La réunion

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La commission procède à des auditions sur le projet de loi n° 495 (2012-2013) de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous allons achever ce soir la série des auditions publiques consacrées à ce projet de loi. Nous avons reçu déjà plus de cinquante élus.

Nous recevons aujourd'hui cinq invités ; Louis Nègre, vice-président de la métropole Nice Côte d'Azur, Pierre Cohen, maire de Toulouse, président de la communauté urbaine Toulouse Métropole, Jean-Pierre Moure, président de la communauté d'agglomération de Montpellier, Mickaël Delafosse, adjoint au maire de Montpellier, chargé de l'urbanisme et de l'aménagement du durable et Gilles Retière, président de Nantes Métropole.

Debut de section - Permalien
Pierre Cohen, maire de Toulouse, président de la communauté urbaine Toulouse métropole

Je vous remercie de votre invitation. Je m'exprimerai devant vous en tant que maire et président de la communauté urbaine de Toulouse métropole.

Il est important de remettre en perspective le rôle des collectivités territoriales : trente ans de décentralisation ont donné du crédit aux collectivités territoriales. Elles participent aujourd'hui pleinement à la vie publique : leur capacité à gérer les services publics, à pouvoir assumer des compétences, alors même que l'État est à bout de souffle, est aujourd'hui incontestable.

Ce rendez-vous est donc majeur car il est aujourd'hui grand temps de redéfinir les rôles de chacun : celui d'un État, stratège, et celui des collectivités territoriales. Cette loi a du sens ; elle doit être très rapidement adoptée car l'État ne peut relever tous les défis. Il y a donc une nécessité de contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales pour définir des perspectives et attribuer des moyens, afin de créer des synergies entre l'État et les collectivités territoriales. Ce besoin est d'autant plus fort que la crise actuelle est plus grave qu'une crise économique : c'est une crise de société. Or, les défis actuels peuvent largement être relevés par les collectivités territoriales.

Ce que je trouve essentiel dans cette loi n'est pas qu'elle établisse une liste de compétences pour chacun des acteurs, qui seraient dévolues de manière uniforme sur le territoire, mais qu'elle dresse un cadre - et c'est pour cela que je défends beaucoup la notion de conférence territoriale - et qu'elle parie sur l'intelligence des élus pour se l'approprier, en fonction des besoins existant dans leurs territoires, dans cette période d'incertitudes.

La conférence territoriale présente un atout majeur : elle permettra à l'État et aux collectivités territoriales, mais aussi entre collectivités territoriales, de définir contractuellement leurs sphères d'intervention.

En outre, j'estime qu'il est nécessaire de reconnaître le fait urbain. La France est un pays dans lequel la population a choisi depuis des années de vivre en ville. Ce phénomène n'est pas seulement national ; il est mondial. Dans le monde, en quelques décennies, la proportion de la population urbaine est passé de 30 % à 50 % ; en France, cette proportion est passée de 30 % à 70 %, et même à 80 %, selon les interprétations. C'est un fait et ce projet de loi a le courage de le reconnaître car, pour avoir été député pendant 15 ans, je sais que la plupart des élus ont une sensibilité particulière pour le monde rural.

Ce fait urbain n'est pas seulement un signe de prospérité ; la ville engendre aussi de nombreuses difficultés. Le fait urbain a créé d'importants écarts de richesse entre les populations. Il est donc nécessaire de relever les défis, le plus caractéristique étant celui des quartiers car il y a des endroits où l'on peut parfois douter de l'existence de la République.

Un sujet me tient particulièrement à coeur : la métropole. Sur des territoires relativement restreints, cette formule permet de relever ces défis en faisant de la métropole un interlocuteur de l'État. Toulouse était une métropole régionale depuis des décennies : il n'y avait pas eu besoin d'une loi pour le décider. Mais il s'agit ici de savoir s'il est possible de décréter, selon certains critères, qu'un certain nombre de territoires ayant des atouts peuvent être des relais de l'État pour relever des défis qu'il ne peut plus lui-même assumer. J'estime qu'il y a trois grands défis : celui de l'emploi et de l'économie de la connaissance tout d'abord : il y a aujourd'hui des territoires où il existe des masses critiques en termes de recherche et développement, de transferts de technologies, d'enseignement supérieur ou de filières industrielles de haut niveau, qui permettent de susciter des dynamiques économiques. La spécialisation de Toulouse dans les domaines de l'aéronautique et du spatial, des dispositifs de l'État comme les centres hospitaliers universitaires (CHU) permettent par exemple de relever aujourd'hui des défis aussi variés que ceux du numérique, du vieillissement de la population ou du maintien des personnes à domicile. Ces masses critiques et la rénovation du lien entre État et collectivités territoriales permettraient ainsi de créer de nouvelles filières, nécessaires pour la ré industrialisation du pays.

