Les résultats des élèves français, mesurés par les évaluations nationales et internationales, sont très décevants. Notre système éducatif ne parvient plus à résorber l'échec scolaire. Les inégalités de destin scolaire sont de plus en plus corrélées au milieu social d'origine. La qualité de notre service public et la réussite éducative de tous sont pourtant déterminantes pour relever les défis contemporains : l'élévation du niveau de connaissances, la lutte contre le chômage des jeunes, la réduction des inégalités sociales et territoriales, l'apprentissage de la citoyenneté et la cohésion nationale.
Un sursaut s'impose. Face à la brutalité des suppressions de postes et des réformes non préparées et imposées, au décalage entre les promesses et la dureté du quotidien scolaire, l'État doit réagir. L'école de la République réclame un choix de société, une ambition et des moyens à la hauteur des défis. Tel est l'enjeu de ce projet de loi de refondation.
Il s'agit d'une loi de programmation. Le primaire est au coeur de la refondation engagée par le Gouvernement. Au cours de la législature, 60 000 emplois seront créés : 54 000 dans l'éducation nationale, 5 000 dans le supérieur et 1 000 dans l'enseignement agricole. La réforme de la formation initiale, qui comprend la reconstitution d'une année de stage en demi-service, absorbera la moitié des créations.
Sur les 21 000 postes d'enseignants titulaires qui seront créés, les deux tiers le seront dans le premier degré, école maternelle et école élémentaire, là où se joue la réduction de l'échec scolaire et des inégalités sociales.
Mais ce texte est aussi un projet de loi d'orientation. Il parachève la consolidation du collège unique, car persistent des voies d'enseignement adapté ou préprofessionnalisant, hors de la scolarité ordinaire. Le projet de loi restreint à la seule dernière année de collège les enseignements complémentaires visant à préparer une formation professionnelle, et supprime les classes préparatoires rattachées à un établissement de formation professionnelle.
En cohérence avec la réaffirmation du socle commun de compétences, de connaissances et de culture comme étalon essentiel de la scolarité obligatoire, le Gouvernement supprime les dispositifs d'alternance pendant les deux dernières années du collège ainsi que la formation d'apprenti junior, et limite l'entrée dans le dispositif d'initiation aux métiers en alternance (DIMA) aux plus de 15 ans.
Le projet de loi clarifie la répartition des compétences : celle de l'État portera sur les seules dépenses pédagogiques, y compris les ressources numériques, mais non la maintenance informatique. L'État continuera d'apporter une assistance pédagogique aux utilisateurs afin de dynamiser les usages du numérique dans les classes.
Surtout, le projet de loi pose les fondements d'une co-construction de la carte des formations professionnelles initiales, partagée entre l'État et les régions. Aujourd'hui les conventions annuelles d'application des contrats de plan régionaux des formations professionnelles laissent, de fait, l'État libre de prendre des décisions unilatérales. Le nouveau mécanisme prévoit une concertation approfondie pour définir en commun des priorités.
La reconnaissance du rôle éducatif des collectivités territoriales se traduit également par l'inscription des activités périscolaires dans le cadre nouveau des projets éducatifs territoriaux (PEDT). La réforme des rythmes scolaires n'est abordée que via la création d'un mécanisme de soutien aux communes pour les années 2013-2014 ou 2014-2015. Son succès dépendra de la qualité des PEDT élaborés sur chaque territoire dans le prolongement du temps scolaire.
Autre innovation majeure, la participation des collectivités de rattachement aux contrats d'objectifs conclus entre l'établissement et l'autorité académique. Ces conventions tripartites mutualiseront les efforts et intégreront pleinement les politiques éducatives des collectivités dans la vie des établissements.
En outre, le texte supprime le Haut Conseil de l'éducation et le remplace par deux nouvelles instances auprès du ministre de l'éducation nationale, pour combler les lacunes d'une évaluation trop parcellaire et qui ne débouche que rarement sur des décisions. Le Conseil supérieur des programmes sera compétent pour formuler toute proposition sur la conception générale des enseignements, sur le contenu du socle commun et sur les programmes, y compris sur leur articulation, aujourd'hui largement déficiente. Le Conseil national d'évaluation du système éducatif quant à lui évaluera l'organisation et les résultats de l'enseignement scolaire. Il réalisera des évaluations. Il se prononcera également sur les méthodologies des évaluations internes conduites par le ministère de l'éducation nationale.
La mise en place d'une formation de qualité pour les enseignants est au coeur du projet. Le chapitre VI institue les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ) destinées à assurer une formation initiale et continue de qualité, incluant aussi bien des enseignements théoriques et pratiques que des compétences humaines, concernant les relations avec les élèves. Créées en lieu et place des IUFM (instituts universitaires de formation des maîtres), les ÉSPÉ auront le statut d'école interne à l'université, disposant d'un budget propre et de marges de manoeuvre financière. Dotées d'un conseil d'orientation scientifique et pédagogique, elles disposeront de l'autonomie pédagogique. Leurs demandes d'accréditation puis de renouvellement seront examinées par les ministères compétents au regard des principes et objectifs prévus par leur cahier des charges. Leurs formations devront bien sûr répondre aux objectifs fixés par le cadre national.
Les ÉSPÉ accueilleront leurs premiers étudiants à la rentrée scolaire de 2013. Aux termes de l'article 51 et du rapport annexé, elles contribueront au développement d'une culture professionnelle partagée par tous les enseignants des premier et second degrés, mais aussi de l'enseignement supérieur, en proposant des modules communs. Elles ont également vocation à approfondir les coopérations avec le milieu universitaire (en particulier dans la recherche pédagogique) et les milieux professionnels intervenant dans les domaines de l'enseignement et de l'éducation.
