Intervention de Patrick Pierron

Commission des affaires sociales — Réunion du 2 avril 2013 : 1ère réunion
Sécurisation de l'emploi — Audition des partenaires sociaux : organisations syndicales signataires de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013

Patrick Pierron, secrétaire national de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) :

Quel est l'enjeu central de cet accord ? Le dialogue social, le rétablissement de la confiance entre les salariés et les employeurs. A l'avenir, l'établissement des normes sociales devra se faire par la négociation entre partenaires sociaux et la conclusion d'accords majoritaires.

A ce titre, l'Ani va encore plus loin que le droit actuel puisqu'il prévoit que les accords de maintien de l'emploi devront être signés par des syndicats représentant au moins 50 % des suffrages exprimés, contre 30 % en règle générale. Ces accords dureront au maximum deux ans et chaque salarié sera consulté.

Il s'agit d'un outil supplémentaire dont disposeront syndicats et patronat pour remédier à des difficultés conjoncturelles. La grande différence avec les accords de compétitivité, c'est l'encadrement de la procédure, notamment la possibilité d'aller en justice en cas de non-respect des engagements pris.

Sur la question de la taxation des contrats courts, nous avons eu un doute sur la part de CDD qui visent à assurer un remplacement. Si nous savons que le nombre d'embauches en CDD explose - 19 millions de CDD ont été passés en 2011, dont 17 millions pour une durée inférieure à trois mois -, nous ne disposons pas de statistiques précises nous permettant de savoir combien d'entre eux étaient des contrats de remplacement, qui sont inévitables, ou des contrats d'embauche pour une durée très faible. Ces chiffres globaux montrent en tous cas l'ampleur du recours aux contrats courts, et il fallait donc une mesure symbolique pour montrer que l'embauche en CDD ne peut être la règle.

Il n'a pas été souligné que l'accord ne fait pas que taxer les contrats courts, mais qu'il favorise également l'embauche en CDI pour les moins de 26 ans. C'est un signal donné aux employeurs : afin de bénéficier d'exonérations de cotisations sociales et de neutraliser la taxation des contrats courts, il leur est possible de transformer les CDD des jeunes en CDI et ainsi d'aller dans le sens de l'emploi.

Après débat, nous avons décidé de ne pas faire entrer l'intérim dans le champ de la taxation des contrats courts. Nous avons choisi de considérer les sociétés d'intérim, qui fonctionnent en proposant des contrats courts à des entreprises utilisatrices auxquelles ces contrats sont nécessaires, comme des entreprises à part entière. Les entreprises utilisatrices ne seront pas non plus taxées lorsqu'elles recourront au contrat d'intérim. Les salariés en intérim sont des salariés à sécuriser comme les autres, y compris entre deux contrats. L'idée est de créer un CDI intérimaire à travers une négociation au sein de la branche du travail temporaire. Une clause de revoyure de six mois est fixée par l'Ani pour tirer les conséquences en cas d'échec des négociations dans cette branche. Il faut souligner que, dans ce secteur, cela faisait dix ans que l'on essayait sans succès d'ouvrir cette négociation ; c'est maintenant chose faite grâce à l'Ani, et il faut espérer que cela permette de sécuriser les parcours professionnels des intérimaires.

Les amendements adoptés par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale nous semblent aller dans le bon sens. Nous avons constaté une bonne articulation, en amont de l'examen du texte par la commission, entre les syndicats, les députés et le Gouvernement. Nous avons pu exposer notre démarche devant les parlementaires, nous avons eu des rapports réguliers avec le rapporteur du texte, et nous avons communiqué avec le cabinet du ministre, notamment pour interpréter certaines dispositions de l'accord. Ce n'est en effet pas chose facile que de traduire dans un texte juridique le texte d'un accord écrit de manière littérale et qui comprend quelques zones d'ombre. Il a ainsi été démontré que la démocratie sociale, ou au moins le dialogue social, pouvait se conjuguer avec la démocratie politique, sans autocensure mais dans une relation de complémentarité, et nous souhaitons pouvoir poursuivre en ce sens avec votre assemblée.

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