Le deuxième point est celui de la transition énergétique : elle sera inévitable. Là encore, nous disposons de la masse critique nécessaire, constituée du parc de logements sociaux, qui nous permet d'être un interlocuteur de l'État.

Enfin, le fait urbain est aussi vecteur de discriminations et d'exclusions. Là encore, dans le cadre de la politique de la ville, ces questions peuvent être prises en compte par les métropoles.

Les métropoles ne sont pas un diplôme d'honneur mais il s'agit de savoir si au regard des critères que j'ai exposés, notamment par l'existence de masses critiques dans différents domaines, les métropoles peuvent être un relais de l'État.

Aujourd'hui, il n'y a que deux agglomérations qui peuvent véritablement prétendre au titre de métropoles : Paris et Lyon. En ce qui concerne les autres villes, elles remplissent un certain nombre de critères mais elles ne peuvent s'élever au rang de métropoles européennes que si le pays le décide. C'est un pari pour l'avenir : les collectivités territoriales sont devenues suffisamment crédibles pour le relever.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je vous remercie. Je vais maintenant passer la parole à M. Jean-Pierre Moure, président de la communauté d'agglomération de Montpellier.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Moure, président de la communauté d'agglomération de Montpellier

Je suis très satisfait d'être entendu et je partage beaucoup des points développés par M. Pierre Cohen.

Ce texte pose en effet la reconnaissance du fait urbain, incarné par les métropoles, qui peuvent constituer un relais de l'action d'un État stratège, aussi bien sur le plan interne que sur un plan européen et international.

Je considère comme particulièrement positif la notion retenue en matière de seuil : je trouve très pertinent d'avoir descendu à 400 000 habitants le seuil pour constituer une métropole. Ce seuil permet d'éviter les difficultés qu'a pu rencontrer Montpellier ces dernières années, lié au refus de certaines communes de s'associer à elle.

Ce projet de loi affirme aussi la compétence des métropoles dans le champ économique en lien avec le partenaire incontournable qu'est la région. Il donne des moyens pour attirer de nouvelles entreprises dans les territoires, ce qui permet de les réindustrialiser. En la matière, Montpellier se distingue par ses 8 000 chercheurs, ses 5 filières d'excellence, ses 7 pôles de compétitivité, ses 20 laboratoires d'excellence. Cela permet de consolider le tissu économique et social de ce territoire ; les spécialisations en agronomie, dans le domaine des biotechnologies ou dans le domaine de la santé feront la différence avec les territoires qui n'ont pas ces atouts ; ceux-ci doivent néanmoins être associés à ce mouvement.

Il y a dès lors une stratégie de co-construction des stratégies économiques entre l'agglomération et la région qui doit être précisée. Il est important que ce couple région-agglomération s'affirme, sur tout le territoire. La gouvernance me semble en outre essentielle. Je suis tout à fait acquis au mécanisme des conférences territoriales pour l'action publique mais il ne faut pas créer de lourdeurs technocratiques : il est important que la loi clarifie cette notion. La notion de chef de file doit être aussi bien affirmée et précisée, car si l'on réintroduit la clause générale de compétence, il faut bien préciser la notion de chef de file pour éviter des débats quant à sa mise en oeuvre.

J'ai enfin deux interrogations. Elles concernent le fait que les compétences dévolues aux métropoles sont dans la continuité de celles affirmées par la communauté d'agglomération. L'urbanisme génère beaucoup d'insatisfactions de la part des communes qui ont peur de se trouver cantonnées à la situation de « mairies d'état-civil » dans la mesure où elles n'instruiraient plus les demandes de permis de construire. A Montpellier, nous avons mis en place le premier schéma de cohérence territoriale (SCOT) d'une agglomération de plus de 400 000 habitants en 2006, à l'unanimité. Ce SCOT était le corollaire d'une intercommunalité au périmètre trop restreint, car des communes s'en étaient retirées. Mais ce SCOT a été très opérant. Cependant, en ce qui concerne les questions de l'urbanisme et du social, ne pourrait-on pas rendre plus progressif le transfert de ces compétences ? En ce qui concerne la communauté d'agglomération de Montpellier, sur 31 communes membres de l'agglomération, 95 % des communes ont demandé à la communauté d'agglomération d'instruire les permis de construire mais il me semble nécessaire d'étaler dans le temps ces transferts, en offrant aux communes membres des options.

