Le suspense ne sera pas très long : je voterai cette motion. Je la voterai parce que, comme l'a expliqué Joëlle Garriaud-Maylam, ce projet de loi manque à trois exigences constitutionnelles qui nous semblent fondamentales : le texte remet en cause le droit des électeurs à exprimer leur suffrage selon une périodicité raisonnable ; la prorogation proposée revêt un caractère discriminatoire ; la discussion du texte risque d'entrer en contradiction avec la loi actuelle et de contraindre le pouvoir législatif à la violer, en supprimant le droit du suffrage universel par le cumul de mesures de prorogation.
Mes chers collègues, vous me direz que, en matière électorale, tout s'est toujours fait et de tout temps… Peut-être ! Il n'en reste pas moins que nos concitoyens vivant à l'étranger, que je représente dans cet hémicycle – comme la plupart de nos collègues présents aujourd'hui –, sont inquiets. Ils le sont à juste titre, dans la mesure où le Conseil constitutionnel a rappelé que la prorogation des mandats devait avoir un caractère exceptionnel et transitoire : elle doit être limitée dans le temps et strictement nécessaire à la réalisation de l'objectif de la loi. En outre, le Conseil constitutionnel ne s'est encore jamais prononcé sur une succession de prorogations accompagnée d'une amputation du mandat d'une partie des élus.
La situation inédite introduite par votre projet de loi, madame la ministre, sème le doute chez les électeurs, qui n'ont plus aucune certitude quant à la durée effective du mandat des candidats pour lesquels ils votent. Comme l'a souligné Joëlle Garriaud-Maylam, cette prorogation remet en cause le principe de sincérité du suffrage, par son caractère abusif, et le principe de l'égalité des élus devant la loi, du fait de son caractère discriminatoire. L'adoption de ce projet de loi en l'état aboutirait en effet à la prorogation du mandat des élus de la série B pour la deuxième fois, tandis que le mandat des élus de la série A serait amputé de près de deux ans. Vous comprendrez que nous ne puissions que dénoncer une telle différence de traitement.
Par ailleurs, comme notre rapporteur l'a remarqué dans l'excellent rapport qu'il a rédigé à l'issue d'un travail approfondi, « l'adoption définitive de cette prorogation pourrait même, malgré l'engagement de la procédure accélérée demandée par le Gouvernement sur ce projet de loi, » – nous savons tous pourquoi ! – « intervenir au cours du délai de 90 jours précédant le jour du scrutin ». En effet, nous sommes aujourd'hui précisément à 90 jours du scrutin, puisque le terme des mandats en cours est fixé au 18 juin à minuit. Cela signifie qu'il ne reste que quelques heures à M. Fabius pour publier l'arrêté de convocation des électeurs car, en application de l'article 31-1 du décret n° 84-252 du 6 avril 1984 – cette précision est également mentionnée dans le rapport –, l'arrêté du ministre des affaires étrangères doit convoquer les électeurs au moins 90 jours avant la date du scrutin.
Vous comprenez donc aisément notre inquiétude. L'adoption de ce projet de loi validerait une illégalité commise sciemment par le Gouvernement, alors même que celui-ci a l'obligation constitutionnelle d'appliquer la loi. Madame la ministre, comment pouvez-vous accepter de bafouer autant de principes constitutionnels en légalisant une situation aussi ubuesque ? Monsieur le rapporteur, vous avez souhaité citer Léon Jozeau-Marigné, qui a déclaré en 1982 au sujet de la réforme du Conseil supérieur des Français de l'étranger, le CSFE, qu'elle allait « dans le sens d'une plus grande démocratisation ». L'AFE a d'ailleurs adopté à l'unanimité, en septembre 2012, un avis dans lequel elle souhaitait « une évolution démocratique de son statut ». C'est véritablement dans cet esprit que nous avons abordé la discussion de ce projet de loi, mais nous ne pouvons rester insensibles aux inquiétudes légitimes de nos compatriotes quant au respect de la Constitution.
C'est pourquoi, comme je l'ai indiqué dès le début de mon intervention, je soutiens cette motion qui, je l'espère, permettra au Gouvernement d'envisager des modalités de démocratisation conformes à l'esprit de notre norme juridique supérieure. Le groupe UMP votera donc cette motion.