Intervention de Maurice Antiste

Réunion du 25 avril 2013 à 15h00
Débat sur la politique européenne de la pêche

Photo de Maurice AntisteMaurice Antiste :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur la politique européenne de la pêche est l’occasion pour moi de rappeler l’extrême importance de ce secteur d’activité en Europe et, plus encore, dans nos territoires d’outre-mer.

La France est le second pays au monde, en termes de surface maritime, avec près de 11 035 000 kilomètres carrés, juste derrière les États-Unis, avec leurs 11 351 000 kilomètres carrés : elle doit cet important espace maritime à la diversité géographique de ses départements et collectivités d’outre-mer.

Monsieur le ministre, vous connaissez tout mon intérêt pour les questions européennes relatives à ce sujet, les décisions prises ayant inévitablement et invariablement des conséquences importantes pour le secteur dans les DOM, l’application de la réglementation communautaire de la pêche mettant parfois nos marins-pêcheurs professionnels en difficulté.

Nous savons tous que la politique commune de la pêche, la PCP, est une des politiques les plus intégrées de l’Union européenne, puisqu’elle constitue même, pour partie, une compétence exclusive de l’Union.

Il n’est pas question pour moi de remettre en cause les objectifs de la PCP, construite autour de la notion de rendement maximal durable, belle synthèse entre la nécessité de préserver les ressources halieutiques et l’activité des pêcheurs.

D’ailleurs, les diverses révisions de cette politique européenne ont permis aux États membres de prendre conscience de la gravité de la situation et de la nécessité d’une réaction pour contrer les effets néfastes de la politique menée jusqu’alors. L’urgence de la mise en œuvre d’une réforme d’envergure, indispensable pour la survie du secteur, est donc connue.

Cependant, cette réglementation, conçue pour l’ensemble des zones de pêche de l’Union européenne, est inadaptée aux régions ultrapériphériques, les RUP. Pourtant, outre-mer, la pêche est principalement artisanale ; elle représente 20 % des effectifs de marins-pêcheurs français et 35 % de la flotte artisanale nationale, et elle constitue un véritable facteur de lien social.

Deux dispositifs sont particulièrement pénalisants pour les « petits pêcheurs » : l’un relatif au temps de travail, l’autre à l’aide aux constructions navales.

Concernant le temps de travail, l’articulation entre la législation nationale sur la durée du travail et la législation européenne sur les temps de marée, c’est-à-dire de pêche en mer, est difficile et parfois contradictoire.

La réglementation est rendue plus complexe encore dans les DOM par le fait que l’accord collectif du 28 mars 2001 sur la pêche artisanale et l’armement coopératif, qui permet de comptabiliser le temps de travail en jours de pêche plutôt qu’en heures de travail, ne s’y applique pas, exception faite de Mayotte. Les différents niveaux de réglementation atteignent une telle complexité qu’il est impossible de s’y retrouver.

Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour établir une plus grande clarté.

Le deuxième sujet concerne l’aide aux constructions navales. La réglementation sur ce point est à la fois fluctuante et inadaptée. L’actuel Fonds européen pour la pêche interdit toute aide publique à la construction de bateaux de pêche. Or la situation des DOM présente des caractéristiques spécifiques : le difficile accès au secteur bancaire pour la modernisation de la flotte, les surcoûts quotidiens de production liés à l’éloignement, les dégâts provoqués par la pollution au chlordécone constituent autant de sérieux handicaps au développement de la filière.

Cette réglementation, logique dans un cadre strictement européen, n’est pas adaptée aux DOM, puisque la plupart de nos bateaux de pêche mesurent moins de sept mètres.

La région Martinique, alors qu’elle en a les moyens et qu’elle a mis en place des dispositifs d’aide, est contrainte de respecter cette directive. Cependant, elle accorde des aides à la modernisation ou à la sécurité à bord.

Pour les îles, la pêche est évidemment un atout qui doit être valorisé, car elle est naturellement sélective, donc durable, avec des zones de cantonnement qui permettent de protéger la ressource. Or l’alignement des RUP sur une politique fondée sur les diagnostics des pêches d’Europe continentale et des surcapacités des flottes empêche de saisir les opportunités de développement existant dans les DOM.

La réforme de la PCP et celle du futur Fonds européen pour les activités maritimes et la pêche, le FEAMP, sont l’occasion d’adapter ces règles à la spécificité de nos départements, comme le déclarait la Commission européenne en 2008 lorsqu’elle affirmait, dans sa communication intitulée Les Régions ultrapériphériques : un atout pour l’Europe, qu’« il est nécessaire de soutenir le développement de secteurs porteurs dans lesquels les RUP possèdent des potentiels de spécialisation et des avantages comparatifs forts. […] Les RUP possèdent par ailleurs des ressources halieutiques riches et relativement préservées ».

Dans le cadre de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, j’ai été coauteur d’une proposition de résolution européenne visant à obtenir la prise en compte par l’Union européenne des réalités de la pêche des régions ultrapériphériques françaises, proposition devenue résolution du Sénat le 3 juillet 2012.

Monsieur le ministre, dans les régions précitées, restaurons l’aide à la construction de navires, maintenons les aides aux investissements à bord des navires du type de celles accordées par le FEP, restaurons les financements publics pour les dispositifs de concentration de poissons, ou DCP, collectifs et mettons en cohérence les politiques et les instruments communautaires – Fonds européen de développement, Fonds européen pour la pêche, accords de partenariat économique... – déployés par bassin.

Monsieur le ministre, quelle est votre position sur ces réflexions, qui doivent être intégrées dans la future PCP ? Les pêcheurs de nos régions ont besoin de vous ! L’Europe est sourde, et depuis longtemps, à leur cri séculaire. Personnellement, je mène un combat sur ces questions depuis plus de quinze ans ! Aidez nos pêcheurs à avoir envie de vous faire confiance ! Quant à moi, je compte sur vous et je reste à votre disposition pour la suite du combat.

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