Or, malgré cela, la tendance naturelle de la branche, en l’absence de mesures nouvelles, est un retour à l’équilibre à l’horizon de 2019. Le Gouvernement impose cependant un retour à l’équilibre à marche forcée dès 2016, avec une inflexion notable dès 2014. C’est un peu la double peine : non seulement la branche est en difficulté, mais on lui impose maintenant, pour résorber son déficit artificiel, de prendre des mesures restreignant son champ. Ce retour à l’équilibre à marche forcée est d’autant moins indispensable que le déficit accumulé d’ici à 2019, de 7, 5 milliards d’euros, pourra être apuré à partir de cette date.
Pour un retour à l’équilibre en 2016, il faut trouver 2 milliards d’euros par an. C’est pour atteindre cet objectif qu’il est prévu, dans le rapport Fragonard, de placer les allocations familiales sous condition de ressources. C’est là qu’il y a confusion entre comptabilité et équité !
Que dire de la mesure elle-même ? Elle est, selon nous, la moins bonne des deux options qui se présentent à nous, l’autre option étant bien sûr la fiscalisation des allocations que je n’aborderai ici qu’avec prudence.
Vous nous conduisez à choisir le moindre mal, c’est-à-dire à ne pas toucher une nouvelle fois au quotient familial, parce que celui-ci n’est pas une subvention mais représente un outil indispensable de définition de la progressivité de l’impôt. Cela relève du bon sens : on ne peut définir le revenu imposable sans prendre en compte le nombre de gens qui vivent avec.
La fiscalisation éventuelle dont je parle est l’intégration des allocations familiales à l’assiette de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, avec évidemment la garantie que les sommes collectées soient intégralement affectées au financement de l’offre de garde. En effet, le problème de la politique familiale réside non pas dans la somme globale qui lui est allouée, mais dans la manière dont il faudrait en « reventiler » une partie.
S’il faut en arriver là, nous estimons que cette solution est préférable, à de nombreux égards, à la mise sous condition de ressources des allocations familiales.
D’abord, elle serait techniquement beaucoup plus simple à réaliser. Comment feront les CAF, qui sont déjà, disent-elles, à la limite de déclarer forfait aujourd’hui au vu de leurs obligations, lorsqu’elles auront à contrôler les ressources des allocataires ?
Ensuite, fiscaliser les allocations serait aussi beaucoup plus équitable, car la dégressivité de l’allocation serait proportionnelle à la progressivité de l’impôt. Il faut prendre en considération cette option au cas où une mesure serait prise, sinon la mise sous condition créera des effets de seuil incompréhensibles. Il est déjà annoncé qu’un ménage de deux actifs avec deux enfants sera jugé aisé avec 5 000 euros par mois. Madame la ministre, la richesse commence-t-elle à ce niveau pour une famille avec deux enfants à charge ?
Enfin, la mise sous condition de ressources frappera en conséquence très fortement un petit nombre d’allocataires, les cadres actifs moyens de trente-cinq à quarante-cinq ans, c’est-à-dire ceux qui contribuent le plus à la dynamique économique du pays, ce qui sera de nature à brider la croissance et saper tout modèle de promotion sociale.
Pourquoi avoir fait un tel choix si ce n’est pour des raisons d’affichage ? Le Gouvernement doit avoir en tête qu’il faut éviter les augmentations visibles d’impôts.
En résumé, s’il faut vraiment prendre une mesure concernant le financement de la politique familiale, nous préconisons la fiscalisation des allocations plutôt que la mise sous condition de ressources. J’espère que nous serons entendus. En tout cas, nous appelons de nos vœux un plan volontariste en faveur de l’offre d’accueil, faute de quoi il y aura effectivement des raisons de s’inquiéter pour le devenir de la politique familiale.