Par ailleurs, d'ici 2017, les départements pourront concéder aux métropoles des compétences qu'ils assument aujourd'hui en matière sociale. Pourquoi l'inverse ne serait-il pas possible, en matière de politique de la ville, par exemple ? Cela pourrait revaloriser le rôle des départements. Dans le prolongement de la ville, la métropole concéderait ainsi au département telle ou telle compétence.

Deux autres points me semblent importants : celui des ressources financières tout d'abord car elle permettrait de redéfinir la stratégie financière des différents niveaux de collectivités territoriales. En second lieu, les modalités de l'élection des représentants des communes appartenant à la métropole appellent de ma part la remarque suivante : même si le fléchage sera opérationnel à compter de 2014 et permettra, par la désignation des futurs délégués communautaires, d'assurer à la fois l'unité entre le maire de la ville-centre et le futur représentant de la métropole, il me semble nécessaire de prévoir dès 2020 l'élection au suffrage universel de ces représentants, qui permettra d'éviter toute contestation quant à la représentation des élus aux différents échelons.

Enfin, les métropoles pourront jouer un rôle majeur dans la promotion de la valeur ajoutée d'un territoire, à l'échelle internationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous allons maintenant entendre M. Michaël Delafosse, adjoint au maire de Montpellier, chargé de l'urbanisme et de l'aménagement durable.

Debut de section - Permalien
Michaël Delafosse, adjoint au maire de Montpellier, chargé de l'urbanisme et de l'aménagement durable

Nos villes et nos territoires sont en concurrence à l'échelle européenne et donc, le « marketing territorial », qui permet une visibilité des villes et des territoires à l'étranger, est un élément essentiel. Ce projet de loi est important car il reconnaît le fait urbain et se situe dans la problématique de la concurrence entre les territoires à l'échelle européenne pour attirer les chercheurs, les entreprises dans nos territoires et dans nos villes : il souligne l'importance de rendre les territoires attractifs.

En France, nous pouvons jouer la carte de la complémentarité entre les territoires mais à l'échelle européenne et même à l'échelle mondiale, il s'agit d'une concurrence difficile entre les territoires urbains. Ce projet de loi donne un cadre pour y faire face. C'est une étape supplémentaire après la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République, la loi Voynet du 25 juin 1999 et la loi Chevènement du 12 juillet 1999.

Rappelons que l'étymologie du terme métropole (ville-mère) souligne les opportunités et les défis importants à relever dans ce cadre, pour les populations mais aussi pour les personnes aujourd'hui impliquées dans ce qu'on appelle de manière un peu blessante pour elles le « mille-feuilles » territorial actuel. Pour la région, le département et l'État, la métropole rend lisible le fait urbain, permettant aussi de consacrer une relation de partenariat entre ces différents acteurs. J'estime moi aussi que la reconnaissance du fait urbain est un moteur de croissance car beaucoup de défis, tels que l'accès au logement, la lutte contre la fragmentation des territoires, la lutte contre la ségrégation se traitent à cette échelle. La question de la transition énergétique se pose également à l'échelle des villes. Lorsque les villes n'arrivent pas à loger les populations, ce sont des surfaces périurbaines, des surfaces agricoles, qui disparaissent : ainsi que le rappelle Alexandre Chemetoff, architecte et urbaniste français, nous sommes confrontés à la disparition de terres agricoles représentant l'équivalent d'un département, tous les 7 ans. La question de l'urbanisme est donc une responsabilité essentielle des villes qui vont être consacrées comme métropoles, si l'on ne veut pas de mutations des territoires non maitrisées, non pensées et irréversibles.

Nous sommes satisfaits du seuil de 400 000 habitants pour constituer une métropole. Ce seuil nous permet d'être une métropole, car le critère lié aux infrastructures ne nous a pas permis d'être éligible. C'est la critique que je fais au texte : il conforte le travail effectué sur l'intercommunalité mais il n'est pas allé au bout de sa logique en envisageant les périmètres pas toujours très optimaux des intercommunalités constituées à la suite de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, dite loi Chevènement. Nous constatons en effet que notre périmètre ne nous permet pas de relever des défis en matière d'étalement urbain, d'infrastructures. Or, dans l'évolution de ces périmètres, l'État a un rôle essentiel à jouer pour accompagner cette évolution, en permettant d'éviter que certaines communes ne s'affranchissent d'une densification nécessaire ou de leurs obligations en matière sociale. Le projet de loi est trop discret sur ces points.

