Je suis quelque peu étonné d’être amené aujourd’hui à intervenir à la tribune sur un tel sujet. La multiplication des textes concernant l'Île-de-France, qu’ils portent sur le SDRIF, le projet de métropole ou le pass navigo, prouve bien que règne le désordre le plus total et que, en réalité, aucune réflexion globale n’a été engagée. On élabore des textes, puis on les retire, et pendant ce temps la galère continue dans les transports franciliens… Telle est la vérité !
Dès 2002, j’avais proposé l’instauration d’une carte orange unique. À l’époque, il existait huit zones. Progressivement, le STIF et la région ont ramené leur nombre à cinq. Quel est le problème, en réalité ? Le problème, c'est que les gouvernements successifs, qu’ils soient de gauche ou de droite, ont laissé faire la SNCF et la RATP, qui n’ont pas réalisé les investissements nécessaires pour transformer, améliorer, moderniser l'ensemble des structures. Pendant quinze ans, les élus d’Île-de-France ont été roulés dans la farine ! En matière d’investissements, la SNCF donnait la priorité au TGV, tandis que la RATP, soucieuse de développement à l’international, regardait davantage vers Le Caire ou Buenos-Aires que vers la Seine-Saint-Denis…
Aujourd’hui, il faut rattraper le retard qui a été pris : il y a sans cesse des incidents sur le réseau, les lignes sont gravement dégradées ; il est donc maintenant nécessaire d’investir massivement. Pourquoi a-t-on lancé le projet du Grand Paris Express ? Parce que les réseaux de transport actuels sont saturés, du fait d’un manque d’investissements dans la modernisation et l’adaptation du réseau de transports aux besoins des Franciliens depuis vingt ans. Durant cette période, la population de l'Île-de-France a crû de 25 %, cependant que l'offre de transports n’augmentait que de 4 %. Par conséquent, nous sommes aujourd'hui pris à la gorge : le réseau est au bord de l’asphyxie.
Pour ma part, j'ai toujours été favorable à l’instauration d’un pass navigo unique. En revanche, je le dis à nos collègues du groupe CRC, je ne pense pas que la solution, pour la financer, soit de matraquer plus encore les entreprises en leur imposant une contribution supplémentaire de 600 millions d'euros au titre du versement transport en 2013 alors que celui-ci a déjà augmenté de 120 millions d'euros à la fin de 2012. Les salariés gagneront-ils au change si la contrepartie d’une légère baisse du coût de leur titre de transport est le risque de voir leur entreprise se délocaliser ou faire faillite ?
La vérité, monsieur le ministre, c’est qu’il faut enfin faire preuve d’un peu de courage et reconnaître que le système de transports publics de l’Île-de-France ne peut pas conserver son organisation actuelle. Une unification de la gestion des lignes de RER, par le biais de la création d’une filiale commune à la SNCF et à la RATP, est nécessaire. Les économies de gestion qui en résulteraient couvriraient très largement le coût de la mise en place d’un pass navigo unique, lequel serait d’ailleurs non pas de 500 millions d’euros, comme cela a été affirmé, mais de 350 millions d’euros environ : je ne dis pas qu’un tel montant est négligeable, mais il ne justifie pas que l’on matraque les entreprises.
Mettons-nous autour d’une table, ayons le courage d’avancer sur la question de l’unification de la gestion des lignes de RER et de la rationalisation des systèmes de transports, et nous aurons alors les moyens d’aller vers la mise en place d’un pass navigo unique. Faut-il fixer le tarif de celui-ci à 65 euros ? Oui, si l’on ne veut pas que les usagers du cœur de l’agglomération hurlent à la mort, ce qui serait bien normal : pourquoi voudriez-vous qu’ils acceptent une augmentation tarifaire sans offre supplémentaire ? Parallèlement, comment envisager d’uniformiser le versement transport alors que les usagers du Val-d’Oise ou de la Seine-et-Marne voient passer un train tous les 36 du mois ? Pourquoi devrait-on payer autant dans la grande couronne qu’à Paris, où l’offre de transports publics est considérable ? Que les élus de la capitale m’excusent de le souligner, mais tout Parisien vit à moins de quatre-vingts mètres d’une station de métro, de bus ou de RER. Allez voir en Seine-et-Marne quelle distance doivent parcourir certains usagers pour rejoindre une station ! Dans ce domaine, l’équité n’est pas l’égalité.
Monsieur le ministre, il faut aller vers la mise en place à l’échéance de trois ans du pass navigo à tarif unique, mais sans faire trinquer les entreprises, et donc l’emploi : la solution est de réaliser des économies sur le fonctionnement, par une rationalisation des structures et du service. §