Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 25 avril 2013 à 15h00
Débat sur la politique européenne de la pêche

Thierry Repentin, ministre délégué :

Où on peut pêcher la féra !

L’aquaculture ne doit pas être laissée de côté : son chiffre d’affaires de 680 millions d’euros parle de lui-même. Ce constat nous oblige : la France doit participer aux discussions européennes sur cette réforme pour promouvoir l’objectif que nous partageons tous, fondé sur une approche équilibrée du développement durable.

La future politique commune de la pêche doit en effet permettre de maintenir un taux d’emploi élevé sur le littoral et au sein de la filière pêche.

La France défend aussi un renforcement du droit social des marins-pêcheurs et plaide notamment en faveur de l’harmonisation des conditions de vie et des conditions sociales ainsi que de l’amélioration de la sécurité à bord des navires, sujet auquel M. Bocquet est particulièrement attaché.

Vous le savez, la période que nous traversons est une période charnière pour la pêche et l’aquaculture françaises et européennes.

C’est pourquoi, dès sa nomination, le Gouvernement s’est mobilisé sur ce dossier d’actualité majeur pour l’avenir de la pêche et de l’aquaculture françaises et européennes qu’est la réforme de la PCP.

La politique commune de la pêche est en effet très intégrée au niveau européen. Il est essentiel que nous soyons constamment présents aux Conseils des ministres de l’Union européenne, pour défendre nos positions et pour parvenir à des résultats concrets. Frédéric Cuvillier est particulièrement conscient de cet enjeu. C’est la raison pour laquelle il a participé, depuis sa prise de fonction, à huit Conseils, qu’il s’agisse de négociations sur les quotas de pêche ou sur la réforme de la PCP. Lors de quatre d’entre eux, les discussions se sont achevées au petit matin, après des heures de négociations…

Vous le savez, la réforme engagée est une réforme d’ampleur portant sur tous les volets de la PCP, dans le cadre de trois règlements : un règlement de base, afin de définir les grands principes pour les dix prochaines années ; une organisation commune des marchés, afin d’améliorer la structuration de la filière et de favoriser une meilleure valorisation des produits de la pêche et de l’aquaculture ; la création du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, instrument financier indispensable pour accompagner le secteur face aux enjeux auxquels il est confronté.

Pour la première fois, des textes d’importance dans le domaine de la pêche seront adoptés selon la procédure législative ordinaire, celle de la codécision entre le Conseil des ministres et le Parlement européen.

Les deux institutions ont adopté leurs positions respectives à une large majorité. Si elles partagent les mêmes grands objectifs pour cette réforme, à savoir la promotion d’une pêche durable et responsable, elles révèlent parfois leurs divergences sur les modalités pratiques de mise en œuvre.

Les négociations sont désormais bien entamées sur ces trois textes fondamentaux. Vous avez mentionné l’accélération du calendrier, avec un mandat révisé souhaité par le Président du Conseil. Nous sommes prêts à soutenir ce nouveau calendrier, mais la forme ne doit pas prendre le pas sur le fond : nous avons nos lignes rouges.

Premièrement, le règlement portant organisation commune des marchés est le texte le plus avancé. Le Conseil a finalisé sa position le 12 juin dernier et le Parlement européen l’a fait en septembre 2012. Nous sommes désormais dans la phase finale du trilogue, et les deux institutions s’approchent d’un accord sur les principaux points du compromis : le renforcement des organisations de producteurs, la reconnaissance des interprofessions et de leurs missions, l’amélioration de l’information du consommateur et une concurrence équilibrée entre les produits européens et importés.

Le dernier point de discussion concerne les informations obligatoires en matière d’étiquetage. La France, à l’instar du Conseil, n’est pas favorable à l’inclusion de la date de capture dans les informations à destination du consommateur. Cela pourrait en effet induire le consommateur en erreur, notamment pour le poisson capturé à l’occasion de sorties de plusieurs jours et qui est conservé à bord. Le poisson frais et de qualité, ce n’est pas nécessairement le poisson du jour.