Enfin, grâce aux métropoles, nous allons être plus économes, mais cette transformation ne doit pas susciter des populismes ou des peurs. Nous savons tous que le maire est souvent la personne dans laquelle la population d'un territoire a le plus confiance. Dès lors, si nous voulons créer la métropole il faut être attentif à la réalité des communes et sauvegarder leur place dans ce dispositif. Il faut donc trouver une formule permettant de donner un rôle lisible aux conseils municipaux et aux maires participant à ce dispositif. Le texte pourrait par exemple aménager un espace de discussions entre les maires et l'exécutif métropolitain.

Ainsi, pourquoi ne pas créer à côté de l'assemblée communautaire une instance de concertation des exécutifs locaux ?

En matière d'urbanisme, un équilibre doit être trouvé. Il s'agit de la compétence principale des communes. Pourquoi ne pas prévoir qu'elles restent compétentes pour définir le PLU sous réserve de l'avis conforme de la métropole ? Le dispositif existe déjà sous la forme d'un avis simple au sein de l'agglomération de Montpellier.

Dernière proposition : le seuil retenu pour constituer une métropole permet à Montpellier de prétendre à ce statut. Pourquoi cependant ne pas préciser directement dans la loi quelles agglomérations deviendront métropoles afin de soustraire cette décision aux populismes qui pourraient s'y opposer ?

En définitive, si le projet de loi peut encore être amélioré, il demeure essentiel parce qu'il donnera au fait urbain et aux villes la visibilité requise.

Debut de section - Permalien
Gilles Retière, président de Nantes Métropole

L'agglomération nantaise s'est constituée en communauté urbaine dès 2001. Il s'agit de l'échelon le plus pertinent pour de multiples avancées. Tel est par exemple le cas de l'élaboration d'un PLU à l'échelle communautaire : c'est une gageure puisqu'il faut concilier cohérence globale et déclinaisons locales, mais elle est ô combien nécessaire.

L'agglomération nantaise demande à bénéficier du statut de métropole afin de jouer pleinement le rôle majeur qui est le sien comme partenaire de la région pour l'enseignement supérieur, le soutien aux entreprises émergentes, le développement économique, etc. Nous pourrons ainsi contracter sur un pied d'égalité avec la région.

A cet égard, je relève que la notion de « chef de file » n'est pas toujours pertinente. Ainsi, le chef de filat régional en matière de transport garantirait-il suffisamment l'attention aux dessertes intra-urbaines pourtant essentielles pour l'agglomération nantaise ? Un accord négocié entre les deux partenaires, auquel nous arriverons sans mal, serait préférable.

Il me semble que la compétence métropolitaine en matières d'habitat et de logement pourrait être étendue. Le succès des délégations aux intercommunalités des aides à la pierre milite pour que la compétence soit définitivement attribuée à la métropole. Il faut privilégier le cadre local. La même remarque vaut pour les politiques de soutien à l'habitat ou l'hébergement d'urgence, à l'exception de celui qui concerne les étrangers, qui relève de la compétence de l'Etat.

Le cas particulier de la métropole lyonnaise a beaucoup inquiété les présidents de conseils généraux. Pourtant, le texte de loi n'engage pas de nouveaux transferts de compétences du département à la métropole. Il n'y a pas lieu de retirer au premier sa compétence en matière d'action sociale, à l'exception, peut-être, de celle relative à l'hébergement d'urgence des familles.

Je vous confirme donc que nous sommes très favorables à cette loi qui permettra des accords avec la région et que nous ne souhaitons pas avoir avec le département des problèmes qui ne se posent pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je donne la parole à notre collègue Louis Nègre qui représente l'agglomération niçoise. J'observe que cette agglomération est déjà constituée en métropole. Beaucoup -pas toutes- souhaitent l'être, même des communes de 30 000 habitants.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Il s'agit d'ailleurs de la seule métropole existante créée grâce à la loi de 2010 proposée par la majorité à laquelle j'appartenais.

Je regrette l'éclatement de la réforme qui nous est proposée en trois textes. L'acte III de la décentralisation aurait mérité plus de clarté, d'unité et de vision.

