Revenons aux réalités : ce débat a pour objet de faire le point sur les orientations de la future politique commune de la pêche et des négociations en cours.
Considéré à l’échelle nationale, le poids économique de la pêche est peut-être relativement modeste. Cependant, quand on réfléchit à l’avenir du secteur, il faut penser non pas seulement à la production et aux hommes qui partent pêcher en mer, mais aussi à toute l’économie liée à leur activité. Pour le littoral, il est déterminant en termes d’emplois directs et indirects, notamment dans la transformation du poisson. La pêche a également des retombées pour l’économie touristique ; elle amène la vie dans nos ports, de Saint-Jean-de-Luz au Croisic et de Boulogne-sur-Mer à Sète. Elle fait donc partie de nos traditions.
Nous devons la défendre contre ceux, à commencer par la Commission européenne, dont la vision semble suggérer qu’il existe une équivalence « pêcheurs-pilleurs ».
En France, la pêche côtière et artisanale représente 80 % de la flottille. Il y a là des marins-pêcheurs qui connaissent leur environnement et ont intérêt, parce qu’ils sont ancrés dans leur territoire, à préserver la ressource pour demain. Ils possèdent un savoir-faire et sont porteurs de solutions pour une pêche durable.
Il faut cependant instaurer un climat de confiance, disposer de constats scientifiques réellement partagés et mettre fin à une approche annuelle qui prive de toute visibilité.
S’agissant de la confiance – et je m’adresse ici à nos collègues du groupe écologiste –, était-il utile de multiplier les communiqués triomphants à la suite de la décision du Parlement européen d’entériner la réforme proposée par la Commission, ou encore d’accuser les eurodéputés socialistes et UMP français qui ne l’ont pas votée et le Gouvernement de mener un combat d’arrière-garde ?
Il n’y a pas d’un côté les amis des poissons et de l’autre les amis des pêcheurs ! On peut défendre une vision de la pêche qui prenne en compte à la fois l’aspect environnemental, certes fondamental, et les facteurs économiques et sociaux, tout aussi essentiels.
J’en viens au projet de réforme de la politique commune de la pêche, PCP. Un accord quasi général s’est fait en faveur de l’abandon de la généralisation des concessions de pêche transférables. Nous ne pouvons que soutenir cette position, car la généralisation des CPT favoriserait une gestion spéculative de la ressource halieutique et la concentration des entreprises, au détriment des professionnels qui pratiquent la pêche artisanale.
S’agissant de la mise en œuvre du rendement maximal durable, la position du Parlement européen paraît irréaliste et méconnaît la diversité des situations.
En Méditerranée, la collecte de données fiables, nécessaire pour la bonne mise en œuvre du RMD, semble déjà compromise : non seulement les zones de pêche internationales se superposent, mais, de surcroît, les pêcheries mixtes y constituent la règle. Les stocks ne sont bien connus que pour trois espèces – le thon rouge, le merlu et le rouget-barbet – sur plus de soixante-cinq espèces exploitées.
Monsieur le ministre, il faut des mesures d’accompagnement et des délais raisonnables.
Que dire de l’interdiction des rejets en mer et du calendrier restreint – 2014 à 2017 – de son application progressive ? Le Gouvernement s’est résolu à en accepter le principe, mais il eût été plus approprié de faire porter l’effort sur la sélectivité, quitte à prononcer une interdiction stricte si aucun progrès n’était réalisé ; les pêcheurs le comprennent bien d’ailleurs.
En outre, la profusion de petits ports dans le bassin méditerranéen rend nécessaire l’aménagement de structures de collecte. Or il semble qu’aucune aide n’ait été prévue pour leur construction.
Pis, l’objectif « zéro rejet » va pouvoir alimenter une filière de farines animales que la France rejette.