En outre, l'article 10 crée un véritable service public de l'enseignement numérique et de l'enseignement à distance afin de répondre aux critiques récurrentes sur l'absence d'un pilotage national et d'un accompagnement local efficace pour promouvoir l'enseignement numérique. Le manque de ressources et la méconnaissance par les enseignants des outils à leur disposition sont les principales causes du retard. Ainsi, outre l'enseignement à distance qui demeure confié au Centre national de l'enseignement à distance (Cned), le nouveau service public mettra à la disposition des établissements des services numériques et des ressources pédagogiques destinées aux enseignants pour leurs activités pédagogiques, leur formation et leurs relations avec les familles.
Cependant l'essor des usages numériques dans les classes ne sera possible que si les enseignants ont la possibilité de concevoir eux-mêmes leurs propres supports pédagogiques en utilisant facilement des illustrations dans leur version numérique.
C'est pourquoi l'article 55 assouplit l'exception pédagogique. Il en étend le champ aux oeuvres réalisées pour une édition numérique de l'écrit (Orene) évitant ainsi à l'enseignant une transcription informatique ou la numérisation du document. Il inclut également dans l'exception pédagogique les extraits d'oeuvres numériques utilisées pour illustrer des sujets d'examen ou de concours, y compris la diffusion au-delà des seules épreuves. En outre, l'article 26 crée à l'école, au collège et au lycée une formation aux outils et ressources numériques en lieu et place des enseignements de technologie et d'informatique. Elle inclura une sensibilisation des élèves aux droits et devoirs des utilisateurs sur Internet et sur les réseaux, respect de la propriété intellectuelle, protection de la vie privée, en particulier. Enfin, l'article 35 met en place une éducation pluridisciplinaire aux médias dans les classes de collège.
Mes amendements visent d'abord à réaffirmer les principes fondateurs du service public de l'éducation. J'entends relancer la démocratisation du système scolaire et la lutte contre les inégalités sociales, et restaurer la mixité sociale comme priorité. L'universalité du droit à l'éducation doit être garantie : il convient de renforcer l'obligation d'inclusion scolaire de tous les enfants, sans distinction d'origine, de milieu ou de condition de santé. L'école maternelle a un rôle fondamental à jouer dans la lutte contre les inégalités sociales. La préscolarisation des moins de trois ans peut apporter beaucoup aux enfants de milieu modeste, en termes de sécurisation affective et de développement du langage. La promotion de la santé scolaire s'inscrit dans ce cadre afin, là encore, de réduire les inégalités.
Je propose également d'assigner explicitement au service public de l'éducation la mission de veiller à la mixité sociale au sein des établissements scolaires. Il serait utile d'élargir les secteurs de recrutement des collèges sous l'autorité des conseils généraux qui pourraient ainsi définir des secteurs communs à plusieurs collèges publics, pourvu qu'ils se situent dans un même périmètre de transports urbains.
Également l'enseignement agricole doit jouer son rôle dans la refondation de l'école. Précisons que sont à la charge de l'État les manuels scolaires non seulement dans les collèges mais aussi dans les établissements d'enseignement agricole, et mentionnons explicitement que le Conseil national d'évaluation du système éducatif pourra être saisi par le ministre de l'agriculture.
Enfin, conformément à l'esprit d'ouverture et de coopération étroite entre l'école et les familles, il convient de supprimer l'article 4 ter qui permet la saisine de la maison départementale des personnes handicapées par l'équipe enseignante, sans l'accord des parents, pour demander un changement d'orientation ou de mode d'accompagnement d'un élève handicapé. De même, maintenons le principe d'un accord des parents et d'une mise en oeuvre conjointe - parents et équipe éducative - des programmes personnalisés de réussite éducative et des autres dispositifs d'aide. Toute rupture entre la sphère familiale et la sphère scolaire est préjudiciable au suivi de l'enfant.
Mes amendements visent ensuite à créer les conditions de la réussite des ÉSPÉ. Leur succès repose sur la convergence effective de deux cultures distinctes : celle de l'éducation nationale incarnée par un grand ministère centralisateur et représenté par les recteurs, garants du respect du cadre national, et celle de l'enseignement supérieur et la recherche, fondée sur la liberté des enseignants-chercheurs.
La mise en place des ÉSPÉ, avec un nouveau statut dérogatoire universitaire, intervient à un moment charnière dans l'évolution de nos universités, déjà soumises au rythme intense de l'accession aux « responsabilités et compétences élargies » de la loi du 10 août 2007, et objet d'une nouvelle réforme majeure, dans le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche, concomitant au projet de loi sur la refondation de l'école.
Dans ces conditions, il me semble utile de garantir les conditions d'une coopération étroite et fructueuse entre l'ÉSPÉ et l'université, afin de ne pas répéter les errements du système des IUFM. Je propose de prévoir la présence, au sein du conseil de l'ÉSPÉ, de représentants de l'établissement intégrateur. Afin d'assurer la stabilité des conseils, il convient également de dissocier la durée du mandat de ses membres de celle de l'accréditation.
En outre, la formation des cadres de l'éducation nationale doit être rénovée. Mes amendements renforcent la formation des chefs d'établissement, des inspecteurs pédagogiques régionaux et des inspecteurs de l'éducation nationale.
Enfin, je vous ferai des propositions pour assurer le passage de l'école au numérique, en apportant des clarifications à l'article 10. Notre société est traversée par l'irruption du numérique, qui modifie les modes de production et de diffusion des savoirs. L'école ne peut rester à l'écart de cette transformation. La création d'un service public du numérique éducatif s'inscrit dans ce cadre.