Je vous remercie de votre invitation. Je m'exprimerai devant vous en tant que maire et président de la communauté urbaine de Toulouse métropole.
Il est important de remettre en perspective le rôle des collectivités territoriales : trente ans de décentralisation ont donné du crédit aux collectivités territoriales. Elles participent aujourd'hui pleinement à la vie publique : leur capacité à gérer les services publics, à pouvoir assumer des compétences, alors même que l'État est à bout de souffle, est aujourd'hui incontestable.
Ce rendez-vous est donc majeur car il est aujourd'hui grand temps de redéfinir les rôles de chacun : celui d'un État, stratège, et celui des collectivités territoriales. Cette loi a du sens ; elle doit être très rapidement adoptée car l'État ne peut relever tous les défis. Il y a donc une nécessité de contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales pour définir des perspectives et attribuer des moyens, afin de créer des synergies entre l'État et les collectivités territoriales. Ce besoin est d'autant plus fort que la crise actuelle est plus grave qu'une crise économique : c'est une crise de société. Or, les défis actuels peuvent largement être relevés par les collectivités territoriales.
Ce que je trouve essentiel dans cette loi n'est pas qu'elle établisse une liste de compétences pour chacun des acteurs, qui seraient dévolues de manière uniforme sur le territoire, mais qu'elle dresse un cadre - et c'est pour cela que je défends beaucoup la notion de conférence territoriale - et qu'elle parie sur l'intelligence des élus pour se l'approprier, en fonction des besoins existant dans leurs territoires, dans cette période d'incertitudes.
La conférence territoriale présente un atout majeur : elle permettra à l'État et aux collectivités territoriales, mais aussi entre collectivités territoriales, de définir contractuellement leurs sphères d'intervention.
En outre, j'estime qu'il est nécessaire de reconnaître le fait urbain. La France est un pays dans lequel la population a choisi depuis des années de vivre en ville. Ce phénomène n'est pas seulement national ; il est mondial. Dans le monde, en quelques décennies, la proportion de la population urbaine est passé de 30 % à 50 % ; en France, cette proportion est passée de 30 % à 70 %, et même à 80 %, selon les interprétations. C'est un fait et ce projet de loi a le courage de le reconnaître car, pour avoir été député pendant 15 ans, je sais que la plupart des élus ont une sensibilité particulière pour le monde rural.
Ce fait urbain n'est pas seulement un signe de prospérité ; la ville engendre aussi de nombreuses difficultés. Le fait urbain a créé d'importants écarts de richesse entre les populations. Il est donc nécessaire de relever les défis, le plus caractéristique étant celui des quartiers car il y a des endroits où l'on peut parfois douter de l'existence de la République.
Un sujet me tient particulièrement à coeur : la métropole. Sur des territoires relativement restreints, cette formule permet de relever ces défis en faisant de la métropole un interlocuteur de l'État. Toulouse était une métropole régionale depuis des décennies : il n'y avait pas eu besoin d'une loi pour le décider. Mais il s'agit ici de savoir s'il est possible de décréter, selon certains critères, qu'un certain nombre de territoires ayant des atouts peuvent être des relais de l'État pour relever des défis qu'il ne peut plus lui-même assumer. J'estime qu'il y a trois grands défis : celui de l'emploi et de l'économie de la connaissance tout d'abord : il y a aujourd'hui des territoires où il existe des masses critiques en termes de recherche et développement, de transferts de technologies, d'enseignement supérieur ou de filières industrielles de haut niveau, qui permettent de susciter des dynamiques économiques. La spécialisation de Toulouse dans les domaines de l'aéronautique et du spatial, des dispositifs de l'État comme les centres hospitaliers universitaires (CHU) permettent par exemple de relever aujourd'hui des défis aussi variés que ceux du numérique, du vieillissement de la population ou du maintien des personnes à domicile. Ces masses critiques et la rénovation du lien entre État et collectivités territoriales permettraient ainsi de créer de nouvelles filières, nécessaires pour la ré industrialisation du pays.
Le deuxième point est celui de la transition énergétique : elle sera inévitable. Là encore, nous disposons de la masse critique nécessaire, constituée du parc de logements sociaux, qui nous permet d'être un interlocuteur de l'État.
Enfin, le fait urbain est aussi vecteur de discriminations et d'exclusions. Là encore, dans le cadre de la politique de la ville, ces questions peuvent être prises en compte par les métropoles.
Les métropoles ne sont pas un diplôme d'honneur mais il s'agit de savoir si au regard des critères que j'ai exposés, notamment par l'existence de masses critiques dans différents domaines, les métropoles peuvent être un relais de l'État.
Aujourd'hui, il n'y a que deux agglomérations qui peuvent véritablement prétendre au titre de métropoles : Paris et Lyon. En ce qui concerne les autres villes, elles remplissent un certain nombre de critères mais elles ne peuvent s'élever au rang de métropoles européennes que si le pays le décide. C'est un pari pour l'avenir : les collectivités territoriales sont devenues suffisamment crédibles pour le relever.