Des territoires de montagne aux villes littorales, toutes les configurations urbaines sont représentées au sein de la métropole Nice-Côte-d'Azur. Or, malgré cette disparité, l'accord pour sa création fut acquis à plus de 90 %.

Cette intercommunalité exerce d'ores et déjà toutes les compétences proposées par le projet de loi, qu'il s'agisse de l'habitat, de l'urbanisme ou des services d'intérêt collectif. Je vous invite à venir constater sur place l'efficacité et l'attractivité de la métropole ainsi que l'économie qu'elle permet de réaliser par la mutualisation des moyens.

Le texte présente des avancées en matière de transport mais on peut regretter que rien ne soit prévu pour la dépénalisation du stationnement et l'attribution de la compétence, en la matière, aux communes. On gagnerait aussi à ce que les gares soient gérées, avec tous les acteurs concernés, sous l'autorité de la collectivité qui a la compétence de l'aménagement urbain. Pour le logement, il pourrait être pertinent de ne pas imposer un transfert en bloc des compétences, et autoriser plus de souplesse.

Cessons d'opposer fait urbain et fait rural. Sur 46 communes que compte notre métropole, beaucoup sont des communes rurales, ce qui ne cause aucune difficulté. La clé est une bonne gouvernance. Maire de Cagnes-sur-mer, je ne suis pas devenu, en rejoignant la métropole, un maire d'état civil ou d'arrondissement. Pas un citoyen ne confond le président de la métropole et le maire de sa commune dont tous reconnaissent l'importance. La charte des maires, que nous avons conclue nous sert de constitution interne. La conférence des maires décide des grandes orientations par consensus et non par vote. Le conseil de développement complète ce système démocratique qui assure le bon fonctionnement de la métropole. On ne trouverait, en dix ans, aucun exemple d'une contestation de la communauté d'agglomération ou de la métropole par l'une des communes membres. Même des communes dirigées par des maires communistes envisagent de nous rejoindre.

La métropole permet en réalité de mutualiser de grandes politiques d'intérêt collectif. Il est toutefois important de garantir l'indispensable rôle des maires dans la gestion des politiques de proximité.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Demain, lors de la réunion de la commission des lois, il y aura un débat sur les critères de la métropole. J'ai relu en particulier un rapport du Sénat de 2009, sous la présidence de notre collègue Claude Belot, dans lequel un véritable consensus s'était formalisé. Je retrouve justement toutes les sources d'inspiration de ce consensus dans le texte que nous examinons.

Le Sénat a toujours pris position en faveur d'un nombre limité de métropoles. Nous aurons donc un débat sur les critères de la métropole, ainsi que sur les fonctions métropolitaines.

Nous devons, ensuite, faire attention, particulièrement avec un texte scindé qui nous conduit à aborder la question des métropoles en « pole position », à ne pas introduire dans le texte l'idée que les compétences du département, voire de la région, seraient des variables d'ajustement de l'emprise métropolitaine. Nous devons entrer dans ce texte avec prudence. La métropole doit jouer un rôle moteur. Il s'agit d'apporter une reconnaissance de ce qu'elle apporte au territoire, au-delà de son propre périmètre.

À partir de là, et les précédents rapports du Sénat confirment ce point, il vaut mieux poser le problème des transferts éventuels de compétences sur des bases conventionnelles.

M. Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des Départements de France, a convenu que Paris, Lyon et Marseille devaient être sortis du raisonnement. Nous devons privilégier le « sur mesure » métropolitain en fonction des objectifs du projet, plutôt qu'un « prêt-à-porter » trop contraint, qui cacherait mal un risque de désengagement de l'Etat.

Toutes les personnes entendues, quel que soit leur bord politique ou la taille du territoire représenté, ont été d'accord pour dire, concernant les blocs insécables de compétences, comme le logement par exemple, que si on a besoin de contractualisation, certains éléments relèvent de prérogatives de puissance publique. Je vais donc proposer à la commission de sortir de ce bloc insécable le DALO et le logement d'urgence.

Quant à la conférence territoriale, ce que dit la ministre s'inscrit dans le droit fil des travaux précédents du Sénat. Cette conférence est extrêmement importante ; néanmoins, les chefs de file, tels que définis dans ce texte, méritent précisions et corrections. C'est un vrai débat par exemple de dire que le tourisme relève de la compétence du département, alors que la région est chef de file en matière de développement économique et touristique du territoire. Supposer qu'il n'y a pas de corrélation directe entre le tourisme, le développement économique et international d'une ville, est discutable. Nous aurons ce débat.

