L'histoire de l'émergence du préjudice écologique est celle de la lente, parfois trop lente, prise en considération d'un bien collectif : la nature, entendue comme patrimoine naturel. Les éléments qui la composent relèvent de l'article 714 du code civil : « Il est des choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous. » On ne saurait mieux dire ! Nous sommes véritablement là au cœur du sujet. Si, comme l'a si bien écrit le professeur de droit Yves Gaudemet, le code civil est la « constitution de la société civile française », mettre cette constitution civile en harmonie avec la constitution politique de notre pays aurait une portée éminemment symbolique.
Vous le voyez, mes chers collègues, la reconnaissance du préjudice écologique par la jurisprudence ne doit pas être une raison, voire une excuse, pour ne rien faire et ne pas légiférer. Selon la formule de Victor Hugo, il faut faire entrer le droit dans la loi, en l'occurrence légaliser la jurisprudence. Il appartient désormais au législateur que nous sommes de consolider ce qu'ont fait les juges. Nous devons nous y employer pour enrichir le code civil, qui ancre traditionnellement la protection de l'homme dans les seuls droits individuels, en y ajoutant une double dimension, collective et de long terme. Nous devons également nous y consacrer pour affirmer haut et fort qu'une écologie humaine est possible et qu'elle peut trouver sa traduction dans le droit.
Je terminerai en citant l'éminent professeur de droit, François Guy Trébulle. Agir ainsi serait également une manière de rappeler que, « face à l'individualisme triomphant de nos sociétés contemporaines, l'environnement est l'un des rares domaines dans lequel le bien commun, objectif et collectif, apparaît consensuel ». §