Intervention de Jean-Pierre Plancade

Réunion du 16 mai 2013 à 15h00
Instauration effective d'un pass navigo unique — Suite de la discussion et rejet d'une proposition de loi

Photo de Jean-Pierre PlancadeJean-Pierre Plancade :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Robert Hue devait intervenir sur ce sujet très francilien, mais, ne pouvant être présent dans notre hémicycle aujourd'hui, il m’a prié de m’exprimer en son nom.

L’Île-de-France concentre une activité économique à forte valeur ajoutée, créatrice d’emplois, et représente à elle seule un quart du produit intérieur brut national. Les entreprises franciliennes bénéficient d’une desserte très dense, notamment au cœur de Paris et en proche banlieue, favorisant la mobilité de leurs salariés et de leurs clients. Cela a justifié la création du versement transport, en 1971.

La construction de notre réseau métropolitain et ferroviaire n’a pas tenu compte, à l’origine, des banlieues, lesquelles devaient s’accommoder des nuisances créées sans pouvoir profiter du réseau, faute d’arrêts.

Le transport routier a longtemps été privilégié par les pouvoirs publics du fait de la démocratisation de la voiture, comme en témoigne la suppression des tramways en vue de faciliter la circulation routière, ce qui a entraîné un sous-investissement regrettable dans les transports collectifs. Qui pouvait d’ailleurs envisager, dans les années soixante, les crises pétrolières qui allaient bouleverser le monde, ainsi que la prise de conscience ultérieure des enjeux liés au réchauffement climatique ?

Ce sous-investissement, conjugué à la croissance démographique de la région, a contribué aux difficultés quotidiennes de nos concitoyens, confrontés à de nombreux retards, à des annulations, à une saturation du réseau qui affectent leur qualité de vie et leur travail. Leur lieu de résidence s’éloignant de plus en plus de leur lieu de travail en raison d’une offre de logements accessibles insuffisante, à l’achat comme à la location, ce qui entraîne un allongement des trajets, les Franciliens subissent de plein fouet les inégalités territoriales.

La proposition de loi présentée par nos collègues du groupe CRC vise à garantir l’égal accès de tous les Franciliens aux transports collectifs pour un prix unique de 65, 10 euros par mois, correspondant à l’offre tarifaire actuelle pour les zones 1-2.

Conformément aux engagements pris par la gauche devant ses électeurs lors de la campagne pour les élections régionales de 2010, à la suite, il faut le dire, d’âpres négociations, il est proposé d’aligner les taux du versement transport sur le plus élevé d’entre eux, celui qui s’appliquait à Paris et dans le département des Hauts-de-Seine au moment de la rédaction du texte, soit 2, 6 %. De nouvelles ressources, à hauteur de 800 millions d’euros, devraient ainsi être dégagées alors que le coût de la mise en place du pass navigo unique est estimé entre 400 millions et 600 millions d’euros.

Il faut rappeler que l’harmonisation du versement transport ne pénalisera pas les très petites entreprises, puisqu’elles ne sont pas assujetties à cette taxe. Seules sont concernées les entreprises de plus de neuf salariés, qui verront néanmoins leurs charges baisser, du fait de la diminution du remboursement à hauteur de 50 % des abonnements de leurs salariés qu’elles assurent.

Il convient toutefois de s’interroger sur les modalités de cette hausse, qui aurait pu être moins brutale.

En la matière, nous faisons confiance au STIF, autorité organisatrice des transports en Île-de-France, pour procéder graduellement à l’harmonisation des taux du versement transport. Ce serait là une solution raisonnable, notamment pour les entreprises qui risqueraient de voir leur fiscalité doubler en la matière.

Je rappelle que le taux du versement transport sera déterminé par le STIF en vertu du principe de libre administration des collectivités territoriales. À cet égard, nous aurions attendu, de la part d’élus locaux, une meilleure prise en considération de ce principe fondamental, car si la loi est compétente pour fixer les plafonds de taux de cet impôt, le pouvoir de décision appartient aux collectivités territoriales. La liberté de décision du STIF doit lui permettre d’affecter ces ressources, s’il le souhaite, au financement de dépenses d’investissement.

Le dézonage répond à un objectif hautement louable : pourquoi l’usager résidant en zone 4 ou en zone 5 devrait-il dépenser plus pour une desserte moins abondante et de moindre qualité ? Outre qu’elle permettra une amélioration de la qualité de vie des Franciliens résidant dans les petite et grande couronnes, cette mesure devrait contribuer au report modal du routier vers le ferroviaire.

Cette proposition de loi, plus qu’elle ne vise à instaurer un dézonage du pass navigo, qui n’est mentionné que dans son intitulé et est absent du corps du texte, constitue un moyen essentiel pour dégager de nouvelles ressources afin de financer la politique francilienne en matière de transports.

Les ressources nouvelles ne doivent pas servir exclusivement au financement du dézonage du pass navigo ; l’amélioration de la qualité de l’offre de transports reste bien évidemment la priorité des Franciliens, qui vivent très difficilement la hausse de la fréquentation des lignes. Sur certaines d’entre elles, à certaines heures, les conditions de transport ne sont pas acceptables. Tout le monde en convient, du reste.

Cette hausse de la fréquentation devra être absorbée grâce à des investissements dans les infrastructures, ainsi qu’à un renouvellement du réseau et du matériel roulant.

De fait, le Gouvernement ne pourra ignorer l’urgence d’engager une réflexion plus globale afin de poser les bases d’une nouvelle politique de financement des transports collectifs urbains, la politique actuelle étant à bout de souffle. Soit dit en passant, ce constat ne vaut pas seulement pour la région parisienne…

Si le versement transport a joué un rôle primordial dans le développement des transports collectifs urbains au cours des quarante dernières années, son rendement reste insuffisant au regard des exigences du financement des moyens de transport d’avenir propres à répondre aux besoins pressants de la population francilienne et à contribuer au renforcement de l’attractivité de nos entreprises.

Il est utile de rappeler que le financement du Grand Paris requiert un investissement de 30 milliards d’euros. Le politique reste confronté à un choix essentiel : qui devra financer le surplus nécessaire ? Les entreprises ? Les usagers ? Les contribuables locaux ? L’État ? Faire reposer l’effort sur l’usager reviendrait à renforcer les injustices territoriales.

La refonte du système de tarification est urgente et le versement transport reste un levier que nous ne pouvons pas ignorer. Aussi son utilisation est-elle cohérente avec les engagements pris par le conseil régional d’Île-de-France et, au sein de celui-ci, par le groupe commun des élus du parti radical de gauche et de ceux du mouvement unitaire progressiste.

Cette réflexion ne pourra esquiver la définition d’une nouvelle politique d’aménagement du territoire prenant en compte un sujet aussi primordial que le logement, qui pèse bien plus lourdement que les transports dans le budget des ménages.

En dépit de ces quelques remarques, qui sont autant de réserves, ce texte constitue un progrès réel vers davantage d’égalité entre les Franciliens devant le service public ferroviaire, ainsi que vers la réduction de la fracture territoriale. C’est la raison pour laquelle le groupe RDSE l’approuve et votera en faveur de son adoption, à l’exception d’un de ses membres qui ne prendra pas part au vote.

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