Avec la commission des affaires européennes, nous avions demandé l’organisation d’un débat, qui a eu lieu le 12 juillet dernier. Qu’est-il advenu depuis ?
Le ministre des outre-mer, Victorin Lurel, qui a été entendu par notre délégation le 19 mars dernier, a annoncé des négociations bien engagées. Il semble cependant que la Commission européenne, tout en faisant quelques concessions de principe, campe sur son hostilité envers les aménagements quand on passe aux mesures concrètes. Elle refuse d’ailleurs obstinément l’insertion dans le règlement de base de toute référence à l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notre « Graal », qui constitue le socle juridique permettant des mesures dérogatoires pour les RUP.
Ainsi la Commission a-t-elle proposé un accord sur le principe d’une meilleure association des RUP au sein des comités consultatifs existants, alors que la France formule une demande plus ambitieuse : la constitution d’un comité propre aux RUP, subdivisé en bassins maritimes permettant de présenter des avis éclairés sur les évolutions de la réglementation.
En outre, la Commission européenne donne son accord à la modernisation de la flotte, mais à la stricte condition que cela n’entraîne pas d’augmentation de la capacité de pêche eu égard à l’état de la ressource. Or il n’existe pas, dans nos outre-mer, d’évaluation scientifique fiable de l’état de la ressource, l’IFREMER n’ayant fait aucune estimation dans ce domaine. Il est donc fort à craindre que la généreuse avancée de la Commission sur la question de la modernisation des équipements ne reste qu’une pétition de principe.
Dans le processus de codécision, peut-on compter sur l’appui du Parlement européen pour aller de l’avant et aboutir à une réelle prise en compte des spécificités ultramarines ? Je vous pose la question, monsieur le ministre.
Mon optimisme est également nuancé par le retard du processus de révision du règlement FEAMP. Le vote du Parlement, qui était prévu le 22 avril, a été reporté à l’été… Le calendrier prend du retard et l’échéance de la fin 2013 s’approche, avec le risque que de nouveaux programmes ne puissent être engagés !
Concernant l’instrument financier, la France demande que le futur fonds comporte une enveloppe dédiée à la zone de convergence, avec des procédures assouplies et des mécanismes d’avances de fonds : où en est-on sur ces points dans la négociation ? Il semble que la Commission ait simplement, là encore, donné un accord de principe sur une simplification des règles de gestion !
Enfin, la rumeur enfle s’agissant des intentions du commissaire européen à l’agriculture de modifier en profondeur le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité agricole. Ne risque-t-on pas de priver de modèle la démarche française, qui tendait justement à instaurer pour la pêche un dispositif équivalent de compensation des surcoûts subis par la filière, en somme une sorte de « POSEI pêche » ?
Une autre évolution à venir, celle du règlement fixant le cadre des aides de minimis, accroît encore le risque encouru par nos petites entreprises artisanales, déjà confrontées à de lourdes difficultés, notamment la concurrence illégale des bateaux de pays tiers, en particulier brésiliens, et parfois même des actes de piraterie, toujours de la part des Brésiliens, ainsi qu’à la pollution à la chlordécone ou au mercure.
Monsieur le ministre, est-il aujourd’hui en votre pouvoir de dissiper toutes les ombres venues masquer les lueurs d’espoir qui se dessinaient ? Nous avons conscience de la difficulté de la tâche et de la dureté du combat, pour reprendre les termes de mon collègue Maurice Antiste, mais nous comptons sur votre vigilance et votre pugnacité pour défendre un secteur à fort potentiel de développement dans nos outre-mer, porteur de sens et de lien social. §