Deuxièmement, les discussions sont en revanche plus longues et les négociations plus difficiles en ce qui concerne le règlement de base de la PCP. Vous en connaissez les thèmes principaux, qui suscitent tout particulièrement l’inquiétude des pêcheurs.

Les positions de la France ont été prises en compte dans le cadre de la position du Conseil, laquelle a été adoptée après de longues nuits de négociation les 12 juin et 26 février derniers.

Cette position reflète le compromis délicat trouvé sur tous ces sujets-clés entre les différents États membres. Elle fait droit aux demandes de la France, soucieuse d’une vision équilibrée de la pêche, qui doit à la fois permettre le maintien de nos emplois sur le littoral et au sein de la filière et préserver les ressources halieutiques.

Sur le rendement maximum durable tout d’abord, la position du Conseil est à la fois ambitieuse et équilibrée. Pour la première fois, cette notion de gestion des pêches sera inscrite dans le règlement de base de la politique commune.

Le rendement maximum durable sera atteint de manière progressive en 2015 lorsque ce sera possible ou en 2020 au plus tard en vue d’assurer tout à la fois une exploitation durable des ressources permettant leur renouvellement et la gestion des impacts socioéconomiques d’une adaptation qui pourrait sinon être trop brutale.

Il est essentiel en effet de prendre en compte la réalité des pêcheries françaises, qui sont le plus souvent mixtes et polyvalentes. Cette flexibilité permettra donc une transition en souplesse, dans un contexte d’amélioration progressive de la situation des stocks dans les eaux de l’Union européenne.

À cet égard, monsieur Gattolin, les chiffres de la Commission européenne elle-même sont éclairants : en Atlantique du Nord-Est, la surexploitation des stocks, qui était de 75 % en 2010, est passée à 47 % en 2012. Des efforts restent à faire, mais reconnaissez que nous sommes sur la bonne voie !

Les résultats très positifs obtenus lors du dernier Conseil de décembre sur les quotas de pêche en témoignent : de plus en plus de stocks de poissons sont ainsi au rendement maximum durable. C’est une évolution positive, à laquelle le rapprochement entre scientifiques et pêcheurs a beaucoup contribué. À cet égard, je tiens à souligner l’intérêt des travaux menés par l’IFREMER, que vous avez été plusieurs à saluer.

Le Parlement européen est favorable à une rédaction encore plus contraignante, qui nécessiterait des ajustements importants pour nos pêcheries si elle était adoptée, mais, M. Retailleau ayant présenté la situation dans le détail, je n’y reviens pas.

Je tiens cependant à dire que la rédaction que retiendra le Conseil fait partie de nos lignes rouges dans la négociation, et Frédéric Cuvillier l’a une nouvelle fois répété lundi, lors du dernier Conseil à Luxembourg.

Nous sommes également fermement opposés à l’introduction obligatoire d’un système de concessions de pêche transférables.

Un tel système convient peut-être aux caractéristiques de la pêche dans d’autres États membres, mais il est parfaitement incompatible avec la conception et l’organisation françaises en matière de gestion des pêches.

Il entraînerait une privatisation des droits d’accès incompatible avec les spécificités de la ressource halieutique, qui constitue un bien public.

En outre, il favoriserait la spéculation et la concentration des possibilités de pêche, au détriment des unités artisanales les plus fragiles, ce qui n’est pas conforme à notre souhait de préserver la diversité de la pêche française dans toutes ses composantes et tous ses métiers, comme l’a souligné Frédérique Espagnac.

C’est pourquoi nous avons obtenu que chaque État membre définisse son propre système d’attribution des droits de pêche, conformément au principe de subsidiarité.

Le Parlement européen s’est lui aussi opposé à l’adoption de concessions de pêche transférables.

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