Quand la région chef de file fait son schéma régional de développement économique, la procédure prévoit que les propositions et les enjeux stratégiques de la métropole seront également discutés et partagés. Nous allons le dire explicitement.

Toujours sur la gouvernance, sans remettre en cause la contractualisation, et sans renoncer à la conférence territoriale, nous proposons d'introduire davantage de souplesse dans le dispositif. Il me semble que les métropoles qui fonctionnement correctement actuellement sont toutes dotées de règlement intérieur, sur la base duquel l'exécutif est investi au moment des élections. Nous devons laisser une certaine souplesse au mode de fonctionnement local.

Au sujet des PLU, même pour des intercommunalités qui ont des PLU intercommunaux depuis déjà bien longtemps, il est fondamental de mettre en place un système de coproduction.

La métropole fait peur aux maires. Certains de nos collègues, comme Gérard Collomb, ont déposé des amendements tendant à préciser que les communes membres des métropoles restent des collectivités territoriales à part entière ! Il est très important de prévoir la manière dont les communes sont associées, pour les PLU intercommunaux en particulier.

Enfin, j'appelle à une mobilisation transpolitique sur la problématique du stationnement, et notamment sur la question de sa dépénalisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Je voudrais mettre l'accent sur deux points. Le premier concerne la démocratie locale. Nous dotons les métropoles de compétences importantes, c'est une bonne chose. Il s'agit de la réaffirmation du fait urbain, qui comporte de nombreux enjeux et responsabilités, y compris en dehors du territoire de la métropole.

Néanmoins, il me paraît problématique d'accroître leurs compétences alors qu'il n'existe pas de sanction par le suffrage universel direct. Il me semble, pour que cette loi soit comprise, qu'il faudrait instituer tout de suite un suffrage universel direct, qui donnera sa légitimité au président de métropole, qui va prendre de lourdes décisions pour la vie quotidienne et la cohésion sociale de son territoire. Ensuite, on pourrait prévoir des modalités permettant à l'ensemble des territoires constituant la métropole d'être représentés dans un scrutin de liste comme c'est le cas pour les départements lors des scrutins régionaux.

Il faut également réfléchir à l'implication des élus. Il serait problématique d'avoir des métropoles aux compétences étendues mais peu de vice-présidents. Il ne faut pas laisser la technostructure métropolitaine se substituer aux élus dans la prise de décisions.

Pour cette dynamique démocratique, il faudrait également réfléchir à la mise en place de conseillers métropolitains subdélégués.

Cette question du fonctionnement démocratique de la métropole pèsera sur le vote final du groupe écologiste.

Mon deuxième point concerne le lien entre la métropole et ses territoires environnants. Il faut éviter que, comme dans les années 1980 et 1990, les grandes villes assèchent les territoires alentour, en récupérant une grande part de l'activité économique. L'avenir des métropoles tient à la relance du dynamisme des villes moyennes situées sur leur territoire d'influence. La conférence territoriale doit en partie répondre à cette problématique, mais elle n'englobe pas toutes les villes moyennes de la zone d'influence de la métropole. Il faudra donc également maintenir un dialogue permanent entre la métropole et l'ensemble des villes moyennes, même si je ne sais pas si cela doit figurer dans la loi. Il faudra également le faire dans le cadre des pôles métropolitains.

Par exemple, le pôle métropolitain Loire-Bretagne est une réelle avancée, alors même que Nantes et Rennes, les deux capitales de la Bretagne, se sont affrontées pendant quatre siècles. Cette concurrence entre grandes villes proches est surmontée grâce au pôle métropolitain. Les pôles métropolitains entre grandes villes devraient donc également associer les villes moyennes.

Cette idée permettrait d'éviter de laisser penser que nous sommes toujours dans la concurrence entre types de territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

Ce n'est un mystère pour personne : je suis contre la métropole de Marseille. Cependant, je suis d'accord avec plusieurs des points évoqués : l'existence de la compétition internationale, la nécessité d'insuffler une nouvelle dynamique aux territoires, un transfert limité de compétences sur une base conventionnelle, ainsi que la préservation des compétences des collectivités territoriales comme les départements.

