Intervention de Patrick Pierron

Commission des affaires sociales — Réunion du 2 avril 2013 : 1ère réunion
Sécurisation de l'emploi — Audition des partenaires sociaux : organisations syndicales signataires de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013

Patrick Pierron, secrétaire national de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) :

Au moment de l'entrée en négociation, la CFDT souhaitait parvenir à un accord qui change la donne pour les salariés et les entreprises pour démontrer que les partenaires sociaux sont capables de prendre leurs responsabilités et de faire reculer la précarité. Nous ne voulions pas conclure un accord simplement défensif mais obtenir des droits nouveaux pour les salariés et sécuriser leurs parcours professionnels. A une époque où ces parcours ne se font plus dans une seule entreprise et peuvent être entrecoupés de périodes de chômage, il était nécessaire de rattacher les droits à la personne et pas au contrat de travail. L'encadrement du temps partiel subi, qui touche surtout les femmes et les familles monoparentales, constituait un autre point important.

Dans le même temps, nous avons voulu affirmer le rôle central du dialogue social comme outil de création de la norme sociale, prendre en compte les réalités des salariés et des entreprises et replacer les salariés au centre des décisions. Ce dernier point passe par l'accord majoritaire, l'avis renforcé des institutions représentatives du personnel (IRP) en amont des décisions et l'association des salariés aux organes de décision avec voix délibérative.

Nous souhaitions que cet accord influence les comportements des entreprises et des employeurs. Jusqu'à maintenant, une entreprise qui est transparente, forme ses salariés et encourage l'emploi sur le long terme, est traitée de la même façon qu'une entreprise qui ne réalise pas ces efforts et favorise la précarité et le chômage. Demain, cela ne sera plus le cas. Nous avons voulu que cet accord expose clairement que le comportement vertueux des entreprises passe par la négociation, l'implication des salariés, la transparence, la formation. Contrairement à ce que disent certaines organisations non signataires, la transposition de l'accord dans la loi va rendre immédiatement applicables les nouveaux droits tandis que les ouvertures en matière de flexibilité ne seront effectives qu'à la condition d'avoir été validées dans le cadre d'accords majoritaires.

Dix nouveaux droits ont été consacrés par cet accord dont cinq sont emblématiques. Le premier est la généralisation de la complémentaire santé collective. Cette mesure va toucher 400 000 salariés qui ne sont pas couverts aujourd'hui et quatre millions de salariés qui disposent d'une complémentaire individuelle. Le deuxième concerne les droits rechargeables, qui sécurisent les périodes de chômage et incitent au retour à l'emploi. Vient ensuite le meilleur encadrement du temps partiel : les heures complémentaires seront mieux rémunérées ; le principe d'une durée minimale de vingt-quatre heures hebdomadaires est fixé, mais les accords de branche pourront y déroger en fonction de leurs spécificités ; l'éclatement horaire sera encadré en regroupant des heures par demi-journées afin d'éviter de mobiliser les salariés sur des plages horaires ne correspondant pas au temps de travail effectif et de leur permettre éventuellement de trouver un deuxième employeur. Le compte personnel de formation permet d'aller au-delà du droit individuel à la formation (DIF) afin de rattacher la formation à la personne, tout au long de sa carrière. Le véhicule est là. Une concertation est en cours pour définir les modalités précises d'application de ce nouveau droit. Enfin, la taxation des contrats courts est un signe que nous avons voulu envoyer pour indiquer que le recours aux contrats courts de moins de trois mois, moins d'un mois et moins d'une semaine, ne peut constituer le mode de fonctionnement normal du marché du travail. Il faut retourner vers l'emploi long. Cela ne va pas fondamentalement changer la donne et nous sommes conscients que les contrats courts sont dans certains cas nécessaires. Mais il fallait s'élever contre ce dérapage dans l'utilisation des contrats courts.

Un deuxième volet important de l'accord concerne le dialogue social. La future base de données permettra de compléter les informations actuellement prévues dans le code du travail avec des éléments relatifs à la stratégie de l'entreprise sur trois ans, aux aides publiques et à leur utilisation. Cela permettra de prendre en compte les impacts sociaux des décisions de l'entreprise, de mesurer les difficultés avant qu'elles n'arrivent et de débattre des choix stratégiques. Une expertise nouvelle a été créée qui permet de décrypter les éléments économiques, de participer au diagnostic et d'accompagner les élus.

Concernant les représentants des salariés avec voix délibérative dans les grandes entreprises, nous avons estimé que nous n'avions pas la légitimité pour aller plus loin et que cette question devait être affinée dans le cadre du débat parlementaire.

La négociation tous les trois ans sur la politique sociale et sur les parcours professionnels constitue un autre élément important qu'il faut associer à la base de données. Elle permettra de négocier sur l'évolution des emplois, les orientations des plans de formation, sur l'utilisation des différentes formes de contrats de travail, sur le contrat de génération, sur la mobilité.

Nous avons également obtenu un meilleur encadrement des accords de maintien de l'emploi : les salaires ne peuvent être diminués en dessous d'1,2 smic ; un retour à meilleure fortune est prévu ; si aucune solution n'est trouvée au bout de deux ans, les indemnités sont calculées sur la base de ce qui existait avant la mise en place du contrat de maintien dans l'emploi.

La possibilité de négocier et homologuer les plans sociaux constitue également un élément central.

Tous les éléments de flexibilité introduits dans l'Ani ne pourront devenir effectifs que sur la base d'un accord majoritaire à 50 %.

En conclusion, nous avons voulu influencer les comportements des entreprises en faveur de l'emploi, donner plus de droits aux salariés en période de crise, anticiper les mutations et associer les salariés aux décisions, gagner en transparence et en visibilité. Pour nous, il s'agit, plus que d'un accord équilibré, d'un accord au service de l'emploi, des entreprises et des salariés, pour relever le défi de la performance et de la compétitivité.

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