par le biais d’une plus grande sélectivité des engins et par l’amélioration de l’efficacité énergétique des navires. Nous ne pouvons pas condamner le secteur de la pêche à l’immobilisme en lui interdisant toute forme d’innovation !

Le fonds doit ainsi permettre de soutenir la remotorisation des navires, afin de diminuer la dépendance du secteur de la pêche aux évolutions du coût du carburant et de réduire les émissions de CO2. Nous devons également maintenir des mesures d’aide à l’ajustement des capacités de la flotte de pêche, sorties de flotte et arrêts temporaires.

L’accompagnement du secteur pour lui permettre de relever les défis de la réforme de la politique commune de la pêche doit être une priorité. Outre le maintien de l’aide à la modernisation et à l’ajustement des flottes, points que je viens d’évoquer, cet instrument financier doit soutenir les organisations de producteurs dans la poursuite de leurs nouvelles missions, mais également les entreprises de commercialisation, qui doivent bénéficier d’un soutien à l’innovation.

Le traitement des rejets à terre justifie également un accompagnement adéquat.

Le fonds doit enfin contribuer à renforcer la collecte des données et à améliorer la qualité des avis scientifiques.

Les montants attribués à chaque État membre ne sont pas encore connus. L’enveloppe globale devrait connaître une très légère diminution – environ 6 milliards d’euros –, à la suite des négociations toujours en cours sur les perspectives financières de l’Union.

Pour être impliqué dans ce dossier, je puis vous dire que le maintien d’une ligne face à certains États qui souhaitaient une baisse drastique du budget européen est déjà une victoire. Alors ne manquons pas de goûter notre plaisir !

Sur tous ces sujets, comme je vous l’ai précédemment indiqué, les négociations, qui durent maintenant depuis onze mois, sont ardues. Frédéric Cuvillier, homme du littoral et du grand large, est pleinement mobilisé pour faire prévaloir les intérêts de la pêche française, dans la perspective d’une réforme de la PCP équilibrée et réaliste. Les bonnes relations de travail qu’il entretient avec la commissaire Maria Damanaki sont indéniablement un facteur facilitant, même s’il reste des divergences. Ces bonnes relations avec la Commission n’ont pas toujours été une réalité dans le passé.

Compte tenu du rôle fondamental du Parlement européen, nous comptons donc sur tous les députés européens français dans cette volonté partagée.

Nous comptons enfin sur vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour faire passer ces messages afin de préserver une pêche durable et responsable, créatrice de richesses et garante d’un développement équilibré de nos territoires, de vos territoires, de la France et de l’Europe.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur la politique européenne de la pêche.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 14 mai 2013, de quatorze heures trente à dix-huit heures trente :

1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi ;

Rapport de M. Claude Jeannerot, rapporteur pour le Sénat (530, 2012-2013) ;

Texte de la commission (n° 531, 2012-2013).

2. Projet de loi relatif à l’élection des sénateurs (377, 2012-2013) ;

Rapport de M. Philippe Kaltenbach, fait au nom de la commission des lois (538, 2012 2013) ;

Résultat des travaux de la commission (n° 539, 2012-2013).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à dix-huit heures trente.