Tout cela ne peut exister qu'avec une certaine souplesse et l'adhésion des élus locaux, ce qui est le cas des intervenants de ce soir. La démocratie locale est alors respectée et la métropole peut alors être une bonne chose. Sans volonté et désir des élus locaux, sans consultation réelle, la mise en place de ces structures ne sera pas possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Qu'est-ce qu'une métropole ? Retenir exclusivement le critère démographique est insuffisant. Il est nécessaire d'affiner les critères. Certaines agglomérations plus petites peuvent remplir des fonctions essentielles (attractivité internationale, enseignement supérieur, développement des technologies, recherche, culture...) et remplir de ce fait une fonction de métropole. Il n'existe pas de modèle unique de métropole. Nous devons privilégier une approche « sur mesure ».

Il ne doit pas non plus être question de mettre des métropoles partout, ce qui nuirait à la compréhension du concept par nos concitoyens. Or, actuellement, nombreux sont les EPCI qui utilisent le terme « métropole » dans leur dénomination.

De plus, nous ne pouvons pas affirmer que nous créons les métropoles mais que rien ne change. La commune va évoluer, elle n'aura plus les mêmes compétences, plus le même rôle. Il faut le dire. Si on dit qu'on ne change rien, ce n'est pas la peine de faire une loi.

Nous devons également éviter la dispersion. Par exemple, dans la communauté urbaine de Lyon, il y a plus de vice-présidents que de conseillers généraux dans tout le Rhône. Le nombre de postes de vice-président doit correspondre à des fonctions réelles, sinon la métropole sera ingouvernable. Le renouveau de l'intercommunalité doit être parlant pour nos concitoyens.

Enfin, si l'on veut que le dispositif fonctionne, il faudra régler les relations avec les départements, qui poseront peut-être plus de difficultés que celles avec les régions.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

A mon tour de regretter le fractionnement du texte. Si nous ne pouvons nier l'importance du fait urbain, cette dynamique doit se vivre en complémentarité avec l'existence des autres territoires. Cette hiérarchie implicite, qui découle du fractionnement de l'acte III de la décentralisation, ne me paraît pas être une bonne chose.

Strasbourg, future métropole, nécessite un traitement particulier du fait de sa dimension européenne. C'est d'ailleurs la capitale européenne de la France, puisqu'elle accueille l'une des institutions européennes centrales. Le 5 février dernier, lors de sa visite à Strasbourg, le Président de la République a annoncé la création d'une « euro métropole ».

Je voudrais donc plaider ici, comme l'a déjà fait Roland Ries devant vous, pour que Strasbourg ait un statut particulier dans ce texte. Nous aurons besoin d'être épaulés par l'Etat pour assurer cette mission. Il est de l'intérêt de la France, au moment même où l'axe franco allemand fait débat, d'assurer son attachement au rayonnement européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je redonne maintenant la parole à nos intervenants pour quelques mots de conclusion.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Les métropoles ne sont que le constat de ce qui se passe actuellement : le fait urbain. Cette dynamique ne pourra que s'accentuer, au niveau national mais également international. Le dynamisme des métropoles est un atout pour notre pays dans un contexte mondialisé.

La demande de certains de nos collègues de voir leur territoire devenir métropole s'accompagne d'inquiétudes quant au devenir des communes. La commission et le Parlement doivent trouver un équilibre. Si la métropole comporte des transformations substantielles, à travers les transferts de compétences notamment, il n'en demeure pas moins que les Français demeurent attachés aux communes et à leurs maires. Je défends la métropole, système le plus intégré qui soit, mais j'affirme l'intérêt de conserver des communes et des maires et qui ne soient pas des maires d'état civil ou d'arrondissement. Il est donc fondamental de promouvoir la coproduction et les échanges. Chez nous, les choses sont claires : personne ne confond le président de la métropole et le maire.

Debut de section - Permalien
Gilles Retière, président de Nantes Métropole

Nous sommes tous volontaires ici pour devenir des métropoles, assumer plus de responsabilité et être des acteurs de nos territoires. Je comprends la nécessité d'avoir des conventions avec les régions et les départements mais c'est déjà possible à l'heure actuelle.

Mais sur un certain nombre de points, le nouveau dispositif doit permettre de surmonter les blocages excessifs. Après le temps du dialogue, il faut que nous puissions agir, même lorsqu'il existe une certaine opposition.

À Nantes, nous avons également mis en place une conférence des maires qui intervient au-delà des compétences dévolues à la communauté urbaine. Nous l'avons utilisée pour évoquer la modification des rythmes scolaires ou pour parler de la situation des Roms par exemple. C'est une instance de dialogue très intéressante, qui permet une bonne gouvernance.

