Intervention de Michel Rocard

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 5 décembre 2012 : 1ère réunion
Réunion commune avec le cese : affronter les défis du long terme inventer une nouvelle planification

Michel Rocard, ancien Premier ministre, ancien ministre du Plan et de l'aménagement du territoire :

L'Etat stratège est au coeur de la question. Je veux encourager le projet de commissariat à la stratégie et à la prospective car l'Etat est pauvre en pensées longues. Néanmoins, je mets en garde contre les trop grandes responsabilités que l'on pourrait lui donner. Je considère que la fonction d'évaluation ne doit pas être rattachée à cet organe. Je le déconseille formellement. En effet, je rappelle que notre pays refuse l'évaluation dans tous les corps de son système de décision publique. Ce constat exige que la France se dote d'évaluateurs recrutés en dehors des circuits traditionnels. Il exige aussi que chaque évaluation soit réussie, grâce à ces personnes non issues d'un organe de l'Etat existant. Je pense donc que le commissariat doit naturellement demander des évaluations et les étudier, mais en aucun cas les effectuer.

Quant au dialogue social, il n'existe pas en France. C'est ce qui explique les difficultés que notre pays connaît pour réformer les retraites ou l'assurance-maladie. Je pense que la pensée syndicale a évolué depuis la Charte d'Amiens qui prône la non-coopération avec l'Etat. Cette évolution favorable au dialogue social suppose néanmoins d'abandonner les éléments vagues et incertains. Le dialogue doit être précis et organisé en thèmes spécifiques afin de donner lieu à la contractualisation, et non pas à la concertation. Pour le restaurer, le dialogue social doit être préservé, salué et cette appellation ne doit pas servir à définir n'importe quelle rencontre. Pour introduire la dimension du temps long, le commissariat doit faire des recherches afin d'éclairer efficacement l'Etat dans ses décisions exécutives et d'informer pertinemment les partenaires sociaux. Le commissariat doit également reposer à mon sens sur la pluridisciplinarité dans la mesure où le développement durable s'entend pour de nombreux domaines : logement, transports, agriculture, etc.

Je risque une dernière hypothèse. Je continue de penser que le temps de travail va diminuer encore, en lien avec une croissance économique ralentie. La question est : « que faire de ce temps libre ? ». Car le temps libre effraie et il est un certain capitalisme qui souhaite le récupérer à des fins marchandes. La pratique du sport et celle de la culture doivent être revitalisées afin de rendre à nouveau désirable le temps libre.

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