Je voudrais saluer le travail accompli par la Cour des comptes, remercier le président, le rapporteur spécial et le rapporteur général d'avoir inscrit au programme de l'année cette enquête sur les engagements hors bilan de l'Etat et esquisser une réponse à la question que pose le rapporteur général : à quoi cela sert-il ? Je crois que cela peut servir à nos concitoyens pour comprendre l'urgence et la nécessité de certaines réformes, et à ne pas se faire d'illusion sur la réalité patrimoniale de l'Etat. Cette enquête doit servir d'instrument pédagogique. Nous devons donc veiller à ce que ces informations soient aussi lisibles et compréhensibles que possible.
Il y a évidement aujourd'hui une dimension européenne. Il y a quelques heures, j'étais à Luxembourg avec notre collègue Marc Massion. Nous étions hier matin au siège d'Eurostat et ce matin au siège du Mécanisme européen de stabilité (MES) et du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Chez Eurostat nous avons été reçus par le directeur général, M. Walter Radermacher, et nous avons rencontré M. Gallo Gueye, que nous connaissions déjà puisqu'il était venu s'exprimer devant la commission des finances à la fin du mois de mars 2010 pour nous expliquer qu'il ne disposait que de quinze collaborateurs pour prendre en charge le suivi des comptes des Etats membres de la zone euro. Bonne nouvelle : ils sont maintenant cinquante-cinq ! Ce qui est frappant est que, au fond, Eurostat, dans notre esprit, rassemblait d'abord des experts en macroéconomie, c'est-à-dire des experts en mesure des risques par rapport au dénominateur que constitue le produit intérieur brut (PIB). Mais ils deviennent en quelque sorte la direction générale de la comptabilité publique de l'Union européenne ou, en tout cas, de l'Eurozone. La question que nous nous posons est de savoir s'il ne manque pas, dans la gouvernance européenne, une direction générale du Trésor, dont le pendant serait une direction de la comptabilité publique à trouver du côté d'Eurostat.
Eurostat organise un colloque pour savoir si les engagements hors bilan le sont réellement ou bien s'il faut les considérer comme des éléments du passif. Nous allons avoir un vrai débat au niveau européen pour savoir si les engagements de retraite doivent rester hors bilan ou figurer au passif. Sur le plan européen, si nous voulons parfaire le modus vivendi et améliorer la gouvernance, il faut qu'il y ait une normalisation de la présentation des comptes publics, des méthodes d'évaluation et des diligences de certification qui garantissent la sincérité des comptes. C'est là, je crois, un point sur lequel la France peut probablement avancer. Nous avons comme référence la loi organique relative aux lois de finances, qui nous a été présentée comme un instrument de maîtrise de la dépense publique. La démonstration reste incontestablement à faire. Disons que si la LOLF nous a rendus lucides, elle ne nous a pas pour autant donné le courage suffisant pour mettre en oeuvre les réformes structurelles nécessaires.
Nous avons compris que, du côté du Mécanisme européen de stabilité et du Fonds européen de stabilité financière, que dirige Klaus Regling, se mettait en place un travail un peu analogue à celui du Trésor, consistant à veiller à la coordination des émissions avec l'ensemble des Etats membres. Tout cela nous est apparu particulièrement intéressant.
Pour revenir aux engagements hors bilan, j'ai bien noté que, concernant le FESF, vous avez pris en compte les engagements de la France du fait de ses déboursements, et que pour le MES, on s'en tiendra uniquement aux obligations en capital appelable.
Si l'on souhaite faire preuve de pédagogie jusqu'au bout, il conviendrait d'étendre le recensement des engagements hors bilan à la sécurité sociale. Il y a urgence à ce que les mêmes principes trouvent à s'appliquer aux organismes de sécurité sociale, et sans doute aussi aux collectivités territoriales. Dans ce cas, nous observerons probablement des engagements hors bilan « en double ». En tant que président d'un conseil général, je peux citer l'exemple de mon assemblée départementale qui apporte sa garantie aux emprunts de l'office d'habitation à loyer modéré (HLM) du département : cette opération apparaît en engagement hors bilan, sans être retracée dans les comptes consolidés de l'office HLM et du conseil général. Il faudra donc encore progresser, dans la perspective d'une agrégation de l'ensemble des comptes des institutions publiques.
Par ailleurs, j'avais écrit au Premier président de la Cour des comptes lorsque le Gouvernement et Electricité de France (EDF) étaient convenus qu'EDF pourrait constater une créance de 4,9 milliards d'euros sur l'Etat, au titre de la contribution au service public de l'électricité (CSPE). Le Premier président m'a répondu qu'aucune dette n'était constatée au 31 décembre 2012, conformément aux normes comptables applicables à l'Etat. Est-ce dans ce cas un engagement hors bilan ?
La même remarque peut être formulée pour le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE). Les entreprises qui vont arrêter leurs comptes dans les mois qui viennent et jusqu'au 31 décembre 2013 pourront constater une créance sur l'Etat. Mais l'Etat ne constatera pas de dette au 31 décembre 2013. N'est-ce pas aussi un engagement hors bilan ? Peut-être faudrait-t-il alors considérer que d'autres dispositifs fiscaux, tel que le crédit d'impôt-recherche (CIR), relèvent de la même famille d'engagement.
Outre les partenariats public-privé (PPP), évoqués par le directeur du budget, on pourrait ajouter les baux emphytéotiques administratifs. C'est un vrai sujet car l'Etat évite momentanément des dépenses en ayant recours à des loyers alors que, s'il était maître d'ouvrage et aménageur, l'impact budgétaire serait tout à fait différent. Nous n'avons pas encore trouvé la bonne approche en termes de principes comptables, pas plus que dans l'autorisation délivrée par le Parlement, pour traduire cette réalité.
Je salue le travail accompli, qui constitue un progrès considérable. Je vous remercie, Monsieur le Président, de m'avoir laissé m'exprimer sur cette question importante.