Debut de section - Permalien
Gilles Retière, président de Nantes Métropole

Il me semble ensuite que quinze vice-présidents, ce n'est pas assez. Vingt peut-être ?

Quant au pôle métropolitain, il peut constituer une solution satisfaisante pour associer les territoires voisins. Il faudrait cependant en simplifier les modalités de mise en place.

Je pense que nous irons vers le suffrage universel. Pour certains territoires, il n'est pas forcément évident que le maire de la grande ville soit le président de la structure intercommunale. Nous avons besoin d'une présentation simple du projet et de son président aux électeurs.

Debut de section - Permalien
Michaël Delafosse, adjoint au maire de Montpellier, chargé de l'urbanisme et de l'aménagement durable

Nous franchissons aujourd'hui une étape supplémentaire du fait urbain. Nous ne devons pas brusquer les citoyens en prévoyant dès à présent le suffrage universel.

Il faut un PLU intercommunal, une stratégie commune d'aménagement du territoire, fondée sur le dialogue, qui ne soit pas une simple déclaration d'intention. Pour fonctionner correctement, la structure métropolitaine doit emporter l'adhésion des décideurs locaux.

Nous devons établir une liste précise des métropoles, quels que soient les critères retenus. Cette liste pourrait évoluer. D'autres territoires pourraient être éligibles au dispositif des métropoles au fil du temps.

Nous sommes dans une compétition mondiale des territoires. Nous devons être capables de les promouvoir et nous avons donc besoin d'une certaine clarté nous permettant d'identifier quels territoires sont des métropoles.

Enfin, nous avons conscience que la France va vers des choix drastiques en termes de finances publiques. Les finances locales seront mises à l'épreuve. Le projet de métropole permet la mutualisation des ressources. Il améliore également l'efficacité et la lisibilité des politiques publiques.

Ce projet de loi reconnait donc le fait métropolitain mais nous permet également de traverser cette séquence économique difficile.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Moure, président de la communauté d'agglomération de Montpellier

Le temps est un facteur déterminant. Je souhaite que nous prenions le temps nécessaire pour établir un texte satisfaisant. Les métropoles peuvent nous permettre d'être plus efficaces en matière de développement économique, de relations sociales, de compétition nationale et internationale, mais également dans la vie quotidienne des citoyens. Elles permettront également de simplifier l'organisation publique.

Pour Montpellier, il est stratégiquement important d'être une métropole entre Lyon, Marseille, Barcelone et Toulouse.

Quant au sujet des finances publiques, la métropole va simplifier les choses par la mutualisation. Mais il faudra faire preuve d'une certaine pédagogie.

Le texte apporte une modernisation des institutions. Il doit conduire à redonner confiance aux citoyens

Debut de section - Permalien
Pierre Cohen, maire de Toulouse, président de la communauté urbaine Toulouse métropole

Une métropole n'est pas un titre ou un diplôme. Il s'agit d'un changement profond, d'une nouvelle étape. Il nous semble impensable qu'à terme, en 2020, les présidents des métropoles ne soient pas élus au suffrage universel.

Nous devons être capables, dans nos métropoles, de nous inspirer de l'organisation par arrondissements de Paris, Lyon ou Marseille, ce qui fera indéniablement évoluer le rôle du maire.

Quant à l'attractivité internationale, l'Etat ne peut plus agir seul. Dans les domaines de l'innovation et de la recherche par exemple. Les métropoles peuvent constituer, par leur masse critique, une réponse adaptée aux défis de société, dans une période véritablement stratégique pour les filières émergentes. Cette attractivité ne servira pas seulement le territoire de la métropole.

Dans notre région, avec l'ensemble des villes moyennes, nous n'avons pas choisi de constituer un pôle métropolitain, mais avons créé une association « Dialogue métropolitain », qui a trois objectifs : reconnaître les excellences et les qualités de chacun des territoires, construire des complémentarités et créer de nouvelles filières touristiques, culturelles et économiques.

Enfin, La loi doit constituer une étape supplémentaire. Elle doit prévoir plus de compétences que celles qui existent aujourd'hui sinon ce n'est pas la peine de faire une loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous arrivons au terme de ces auditions. Elles nous ont permis de recevoir plus de soixante élus. Je vous remercie pour la richesse de vos contributions.