Il en est d’autres beaucoup plus insidieuses, parce que leur effet est différé.
Prenons l’exemple du chlordécone. Il est vrai que les dommages écologiques sont survenus avant le 1er mai 2007, mais la Guadeloupe va devoir supporter fort longtemps – plusieurs générations - les conséquences de l’utilisation de ce produit sur la nature, la biodiversité, la santé, l’économie, l’emploi.
De nombreux Antillais considèrent que cette question constitue un scandale d’État. En effet, si les États-Unis ont stoppé l’utilisation de ce produit dès 1976 et ainsi reconnu son danger, la France a continué à l’utiliser jusqu’en 1990 et les outre-mer ont « bénéficié », si je puis dire, de mesures dérogatoires pour poursuivre son utilisation jusqu’en 1993.
Par ailleurs, alors que l’Union européenne a interdit l’épandage aérien de pesticides par une directive de 2009, la Guadeloupe vient encore de « bénéficier » d’une dérogation d’un an à compter du 29 avril dernier par un arrêté préfectoral. Pourtant, le 10 décembre 2012, le tribunal administratif de Basse-Terre a rendu un jugement annulant les dérogations des mois de juillet et d’octobre 2012, considérant que « le préfet de Guadeloupe a insuffisamment évalué la situation et méconnu l’étendue des pouvoirs que lui confère le code rural dans l’intérêt de la santé publique et de la protection de l’environnement ».
Derrière ces dommages causés à la nature, à l’homme, à la biodiversité, à l’emploi, à l’économie, c’est la responsabilité de l’État qui est bien sûr engagée.
La mission commune d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement menée l’année dernière par le Sénat, dont le rapporteur était notre collègue Nicole Bonnefoy, nous a suffisamment éclairés pour que nous dénoncions avec force de telles pratiques.
Madame le garde des sceaux, vous avez souligné tout à l’heure que le groupe de travail ferait son miel de nos contributions. Votre remarque me conduit tout naturellement à évoquer les abeilles : qui dédommagera des préjudices qui leur ont été causés par l’utilisation de pesticides ?
Par ailleurs, dans le domaine de la réhabilitation de la qualité de l’eau, qui doit payer le coût de dépollution à la suite du recours aux pesticides ?
Toutes ces observations témoignent de l’importance du travail que compte entreprendre le Gouvernement, mais de l’importance aussi de nos attentes, comme de celles de la société tout entière.
C’est pourquoi nous voterons en faveur de cette proposition de loi, qui constitue, selon nous, une première étape sur le bon chemin.