Mais pas à n'importe quel prix et pas n'importe comment !
Votre projet de loi a fait couler beaucoup d'encre et il continue à susciter de grandes réserves quant à la manière d'atteindre ces trois objectifs.
Les travaux de la commission des lois ont cependant permis d'obtenir un texte qui, encore très loin de nous satisfaire, permet déjà d'aborder le débat en séance, sinon avec sérénité, du moins avec clarté.
Concernant l'organisation des différentes instances, certains points doivent encore être précisés.
La vice-présidence d'un conseil consulaire, qui échoit à un élu, doit être effective et, en cas d'absence du président, c'est le vice-président qui doit assurer la présidence du conseil et non pas un représentant du chef de poste diplomatique ou consulaire.
Les conseillers consulaires doivent, pour un meilleur accomplissement de leur mandat, bénéficier des formations ouvertes aux agents du ministère des affaires étrangères.
Quant à l'AFE, elle doit pouvoir continuer à se réunir deux fois par an comme c'est actuellement le cas. C'est une demande forte des élus actuels.
Dans sa nouvelle structure, l'AFE sera plus que jamais le lieu unique de débat entre tous les élus des Français de l'étranger : conseillers, députés et sénateurs. Il est donc très important, madame la ministre, que les parlementaires des Français de l'étranger soient membres de droit de l'AFE, toutefois sans voix délibérative.
Par ailleurs, les grandes associations représentatives des Français de l'étranger au niveau national doivent pouvoir continuer à jouer bénévolement leur rôle d'expertise auprès de l'AFE.
Les conseillers à l'AFE doivent aussi avoir la possibilité de participer aux réunions des conseils consulaires de leur circonscription électorale.
Enfin, il est nécessaire que les décrets, prévus aux articles 19 et 29, établissent les prérogatives des conseillers consulaires et des conseillers à l'AFE dans leur circonscription électorale.
J'en viens aux dispositions électorales prévues par le texte. Concernant l'AFE, le découpage des circonscriptions me semble trop restrictif pour garantir la proximité entre les élus consulaires et les élus de l'AFE.
Nous souhaitons améliorer cette proximité et aussi garantir une meilleure représentativité en portant le nombre des conseillers à l'AFE à 102, répartis dans un plus grand nombre de circonscriptions.
Par ailleurs, que ce soit pour les élections consulaires ou les sénatoriales, nous ne pouvons accepter le système de vote par anticipation sans qu'il soit encadré plus étroitement par la loi et assure le respect des garanties constitutionnelles.
Enfin, le système proposé pour l'élection des sénateurs rétablit, sous une autre forme, le vote par correspondance – que j'ai déjà qualifié de vote « Canada dry » puisqu'il présente tous les attributs du vote par correspondance sans en avoir le nom. L'alinéa 3 de l'article 33 octies prévoit que « les membres du collège électoral peuvent également voter sous enveloppe fermée, remise en mains propres à un ambassadeur ou chef de poste consulaire de leur circonscription d'élection, au plus tard le deuxième jeudi qui précède le scrutin ».
On a du mal à suivre la logique suivant laquelle on supprime définitivement tout vote par correspondance pour les élections consulaires tout en le réintroduisant sous cette forme pour les élections sénatoriales.
On objectera que faire venir tous les grands électeurs à Paris a un coût – j'en conviens. Mais il existe un système pour lequel nous nous sommes tous battus ici, c'est le vote par voie électronique, pour lequel on n'a pas besoin de mettre en place un protocole aussi complexe et lourd – financièrement et technologiquement – que celui qui a été mis en place pour les élections législatives puisqu'il s'agit de ne faire voter que les 520 grands électeurs sénatoriaux, lesquels peuvent aussi voter par procuration ou en personne.
Les grands électeurs peuvent très bien voter par les voies sécurisées déjà existantes entre le ministère des affaires étrangères et les postes diplomatiques et consulaires à l'étranger.
Tant sur le plan technique que sur le plan constitutionnel, et malgré toutes les assurances que pourra nous donner le Conseil d'État, je doute fort que le dispositif proposé dans le projet de loi, qui rappelle la manœuvre de 1978 – on a parlé à l'époque d'« urnes baladeuses » –, soit validé en l'état par le Conseil constitutionnel.
Voilà, madame la ministre, quelques points sur lesquels nous devrons nous accorder pour que nous nous rallions à cette réforme.
Pour conclure, je vous dirai qu'au Sénat, contrairement à l'Assemblée nationale, tous les parlementaires des Français de l'étranger sont issus de l'Assemblée des Français de l'étranger. Pour autant, nous ne ferons pas de ce débat un baroud d'honneur. Mais nous nous battrons parce que, n'ayant rien à perdre, nous avons tout à gagner.
Forts de notre expérience d'élus de terrain, de notre expertise, du long cheminement de la représentation des Français de l'étranger, nous défendrons article après article et point par point, pour que cette belle histoire ne se termine pas aussi brutalement, l'idée que nous nous faisons de la démocratie représentative de proximité.
Nous abordons par conséquent ce débat non seulement avec gravité et détermination, mais aussi avec espoir et optimisme. Parce que, avec le soutien de l'ensemble des élus de l'AFE, nous voulons faire de cette réforme, au lieu d'un enterrement programmé, un pari pour l'avenir.